1C_442/2023 19.01.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_442/2023
Arrêt du 19 janvier 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix, Haag, Müller et Merz.
Greffière : Mme Rouiller.
Participants à la procédure
Eglise évangélique réformée du canton de Fribourg, représentée par Mes Adrien Alberini et Alma Marchand, avocats,
recourante,
contre
Direction de la sécurité, de la justice et du sport de l'Etat de Fribourg, Grand-Rue 27, case postale, 1701 Fribourg.
Objet
Protection des données; accès aux données du contrôle des habitants,
recours contre l'arrêt de la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 29 juin 2023 (601 2023 4).
Faits :
A.
En 2021, l'Eglise évangélique réformée du canton de Fribourg (ci-après: EERF) a demandé un accès à différentes données de la plateforme informatique FriPers, qui est gérée par l'Etat de Fribourg et comprend les données enregistrées dans les registres communaux des habitants. L'accès requis consistait en un accès indirect, à savoir la remise régulière à l'EERF, par l'autorité compétente, d'un fichier contenant les données demandées. L'EERF entendait ainsi pouvoir tenir à jour le registre qu'elle établit de ses membres.
Dans ce cadre, l'EERF souhaitait accéder, pour les habitants de confession évangélique-réformée avec domicile principal dans le canton, aux données correspondant aux caractères 1 à 21, 23 à 28, 31 à 43 et 49 à 52 de la plateforme FriPers. Suite à un préavis de l'Autorité cantonale de la transparence, de la protection des données et de la médiation (ci-après: ATPrDM), la Direction de la sécurité, de la justice et du sport (ci-après: DSJS) a, par décision du 24 novembre 2022, accepté la demande de l'EERF s'agissant des caractères 1, 3 à 6, 10, 12, 14, 16, 19, 25, 27, 31, 32, 38 et 39, et l'a rejetée pour le surplus.
B.
Par arrêt du 29 juin 2023, la I e Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois (ci-après: Tribunal cantonal) a partiellement admis le recours formé par l'EERF contre la décision de la DSJS.
Elle a ainsi admis la demande d'accès de l'EERF aux données FriPers en ce qui concerne les caractères 17 (état civil) et 18 (date d'événement d'état civil), ainsi que, s'agissant des enfants mineurs, les caractères 49 (nom et prénoms actuels du père [si même commune]) et 50 (nom et prénoms actuels de la mère [si même commune]).
Le Tribunal cantonal a toutefois considéré que l'EERF ne pouvait pas accéder aux caractères 2 (numéro AVS [ci-après: NAVS]), 7 (nom alias), 8 (autre[s] nom[s]), 9 (nom selon la déclaration), 11 (prénom usuel), 13 (prénom selon déclaration), 15 (lieu de naissance), 20 (nationalité), 21 (lieux d'origine), 23 (commune d'annonce), 24 (relation d'annonce), 26 (lieu de provenance), 28 (lieu de destination), 33 (date de déménagement), 34 (identificateur de bâtiment [EGID]), 35 (catégorie de ménage), 36 (identificateur de logement [EWID]), 37 (numéro de ménage), 40, 41, 42 et 43 (nom, prénom, date de naissance et sexe du conjoint[e]/partenaire enregistré[e]), ainsi qu'aux caractères 51 (nom et prénoms du père à la naissance de l'enfant) et 52 (nom et prénoms de la mère à la naissance de l'enfant). Elle ne pouvait pas non plus obtenir un accès, s'agissant d'habitants majeurs, aux caractères 49 (nom et prénoms actuels du père [si même commune]) et 50 (nom et prénoms actuels de la mère [si même commune]).
