1C_71/2024 11.10.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_71/2024
Arrêt du 11 octobre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Haag,
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________,
B.________,
C.________,
représentés par Me Mikael Benoit, avocat,
recourants,
contre
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8.
Objet
Autorisation de construire; blocage du loyer; fixation
du loyer initial; remboursement du trop-perçu; amende administrative,
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 12 décembre 2023
(ATA/1334/2023 - A/4415/2022-LDTR).
Faits :
A.
A.________, B.________ et C.________ sont propriétaires d'un appartement de trois pièces de 65 mètres carrés au troisième étage de l'immeuble sis à la rue du U.________ xxx, à Genève. L'immeuble a été construit dans les années 1950 et comporte 72 logements dont la régie D.________ SA gère la location depuis le 1er juin 2015.
L'appartement a été remis en location du 1er décembre 2001 au 30 juin 2016 pour un loyer annuel de 11'400 fr. Durant le bail, l'ancienne régie a procédé, en septembre 2010, à une intervention d'urgence pour une fuite d'eau dans la salle de bain ayant nécessité le remplacement du siphon du lavabo pour un montant de 337,35 fr. et, en avril 2011, à des travaux de remise en état des fenêtres pour un montant de 789,15 fr.
Au départ du locataire, en été 2016, des travaux ont été réalisés pour un montant total de 24'374 fr. Ces travaux ont porté sur la réfection de la peinture et du papier peint de l'appartement, le ponçage et l'imprégnation des parquets et des seuils, le réglage des menuiseries, le remplacement des poignées et des rosaces de portes, de deux butoirs de porte usés, de la barre de l'armoire de la chambre et de cinq rayonnages du réduit, le remplacement à l'identique du plan de travail, la pose d'un caisson haut de cuisine, la réfection des installations électriques, notamment le remplacement des prises et interrupteurs, le ré-émaillage de la baignoire ainsi que le remplacement du lavabo et des accessoires de la salle de bain. L'appartement a été remis à bail dès le 15 août 2016 à un nouveau locataire pour un loyer de 22'800 fr. par an.
Le 9 juin 2021, la régie s'est adressée à l'Office cantonal du logement et de la planification foncière du Département du territoire (ci-après: l'OCLPF) pour savoir si elle pouvait provisoirement équiper l'appartement d'appareils mobiles sans demander d'autorisation en application de la loi genevoise sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR; rsGE L 5 20).
En janvier 2022, l'OCLPF a demandé à pouvoir visiter l'appartement. En l'absence de la locataire, la visite n'a pas pu se faire. Se fondant sur les photographies prises par la locataire, l'OCLPF a constaté que l'appartement avait fait l'objet de travaux sans avoir fait l'objet d'une autorisation. Le 4 avril 2022, il a imparti à la régie un délai de 30 jours pour faire valoir ses observations et ses explications éventuelles concernant les travaux exécutés dans le logement ainsi que l'évolution nominative et financière de l'état locatif.
A la requête du Département du territoire, la régie a déposé en date du 14 octobre 2022 une demande en autorisation de construire en procédure accélérée visant à régulariser les travaux, en précisant qu'à son sens, ils ne devaient pas faire l'objet d'une demande d'autorisation ni d'un contrôle des loyers.
Le 2 novembre 2022, l'OCLPF a rendu un préavis favorable à la condition que le loyer de l'appartement après travaux n'excède pas son niveau actuel, soit 11'400 fr. par an, ce loyer devant être appliqué pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux.
Le 25 novembre 2022, le Département du territoire a accordé l'autorisation de construire requise aux conditions fixées notamment par l'OCLPF.
Le 16 décembre 2022, il a imparti aux propriétaires un délai de trente jours pour établir un nouvel avis de fixation du loyer initial et rembourser le trop-perçu aux locataires de l'appartement durant la période de contrôle, soit 28'025 fr. Il leur a également infligé une amende administrative de 5'600 fr.
Au terme d'un jugement rendu le 20 juin 2023 sur recours des propriétaires, le Tribunal administratif de première instance a annulé ces décisions motif pris que les travaux réalisés en 2016 dans l'appartement litigieux devaient être considérés comme de purs travaux d'entretien non soumis à autorisation.
