8C_294/2024 20.12.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_294/2024
Arrêt du 20 décembre 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Métral.
Greffière : Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par M e Hubert Theurillat, avocat,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (incapacité de travail; revenu d'invalide),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 18 avril 2024
(AA 106 / 2022).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1963, a travaillé comme manoeuvre saisonnier pour le compte de l'entreprise de maçonnerie B.________, à U.________. À ce titre, il était assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 3 mai 1988, il a été victime d'un accident professionnel qui a causé une fracture distale du scaphoïde carpien droit. En septembre 1997, il a annoncé une rechute, compte tenu du développement d'une arthrose radio-carpienne débutante. L'assuré a été mis au bénéfice d'une rente de l'assurance-accidents fondée sur un taux d'invalidité de 20 % dès le 1 er janvier 2000, assortie d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) fondée sur un taux de 15 % (décision sur opposition du 18 septembre 2001).
A.b. Le 8 septembre 2015, l'assuré a chuté de sa hauteur dans le cadre de son activité de serveur, entraînant une décompensation de la situation existante au niveau du poignet droit et nécessitant plusieurs interventions chirurgicales réalisées entre 2017 et 2020. Dans un rapport du 10 décembre 2020, le docteur C.________, chef de clinique au sein du département de chirurgie plastique et de chirurgie de la main de l'Hôpital D.________ à V.________, a fait état d'une évolution stationnaire, aussi bien clinique que radiologique et de l'absence de signes de consolidation. En conséquence, il a préconisé d'évaluer les mesures de réinsertion ou de reclassement en tenant compte du fait que les activités nécessitant l'utilisation de la main gauche étaient encore possibles, que les activités bimanuelles ne pouvaient être effectuées que rarement, avec des charges légères et sans exigence de motricité fine ou de mouvements de flexion du poignet. Dans une appréciation du 14 janvier 2021, le docteur E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, médecin d'arrondissement de la CNA, a considéré la situation comme médicalement stabilisée au vu des conclusions détaillées dans le rapport de l'Hôpital D.________ du 10 décembre 2020. Le travail de serveur n'était plus exigible; en revanche une pleine capacité de travail à plein temps et plein rendement était réalisable dans le cadre d'une activité nécessitant essentiellement l'usage de la main gauche, avec une fonction d'appoint de la main droite pour des activités bimanuelles occasionnelles se limitant à des travaux légers, sans mouvements rotatoires de la main droite, sans gestes répétitifs, sans travaux nécessitant une motricité fine et sans chocs ni à-coups. Dans une appréciation médicale du même jour, le docteur E.________ a évalué à 30 % le taux de l'atteinte à l'intégrité totale, obtenu par l'addition d'un taux de 15 % en raison de l'arthrose intra-carpienne grave et du taux de 15 % déjà reconnu lors de l'appréciation par le médecin d'arrondissement le 10 février 2000 en raison de l'arthrose radio-carpienne.
A.c. Le 16 mars 2021, la CNA a informé l'assuré qu'elle mettait un terme au paiement des soins médicaux et au versement des indemnités journalières au 30 avril 2021. Dans une appréciation du 10 février 2022, le docteur E.________ a confirmé la stabilisation de la situation ainsi que le niveau d'exigibilité décrits précédemment.
Par décision du 15 février 2022, la CNA a maintenu la rente servie sur la base d'un taux d'invalidité de 20 % et a reconnu le droit à une IPAI de 15 % pour l'aggravation de l'atteinte à l'intégrité. L'assuré a formé opposition contre cette décision, concluant à l'octroi d'une rente fondée sur un taux d'incapacité de travail de 100 % et à l'octroi d'une IPAI d'un taux de 30 %.
A.d. Ayant entre-temps déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (AI), A.________ a bénéficié de la part de l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura d'une mesure de réadaptation auprès du Centre de l'Organisation romande pour la formation et l'intégration professionnelle (Orif) à Delémont, du 17 janvier au 10 avril 2022. Dans leur rapport du 4 avril 2022, les responsables socio-professionnels sont arrivés à la conclusion qu'il était difficile, voire irréaliste de proposer un projet professionnel en adéquation avec les limitations de l'assuré.