A l'appui de son raisonnement, le Tribunal cantonal a rappelé que la communication de données devait être indispensable à l'accomplissement des tâches légales du destinataire et que les données traitées devaient être strictement nécessaires au but légitime poursuivi. Il a en substance considéré que certaines données n'étaient pas nécessaires pour que l'EERF puisse accomplir ses tâches fondamentales et que la plupart des données requises pouvaient être obtenues par la recourante en recoupant les informations dont elle disposait déjà ou en s'adressant directement auprès des paroissiens.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'EERF demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal du 29 juin 2023, à l'exception des caractères auxquels le Tribunal cantonal lui avait donné accès, et de lui accorder un accès aux caractères 2, 7, 8, 9, 11, 13, 20, 21, 23, 24, 26, 28, 33, 34, 35, 36, 37, 40, 41, 42, 43, 51 et 52, ainsi que 49 et 50 s'agissant des personnes majeures. Subsidiairement, elle conclut à ce que l'arrêt du Tribunal cantonal du 29 juin 2023 soit annulé, à l'exception des caractères auxquels le Tribunal cantonal lui avait donné accès, et la cause renvoyée à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le Tribunal cantonal renvoie aux considérants de son arrêt et conclut au rejet du recours. La DSJS s'en remet à justice, tout en précisant que l'accès à certaines données des habitants du canton de Fribourg n'est pas nécessaire à l'accomplissement des tâches de la recourante et rappelant lui avoir déjà octroyé l'accès à un grand nombre de caractères.
La recourante a par la suite persisté dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF)
1.2. Conformément à l'art. 89 al. 2 let. c LTF, les communes et les autres collectivités de droit public - parmi lesquelles figurent les corporations religieuses de droit cantonal - ont qualité pour recourir dans la mesure où elles sont atteintes par la décision attaquée en tant que détentrices de la puissance publique et qu'elles peuvent faire valoir une atteinte à leur autonomie ou à d'autres garanties qui leur sont reconnues par le droit constitutionnel cantonal ou fédéral (cf. ATF 145 I 121 consid. 1.5.2 et les arrêts cités; 108 Ia 82 consid. 1b; arrêt 2C_508/2022 du 16 février 2023 consid. 1.2).
En l'occurrence, l'EERF est une corporation de droit public cantonal dotée de la personnalité juridique (art. 3 al. 2 de la loi fribourgeoise du 26 septembre 1990 concernant les rapports entres les Eglises et l'Etat, [LEE/FR; RSF 190.1]). Faisant valoir une violation de l'autonomie dont elle bénéficie en vertu de l'art. 141 al. 2 de la Constitution du canton de Fribourg (Cst./FR; RSF 10.1), elle est autorisée à agir (art. 89 al. 2 let. c LTF). Savoir si la décision de ne pas l'autoriser à accéder à certaines données contenues sur la plateforme FriPers atteint réellement la recourante dans son autonomie relève du fond (cf. ATF 136 I 36 consid. 1.4 concernant l'autonomie communale). Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner si les conditions de l'art. 89 al. 1 LTF sont elles aussi remplies.
1.3. Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours.
2.
La recourante reproche en premier lieu à l'autorité précédente d'avoir violé son autonomie telle que consacrée par l'art. 141 al. 2 Cst./FR, ainsi que sa liberté religieuse (art. 15 Cst.) dont découle un droit à l'autonomie.
2.1. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 let. c LTF; ATF 147 I 297 consid. 1.4; 138 I 171 consid. 1.5). La notion de droit constitutionnel cantonal inclut également les garanties que les constitutions cantonales accordent aux communes ou à d'autres corporations de droit public, telles que leur autonomie (ATF 136 I 316 consid. 2.2.1; arrêt 2C_421/2013 du 21 mars 2014 consid. 2.2 non publié in ATF 140 I 201). Il ne revoit en revanche l'interprétation et l'application des autres dispositions de droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Dans ce cadre, il appartient à la partie recourante de démontrer par une argumentation qui réponde aux exigences des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF en quoi une norme cantonale ou communale a été appliquée arbitrairement. La partie recourante doit ainsi indiquer précisément quelle disposition constitutionnelle ou légale a été violée et démontrer par une argumentation précise en quoi consiste la violation.
