4A_263/2024 10.12.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_263/2024
Arrêt du 10 décembre 2024
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jametti, Présidente, Rüedi et May Canellas.
Greffière : Monti.
Participants à la procédure
1. A.________ Sàrl,
2. B.________ SA,
désormais radiée, reprise par C.________ SA,
3. D.________,
toutes trois représentées par Me Pascal Pétroz, avocat,
recourantes,
contre
1. E.________ Sàrl,
2. F.________,
tous deux représentés par Me Romolo Molo, avocat,
intimés.
Objet
bail à loyer; exécution d'une transaction judiciaire,
recours contre l'arrêt rendu le 22 mars 2024 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/23926/2022; ACJC/386/2024).
Faits :
A.
A.a. E.________ Sàrl et F.________ (ci-après: les locataires) ont pris à bail une arcade de 139 m2 au rez-de-chaussée d'un immeuble sis rue... à Genève, plus des dépôts dans le même édifice, pour un loyer de 3'500 fr. nets par mois.
Les propriétaires de l'immeuble étaient alors A.________ Sàrl, B.________ SA - entité désormais radiée, reprise finalement par C.________ SA - et D.________, aujourd'hui décédée (ci-après: les bailleresses).
A.b. Les locataires se sont plaints de défauts d'isolation et ont sollicité des travaux pour y remédier; ils ont consigné le loyer dès le 26 septembre 2019.
A.c. Le 28 octobre 2019, les locataires ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du canton de Genève d'une requête en validation de consignation de loyer, en exécution de ces travaux et en réduction de loyer.
A l'audience tenue par l'autorité de conciliation le 16 décembre 2019, les parties sont convenues de l'accord suivant: "Les bailleresses s'engagent à effectuer les travaux suivants dans les locaux situés rue... à Genève: pose de nouveaux joints à écrasement sur le pourtour de la porte du local poubelle et des portes attenantes du couloir donnant sur le local poubelle, changement des fenêtres et cadres et pose d'un double vitrage de toutes les portes et vitrines de l'arcade y compris le vitrage donnant sur la cour intérieure en conformité avec les exigences de la CMNS [Commission des monuments, de la nature et des sites, réd.] d'ici au 30 avril 2020. S'il devait y avoir un problème de délai dans l'octroi du préavis de la CMNS, ce retard ne serait pas imputable aux bailleresses. Moyennant bonne et fidèle exécution de ce qui précède, les locataires renoncent à une réduction de loyer en lien avec les faits exposés dans leur demande du 28 octobre 2019. Les bailleurs renoncent à augmenter le loyer en lien avec les faits exposés dans leur demande du 28 octobre 2019. Le loyer sera réduit de 100 % durant les travaux d'installation des fenêtres susvisées si ceux ci impliquent la fermeture du magasin. Les bailleurs s'engagent à transmettre aux locataires au plus tard 30 jours à l'avance, le planning des travaux susmentionnés. Les locataires s'engagent à procéder à la déconsignation des loyers d'ici au 31 décembre 2019."
B.
B.a. Le 23 novembre 2022, les locataires ont saisi le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève d'une requête par laquelle ils ont conclu à ce que soit constaté le caractère exécutoire de l'accord passé le 16 décembre 2019, par lequel "la bailleresse" s'engageait à effectuer différents travaux; ils ont en outre conclu à ce que "la partie bailleresse" soit menacée de la peine prévue par l'art. 292 CP en cas d'inexécution, et condamnée à une astreinte de 500 fr. par jour de retard dans l'exécution des travaux précités à compter du premier jour suivant la réception du jugement condamnatoire.
Ils ont allégué avoir déconsigné les loyers et démontré avoir relancé à plusieurs reprises les bailleresses s'agissant de l'exécution de l'accord précité (soit les 10 août et 25 septembre 2020, 2 août 2021, 21 septembre et 2 novembre 2022), sans succès.
A l'audience du 7 mars 2023, les bailleresses ont conclu au rejet de la requête. Elles ont allégué avoir connu du retard en raison de la pandémie COVID-19, puis avoir saisi la Commission genevoise des monuments, de la nature et des sites (CMNS), comme le démontrait un échange de courriels survenu les 4 juillet et 2 août 2022.