Dans une appréciation du 11 juillet 2022, le docteur E.________ a relevé que le rapport Orif du 4 avril 2022 ne laissait apparaître "aucun nouvel élément médical objectif si ce n'est qu'il confirm[ait] les limitations fonctionnelles décrites préalablement".
Par décision sur opposition du 31 août 2022, la CNA a confirmé sa décision du 15 février 2022.
B.
B.a. Par mémoire du 3 octobre 2022, A.________ a interjeté un recours à l'encontre de la décision sur opposition du 31 août 2022. À l'appui de son recours, il a requis l'édition de son dossier AI. Le 19 janvier 2023, le recourant a informé la cour cantonale du fait qu'il faisait toujours l'objet d'une procédure de reclassement professionnel auprès du centre Orif. En effet, selon une communication du 19 octobre 2022, l'Office AI avait prolongé la procédure de reclassement en sa faveur jusqu'au 30 avril 2023. Il a ainsi requis formellement une suspension de la procédure jusqu'au 31 mai 2023, dans la mesure où le dossier Al pouvait avoir une incidence certaine sur le jugement de la cause, produisant la communication du 19 octobre 2022 de l'Office Al relative à son reclassement à l'appui.
B.b. Par décision du 21 mars 2023, le président de la Cour des assurances a rejeté la demande de suspension de la procédure du 19 janvier 2023, considérant qu'il n'était pas pertinent d'attendre l'issue de la procédure de reclassement professionnel du recourant, celle-ci n'ayant pas d'incidence sur la procédure LAA. Dans leur rapport du 6 avril 2023, les responsables du centre Orif ont conclu qu'au vu de la problématique médicale mais également des compétences et des acquis de l'assuré, ils ne voyaient pas de piste professionnelle envisageable. La problématique médicale de l'assuré restreignait considérablement les possibilités d'activités et péjorait son rendement, ainsi que sa capacité de travail.
B.c. Par courrier du 16 novembre 2023, le recourant a informé la cour cantonale que l'Office Al avait décidé de procéder à une expertise auprès de spécialistes en orthopédie et psychiatrie. Estimant que l'expertise en cours pourrait apporter des éléments pertinents à la cause, il a requis de surseoir à toute décision dans l'attente de cette expertise.
B.d. Par ordonnance du 8 février 2024, le président de la Cour des assurances sociales a ordonné l'édition du dossier AI du recourant pour les besoins de la cause. Par ordonnance du 28 février 2024, il a par ailleurs donné acte du dépôt, le 20 février 2024, du dossier AI du recourant et informé les parties que la cause serait mise en délibération à partir du 11 mars 2024. Par courrier du 1er mars 2024, le mandataire du recourant a requis la prorogation du délai jusqu'au 25 mars 2024. Le 4 avril 2024 puis le 12 avril 2024, il a déposé une copie du rapport d'expertise bi-disciplinaire établi le 7 février 2024 par le bureau d'expertises médicales (BEM) et une copie du projet de décision rendu par l'Office AI, reconnaissant à A.________ le droit à une rente d'invalidité entière dès le 1er mars 2016.
B.e. Par arrêt du 18 avril 2024, la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision sur opposition du 31 août 2022.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il requiert l'annulation. Il conclut, principalement, à la prise en charge, par la CNA, des suites de la rechute annoncée et notamment à l'allocation d'une rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 100 % dès le 1 er février 2021; subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la CNA ou à la cour cantonale pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
La CNA conclut au rejet du recours. Le tribunal cantonal conclut également au rejet du recours tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si le recourant peut prétendre à une rente d'invalidité d'un taux supérieur à 20 % en raison d'une péjoration de son état de santé depuis la décision du 18 septembre 2001.
2.2. S'agissant d'une procédure concernant l'octroi ou le refus d'une prestation en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction cantonale (art. 105 al. 3 LTF).
3.
3.1. Aux termes de l'art. 17 al. 1 LPGA [RS 830.1], lorsque le taux d'invalidité subit une modification d'au moins 5 points de pourcentage (let. a) ou atteint 100 % (let. b), la rente d'invalidité est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement important des circonstances propre à influencer le taux d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 147 V 167 consid. 4.1; 144 I 103 consid. 2.1; 134 V 131 consid. 3).
3.2. Lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis motivé d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis. Il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6).