2.2. Les Eglises dotées d'un statut de droit public ne jouissent pas à proprement parler de la liberté religieuse corporative découlant de l'art. 15 Cst. (VINCENT MARTENET/DAVID ZANDIRAD, in Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, no 110 ad art. 15 Cst.; MARKUS MÜLLER, Religion im Rechtstaat - Von der Neutralität zur Toleranz, 2017, p. 100). Elles disposent toutefois dans ce cadre d'une certaine autonomie organisationnelle, qui leur reconnaît la compétence de s'organiser et de se gérer en principe sans intervention de l'Etat. Cette autonomie n'étant toutefois pas synonyme d'indépendance absolue, elle ne peut être utilisée qu'en lien avec l'objectif qu'elle est censée servir et dans les limites du droit constitutionnel cantonal qui lui est applicable (U RS JOSEF CAVELTI/ANDREAS KLEY, in Basler Kommentar, Bundesverfassung, 2023, no 35 ad art. 15 Cst.; JACQUES DUCARROZ, Le statut juridique des Eglises dans le canton de Fribourg, in Rapports Eglises-Etat en mutation - La situation en Suisse romande et au Tessin, 1997, p. 174; UELI FRIEDERICH, Droit d'autodétermination des Eglises et communautés religieuses, in Etat fédéral et communautés religieuses, Annuaire suisse de droit ecclésial, 2003, Cahier 4, p. 182 ss; MARKUS MÜLLER, Religion - Kirche - Politik, (K) ein harmonischer Dreiklang?, in Staat und Religion in der Schweiz des 21. Jahrhunderts, 2020, p. 69). L'autonomie organisationnelle se compose de deux aspects principaux: le droit de s'organiser librement s'agissant de leurs propres affaires et celui d'exercer tous les actes indispensables pour mener à bien leurs activités essentielles (MARTENET/ ZANDIRAD, op. cit., no 108 ss ad art. 15 Cst. et no 28 s. ad art. 72 Cst.). Les affaires internes comprennent notamment la doctrine, le culte, l'enseignement religieux, la mission ou les activités caritatives (ATF 120 Ia 194 consid. 2c; MARTENET/ZANDIRAD, op. cit., no 29 ad art. 72 Cst.).
Dans le canton de Fribourg, l'art. 141 al. 2 Cst./FR prévoit que les Eglises reconnues, dont fait partie l'EERF, sont autonomes; le même article soumet toutefois leur organisation à l'approbation de l'Etat. L'art. 6 al. 1 LEE/FR précise que les corporations ecclésiastiques sont autonomes par rapport à l'Etat et aux communes; à ce titre et dans les limites fixées par la loi, elles s'organisent et gèrent leurs ressources et leurs biens librement (let. a), elles édictent les règles nécessaires à leur organisation et à l'accomplissement de leurs tâches (let. b), et elles tranchent définitivement les contestations internes relatives à l'application de la présente loi et de leur propre réglementation (let. c).
La Constitution ecclésiastique de l'Eglise évangélique réformée du canton de Fribourg (Cst./EERF; RSF 192.11) prévoit que l'EERF remplit sa tâche par la prédication, le baptême, la sainte cène, l'enseignement religieux, la formation des enfants, des jeunes et des adultes, l'accompagnement spirituel, la diaconie, l'évangélisation, la participation aux oeuvres d'entraide et de mission des Eglises et par tout autre moyen dont elle dispose (art. 3 al. 2 Cst./EERF).
2.3. En l'espèce, la question se pose de savoir si le refus d'octroyer à la recourante l'accès à certaines données collectées sur la plateforme FriPers viole l'autonomie qui lui est conférée par le droit constitutionnel cantonal, en particulier son droit à exercer les actes indispensables pour mener à bien ses activités essentielles.
La recourante affirme que les données requises seraient nécessaires pour qu'elle puisse organiser des événements visant à réunir ses fidèles lors de célébrations protestantes ou en vue de leur intégration au sein de la communauté. Elle soutient à cet égard que ce type d'activités constituerait l'une de ses tâches essentielles. En estimant que ces données ne sont pas nécessaires à la réalisation d'une tâche fondamentale et en refusant par conséquent l'accès requis, l'autorité précédente empiéterait sur l'autonomie de la recourante. Partant, l'autorité aurait dû faire preuve de retenue en analysant la nécessité, pour la recourante, d'accéder aux données requises.
