9C_524/2024 07.01.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_524/2024
Arrêt du 7 janvier 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente,
Parrino et Beusch.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Oana Stehle Halaucescu, avocate,
recourant,
contre
Administration cantonale des impôts du canton de Vaud,
route de Berne 46, 1014 Lausanne,
intimée.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton de Vaud et impôt fédéral direct, période fiscale 2022,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 août 2024 (FI.2024.0057).
Faits :
A.
A.a. Le 24 juillet 2023, l'office de l'impôt des districts de Nyon et Morges (ci-après: l'office de l'impôt) a adressé à A.________ (ci-après: le contribuable) une sommation pour qu'il dépose sa déclaration d'impôt pour la période fiscale 2022 dans un délai de 30 jours.
En l'absence de réaction de la part du contribuable, l'office de l'impôt a émis, le 28 novembre 2023, une décision de taxation d'office ainsi qu'un prononcé d'amendes tant pour l'impôt fédéral direct (IFD) que pour l'impôt cantonal et communal (ICC) portant sur l'année fiscale 2022.
A.b. Le 8 janvier 2024, A.________ a formé une réclamation contre cette décision. Par courrier du 12 janvier 2024, l'office de l'impôt a constaté que le contribuable n'avait pas remis sa déclaration d'impôt 2022 à la suite de la demande du 24 juillet 2023. Il a considéré que la réclamation était irrecevable car hors délai et a confirmé les éléments imposables ainsi que les amendes prononcées. Il a imparti un délai de 30 jours à A.________ pour qu'il fasse part de ses "observations dûment motivées" en cas de maintien de sa réclamation.
Par courrier du 31 janvier 2024, le contribuable a informé l'office de l'impôt qu'il maintenait sa réclamation et lui a transmis sa déclaration d'impôt 2022. Après un entretien téléphonique avec la fiduciaire de A.________, l'office de l'impôt a transmis le dossier à l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'ACI) pour examen.
A.c. Par décision du 12 mars 2024, l'ACI a déclaré la réclamation de A.________ du 8 janvier 2024 irrecevable. Elle a considéré que la réclamation était tardive et que l'indication des moyens de preuves faisait défaut.
B.
Par arrêt du 21 août 2024, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par A.________ le 12 avril 2024.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Préalablement, il conclut à l'octroi de l'effet suspensif à son recours. Principalement, il demande, en substance, la réforme de l'arrêt du 21 août 2024, en ce sens que la décision sur réclamation de l'ACI du 12 mars 2024 soit annulée et que sa réclamation du 8 janvier 2024 soit déclarée recevable; il conclut également à ce que la décision du 28 novembre 2023 de l'office de l'impôt soit déclarée nulle et au renvoi de la cause à ce dernier pour nouvelle décision de taxation au sens des considérants pour la période fiscale 2022. Subsidiairement, A.________ conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe sous le coup d'aucune exception de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11]; art. 73 LHID [RS 642.14]). Au surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par la destinataire de la décision attaquée, qui a qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière sous réserve de ce qui suit.
1.2. La juridiction cantonale a rendu un seul arrêt valant pour les impôts en matière d'IFD et d'ICC pour la période fiscale 2022, ce qui est admissible (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1). Le dépôt d'un seul acte de recours est en principe aussi autorisé, si le recourant s'en prend clairement aux deux catégories d'impôt (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2).
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (cf. ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 145 V 188 consid. 2 et les références).
3.
La juridiction cantonale a examiné la recevabilité de la réclamation du 8 janvier 2024 au regard des exigences formelles que sont la motivation et le respect du délai d'opposition de 30 jours. Elle a cependant laissé la question de la recevabilité pour cause de tardiveté ouverte ("[...] cette question n'a pas besoin d'être définitivement tranchée"[...], arrêt entrepris, p. 7). En tant que le recourant s'en prend à l'arrêt entrepris sous l'angle de la tardiveté de sa réclamation, il n'aborde pas un aspect décisif de la motivation de l'arrêt attaqué, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ses griefs y relatifs. Il suffit de déterminer si c'est à bon droit que la juridiction cantonale a confirmé que la réclamation du 8 janvier 2024 était irrecevable pour défaut de motivation, tant en matière d'IFD que d'ICC.