A l'audience du 23 mai 2023, elles ont déposé une pièce nouvelle, à savoir un échange de correspondances avec cette commission (CMNS), qu'elles avaient initié le 10 mai 2023 et auquel ladite commission avait répondu en ces termes le 20 mai 2023: "Pour être tout à fait clair, les propositions ne conviennent pas. Au vu de la situation et du diagnostic des vitrines (transmis [le] 5 octobre 2020), nous attendons la conservation des serrureries d'origine du côté rue. Évidemment une adaptation avec verres isolants reste envisageable [...]. La situation du côté cour [...] reste à déterminer. Merci de considérer ce qui précède et, surtout, de ne rien entreprendre sans l'accord de notre service et/ou du département."
Par jugement du 10 octobre 2023, le Tribunal des baux et loyers a ordonné l'exécution de la transaction judiciaire du 16 décembre 2019 (ch. 1 du dispositif), ordonné en conséquence l'exécution des travaux suivants dans les locaux loués: pose de nouveaux joints à écrasement sur le pourtour de la porte du local poubelles et des portes attenantes donnant sur le local poubelle[s]; changement des fenêtres et cadres et pose d'un double vitrage de toutes les portes et vitrines de l'arcade y compris le vitrage donnant sur la cour intérieure, en conformité avec les exigences de la CMNS (ch. 2). Il a aussi imparti aux bailleresses un ultime délai de six mois dès la notification du jugement pour s'exécuter (ch. 3), condamné les précitées à une amende d'ordre de 50 fr. par jour pour chaque jour d'inexécution dès l'échéance du délai imparti sous chiffre 3 (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).
B.b. Par arrêt du 22 mars 2024, la Cour de justice du canton de Genève, par sa Chambre des baux et loyers, a rejeté le recours des bailleresses. Les motifs qui sous-tendent ce jugement seront évoqués dans les considérants en droit qui suivront.
C.
Les bailleresses (les recourantes) forment un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elles concluent au fond, et principalement, au déboutement des locataires.
Dans leur réponse, ces derniers (les intimés) proposent que le recours soit déclaré irrecevable et, sur le fond, que les bailleresses soient déboutées de toutes leurs conclusions. Dans la sienne, la Cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Les recourantes se sont fendues d'une réplique, à laquelle leurs adverses parties n'ont pas dupliqué, estimant que cette écriture n'appelait pas de commentaires.
Considérant en droit :
1.
1.1. Les intimées soutiennent dans leur réponse, pièce à l'appui, que l'une des recourantes, D.________, est décédée le 25 décembre 2023.
1.1.1. La qualité pour recourir (art. 76 LTF) présuppose la capacité d'être partie. Or, une partie décédée n'a pas la capacité d'être partie, qualité inséparable de la jouissance des droits civils au sens de l'art. 11 CC (FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, 2e éd. 2016, nn. 685 et 689). Dite partie ne peut donc saisir le Tribunal fédéral d'un recours en son propre nom (ATF 129 I 302 consid. 1.2.4; arrêts 4A_441/2022 du 3 janvier 2024 consid. 1.1, 4A_129/2021 du 9 août 2021 consid. 4.1 et 4A_43/2017 du 7 mars 2017 consid. 1.1). La personnalité s'éteint par le décès (art. 31 al. 1 CC), et le défunt n'est plus titulaire des droits et obligations à faire valoir en justice, dès lors que ceux-ci sont passés à ses héritiers par succession universelle (art. 560 CC; arrêts précités 4A_441/2022 consid. 1.1 et 4A_129/2021 consid. 4.1).
1.1.2. Dans le cas présent, D.________ est décédée avant que l'arrêt attaqué n'ait été rendu, fait très probablement non porté à la connaissance de l'autorité précédente, mais admis dans la réplique. Ceci n'a pas empêché qu'un recours soit formé en son nom. Cet acte est dès lors irrecevable, dans la mesure où il émane de la prénommée. Pour attaquer valablement l'arrêt de la Cour cantonale, ses héritiers auraient dû former un recours en leur nom.
1.2. Les locataires/intimés font encore valoir que l'immeuble en cause a été vendu et appartient désormais à la seule A.________ Sàrl; en attestent une copie de la publication dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève du... juin 2023 - laquelle fait référence à une transaction du mois précédent -, ainsi qu'un extrait du registre foncier. Ceci remet aussi en question la qualité pour recourir de la troisième recourante, B.________ SA, désormais radiée et reprise en dernier lieu par C.________ SA. Les bailleresses admettent également cette transaction immobilière dans leur réplique; elles expliquent que A.________ Sàrl a "racheté les parts des autres copropriétaires".