Contrairement à ce que soutient la recourante, il ne peut être retenu qu'elle jouit d'une autonomie illimitée au seul motif que l'art. 141 al. 1 Cst./FR prévoit, sans autre précision, que les Eglises sont autonomes. Cette disposition doit en effet être lue en lien avec la LEE/FR, qui mentionne expressément que les églises reconnues s'organisent et gèrent leurs ressources et leurs biens librement. L'autonomie consacrée porte donc principalement sur des questions organisationnelles. A cet égard, on comprend que la recourante fait principalement grief à l'autorité précédente d'avoir entravé son efficacité opérationnelle, au motif que l'obtention des données requises par d'autres biais que la plateforme FriPers lui demanderait d'adopter une série de mesures et d'ajuster son fonctionnement en conséquence. Elle n'indique toutefois pas en quoi consisteraient ces mesures et pour quelles raisons précises elles l'empêcheraient de mener à bien les activités essentielles visées, à savoir l'organisation d'événements ou d'activités. La seule affirmation que ledit refus entraînerait un éventuel surcroît de travail pour la recourante n'est pas suffisante pour démontrer une violation de son autonomie.
La recourante estime encore que ses paroissiens auraient consenti à ce qu'elle puisse bénéficier et traiter leurs données personnelles. Elle ne donne aucune indication supplémentaire à ce sujet et n'expose pas en quoi cela aurait une influence dans le cadre d'une prétendue violation de son autonomie organisationnelle.
Au vu de ce qui précède, la recourante ne parvient pas à démontrer en quoi son autonomie serait réellement violée par la décision attaquée.
2.4. Au demeurant, la recourante a pris le parti de n'invoquer qu'une violation de l'autonomie qui lui est consacrée par la constitution fribourgeoise. Elle ne prétend pas, à raison, que l'autorité précédente aurait fait preuve d'arbitraire en jugeant que les données requises n'étaient pas nécessaires pour l'accomplissement de ses tâches au sens de l'art. 10 al. 1 let. a de l'ancienne loi fribourgeoise sur la protection des données du 25 novembre 1994 (aLPrD [remplacée depuis le 1er janvier 2024 par la loi sur la protection des données du 12 octobre 2023]; RSF 17.1).
3.
Dans un autre grief, qu'elle invoque en rapport avec la violation de son autonomie (cf. consid. 2 ci-dessus), on comprend que la recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 153c al. 1 let. a de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS; RS 831.10), dont la teneur est la suivante:
1 Seules les autorités, organisations et personnes suivantes sont habilitées à utiliser le numéro AVS de manière systématique:
a. dans la mesure où l'exécution de leurs tâches légales le requiert:
1. les départements fédéraux et la Chancellerie fédérale,
2. les unités décentralisées de l'administration fédérale,
3. les unités des administrations cantonales et communales,
4. les organisations et les personnes de droit public ou de droit privé qui sont extérieures aux administrations visées aux ch. 1 à 3 et qui sont chargées de tâches administratives par le droit fédéral, cantonal ou communal ou par contrat, si le droit applicable prévoit l'utilisation systématique du numéro AVS,
5. les établissements de formation.
La recourante estime que l'art. 153c al. 1 let. a ch. 3 LAVS aurait dû lui être appliqué par analogie, en raison d'une lacune proprement dite dans la loi, et que, par conséquent, l'accès au NAVS de ses paroissiens aurait dû lui être octroyé.
La question qui se pose est donc de savoir si c'est par inadvertance ou à dessein que le législateur fédéral n'a pas posé de règle spécifique à l'utilisation systématique du NAVS par les corporations ecclésiastiques de droit public. Il s'agit, en d'autres termes, de rechercher si l'art. 153c al. 1 let. a LAVS comporte ou non une lacune susceptible d'être comblée par le tribunal.
3.1. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 149 IV 9 consid. 6.3.2.1; 147 IV 385 consid. 2.1).
L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune authentique (ou proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminé de la norme ne constitue un abus de droit ou ne viole la Constitution (ATF 149 III 117 consid. 3.1; 148 V 84 consid. 7.1.2).