4.
La juridiction cantonale a rappelé de manière complète le droit et la jurisprudence sur la protection de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.; ATF 141 V 530 consid. 6.2; 134 I 199 consid. 1.3.1; 129 II 361 consid. 7.1), sur la nullité d'une décision de taxation d'office (ATF 145 III 436 consid. 4; arrêt 2C_679/2019 du 11 juillet 2017 consid 4.2 et 5.2.4), ainsi que sur les exigences de motivation d'une réclamation contre une décision de taxation d'office (art. 132 al. 3 LIFD; art. 185 ss de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux [LI/VD; RS/VD 642.11]; ATF 131 II 548 consid. 2.3; arrêts 9C_291/2024 du 19 juin 2024 consid. 3.3; 2C_334/2018 du 29 novembre 2018 consid. 6.1 in fine). Il suffit de renvoyer à l'arrêt attaqué sur ces points (art. 109 al. 3 LTF).
5.
5.1.
5.1.1. Le recourant fait d'abord valoir la nullité de la décision de taxation du 28 novembre 2023, qui peut être invoquée en tout temps (cf. ATF 138 II 501 consid. 3.1). Il soutient, en substance, que la majoration de son revenu imposable de 20 % en 2022 par rapport à l'année précédente serait arbitraire, dans la mesure où la juridiction cantonale n'exposerait pas son raisonnement confirmant cette augmentation. En outre, l'autorité fiscale aurait admis "à demi-mot" que la taxation d'office pourrait avoir un aspect punitif, ce qui excéderait ses compétences.
5.1.2. Lorsqu'il s'en prend au revenu imposable arrêté dans la décision de taxation d'office du 28 novembre 2023, le recourant invoque un vice de fond qui n'entraîne qu'exceptionnellement la nullité d'une décision (cf. ATF 148 II 564 consid. 7.2). Or la juridiction cantonale a considéré à juste titre que l'office de l'impôt n'avait pas taxé le recourant de manière délibérément arbitraire à son détriment: il avait tenu compte des taxations antérieures ainsi que de l'activité exercée par le contribuable - à savoir l'exploitation d'une agence de communication visuelle, de publicité et de multimédia - et de l'essor des activités entrepreneuriales à la fin des restrictions liées à la pandémie de Covid-19 en 2022. En outre, comme l'ont également constaté les juges précédents, les circonstances exceptionnelles qui permettent d'admettre l'existence d'un motif de nullité dans le cadre d'une procédure de taxation d'office ne sont pas réalisées en l'espèce, ce que le recourant ne conteste du reste pas (voir à ce propos l'arrêt 9C_673/2023 du 19 août 2024 consid. 6.9, destiné à la publication). Au demeurant, s'agissant du prétendu aspect punitif de la majoration, il s'agit d'une simple allégation sans aucune motivation. Le grief est infondé.
5.2. Dans un second grief, le recourant reproche à tort à la Cour de justice d'avoir violé son droit d'être entendu en refusant de procéder à son audition. En effet, l'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit pas un droit à être entendu oralement dans une procédure fiscale (cf. ATF 140 I 68 consid. 9.6.1). De plus, sous l'angle de l'appréciation anticipée des preuves, en alléguant que son audition aurait permis aux juges précédents de "dresser un tableau complet des circonstances", le recourant ne démontre pas que leur appréciation, selon laquelle le dossier leur permettait de se faire une idée complète et précise de la cause, serait arbitraire.
6.
6.1.