1.2.1. Aux termes de l'art. 17 al. 1 PCF, applicable par renvoi de l'art. 71 LTF, une personne ne peut se substituer à l'une des parties qu'avec le consentement de l'autre (cf. arrêts 4A_504/2015 du 28 janvier 2016 consid. 1.1.2, 1C_32/2007 du 18 octobre 2007 consid. 1.1). L'art. 17 al. 3 PCF dispose toutefois que le changement des personnes n'entraîne pas substitution de parties lorsqu'il s'opère par succession universelle ou en vertu de dispositions légales spéciales. Dans un arrêt qui remonte au 28 novembre 2006, le Tribunal fédéral a précisé que l'art. 261 al. 1 CO - selon lequel le bail passe à l'acquéreur avec la propriété de la chose si, après la conclusion du contrat, le bailleur aliène la chose louée - compte parmi les dispositions légales spéciales auxquelles l'art. 17 al. 3 PCF fait référence (arrêt 4C.291/2006 du 28 novembre 2006 consid. 1.3), ce qui fait que l'acquéreur se substitue de plein droit au précédent bailleur dans les procès en cours pour les droits et obligations résultant du contrat après le moment du transfert (arrêt 4A_251/2012 du 28 août 2012 consid. 2). La doctrine en approuve le principe, même si d'aucuns estiment qu'il faut l'envisager uniquement pour les procès en contestation de la résiliation, respectivement en prolongation de bail (cf. entre autres ROGER WEBER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7e éd. 2020, n° 13 ad art. 261 CO; DAVID LACHAT, in Le bail à loyer, 2019, ch. 4.1.6 et 4.1.7, p. 898-900; HIGI/WILDISEN, in Zürcher Kommentar, Vorbemerkungen zum 8. Titel [Art. 253 - 273c OR], 5e éd. 2019, nos 22-23 ad art. 261 CO; SYLVAIN MARCHAND, in Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, 2e éd. 2017, n° 23 ad art. 261 CO).
1.2.2. En l'espèce, le transfert de propriété de l'immeuble querellé est admis par les personnes concernées; il est survenu en mai 2023. Par ailleurs, le procès a exclusivement trait aux droits et obligations résultant du contrat de bail après ce transfert. Partant, A.________ Sàrl s'est substituée de plein droit à B.________ SA, respectivement à D.________, dans le procès en cours (raison pour laquelle il sera fait référence à la bailleresse ou la recourante dans les développements qui suivent). Cette entité dispose seule de la qualité pour recourir. Ceci signifie que le recours de B.________ SA est lui aussi irrecevable.
1.3. Pour le surplus, les conditions de recevabilité du recours en matière civile formé par A.________ Sàrl sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. dans ce conflit de droit du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). Demeure réservée la recevabilité de l'un ou l'autre grief en particulier.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'autorité précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). L'autorité de céans ne peut rectifier les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5), ou si elles ont été établies en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influencer le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Le Tribunal fédéral se montre réservé en matière de constatations des faits et d'appréciation des preuves, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales (cf. ATF 120 Ia 31 consid. 4b; 104 Ia 381 consid. 9 et les références citées). Il n'intervient du chef de l'art. 9 Cst. (prohibition de l'arbitraire) que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2).
La critique de l'état de fait est soumise au principe strict de l'allégation énoncé à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées) : la partie qui entend attaquer ou compléter les faits retenus par l'autorité précédente doit expliquer clairement, et de manière circonstanciée, en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Pour chaque constatation de fait incriminée, elle doit démontrer comment les preuves administrées auraient dû, selon elle, être correctement appréciées, et en quoi leur appréciation est insoutenable (cf. par ex. arrêt 5A_621/2013 du 20 novembre 2014 consid. 2.1, non publié aux ATF 141 III 53). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (cf., sous l'OJ déjà, ATF 130 I 258 consid. 1.3).
In casu, la recourante prétend alléguer le contenu du courriel du 10 mai 2023, qu'elle reproduit in extenso; elle semble toutefois méconnaître que la teneur de ce courriel figure déjà dans la partie " En fait " de l'arrêt attaqué, sous lettre C.e. Il n'y a pas lieu de compléter l'état de fait sur ce point.
2.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2; 135 III 397 consid. 1). Par exception au principe selon lequel il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral n'entre en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (principe de l'allégation, art. 106 al. 2 LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4).
3.
L'objet du litige porte sur l'exécution d'une transaction judiciaire.
