5A_168/2024 20.12.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_168/2024
Arrêt du 20 décembre 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Bovey et Hartmann.
Greffière : Mme Gudit-Kappeler.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Pierre-Alain Schmidt, avocat,
recourant,
contre
B.________,
représentée par Me Valérie Malagoli-Pache, avocate,
intimée.
Objet
mesures protectrices de l'union conjugale, contribution à l'entretien de l'enfant,
recours contre l'arrêt de la Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 7 février 2024 (JS21.004214-230714-230726 58).
Faits :
A.
A.________, né en 1984, et B.________, née en 1985, se sont mariés en 2018.
L'enfant C.________ est née de leur union le 8 avril 2019.
Les parties vivent séparées depuis le mois de juin 2020.
B.
B.a. Les modalités de la séparation des parties ont fait l'objet de plusieurs conventions et décisions judiciaires.
B.b. Par ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 15 mai 2023, la vice-Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a notamment confié la garde de l'enfant C.________ à sa mère (Il), dit que le père exercerait un droit de visite non médiatisé sur l'enfant et réglé les modalités de celui-ci (III), dit que, pour la période du 1er avril 2021 au 31 décembre 2021, le père était libéré de l'obligation de contribuer à l'entretien de l'enfant, les charges de celle-ci étant entièrement assumées par la mère (VII), dit que le père contribuerait mensuellement à l'entretien de l'enfant par le régulier versement, allocations familiales déduites, de 1'200 fr. du 1er janvier au 31 juillet 2022 (VIII) et de 1'500 fr. dès et y compris le
1 er août 2022 (IX), et dit qu'il n'était pas alloué de contribution d'entretien entre époux (X).
B.c. Par arrêt du 7 février 2024, la Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a partiellement admis l'appel du père et rejeté celui formé par la mère. Elle a réformé l'ordonnance entreprise en ce sens notamment que, pour les périodes du 1er avril 2021 au 31 décembre 2021 et du 1er avril 2022 au 31 août 2023, le père était libéré de toute contribution à l'entretien de sa fille, les charges de celle-ci étant entièrement assumées par la mère (III.VII), et que le père contribuerait à l'entretien de l'enfant par le régulier versement d'une pension mensuelle, allocations familiales déduites, de 1'200 fr. du 1er janvier 2022 au 31 mars 2022 (III.VIII) et de 1'670 fr. dès et y compris le 1er septembre 2023 (III.IX). L'autorité cantonale a également statué sur les frais judiciaires et les dépens de deuxième instance.
C.
Par acte du 11 mars 2024, A.________ interjette un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt du 7 février 2024. Sous suite de frais et dépens, il conclut principalement à ce que le chiffre III.IX de cette décision soit annulé et à ce que la cause soit renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'une nouvelle décision sur la contribution d'entretien due à l'enfant C.________ soit rendue dans le sens des considérants. Subsidiairement, il conclut à ce qu'il soit condamné à verser en mains de la mère une contribution d'entretien mensuelle de 1'340 fr. 15 en faveur de l'enfant, dès et y compris le 1er septembre 2023 et allocations familiales déduites. Le recourant sollicite en outre l'effet suspensif au recours ainsi que l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
C.a. Invitées à se déterminer sur l'effet suspensif, l'autorité précédente s'en est remise à justice et l'intimée a conclu à son rejet. Cette dernière a également sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
La requête d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance présidentielle du 9 avril 2024.
C.b. Invitées à se déterminer sur le fond, la juridiction cantonale a indiqué se référer aux considérants de l'arrêt entrepris et l'intimée a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.
Le recourant a persisté dans ses conclusions dans sa réplique et l'intimée en a fait de même dans sa duplique.
Considérant en droit :
1.
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF) par une partie qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. a et b LTF), le recours est dirigé contre une décision de mesures protectrices de l'union conjugale, à savoir une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 393 consid. 4), rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF; ATF 133 III 393 consid. 2) de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse requise est atteinte (art. 51 al. 1 let. a, 51 al. 4 et 74 al. 1 let. b LTF). Le recours est donc en principe recevable au regard des dispositions qui précèdent.
2.
