2C_244/2024 09.10.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_244/2024
Arrêt du 9 octobre 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Kradolfer.
Greffier : M. de Chambrier.
Participants à la procédure
A.________,
recourante,
contre
Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) du canton de Vaud,
Direction des affaires juridiques,
place du Château 1, 1014 Lausanne,
intimée.
Objet
Remboursement de l'assistance judiciaire gratuite,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 25 mars 2020 (GE.2024.0001).
Faits :
A.
A.a. Par décision du Tribunal d'arrondissement de Lausanne du 21 avril 2021, l'assistance judiciaire gratuite a été octroyée à A.________ (ci-après: l'intéressée, puis la recourante) pour une procédure civile qui se déroulait alors devant ce tribunal. Dite procédure s'est terminée, par jugement du 11 juin 2021, fixant le montant des frais judiciaires à hauteur de 240 fr., mis provisoirement à la charge de l'État, compte tenu du bénéfice de l'assistance judiciaire.
A.b. Le 27 juillet 2021, la Direction du recouvrement de la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes du canton de Vaud (ci-après: la Direction) a confirmé à l'intéressée que compte tenu de sa situation financière, elle bénéficiait " provisoirement de l'exonération du remboursement de la créance " d'assistance judiciaire. Le relevé du dossier indiquait, à la même date, qu'un montant de 190 fr., sur les 240 fr. initialement dus, restait encore à payer.
A.c. Le 15 juillet 2022, la Direction a adressé à l'intéressée un courrier muni d'un bulletin de versement l'invitant à s'acquitter du montant encore dû dans les 30 jours. En se référant à cette correspondance, par courriel du 21 juillet 2022, l'intéressée s'est étonnée de recevoir une facture sans que sa situation n'ait été revue et sans que l'autorité ne rende une nouvelle décision. Elle en concluait, en substance, que cette facture était nulle et en demandait la confirmation. Par courriel du 20 octobre 2022, la Direction a transmis à l'intéressée une nouvelle formule de budget mensuel. L'intéressée y a répondu par courrier du 31 octobre 2022. A la suite de cet échange, la Direction n'a pas rendu de décision.
B.
Le 21 novembre 2023, la Direction a envoyé à l'intéressée un courrier mentionnant le solde encore dû au titre de l'assistance judiciaire de 190 fr., en l'invitant encore une fois à lui faire parvenir ce montant au moyen du bulletin de versement inclus dans ledit courrier. Il était également précisé dans cet écrit ce qui suit: " Pour obtenir un plan de paiement, vous pouvez en faire la demande par écrit directement à notre adresse en indiquant le numéro de référence ainsi que votre proposition de remboursement. Afin de nous permettre d'évaluer votre situation financière, nous vous remercions de nous faire parvenir les justificatifs de vos charges et revenus ".
Par arrêt du 25 mars 2024, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a déclaré irrecevable le recours interjeté par l'intéressée le 3 janvier 2024 contre l'écrit susmentionné du 21 novembre 2023, celui-ci ne constituant pas à ses yeux une décision susceptible de recours.
Entre-temps, le 5 janvier 2024, la Direction avait fait parvenir à l'intéressée un rappel pour la facture du 21 novembre 2023.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais, d'annuler l'arrêt attaqué du 25 mars 2024 et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour qu'il entre en matière sur le recours déposé devant lui le 3 janvier 2024.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer sur le recours et se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. La Direction indique qu'elle ne souhaite pas se prononcer sur le fonds et qu'elle se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. Elle conclut néanmoins à l'irrecevabilité du recours, faute d'intérêt à recourir, et, subsidiairement, au rejet de celui-ci. La recourante a répliqué.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 II 476 consid. 1).
1.1. Dans une procédure administrative, l'auteur d'un recours déclaré irrecevable pour défaut de qualité pour recourir notamment est habilité à contester l'arrêt d'irrecevabilité par un recours en matière de droit public, lorsque l'arrêt au fond aurait pu être déféré au Tribunal fédéral par cette voie de droit (ATF 135 II 145 consid. 3.2; arrêt 2C_711/2018 du 7 juin 2019 consid. 1.1, non publié in ATF 145 II 328), ce qui est en l'occurrence le cas.
1.2. Selon la jurisprudence, le destinataire de l'arrêt attaqué dispose d'un intérêt digne de protection à demander l'annulation de l'arrêt d'irrecevabilité, cela indépendamment et sans préjudice du motif d'irrecevabilité retenu par l'autorité précédente, qui constitue l'objet de la contestation devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 145 II 168 consid. 2; arrêt 2C_495/2023 du 22 février 2024 consid. 1.2). Cette règle ne dispense pas la partie recourante d'avoir un intérêt à l'annulation de l'arrêt d'irrecevabilité (art. 89 al. 1 let. c LTF).
En l'occurrence, le motif d'irrecevabilité retenu par le Tribunal cantonal réside dans l'absence de décision attaquable. Ce motif fonde l'objet du litige porté devant le Tribunal fédéral, lequel devrait être traité au fond. En revanche, la question de savoir si la recourante dispose d'un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation de l'arrêt attaqué appartient aux conditions de recevabilité du recours déposé auprès du Tribunal fédéral. Dans le présent cas, cette question ne se confond ni avec l'objet de la contestation, ni avec celui du litige (sur ces notions, cf. ATF 142 I 155 consid. 4.4.2).