La cour cantonale a fait droit à la conclusion en exécution formulée par les locataires. Elle s'est exprimée sur les deux seuls griefs que les bailleresses adressaient au jugement de première instance:
- Sur la prétendue incompétence du Tribunal des baux et loyers pour connaître de la demande en exécution: ce moyen était formulé pour la première fois devant la Cour d'appel cantonale. Quoi qu'il en soit, il ne résistait pas à l'examen. En effet, l'art. 89 al. 2 de la loi genevoise du 26 septembre 2010 sur l'organisation judiciaire (LOJ-GE; RS/GE E 2 05) devait être interprété largement, en ce sens que le Tribunal des baux et loyers exerçait les compétences que le CPC attribuait au juge de l'exécution non seulement s'agissant des jugements ordonnant l'évacuation d'un locataire (comme expressément mentionné à cet alinéa), mais aussi pour toutes les autres mesures d'exécution en matière de baux. Ceci englobait l'action en exécution d'une transaction judiciaire portant sur l'exécution de travaux à réaliser dans un local commercial. Il existait d'ailleurs des avantages à ce qu'une juridiction spécialisée examine une requête d'exécution d'une décision rendue par elle; aucun argument ne plaidait en revanche en faveur d'une compétence du Tribunal de première instance, qui ne serait d'ailleurs que marginale. Partant, le Tribunal des baux et loyers s'était à bon droit déclaré compétent in casu.
- Sur la prétendue condition à laquelle l'exécution des travaux querellés aurait été subordonnée: la Cour de justice a également balayé ce grief. Les bailleresses s'étaient engagées à exécuter des travaux de façon conforme aux exigences de la CMNS; ceux-ci devaient donc être réalisés au 30 avril 2020. Ceci ne voulait pas dire qu'il y avait une prestation conditionnelle propre à entraîner l'application de l'art. 342 CPC. Pour le surplus, il n'appartenait pas au tribunal de l'exécution d'examiner si, lorsque l'accord avait été pris, il était exécutable dans le laps de temps arrêté, eu égard à la nécessaire procédure d'agrément auprès de la CMNS, ni comment la réserve exprimée en terme de responsabilité au sujet du "problème de délai dans l'octroi du préavis de la CMNS" pourrait être interprétée.
Pour les juges cantonaux, les bailleresses étaient uniquement fondées à se prévaloir des suspensions de travaux causées par la pandémie de COVID-19 (intervenues dès le 20 mars 2020, et pour quelques semaines) et du fait qu'en dépit de leurs démarches, elles n'étaient pas parvenues à réaliser des travaux préalablement agréés par la CMNS. Ces motifs ne relevaient toutefois pas de l'art. 341 al. 3 CPC, de sorte que l'exécution avait été ordonnée à bon droit.
4.
La recourante dénonce tout d'abord une violation de l'art. 30 al. 1 Cst., en relation avec l'interprétation de l'art. 89 LOJ-GE.
4.1. Selon l'art. 30 al. 1 Cst. - et l'art. 6 par. 1 CEDH, dont la portée est identique -, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Cette réglementation vise à éviter que des tribunaux ne soient constitués spécialement pour le jugement d'une affaire et à empêcher que les juges choisis pour statuer dans une affaire déterminée ne le soient de façon à influencer le jugement. L'art. 30 al. 1 Cst. interdit d'ailleurs expressément les "tribunaux d'exception". Un tribunal dont la composition n'est pas justifiée par des motifs objectifs viole le droit à la garantie constitutionnelle du juge indépendant et impartial. Les parties à la procédure ont droit à une composition régulière de l'autorité judiciaire (voir par ex. ATF 137 I 340 consid. 2.2.1).
La composition et la formation des tribunaux civils appelés à statuer relèvent de l'organisation judiciaire cantonale (art. 3 CPC; Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse [CPC], FF 2006 ch. 5.1 p. 6875 ad art. 3). Le tribunal est en principe valablement constitué lorsqu'il siège dans une composition qui correspond à ce que le droit cantonal prévoit. Le droit des parties à une composition régulière du tribunal impose des exigences minimales au droit d'organisation judiciaire cantonal, de façon à éviter les tribunaux d'exception et la mise en oeuvre de juges ad hoc ou ad personam. Il exige dès lors, en vue d'empêcher toute manipulation et afin de garantir l'indépendance nécessaire, une organisation judiciaire et une procédure déterminées par un texte légal (ATF 131 I 31 consid. 2.1.2.1; 129 V 335 consid. 1.3.1; arrêt 9C_731/2007 du 20 août 2008 consid. 2.2.1).