3.3. S'agissant de la valeur probante de rapports médicaux, on rappellera que selon la jurisprudence, le tribunal peut accorder une pleine valeur probante à une expertise mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure administrative au sens de l'art. 44 LPGA, aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de son bien-fondé (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4; 135 V 465 consid. 4.4; 125 V 351 consid. 3b/bb). En revanche, lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise externe, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 139 V 225 consid. 5.2; 135 V 465 consid. 4.4). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en oeuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).
4.
4.1. En l'occurrence, il est constant qu'en raison de son atteinte à la santé, l'assuré présente une incapacité de travail totale dans ses anciennes activités de manoeuvre et de serveur. En revanche, selon le médecin d'arrondissement de l'intimée, le docteur E.________, la capacité de travail du recourant est totale (à plein temps et plein rendement) dans le cadre d'une activité recrutant essentiellement la main gauche (non dominante) avec une fonction d'appoint de la main droite (dominante) pour des activités bimanuelles occasionnelles se limitant à des travaux légers, sans mouvements rotatoires de la main droite, sans gestes répétitifs, sans travaux nécessitant une motricité fine et sans chocs ni à-coups.
La juridiction cantonale a accordé pleine valeur probante au rapport du docteur E.________ et a constaté que la capacité de travail retenue par ce praticien dans une activité adaptée n'était pas formellement et médicalement contestée, attendu qu'aucun autre médecin ne se positionnait réellement sur ce point. Elle a toutefois relevé que les autres médecins avaient indiqué qu'avant de pouvoir se déterminer définitivement sur la capacité de travail et sur une éventuelle baisse de rendement prévisible du recourant au regard de ses limitations fonctionnelles, il convenait de consulter l'avis de spécialistes en réadaptation. La cour cantonale a toutefois considéré que même s'il y avait lieu de suivre les médecins traitants et les médecins du SMR qui préconisaient la prise en compte de l'avis de spécialistes en réadaptation, il n'y avait pas lieu en l'espèce de suivre les conclusions du centre Orif selon lesquelles le recourant ne pouvait dépasser un taux d'occupation de 30 %, dès lors que des causes étrangères à l'atteinte médicale entraient en ligne de compte dans le cas d'espèce. Il en allait de même avec les conclusions des experts du BEM. Enfin, le projet de décision AI du 11 avril 2024 octroyant une rente d'invalidité entière au recourant ne pouvait pas non plus modifier l'appréciation des premiers juges, dès lors qu'il se fondait selon toute vraisemblance sur le rapport d'expertise précité.
4.2. Le recourant reproche aux premiers juges d'avoir écarté à tort les conclusions des experts du BEM et le rapport de l'Orif, en retenant de façon inexacte que des facteurs étrangers à l'invalidité entraient en ligne de compte dans le cadre de l'appréciation de sa capacité de travail. Il fait également valoir que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ceux-ci devaient prendre en compte le rapport d'expertise du BEM rendu postérieurement à la décision sur opposition de l'intimée, dès lors qu'il avait trait à la situation antérieure au moment où cette décision avait été rendue.
5.
5.1. Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées d'après l'état de fait existant au moment où la décision (sur opposition) litigieuse a été rendue; les faits survenus postérieurement et ayant modifié cette situation doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; 121 V 362 consid. 1b). Le juge des assurances sociales doit cependant prendre en compte les faits survenus postérieurement dans la mesure où ils sont étroitement liés à l'objet du litige et de nature à influencer l'appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue; en particulier, même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit être pris en considération s'il a trait à la situation antérieure à cette date (ATF 118 V 200 consid. 3a; arrêt 9C_253/2024 du 17 octobre 2024 consid. 3.3).