Par arrêt du 12 décembre 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice a admis le recours interjeté par le Département du territoire contre ce jugement qu'il a annulé et a rétabli les décisions des 25 novembre et 16 décembre 2022.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________ et C.________ demandent au Tribunal fédéral principalement d'annuler cet arrêt, de dire que les travaux effectués en 2016 dans l'appartement de deux pièces sis à la rue du U.________ xxx à Genève n'étaient pas soumis à une autorisation de construire en procédure accélérée fondée sur la LDTR, d'annuler les décisions du Département du territoire du 16 novembre 2022 et du 2 décembre 2022 et subsidiairement d'annuler l'arrêt attaqué, de confirmer le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2023.
La Chambre administrative s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département du territoire propose de rejeter le recours.
Les recourants ont déposé une réplique à laquelle le Département du territoire a brièvement répondu.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure devant la Cour de justice. Ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui confirme l'assujettissement à une autorisation de construire des travaux exécutés en 2016 dans l'appartement du troisième étage de l'immeuble sis à la rue du U.________ xxx, à Genève, l'ordre de notifier un nouvel avis de fixation du loyer initial, le blocage du loyer pour une période de trois ans, la restitution du trop-perçu de loyers aux précédents locataires et l'amende administrative prononcée en première instance. Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que cet arrêt et les décisions qu'il confirme soient annulés (art. 89 al. 1 LTF). Les autres conditions de recevabilité sont réunies en sorte qu'il convient d'entrer en matière.
2.
Les recourants soutiennent que les travaux réalisés durant l'été 2016 dans l'appartement litigieux relevaient de l'entretien et ne seraient en conséquence pas assujettis à une autorisation de construire au sens de la LDTR. Ils dénoncent l'application prétendument arbitraire faite de l'art. 3 al. 1 let. d et al. 2 LDTR.
2.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Il ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1).
2.2. La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). Celle-ci prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 9 al. 1 LDTR). Selon l'art. 3 al. 1 let. d LDTR, sont qualifiés de transformation les travaux qui ont pour objet la rénovation, c'est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d'une maison d'habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve qu'il ne s'agisse pas de travaux d'entretien. A teneur de l'art. 3 al. 2 LDTR, sont considérés comme tels et non assujettis à la LDTR, les travaux courants qui font partie des frais d'exploitation ordinaires d'une maison d'habitation; les travaux raisonnables d'entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation, pour autant qu'ils n'engendrent pas une amélioration du confort existant.
La distinction entre travaux d'entretien et travaux de transformation peut être délicate à opérer. Le critère de l'accroissement du confort existant est déterminant pour distinguer des travaux de transformation des travaux d'entretien, la LDTR ne devant pas instituer un contrôle général des loyers (GAIDE/DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation : immeubles de logements et appartements : loi genevoise et panorama des autres lois cantonales, 2014, n° 2.5.2, p. 192). Il est toutefois possible de s'en écarter lorsque l'importance des travaux justifie d'assimiler les travaux de rénovation à des travaux de transformation (GAIDE/DÉFAGO GAUDIN, op. cit., n° 2.5.3, p. 193). Selon la jurisprudence, l'exécution de travaux de remise en état auxquels le bailleur est tenu en vertu du CO ne procure en général pas un confort supplémentaire au locataire par rapport à ce qui est convenu dans le contrat de bail. Seules les remises en état qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le maintien de la chose louée en l'état tombent sous le coup de l'art. 3 al. 1 let. d LDTR (arrêts 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 4.1.2; 1C_624/2013 du 13 février 2014 consid. 2.5 et 1P.664/1999 du 1 er septembre 2000 consid. 3 in RDAF 2002 I p. 25). Il n'est pas arbitraire de tenir compte à cet égard des circonstances dans lesquelles les travaux sont accomplis et notamment de leur accumulation en raison d'un défaut d'entretien courant des bâtiments concernés. Il est en particulier admissible pour les autorités cantonales, toujours sous l'angle de la prohibition de l'arbitraire, de considérer que les travaux d'entretien différés dans le temps dont le coût a eu des conséquences importantes sur les loyers, lesquels ne répondent plus aux besoins prépondérants de la population, doivent être soumis à une autorisation de rénover fondée sur la LDTR (arrêts 1C_323/2014 du 10 octobre 2014 consid. 7.1.2 et 1C_624/2013 du 13 février 2014 consid. 2.5). Dans un tel cas, l'accumulation des travaux confère une ampleur propre à engendrer un changement de niveau des loyers tel que la destination de l'immeuble en est modifiée (GAIDE/DÉFAGO GAUDIN, op. cit., n° 2.5.3, p. 192). La pratique genevoise consiste à se référer à la nature, l'ampleur et le coût des travaux ainsi que leur répercussion sur le loyer pour déterminer si les travaux d'entretien par nature doivent être assimilés à des travaux de transformation et, partant, soumis à la LDTR (GAIDE/DÉFAGO GAUDIN, op. cit., n° 2.5.4, p. 193). La Cour de céans a jugé qu'il s'agissait de critères pertinents pour apprécier s'ils relèvent de l'entretien ou au contraire s'ils doivent être assimilés à une rénovation assujettie à une autorisation (arrêt 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 4.2.2). Il n'y a pas lieu de revenir sur cette appréciation.