1.3. Pour disposer de la qualité pour recourir, la LTF exige notamment que la partie recourante ait un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 89 al. 1 let. c LTF).
Selon la jurisprudence, l'intérêt digne de protection, au sens de cette disposition, consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2; 138 III 537 consid. 1.2.2; arrêts 2C_264/2023 du 11 janvier 2024 consid 5.3; 2C_1054/2016 du 15 décembre 2017 consid. 2.2, non publié in ATF 144 II 147).
L'intérêt digne de protection doit en outre être actuel et pratique. Il est exceptionnellement fait abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 et les arrêts cités).
1.4. Dans sa prise de position du 16 mai 2024, la Direction indique que la recourante ne disposerait pas d'un intérêt digne de protection à recourir devant le Tribunal fédéral. Selon elle, l'arrêt attaqué, qui retient que la facture du 21 novembre 2023 n'est pas une décision, est favorable à la recourante et celle-ci n'a pas d'intérêt à faire admettre le caractère contraignant de ladite facture.
Dans sa réplique, la recourante fait valoir qu'" il est manifeste que je dispose d'un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation de l'arrêt [attaqué] , ce qui obligera la Cour cantonale à examiner le fond de la contestation et permettra, le cas échéant, d'obtenir l'annulation de la facture du 21 novembre 2023". Selon elle, en déniant la qualité de décision à ladite facture et en déclarant irrecevable le recours interjeté contre cet acte, le Tribunal cantonal laisse subsister une facture ayant manifestement l'apparence d'une décision, ce qui est de nature à induire en erreur de nombreux justiciables se voyant notifier des factures similaires, dès lors qu'il n'est nullement indiqué qu'il ne s'agit pas d'une décision.
1.5. En l'occurrence, on ne voit pas quel intérêt digne de protection la recourante aurait à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour qu'il statue au fond. L'intéressée ne tirerait en effet aucun bénéfice d'un tel renvoi et d'une éventuelle annulation, par l'autorité précédente, de la facture du 21 novembre 2023, en tant que décision. A cet égard, il ressort de l'arrêt entrepris que cette facture ne dispose pas de force contraignante, ni ne touche directement aux droits et aux obligations de l'intéressée (ce que la Direction avait par ailleurs confirmé devant l'autorité précédente, en précisant qu'il ne s'agissait pas d'une décision et que la recourante restait libre de payer ou non cette facture selon sa situation financière; cf. prise de position du 19 janvier 2024; art. 105 al. 2 LTF). Il ne ressort pas non plus des faits de l'arrêt attaqué que le rappel du 5 janvier 2024, qui a suivi la facture du 21 novembre 2023, aurait été accompagné de frais de rappel.
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal relève également qu'une éventuelle mesure d'exécution ne pourra être mise en oeuvre à l'encontre de la recourante qu'à la suite de l'entrée en force d'une décision portant sur l'obligation de rembourser. Il exclut que la facture en cause puisse être assimilée à une telle décision, laquelle devra être prononcée conformément à l'art. 39a al. 3 du Code vaudois de droit privé du 12 janvier 2010 (CDPJ; RS/VD 211.01), qui prévoit que "le département détermine, par voie de décision, si et dans quelle mesure la situation financière du bénéficiaire de l'assistance judiciaire lui permet de rembourser celle-ci". La recourante pourra ainsi faire valoir l'ensemble de ses arguments de fait ou de droit dans le cadre de la procédure menée contre une éventuelle décision formelle de remboursement.
Par ailleurs, la recourante perd de vue qu'une facture émanant d'une collectivité publique ne constitue pas nécessairement une décision (cf. ATF 143 II 268 consid. 4.2.2; arrêt 2C_444/2015 du 4 novembre 2015 consid. 3.2.3 et les arrêts cités), y compris si celle-ci comporte un délai pour s'acquitter du paiement (cf. ATF 143 II 268 consid. 4.2.2). Le refus de qualifier une facture de décision n'est ainsi, en soi, pas incompatible avec la sécurité du droit. A cet égard, il est également rappelé que le "recours populaire" n'est pas admis (cf. ATF 135 II 145 consid. 6.1) et que la recourante ne peut partant pas disposer d'un intérêt à recourir en faveur de tiers auxquels des factures identiques seraient envoyées.
L'arrêt 2C_603/2023 du 21 février 2024, que la recourante cite à l'appui de sa réplique, ne lui est d'aucun secours. En effet, dans celui-ci et contrairement au cas d'espèce, la partie recourante avait un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt d'irrecevabilité et à ce que, au fond, le courrier litigieux soit considéré comme une décision attaquable, puisque cet acte lui reconnaissait le statut de bailleur de services assujetti à la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services (LSE; RS 823.11) et avait, ainsi, potentiellement un effet sur sa situation.
Enfin et par surabondance, la recourante allègue aussi à tort que la facture du 21 novembre 2023 avait " manifestement l'apparence d'une décision ", ce qui lui est d'ailleurs défavorable. En effet, il ressort de l'arrêt attaqué que celle-ci ne comportait pas le terme "décision", ni d'indication des voies de droit ou de dispositif.
2.
Vu ce qui précède, le présent recours doit être déclaré irrecevable. Compte tenu des circonstances, il se justifie de renoncer à percevoir des frais de justice (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 9 octobre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : A. de Chambrier