5.2. Les premiers juges ont considéré que les éléments produits par le recourant après la seconde mise en délibération fixée au 11 mars 2024 - en raison de l'édition du dossier officiel AI -, ne pouvaient être pris en compte dès lors que le recourant les avait produits respectivement les 4 (pour le rapport d'expertise du BEM) et 12 (pour la copie de la décision de rente AI) avril 2024, soit de manière tardive (cf. arrêt attaqué, p. 10). On ne saurait les suivre sur ce point. En effet, l'expertise du BEM est un moyen de preuve pertinent qui a été produit avant que l'arrêt litigieux ait été rendu. Il ne peut pas être considéré comme tardif dans la mesure où rien ne permet de considérer que le recourant aurait pu le produire plus rapidement. Par ailleurs, les experts se prononcent rétrospectivement sur l'état de santé du recourant et sa capacité de travail antérieurement à la décision sur opposition. Enfin, le fait que l'expertise a été produite après la date annoncée pour la "mise en délibéré" de la cause - sans que les premiers juges aient toutefois fait état dans leur arrêt entrepris d'une mise en délibéré effective à cette date ni que cela ressorte du dossier - n'est pas déterminant, compte tenu de l'obligation d'instruire la cause d'office et de prendre en considération les moyens de preuve pertinents (art. 61 let. c LPGA; voir également, dans ce contexte, les art. 75 al. 2 et 130 al. 2 de la loi cantonale de procédure et de juridiction administrative et constitutionnelle du 30 novembre 1978 [Code de procédure administrative; RS/JU 175.1]).
6.
6.1. Il appartient avant tout aux médecins, et non aux spécialistes de l'orientation professionnelle, de se prononcer sur la capacité de travail d'un assuré souffrant d'une atteinte à la santé et sur les éventuelles limitations résultant de celle-ci (ATF 140 V 193 consid. 3.2; 125 V 256 consid. 4; arrêt 8C_823/2023 du 8 juillet 2024 consid. 9.5.3.2, destiné à la publication). Cependant, les organes d'observation professionnelle ont pour fonction de compléter les données médicales en examinant concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail (arrêt 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17). Au regard de la collaboration étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. En effet, dans les cas où ces appréciations (d'observation professionnelle et médicale) divergent sensiblement, il incombe à l'administration, respectivement au tribunal - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin, de requérir un complément d'instruction (arrêt 9C_1035/2009 précité, consid. 4.1).
6.2. Les responsables de l'Orif, auprès duquel le recourant a effectué un premier stage professionnel durant trois mois, ont expliqué que le taux de présence prévu était de 50 %. Le taux moyen de présence effectif n'avait cependant été que de 24,5 %, en raison des inflammations et des douleurs fréquentes à la main droite, générées par la moindre utilisation de celle-ci, même comme simple appui à l'autre main valide et ce, malgré le fait que l'assuré s'était montré motivé et très demandeur d'être occupé et de tester des travaux. En raison de cette difficulté déjà importante au niveau de la main droite et du manque de dextérité dans la gauche, les spécialistes étaient plus que limités pour proposer des activités réalistes au recourant. Durant son temps de présence, il avait principalement effectué des tâches de tri de matériel (visserie, outillage,...) qui, bien que légères, avaient toutefois engendré des douleurs et inflammations à sa main. Il était dès lors difficile, voire irréaliste de proposer un projet professionnel en adéquation avec les limitations du recourant. Le taux de présence n'était pas suffisant et les conséquences sur sa main étaient trop importantes, même dans des travaux simples et légers. À l'issue du second stage professionnel qui a duré six mois, les responsables de l'Orif ont fait état d'un taux de présence effectif de 26,1 % sur l'ensemble de la période pour un 50 % minimum requis. Cela s'expliquait par les douleurs et inflammations déclenchées par l'utilisation de la main droite, malgré de simples manipulations en appui de la main valide. Les responsables ont relevé que le recourant s'était toujours montré coopérant et motivé, avec une réelle volonté de tenter toutes les activités proposées, afin d'en trouver au moins une pouvant être adéquate. Leurs observations et évaluations continuaient toutefois de démontrer que le recourant n'était pas en mesure de répondre à une exigence d'employabilité de plus de 30 %. Dans une ultime tentative d'activité en section de mécanique sur une presse, laquelle paraissait la plus à même de répondre à la capacité de travail reconnue par la CNA, les limitations étaient plus importantes que prévu. Les responsables du centre Orif ont conclu qu'en tenant compte de la problématique médicale, mais également des compétences et des acquis du recourant, ils n'entrevoyaient pas de piste professionnelle envisageable.