2.3. La Cour de justice a jugé que les travaux avaient été exécutés de manière regroupée à l'occasion d'un changement de locataires et qu'ils devaient être considérés comme de l'entretien différé, les recourants ne prouvant pas à satisfaction de droit qu'ils auraient procédé à des travaux d'entretien réguliers en cours de bail. Elle a relevé qu'entre 2004 et la demande des propriétaires formulée en juin 2021, un total de 1'109 fr. avait été investi dans l'appartement, soit 337,35 fr. en septembre 2010 suite à une fuite d'eau et 789.15 fr. en avril 2011 en lien avec des travaux de menuiserie visant à remettre en état les fenêtres. Sous réserve de ces interventions, la régie n'avait pas procédé à des travaux d'entretien. Il ne pouvait ainsi valablement être soutenu que l'appartement avait fait l'objet d'un entretien régulier pendant plus de dix ans. Par ailleurs, les travaux litigieux, effectués pour un montant total de 24'374 fr., représentaient près de 260 fois l'investissement annuel moyen ou plus de 21 fois l'investissement consenti entre 2004 et 2016 pour l'entretien de l'appartement de sorte que les recourants ne pouvaient valablement affirmer avoir imaginé que ces travaux n'étaient pas soumis à la LDTR.
Les travaux avaient porté sur la totalité de l'appartement, à plus ou moins grande échelle, ceux-ci ayant été plus importants dans les sanitaires que dans le séjour. Le loyer a été augmenté de 100%, soit une hausse que le Département du territoire pouvait à juste titre considérer comme importante. Ledit pourcentage était bien supérieur au 20% qu'une minorité du Grand Conseil avait proposé comme seuil à partir duquel une augmentation de loyer devait être considérée comme importante (Mémorial du Grand Conseil 1999 9/I 1211). Quand bien même cette proposition avait été refusée, elle donnait un bon indice sur la façon d'évaluer la répercussion des travaux sur le loyer. Par ailleurs, aucun élément ne permettait de retenir que le loyer avant travaux, correspondant à 3'800 fr. la pièce par an, aurait été fixé artificiellement bas dès lors qu'il dépassait déjà le maximum de la fourchette correspondant aux besoins prépondérants de la population.
Dans ces conditions, tant l'ampleur des travaux effectués en 2016 que leur coût et leur répercussion sur le loyer impliquaient qu'ils ne répondaient plus à la définition de travaux raisonnables d'entretien régulier n'ayant pas engendré d'amélioration du confort existant au sens de l'art. 3 al. 2 LDTR. L'appartement répondait au surplus aux besoins prépondérants de la population au sens de l'art. 9 al. 3 LDTR.
En conséquence, une autorisation était nécessaire pour procéder aux travaux en application de l'art. 9 al. 1 LDTR.
2.4. Les recourants se bornent à affirmer de manière appellatoire qu'il serait parfaitement normal et dans l'ordre des choses de procéder à la réfection de l'appartement au terme du bail du locataire, soit à un moment où le logement est inoccupé, sans que cela puisse être taxé d'entretien différé. On ne discerne cependant pas ce qui les aurait empêchés de procéder en cours de bail aux travaux d'entretien usuels et au remplacement des installations requis selon la table de longévité établie par la Fédération romande immobilière et l'Association suisse des locataires. Les recourants ne démontrent pas que l'exécution des travaux ou de certains d'entre eux n'auraient pas été justifiée en cours de bail. Ils relèvent également avoir rénové intégralement dans le même immeuble un appartement de trois pièces pour un montant sept fois plus élevé que celui dont ils se sont acquittés en 2016. La Cour de justice n'a nullement retenu que l'appartement avait fait l'objet d'une rénovation totale. Cet élément n'est donc pas pertinent pour apprécier la nature des travaux entrepris en 2016 et ne permet pas de tenir pour arbitraire l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle l'appartement n'aurait pas été régulièrement entretenu sur la base du fait non contesté que seules deux interventions pour des montants modestes, dont l'une était consécutive à un sinistre, ont été effectuées durant le bail.