3.2. Seules les autorités, organisations et personnes définies dans la loi sont habilitées à utiliser le NAVS de manière systématique. Par utilisation systématique, il faut comprendre la situation dans laquelle l'intégralité, une partie ou une forme modifiée du NAVS est liée à des données personnelles collectées de manière structurée (art. 153b ss LAVS). Parmi les autorités habilitées, l'art. 153c al. 1 let. a ch. 3 LAVS prévoit que les unités des administrations cantonales et communales peuvent faire usage du NAVS de manière systématique dans la mesure où l'exécution de leurs tâches légales le requiert.
Il ressort du texte de la loi que les autorités, organisations et personnes habilitées à utiliser le NAVS de manière systématique sont énoncées de manière exhaustive à l'art. 153c al. 1 LAVS ("seules les autorités, organisations et personnes suivantes sont habilitées..."). Au surplus, la notion d'unité des administrations cantonales et communales se réfère aux seules unités appartenant à l'administration (cf. Message relatif à la modification de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants - Utilisation systématique du numéros AVS par les autorités [ci-après: Message NAVS], FF 2019 6982). Le texte, clair, de cette disposition ne laisse ainsi pas la place à une autre interprétation. La recourante ne conteste au demeurant pas que le but de la loi vise à limiter l'utilisation systématique du NAVS. Partant, contrairement à ce qu'elle soutient, on ne distingue pas de lacune proprement dite appelant l'intervention du juge.
Au surplus, la recourante ne peut être suivie lorsqu'elle affirme que l'art. 153c al. 1 let. a ch. 3 LAVS devrait lui être appliqué par analogie au motif que son statut est très largement comparable à celui des communes, lesquelles sont habilitées par cette même disposition à utiliser le NAVS de manière systématique lorsque l'exécution de leurs tâches légales le requiert. La recourante soutient qu'il n'existe aucune raison de la traiter différemment d'une commune dès lors qu'elle bénéficie d'une grande autonomie, à l'image d'une commune. Or, les églises, même reconnues de droit public, ne sont pas l'Etat, ni ne sauraient être assimilées à des organes de l'Etat (BERNHARD EHRENZELLER, L'avenir est-il à une séparation de l'Eglise et de l'Etat, in Eglise catholique et Etat en Suisse, 2010, p. 68). Le fait qu'elles se voient octroyer par le droit cantonal des prérogatives de puissance publique normalement réservées à l'Etat ne fait pas d'elles des émanations de ce dernier (MARTENET/ZANDIRAD, op. cit., no 47 ad art. 15 Cst.). Il n'apparaît par conséquent pas contraire à la systématique de la LAVS d'avoir opéré une distinction entre la recourante et une commune.
3.3. Finalement, il convient encore de relever que la recourante ne prétend pas, à raison, que l'art. 153c al. 1 let. a ch. 4 LAVS lui serait applicable. Celui-ci prévoit que les organisations et les personnes de droit public ou de droit privé qui sont extérieures aux administrations visées aux chiffres 1 à 3 et qui sont chargées de tâches administratives par le droit fédéral, cantonal ou communal ou par contrat, sont habilitées à utiliser le NAVS de manière systématique si le droit applicable prévoit l'utilisation systématique du NAVS et si l'exécution de leurs tâches légales le requiert. Ce chiffre vise en effet les personnes et organisations notamment de droit public qui accomplissent une tâche administrative et qui sont autorisées à utiliser systématiquement le NAVS par une loi spéciale correspondante (Message NAVS, FF 2019 6982). Or, il n'est pas contesté que tel n'est pas le cas pour la recourante.
3.4. Au vu de ce qui précède, le grief de violation de l'art. 153c LAVS est mal fondé.
4.
Il s'ensuit que le recours est rejeté.
Dès lors que la recourante agit dans le cadre de ses attributions officielles, le présent arrêt est rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, ainsi qu'à la Direction de la sécurité, de la justice et du sport et à la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
Lausanne, le 19 janvier 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Rouiller