6.3. On constate que le profil d'exigibilité retenu par le docteur E.________ dans son appréciation du 14 janvier 2021 a en tous points été respecté par les activités proposées lors du stage auprès de l'Orif, à savoir que le recourant devait pouvoir exercer une activité essentiellement mono-manuelle de la main gauche, avec fonction d'appoint de la main droite pour des activités bimanuelles occasionnelles se limitant à des travaux légers, sans mouvements rotatoires de la main droite, sans gestes répétitifs et sans travaux nécessitant une motricité fine, sans chocs ni à-coups. Toutefois, le taux de capacité de travail résiduelle de 100 % (sans diminution de rendement) retenu par le docteur E.________ diverge sensiblement du taux de présence effectif de 25 % constaté par l'Orif. Ces constatations résultent des observations faites par des spécialistes dans le domaine de la réinsertion professionnelle, qui ont suivi le recourant pendant près de neuf mois alors que le médecin d'arrondissement de la CNA s'est prononcé sur dossier, sans examen clinique. Le docteur C.________, auquel le docteur E.________ s'est principalement référé, ne s'est pour sa part pas prononcé sur une éventuelle diminution de rendement. Dans ces circonstances, l'appréciation des premiers juges qui les a conduits à écarter les conclusions des responsables de l'observation professionnelle, ne peut pas être suivie. On relèvera encore que, contrairement à ce que retiennent les premiers juges, les responsables de l'observation professionnelle n'ont pas mentionné de facteurs d'incapacité de travail qui n'étaient pas directement liés aux capacités physiques de l'assuré (manque de dextérité de la main encore valide non dominante). Quant à une éventuelle réadaptation dans une activité légère de bureau, de téléphoniste ou de réceptionniste, il n'y a pas lieu d'en tenir compte puisque ces activités ne sont de toute façon pas en adéquation avec le profil professionnel de l'assuré (ne serait-ce que parce que ce dernier a toujours exercé un travail manuel), ce qui ne saurait être confondu avec un facteur étranger à l'atteinte à la santé.
6.4. Les informations recueillies à l'occasion du stage professionnel sont par ailleurs confirmées par les experts du BEM, lesquels constatent que sur le plan médical, le recourant n'a jamais pu dépasser un temps de présence de 50 % en raison des douleurs, avec un rendement maximum de 25 %. On relèvera cependant que les activités testées lors du stage professionnel n'étaient pas des activités purement mono-manuelles puisqu'elles nécessitaient toujours l'utilisation de la main invalide, même si ce n'était qu'en appui. Dans ce contexte, les experts du BEM n'expliquent pas pourquoi la capacité de travail et de rendement du recourant serait limitée dans une activité purement mono-manuelle - c'est-à-dire une activité ne sollicitant pas du tout la main droite -, et dans laquelle aucune dextérité particulière ne serait par ailleurs exigée dans l'autre main. Il n'est toutefois pas nécessaire de compléter l'instruction médicale sur ce point. En effet, au vu des éléments au dossier, on peut raisonnablement admettre que le recourant pourrait exercer, compte tenu de ses compétences et ses acquis professionnels, une activité purement mono-manuelle dans un secteur qui ne requiert pas la maîtrise écrite de la langue française, telle qu'une activité de surveillance ou de contrôle.
7.
7.1.
7.1.1. Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après: l'ESS; ATF 148 V 174 consid. 6.2; 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2). Aux fins de déterminer le revenu d'invalide, le salaire fixé sur cette base peut à certaines conditions faire l'objet d'un abattement de 25 % au plus (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).
7.1.2. La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 126 V 75 consid. 5b/bb; arrêt 8C_682/2023 du 24 avril 2024 consid. 4.1.2.2 et l'arrêt cité).
7.1.3. Le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d'autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 142 V 178 consid. 2.5.9). En revanche, l'étendue de l'abattement sur le salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 137 V 71 consid. 5.1), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (ATF 135 III 179 consid. 2.1; 130 III 176 consid. 1.2).
7.2.
7.2.1. L'administration a déterminé le revenu d'invalide sur la base des données statistiques résultant de l'ESS 2020 (TA1, homme, niveau de compétence 1) et a procédé à un abattement de 15 % sur le montant ainsi obtenu pour tenir compte des limitations fonctionnelles du recourant, parvenant à un revenu d'invalide de 55'551 fr. 24. Ce faisant, elle a précisé que l'assuré n'était pas dans la situation d'un mono-manuel, dès lors que sa main gauche non dominante (recte: droite) conservait une certaine fonctionnalité. Quant à la juridiction cantonale, elle a confirmé le taux d'abattement de 15 % pour les limitations fonctionnelles.