Le montant des travaux, sans être excessif, notamment rapporté au coût par pièce, était relativement important au regard de ceux entrepris au cours du bail. En outre, le loyer après travaux a été augmenté de 100 %. L'importance de cette hausse permettait de présumer être en présence de travaux allant au-delà de simples travaux d'entretien et entraînant un changement qualitatif (cf. arrêts 1C_405/2015 du 6 avril 2016 consid. 4.3; 1C_323/2014 du 10 octobre 2014 consid. 7.2). Il n'est à cet égard pas décisif que le nouveau loyer ait été fixé en application de l'art. 269a let. a CO en tenant compte des loyers usuels du quartier. Le fait que le précédent loyer était déjà supérieur à celui correspondant aux besoins prépondérants de la population fixé par la loi n'est en soi pas déterminant et n'exclut pas un changement qualitatif propre à justifier l'assujettissement des travaux d'entretien différés à une autorisation (cf. GAIDE/DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 197 et les arrêts cités en note 77, tous antérieurs aux travaux litigieux dans la présente cause). Il importe enfin peu que le coût des travaux équivalait à 10% de la valeur d'assurance de l'immeuble, voire qu'ils n'aient pas amélioré notablement le confort existant, ces critères n'étant pas décisifs à eux seuls au regard de la jurisprudence pour déterminer si des travaux sont ou non assujettis à une autorisation.
La cour cantonale pouvait ainsi sans verser dans l'arbitraire admettre être en présence de travaux d'entretien différés que la jurisprudence assimile à des travaux de rénovation en raison de leur importance et de leur répercussion sur le montant des loyers, quand bien même ils n'accroissaient pas de manière notable le confort de ses occupants.
3.
Les recourants contestent que les travaux litigieux étaient soumis à un contrôle des loyers et dénonce à ce propos une violation du principe de la proportionnalité dans l'application de l'art. 10 al. 2 LDTR. La Cour de justice aurait omis d'intégrer dans son raisonnement qu'il s'agissait de travaux d'entretien de par leur nature, que leur coût était inférieur à 10'000 fr. par pièce, qu'il représentait 10% de la valeur d'assurance de l'immeuble, que le loyer précédent excédait déjà celui considéré de par la loi comme étant abordable et que le nouveau loyer a été fixé selon les critères du droit du bail.
L'art. 10 al. 1 LDTR autorise le département à fixer le montant maximum des loyers après travaux. Il peut néanmoins y renoncer lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment lorsque les loyers après transformations demeurent peu élevés (art. 10 al. 2 let. a LDTR) ou lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe ou que leurs loyers dépassent d'ores et déjà d'au moins deux fois et demie les besoins prépondérants de la population (art. 10 al. 2 let. b LDTR). Si le loyer avant transformation ou rénovation dépasse le niveau des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, il est maintenu par le département au même niveau lorsqu'il apparaît qu'il permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer (art. 11 al. 3 LDTR). Les loyers et les prix de vente maximaux ainsi fixés sont soumis au contrôle de l'Etat, pendant une période de 5 à 10 ans pour les constructions nouvelles et pendant une période de 3 ans pour les immeubles transformés ou rénovés, durée qui peut être portée à 5 ans en cas de transformation lourde (art. 12 LDTR).
Il n'est pas contesté qu'aucune des hypothèses visées à l'art. 10 al. 2 LDTR ne serait réalisée. Par ailleurs, le texte de la loi n'exclut pas le contrôle des loyers lorsque le loyer de l'appartement avant travaux est supérieur au niveau des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population mais n'atteint pas le seuil fixé à l'art. 10 al. 2 let. b LDTR. Quoi qu'en disent les recourants, le blocage du loyer au montant fixé au départ du précédent locataire était apte à conserver l'appartement à un prix plus abordable qu'il ne le serait en l'absence d'une telle mesure. Il est au surplus conforme à l'art. 11 al. 3 LDTR. On ne saurait dire que la mesure irait au-delà de ce qui est nécessaire pour maintenir des loyers conformes à ce que le droit permet et contreviendrait au critère de la nécessité. En ce sens, elle respecte le principe de proportionnalité (ATF 149 I 49 consid. 5.1; 146 I 157 consid. 5.4). Le contrôle des loyers répond au surplus à l'objectif poursuivi par le législateur visant à conserver le parc locatif à des loyers abordables pour la majorité de la population. Le fait que le loyer pouvait valablement être augmenté à la sortie du locataire en vertu du droit du bail est dénué de pertinence pour juger de l'application de l'art. 10 al. 2 LDTR. Il en va de même des autres éléments avancés dont la cour cantonale aurait prétendument indûment fait abstraction.