2.1. Comme la décision attaquée porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 134 III 667 consid. 1.1; 133 III 393 consid. 5.2), la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2). Le recourant doit ainsi indiquer avec précision quel droit constitutionnel aurait été violé, en le citant par le numéro de la disposition ou par sa dénomination. Il ne peut pas se borner à dresser une liste de droits constitutionnels ou à parler à tort et à travers d'arbitraire. En partant de la décision attaquée, il doit dire quel est le principe constitutionnel qui aurait été violé et, pour chacun des principes invoqués, montrer par une argumentation précise, s'il y a lieu en se référant à des pièces, en quoi cette violation serait réalisée (arrêt 5A_173/2024 du 9 octobre 2024 consid. 2.1 et les références). En d'autres termes, le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 148 IV 409 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 142 III 364 consid. 2.4).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). Le recourant ne peut se limiter à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 145 IV 154 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).
3.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir établi les faits de manière arbitraire (art. 9 Cst.) et d'avoir violé son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) en omettant de constater que l'enfant C.________ avait commencé l'école obligatoire le 21 août 2023. Selon lui, cette omission aurait eu pour corollaire une violation arbitraire de l'art. 285 CC dans la mesure où la contribution d'entretien mise à sa charge en faveur de l'enfant serait trop élevée.
3.1. La juridiction précédente a indiqué que, dans la décision de première instance du 15 mai 2023, les frais de crèche de l'enfant, à hauteur de 329 fr. 85, avaient été intégrés dans les charges mensuelles de celle-ci à compter du 1er août 2022. Elle a ensuite retenu que, dans son appel, le père avait soutenu que, dans la mesure où aucun des parents n'exerçait une activité lucrative, il convenait de retirer des coûts directs de l'enfant les frais concernés. La magistrate cantonale a toutefois considéré qu'il ne se justifiait pas, au stade des mesures protectrices de l'union conjugale, de les supprimer; en effet, la mère, qui percevait des indemnités de chômage, devrait à terme retrouver du travail et il ne serait pas judicieux de retirer l'enfant de la crèche pour la réinscrire en urgence dès que l'intéressée aurait trouvé une activité lucrative, étant relevé qu'il était notoirement difficile d'obtenir une place en crèche. L'autorité cantonale a en outre relevé que des frais de transport et de repas avaient été ajoutés aux charges du père pour une période durant laquelle il n'exerçait concrètement aucune activité professionnelle. Dans le cadre de l'examen de la situation financière des parties, elle a ensuite précisé que les charges retenues par l'autorité de première instance n'étaient pas remises en question par les parties - à l'exception des frais de crèche, qui devaient être confirmés - et a indiqué qu'il convenait de reprendre ces charges telles quelles. Des frais de prise en charge par des tiers ont ainsi été pris en compte pour l'enfant à hauteur de 329 fr. 85 dès le 1er septembre 2023.
3.2. Le recourant relève que le fait selon lequel C.________ a commencé l'école obligatoire le 21 août 2023 ressortait de son appel du 26 mai 2023, du courriel de la Dresse D.________ du 13 juillet 2023, du courrier de son conseil à la juridiction cantonale du 3 août 2023 et des procès-verbaux des auditions des parties lors de l'audience du 4 septembre 2023 devant cette même autorité. Selon lui, la cour cantonale aurait dû, au bénéfice de ces éléments, retenir le fait litigieux et constater que, depuis le 21 août 2023, les frais de crèche de l'enfant étaient caducs.
L'intimée ne conteste quant à elle pas que l'enfant a commencé l'école obligatoire le 21 août 2023 et que les frais de crèche n'ont depuis lors plus à être supportés. Elle soutient toutefois que le recourant aurait connaissance du fait que ces frais auraient été remplacés par des coûts relatifs à l'Unité d'accueil pour écoliers (UAPE) de l'Association pour l'enfance et la jeunesse de U.________ (APEJ), auprès de laquelle l'enfant serait inscrite le lundi, mardi, jeudi et vendredi. L'intimée fait dès lors valoir que les charges de l'enfant n'auraient pas changé, hormis leur intitulé.