7.2.2. S'agissant de l'abattement sur le revenu d'invalide pour les limitations fonctionnelles, il y a lieu de tenir compte de ce qui suit:
Le Tribunal fédéral a considéré à réitérées reprises qu'en cas de limitation des activités exigibles à des activités mono-manuelles ou lorsque la main dominante ne peut être utilisée que pour des gestes d'appoint, un abattement de 20 à 25 % du revenu d'invalide est en principe justifié (arrêts 8C_58/2018 du 7 août 2018 consid. 5.3 et les nombreux arrêts cités, in SVR 2019 UV n° 7 p. 27; 8C_606/2022 du 4 mai 2023 consid. 6.1; cf. néanmoins arrêts 8C_587/2019 du 30 octobre 2019 consid. 7.3; 8C_383/2020 du 21 septembre 2020 consid. 4.2.2 et les arrêts cités, dans lesquels des abattements de 15 % et 10 % ont été considérés comme admissibles, le Tribunal fédéral n'ayant pas constaté d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation). Le Tribunal fédéral a récemment confirmé un abattement de 25 % au regard notamment des atteintes de la main dominante d'un assuré, prohibant le port de charges supérieur à 1 kg et les mouvements répétitifs du poignet droit en prosupination, le membre supérieur droit pouvant être utilisé pour des gestes d'appoint lors du port de charges ou de mouvements répétitifs (cf. arrêt 8C_706/2022 du 5 décembre 2023 consid. 4.1, 4.4 et 6.3.2.3, in SVR 2024 UV n° 14 p. 58).
7.2.3. En l'espèce, tant l'intimée que la juridiction cantonale ont retenu que la capacité de travail du recourant était entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles et qu'il n'y avait pas de diminution de rendement. Ils n'ont pas retenu que les limitations fonctionnelles du recourant étaient majeures, à tort puisqu'elles l'astreignaient à exercer une activité mono-manuelle avec sa main gauche non dominante. Dès lors, la juridiction cantonale a excédé son pouvoir d'appréciation en ne tenant pas entièrement compte des circonstances pertinentes. Compte tenu de l'importance des limitations fonctionnelles constatées, de l'âge du recourant et du fait que vu sa formation et son parcours professionnels, il ne peut plus se reclasser dans des activités de bureau, il se trouve pratiquement cantonné à des emplois de niche. Cela n'exclut certes pas l'utilisation de données salariales statistiques (cf. ATF 148 V 174 consid. 9.1), mais l'ensemble de ces circonstances impose en l'espèce un abattement maximal de 25 %.
7.2.4. Partant du revenu annuel hypothétique d'invalide de 65'354 fr. 40 sur lequel s'est fondée l'intimée, il y a lieu de procéder à un abattement de 25 % - en lieu et place de la réduction de 15 % retenue par les premiers juges -. On aboutit ainsi à un revenu d'invalide de 49'015 fr. 90. La comparaison avec le revenu non contesté de 67'704 fr. que l'assuré aurait réalisé en 2021 sans l'accident laisse apparaître un taux d'invalidité de 27,6 % (taux arrondi à 28 %), lequel dépasse de plus de 5 points de pourcentage le taux d'invalidité de 20 % reconnu jusque-là par l'intimée. Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis, en ce sens que la rente d'invalidité du recourant doit être révisée à partir du 1er mai 2021 (art. 19 al. 1 LAA).
8.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront répartis entre les parties (art. 66 al. 1 LTF). Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à des dépens réduits à charge de l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'intimée n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure précédente (art. 68 al. 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, du 18 avril 2024 et la décision sur opposition de la CNA du 31 août 2022 sont réformés en ce sens que le recourant a droit à une rente de l'assurance-accidents fondée sur un degré d'invalidité de 28 % dès le 1 er mai 2021.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 400 fr. à la charge du recourant et pour 400 fr. à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera au recourant la somme de 1'500 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 20 décembre 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Fretz Perrin