Sur ce point également, le recours est infondé.
4.
Les recourants soutiennent à tort que l'ordre d'établir une formule officielle et de rembourser aux anciens locataires le trop-perçu de loyer ne reposerait sur aucune base légale et devrait être annulé.
L'obligation qui leur est faite d'établir un nouveau contrat de bail est conforme à la loi et propre à rétablir une situation conforme au droit (arrêts 1C_97/2022 du 23 janvier 2023 consid. 2.2.2; 1C_184/2013 du 8 janvier 2014 consid. 2.1 et 1C_496/2012 du 12 février 2013 consid. 3.2.2 in SJ 2013 I p. 492 et les arrêts cités).
L'obligation de restituer le trop-perçu des loyers aux intimés répond au but même de la loi et ne saurait être qualifiée d'arbitraire. La restitution des montants perçus en trop par les recourants durant la période du contrôle apparaît en effet comme une simple exigence de respect des conditions posées à l'autorisation de construire du 25 novembre 2022 et ne nécessitait pas de base légale plus spécifique. La répétition de l'indu fait en effet partie des principes généraux du droit administratif, applicable sans base légale expresse. La restitution du loyer trop perçu ne viole donc pas le principe de la légalité. Elle respecte également les principes d'intérêt public et de proportionnalité qui sont à la base de la décision du 16 décembre 2022 (cf. arrêt 1C_250/2010 du 26 août 2010 consid. 3.2). Au surplus, les recourants ne prétendent pas que le blocage du loyer et la restitution du trop-perçu des loyers seraient économiquement insupportables (cf. art. 11 al. 3 LDTR).
5.
Les recourants reprochent à la cour cantonale de ne pas avoir admis leur bonne foi en l'absence de directives claires de l'OCLPF quant aux critères applicables pour admettre l'assujettissement de travaux à la LDTR et d'avoir elle-même agi de manière contraire à la bonne foi en appliquant rétroactivement aux travaux litigieux intervenus en 2016 une jurisprudence postérieure plus sévère.
La question de la qualification des travaux soumis à autorisation a fait l'objet d'une abondante jurisprudence du Tribunal administratif puis de la Chambre administrative de la Cour de justice, accessible sur le site officiel de l'État de Genève. Cette jurisprudence palliait l'absence de directives de la part de l'OCLPF à ce sujet. Au demeurant, si elle était difficilement intelligible pour les administrés, comme le prétendent les recourants, il leur appartenait de se renseigner auprès de l'autorité compétente sur l'assujettissement éventuel des travaux à la LDTR avant de les entreprendre.
La Chambre administrative a au surplus relevé que les critères permettant à l'administré de savoir s'il doit ou non déposer une demande d'autorisation en vue de l'exécution des travaux avaient été fixés par la jurisprudence bien avant 2016 (ATA/261/2001 du 24 avril 2001). Dans cet arrêt, le Tribunal administratif avait précisé que les critères décisifs étaient le coût des travaux et ses conséquences sur le caractère abordable des logements. La jurisprudence cantonale avait déjà soumis à autorisation les travaux d'entretien différés dans le temps rendus nécessaires par les carences du propriétaire, dont le coût a eu des conséquences importantes sur les loyers (ATA/177/2008 du 15 avril 2008 consid. 3c; ATA/215/2008 du 6 mai 2008 consid. 8; cf. ALAIN MAUNOIR, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence, RDAF 1996 p. 314). De même, elle avait déjà confirmé l'assujettissement des travaux ayant un coût légèrement inférieur à 10'000 fr. par pièce en se fondant sur les autres critères dégagés par la jurisprudence (cf. ATA/646/2010 du 21 septembre 2010). La répercussion des coûts des travaux sur les loyers constituait également déjà un critère pour décider si ces travaux dépassaient le simple entretien et étaient assujettis à une autorisation de construire, dès lors qu'il pourrait en résulter un changement d'affectation qualitatif ou contribuer à une amélioration du confort (ATA/646/2010 du 21 septembre 2010 consid. 7; cf. ALAIN MAUNOIR, op. cit., p. 316). Enfin, la jurisprudence rendue avant mars 2013 n'avait pas jugé décisif le fait que le montant des travaux litigieux était inférieur à 10 % de la valeur de l'assurance incendie de l'immeuble (ATA/646/2010 du 21 septembre 2010 consid. 8 et les arrêts cités).