6.1.1. Le recourant reproche ensuite à la juridiction cantonale une appréciation (anticipée) arbitraire des faits, lorsqu'elle a retenu que l'office de l'impôt, dans son courrier du 12 janvier 2024, lui avait octroyé un délai de 30 jours pour qu'il dépose des observations uniquement en lien avec la tardiveté de sa réclamation. En substance, il soutient que l'hypothèse de la juridiction cantonale serait inconcevable, dans la mesure où l'octroi d'un délai aussi long pour déposer des observations sur la seule question de la tardiveté d'une réclamation serait dénué de sens. En outre, les juges précédents auraient considéré sans motivation qu'il conviendrait de s'écarter du texte clair du courrier du 12 janvier 2024, selon lequel le délai octroyé pour qu'il dépose des éventuelles observations concernerait l'ensemble de sa situation fiscale, pièces à l'appui, et non pas seulement la tardiveté de sa réclamation.
6.1.2. Ce grief est également infondé. Quoi qu'en dise le recourant, il ne ressort pas du courrier de l'office de l'impôt 12 janvier 2024 que celui-ci aurait laissé entendre que la situation fiscale du recourant pourrait être revue dans son ensemble. Par ailleurs, la juridiction cantonale a retenu, à juste titre, que le délai de 30 jours imparti à ce dernier le 12 janvier 2024 pour déposer des observations ne pouvait pas être compris autrement que portant sur la recevabilité, dès lors que l'office de l'impôt avait maintenu les éléments figurant dans la décision de taxation du 28 novembre 2023. À cet égard, le recourant ne pouvait rien déduire d'autre de la prétendue longue durée du délai imparti pour déposer des observations. En effet, l'office de l'impôt a expressément indiqué dans son courrier du 12 janvier 2024 qu'il considérait la réclamation comme irrecevable et qu'il confirmait les éléments imposables ainsi que les amendes prononcées, de sorte qu'il ne s'agissait clairement pas d'un délai supplémentaire pour que le recourant puisse compléter sa réclamation sur le fond.
6.2.
6.2.1. Le recourant fait également valoir une violation du principe de la bonne foi (art. 9 Cst.) toujours en lien avec le délai de 30 jours que lui a accordé l'office de l'impôt pour qu'il lui transmette des observations dûment motivées. Il soutient, en substance, qu'il serait courant dans la pratique d'octroyer un délai pour compléter une réclamation, ce que la juridiction cantonale aurait par ailleurs confirmé dans son arrêt. En outre, le comportement de l'ACI aurait été en contradiction avec la position de l'office de l'impôt, dès lors qu'elle aurait considéré, à l'inverse de ce dernier, que la motivation de la réclamation était insuffisante.
6.2.2. Le recourant se contente de présenter librement les faits qu'il considère comme déterminants pour retenir qu'il existerait une violation du principe de la bonne foi. Ses allégations ne démontrent pas le caractère arbitraire des constatations de faits et de l'appréciation de la juridiction cantonale qui a admis, à juste titre, que les conditions (cumulatives) n'étaient pas remplies pour retenir l'existence d'une violation du principe de la bonne foi. En effet, selon les juges précédents, aucun élément ne permettait de déduire que le recourant aurait pu avoir des attentes légitimes, ni qu'il aurait pris d'éventuelles dispositions. Au demeurant, l'office de l'impôt n'a jamais indiqué que la réclamation du 8 janvier 2024 satisfaisait aux exigences de motivation, de sorte que l'on ne saurait considérer que le comportement de l'ACI, qui a retenu un tel défaut, serait contradictoire. Le grief est infondé.
7.