3.3. En l'espèce, la maxime inquisitoire illimitée (art. 296 al. 1 CPC) était applicable s'agissant des questions relatives aux enfants, ce que l'autorité cantonale a du reste relevé dans l'arrêt querellé. Cette dernière était dès lors tenue d'établir les faits d'office et ne pouvait ignorer l'entrée à l'école de l'enfant à compter du mois d'août 2023, fait qui ressortait du dossier de la cause et qui avait été expressément relevé par le recourant dans son mémoire d'appel. La juridiction précédente devait ainsi constater la caducité des frais de crèche de l'enfant depuis la rentrée scolaire 2023 et, le cas échéant, examiner si d'éventuels nouveaux frais de prise en charge par des tiers devraient être assumés en relation avec la nouvelle scolarisation de l'enfant. Par ailleurs, l'intimée ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que les frais de prise en charge extrascolaire de l'enfant remplaceraient les frais de crèche, le montant des premiers ne ressortant pas de l'arrêt querellé et l'intéressée ne soutenant pas que ces deux postes de dépenses seraient identiques.
Dès lors que les charges de l'enfant - dont font partie les frais de prise en charge - permettent d'arrêter l'entretien de celle-ci, l'établissement exact du fait litigieux était propre à modifier la décision entreprise et le grief doit être admis. Il s'ensuit l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale, afin qu'elle exclue des charges de l'enfant les frais de crèche depuis la rentrée scolaire de celle-ci et que, le cas échéant, elle examine si ceux-ci ont été remplacés par d'autres frais de prise en charge par tiers. Il conviendra ensuite qu'elle statue à nouveau.
4.
En définitive, le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Les requêtes d'assistance judiciaire des parties sont admises (art. 64 al. 1 LTF). Les frais de la procédure fédérale sont arrêtés à 2'500 fr., à savoir 2'000 fr. pour la procédure au fond et 500 fr. pour la procédure d'effet suspensif. Dès lors que l'intimée succombe sur le fond mais qu'elle a obtenu gain de cause s'agissant de l'effet suspensif, il se justifie de mettre les frais judiciaires par 4/5 (2'000 fr.) à sa charge et par 1/5 (500 fr.) à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF), les frais étant toutefois provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 1 LTF). Chaque partie a en outre droit à des dépens de 3'000 fr., réduits dans la même proportion, à savoir 2'400 fr. pour le recourant et 600 fr. pour l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Cela étant, si l'octroi de l'assistance judiciaire ne dispense pas les parties du paiement de dépens, il est d'emblée vraisemblable que ceux-ci ne pourront pas être recouvrés, les parties étant toutes deux indigentes. Une indemnité globale de 2'500 fr., provisoirement supportée par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF), est dès lors allouée au conseil de chaque partie à titre d'honoraires d'avocat d'office, incluant une part, à titre de couverture des dépens, des 2'400 fr. que le recourant pourrait réclamer à l'intimée et des 600 fr. que l'intimée pourrait réclamer au recourant. Chaque partie est rendue attentive au fait qu'elle est tenue de rembourser ultérieurement la Caisse du Tribunal fédéral si elle est en mesure de le faire (art. 64 al. 4 LTF). Il appartiendra à l'autorité cantonale de statuer à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale (art. 67 et 68 al. 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
La requête d'assistance judiciaire du recourant est admise et Me Pierre-Alain Schmidt, avocat à Genève, lui est désigné comme conseil d'office.
3.
La requête d'assistance judiciaire de l'intimée est admise et Me Valérie Malagoli-Pache, avocate à Nyon, lui est désignée comme conseil d'office.
4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge des parties par 500 fr. pour le recourant et par 2'000 fr. pour l'intimée, et sont provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral.
5.
Une indemnité de 2'400 fr. à verser au recourant à titre de dépens est mise à la charge de l'intimée; dès lors qu'il est d'emblée vraisemblable que ces dépens ne pourront pas être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral versera au conseil du recourant une indemnité de 2'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office, tant pour la partie dans laquelle il a eu gain de cause que pour celle où il a succombé.
6.
Une indemnité de 600 fr. à verser à l'intimée à titre de dépens est mise à la charge du recourant; dès lors qu'il est d'emblée vraisemblable que ces dépens ne pourront pas être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral versera au conseil de l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office, tant pour la partie dans laquelle elle a eu gain de cause que pour celle où elle a succombé.
7.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 20 décembre 2024
Au nom de la II e Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Gudit-Kappeler