Les recourants dénoncent ainsi en vain une violation du principe de la bonne foi.
6.
Les recourants contestent aussi l'amende qui leur a été infligée. La Chambre administrative aurait dû retenir qu'ils avaient agi sous l'influence d'une appréciation erronée des faits ou d'une erreur sur l'illicéité et faire application de l'art. 13 CP, respectivement de l'art. 21 CP. Le montant de l'amende serait excessif et violerait le principe de l'égalité de traitement au regard des amendes infligées entre 2008 et 2013 dans des cas similaires, qui s'élevaient toutes à 1'000 fr.
Aux termes de l'art. 44 al. 1 LDTR, celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 de la loi genevoise du 14 avril 1988 sur les constructions et les installations diverses (LCI; RS GE L 5 05) ainsi que des peines plus élevées prévues par le Code pénal. A teneur de l'art. 137 al. 1 LCI, tout contrevenant à cette loi ou à ses prescriptions d'exécution, de même qu'aux ordres donnés par le département en application de ces normes, est passible d'une amende administrative d'un montant de 100 fr. à 150'000 fr. Le montant maximum de l'amende est de 20'000 fr. lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (art. 137 al. 2 LCI). Les amendes sont infligées par le département (art. 138 al. 1 LCI), qui doit tenir compte, dans la fixation de leur montant, du degré de gravité de l'infraction, et d'éventuelles circonstances aggravantes, telles que la cupidité et les cas de récidive (art. 137 al. 3 LCI).
La jurisprudence applicable à l'époque des travaux précisait déjà qu'il n'appartenait pas à l'administré de qualifier seul la nature des travaux envisagés afin de déterminer si les conditions d'assujettissement à la loi et à une autorisation sont réalisées ou non, mais qu'il revenait au département compétent d'effectuer cette appréciation, le propriétaire ayant l'obligation de lui soumettre son projet, préalablement au début des travaux, et de lui fournir tous les renseignements nécessaires à cet effet (cf. ALAIN MAUNOIR, op. cit., p. 312). Au regard du montant des travaux, de leur répercussion importante sur le loyer et de la jurisprudence assujettissant l'entretien différé à une autorisation, les recourants, respectivement la régie qui les représentait, ne pouvaient que difficilement admettre qu'ils n'étaient pas assujettis à une autorisation. A tout le moins, ils auraient dû se renseigner à ce propos avant de les entreprendre. Pour les raisons évoquées, ils ne pouvaient partir du principe que les travaux n'étaient pas assujettis à une autorisation au motif que leur coût était inférieur à 10'000 fr. par pièce et équivalaient à 10% de la valeur d'assurance de l'appartement. Ils se prévalent ainsi en vain de leur bonne foi pour s'opposer au prononcé d'une amende. En raison de leur négligence, la cour cantonale pouvait avec raison refuser de les mettre au bénéfice de l'erreur sur les faits ou de l'erreur sur l'illicéité. L'absence d'antécédents ne constitue pas davantage une circonstance suffisante pour renoncer à infliger une amende. Elle peut en revanche influer sur la quotité de celle-ci.