7.1. Le recourant se plaint encore d'une violation de l'art. 132 al. 3 LIFD et de son application trop stricte (formalisme excessif; art. 29 al. 1 Cst.) par la juridiction cantonale. Il soutient, d'une part, que le droit fédéral ne prévoirait pas que les moyens de preuves devraient nécessairement être produits avec la réclamation et que la production de la déclaration d'impôt - moyen de preuve qu'il aurait mentionné - ne constituerait pas une condition de recevabilité de la réclamation. D'autre part, en indiquant dans sa réclamation du 8 janvier 2024 que le revenu réalisé était totalement différent du revenu taxé d'office, il aurait exposé pour quelle raison il considérait la décision de taxation du 28 novembre 2023 comme manifestement inexacte et la différence de revenu comme insoutenable. L'office de l'impôt n'aurait par ailleurs jamais remis en question cette motivation, dans la mesure où il aurait uniquement évoqué l'irrecevabilité pour cause de tardiveté et que seule l'intimée aurait soulevé ce défaut formel au stade de la décision sur réclamation du 12 mars 2024. Le recourant soutient encore qu'en lui octroyant un délai supplémentaire, l'office de l'impôt aurait accepté qu'il complète sa motivation et dépose d'autres moyens de preuves.
7.2. Comme l'ont relevé à juste titre les juges précédents, en se limitant à indiquer que son revenu était totalement différent du revenu taxé d'office, en ne fournissant aucun moyen de preuves et en admettant implicitement ne pas avoir encore établi sa déclaration d'impôt 2022, le recourant n'a pas satisfait aux exigences accrues de motivation dans sa réclamation du 8 janvier 2024. On rappellera que l'art. 132 al. 3 LIFD prévoit que "le contribuable qui a été taxé d'office peut déposer une réclamation contre cette taxation uniquement pour le motif qu'elle est manifestement inexacte. La réclamation doit être motivée et indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve". Selon la jurisprudence développée en matière de taxation d'office, rappelée par les premiers juges (cf. consid. 4 supra), le contribuable ne peut se limiter à une contestation globale ou à une contestation partielle de positions uniques, car cela ne permet pas d'examiner d'emblée si la taxation d'office est manifestement inexacte. Ainsi, le contribuable ne doit pas se contenter de mettre en doute la taxation d'office, mais doit prouver que celle-ci ne correspond pas à la situation réelle (arrêts 2C_61/2021 du 22 décembre 2021 consid. 4.1; 2C_509/2015 et 2C_510/2015 du 2 février 2016 consid. 6.1). En l'occurrence, si la seule absence de transmission de la déclaration d'impôt n'entraînait pas l'irrecevabilité, la simple mention de celle-ci dans la réclamation ne suffisait pas à établir que la taxation d'office serait manifestement inexacte, tout comme l'allégation que le revenu effectivement réalisé était différent du revenu taxé d'office. Le recourant se plaint en vain que ces exigences accrues, prévues par la loi et la jurisprudence y relative, relèverait du formalisme excessif.
Enfin, le recourant ne peut pas se fonder avec succès sur l'absence de mention relative au défaut de motivation par l'office de l'impôt dans son courrier du 12 janvier 2024. Compte tenu de la date de notification alléguée par le contribuable de la décision de taxation d'office (le 12 décembre 2023), comme les premiers juges l'ont constaté, le délai pour former une réclamation serait arrivé à échéance le 11 janvier 2024. Passé ce délai, il ne lui était plus possible de compléter sa réclamation et de transmettre sa déclaration d'impôt 2022, les délais légaux n'étant pas prolongeables. Le recourant ne peut pas non plus se prévaloir du prétendu délai octroyé par l'office de l'impôt pour déposer "des observations dûment motivées", dans la mesure où cette indication ne pouvait pas être comprise comme une occasion pour compléter sa réclamation sur le fond (cf. consid. 6.1.2 supra).
8.
Compte tenu de ce qui précède, le recours, qui est manifestement infondé, doit être rejeté selon la procédure simplifiée de l'art. 109 al. 2 let. a LTF. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
La requête d'effet suspensif est en conséquence sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Administration fédérale des contributions Division principale DAT.
Lucerne, le 7 janvier 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
Le Greffier : Feller