La Cour de justice a considéré à cet égard que l'amende de 5'600 fr. infligée par le Département du territoire était appropriée pour sanctionner le comportement des recourants qui ont entrepris des travaux sans avoir requis et obtenu l'autorisation requise pour ce faire, faisant à tout le moins preuve d'une négligence coupable. Elle n'était à cet égard nullement liée par l'appréciation du Tribunal administratif de première instance qui a jugé être en présence de purs travaux d'entretien non assujettis à la LDTR. Si les recourants avaient requis l'autorisation avant d'exécuter les travaux, ils n'auraient pas été en droit d'augmenter le loyer pendant la période de contrôle de trois ans. On ne voit pas en quoi il était arbitraire de tenir compte de cet élément pour apprécier la faute et la quotité de l'amende. Les cas cités dans lesquelles une infraction prétendument similaire aurait été sanctionnée par une amende de 1'000 fr. portent sur des travaux exécutés sans autorisation en 2010, soit six ans avant les faits. C'est en vain que les recourants s'y réfèrent pour étayer une inégalité de traitement, lequel a une portée limitée en matière pénale pour déterminer la quotité de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2). Mis en rapport avec le maximum de 20'000 fr. fixé par la loi, le montant de l'amende arrêté à 5'600 fr. n'apparaît pas résulter d'un excès manifeste du pouvoir d'appréciation dévolu au Département du territoire et entériné par la Cour de justice (cf. arrêt 1C_138/2021 du 7 juillet 2021 consid. 2.6; GAIDE/DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 490), qui appellerait une intervention du Tribunal fédéral.
7.
Les recourants reprochent enfin à la Chambre administrative d'avoir omis de prendre en considération des faits essentiels à l'appréciation du cas d'espèce. Ils évoquent en particulier le critère du seuil de 10'000 fr. du coût des travaux par pièce qui serait encore utilisé à l'heure actuelle par le Département du territoire pour déterminer si des travaux sont ou non soumis à autorisation. La cour cantonale aurait également ignoré le fait pourtant allégué qu'ils avaient déposé quatorze autorisations de construire en procédure accélérée pour la rénovation d'appartements dans le même immeuble. Enfin, elle n'aurait pas pris en considération le fait que le montant du loyer après travaux avait été fixé en fonction du critère des loyers usuels du quartier de l'art. 269a let. a CO.
La cour cantonale n'a pas ignoré l'existence du critère du coût par pièce des travaux. Elle a au contraire admis au considérant 2.7 de l'arrêt attaqué que le Département du territoire pouvait recourir à ce critère, mais qu'il devait le relativiser. Elle a rappelé que pour déterminer la qualification de travaux entrepris dans des logements situés dans des bâtiments visés à l'art. 2 LDTR et, partant, la nécessité de demander une autorisation, il convenait de prendre en compte la situation dans son ensemble et d'appliquer à celle-ci les différents critères développés par la jurisprudence, à savoir la nature des travaux, leur ampleur dans leur ensemble, le moment auquel ils interviennent, leur répercussion sur le loyer précédent ou futur et sa conformité aux besoins prépondérants de la population, sans que les travaux conduisent à un changement d'affectation qualitatif du logement, ainsi que leur rapport avec la valeur de l'immeuble de manière proportionnelle, tout en évaluant dans quelle mesure les travaux effectués permettent raisonnablement et de manière ordinaire de conserver les choses en bon état. Dans ces conditions, il n'y a aucun omission de la Cour de justice dans la constatation des faits qui commanderait de compléter l'état de fait de l'arrêt attaqué.
Pour le reste, on ne discerne pas en quoi le fait que la régie a procédé à des dates non précisées à des rénovations complètes de plusieurs appartements dans le même immeuble au bénéfice d'autorisations en procédure accélérée dûment accordées serait pertinent pour juger du point de savoir si les recourants ont ou non fait preuve de négligence en partant du principe que les travaux litigieux n'étaient pas assujettis à une autorisation de construire au sens de l'art. 9 al.1 LDTR et en ne s'assurant pas auprès du Département du territoire que tel était le cas préalablement à leur exécution.
Enfin, la Cour de justice a relevé au considérant 7.1.3 de son arrêt l'allégué des recourants selon lequel le loyer après travaux de 22'800 fr. par an aurait été fixé uniquement en fonction des loyers du quartier en vertu de l'art. 269a let. a CO. Elle a précisé que les comparaisons établies dans le cadre de procédures de recours avec les loyers d'autres logements similaires dans un quartier échappaient à sa compétence dans la mesure où elles ressortaient au droit du bail. Elle a également précisé au considérant 9.1 de son arrêt que lorsqu'une importante hausse du loyer suit les travaux, le bailleur pouvait difficilement prétendre n'avoir effectué que des travaux d'entretien courant, qu'il n'est en principe pas autorisé à faire supporter au locataire. Sur ce point également, on ne discerne donc pas d'omission dans la constatation des faits qui justifierait de compléter l'état de fait de l'arrêt cantonal ou de le corriger.
8.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais de leurs auteurs (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, ainsi qu'au Département du territoire et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 11 octobre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Parmelin