C'est en premier lieu à la lumière des règles cantonales topiques d'organisation judiciaire qu'il convient d'examiner si une autorité judiciaire a statué dans une composition conforme à la loi. Sur ce point, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est limité à l'arbitraire.
En second lieu, le Tribunal fédéral examine avec une pleine cognition le point de savoir si la composition correcte du tribunal, telle que prévue par le droit cantonal, reconnu non appliqué arbitrairement, est compatible avec l'art. 30 al. 1 Cst. (ATF 131 I 31 consid. 2.1.2.1; arrêt 4A_1/2017 du 22 juin 2017 consid. 2.1.1; à propos de l'art. 29 al. 1 Cst., applicable à la composition d'une autorité administrative, cf. ATF 142 I 172 consid. 3.2).
4.2. En l'espèce, l'art. 86 al. 1 LOJ-GE prévoit une compétence résiduelle du Tribunal de première instance genevois pour tous les actes de la juridiction civile contentieuse ou non contentieuse que la loi n'attribue pas à une autre autorité judiciaire ou administrative; la lettre c de l'alinéa 2 précise qu'il exerce notamment - sauf si la loi désigne une autre autorité - les compétences que le CPC attribue au tribunal de l'exécution. L'art. 89 al. 1 LOJ-GE donne au Tribunal des baux et loyers, entre autres, la compétence de connaître des litiges relatifs au contrat de bail à loyer et au bail à ferme non agricole portant sur une chose immobilière. Son deuxième alinéa spécifie que le Tribunal des baux et loyers exerce en outre les compétences que le CPC attribue au tribunal de l'exécution, pour les jugements ordonnant l'évacuation d'un locataire rendus par le Tribunal des baux et loyers et par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice.
La Haute Cour cantonale a estimé que le législateur cantonal s'était exprimé de manière excessivement limitative à l'art. 89 al. 2 LOJ-GE en citant uniquement les jugements ordonnant l'évacuation d'un locataire, respectivement qu'il avait perdu de vue qu'il existait d'autres cas de mesures d'exécution en matière de baux; le Tribunal des baux et loyers était aussi compétent pour connaître d'une requête d'exécution concernant une décision qu'il avait lui-même rendue, respectivement une transaction judiciaire passée devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, lors même que ce cas de figure n'était pas expressément mentionné à l'article topique.
Ce faisant, elle a procédé à une interprétation large de cette disposition légale cantonale, qui l'a conduite à constater une authentique lacune. Ce mode de faire respecte les règles prévalant en cette matière (cf. notamment ATF 149 III 117 consid. 3.1). Pour le surplus, le Tribunal fédéral n'a nulle vocation à se substituer aux juridictions genevoises dans l'interprétation d'une disposition qui relève de l'organisation judiciaire cantonale. La bailleresse/recourante, qui invoque du bout des lèvres l'arbitraire, ne fournit pas même la trame de ce grief, qui semble tenir tout entier dans le fait que la disposition légale querellée ne mentionne textuellement que les jugements ordonnant l'évacuation d'un locataire. L'argument qu'elle tire du fait que les deux précédents arrêts de la Cour de justice cités dans le jugement attaqué (ACJC/553/2012 du 23 avril 2012 consid. 3.2.6 et ACJC/646/2019 du 6 mai 2019 consid. 2.1.7) n'allaient pas aussi loin, respectivement ne tranchaient pas la question décisive, ne lui est d'aucune utilité. D'arbitraire, il ne saurait être question.
Quant à savoir si cette interprétation violerait l'art. 30 al. 1 Cst, ceci ne se conçoit guère davantage. La garantie d'un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial, n'empêche pas le juge d'interpréter la loi cantonale d'organisation judiciaire lorsqu'une telle opération s'avère nécessaire. La recourante ne se hasarde pas à avancer que, sous couvert de l'interprétation bien conçue d'un texte de loi, la Cour cantonale aurait en réalité voulu lui imposer un juge ad personam. Tel n'est manifestement pas le cas.
La cour de céans rappellera également que la faculté d'invoquer l'incompétence d'une autorité est limitée par les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) et par l'interdiction de l'abus de droit, notamment ancrée à l'art. 2 CC. De ce point de vue, il est nécessaire pour l'avancement et l'économie du procès que la question de la compétence matérielle d'une autorité soit soulevée d'entrée de cause: s'il y a lieu, les parties seront rapidement renvoyées à agir devant l'autorité compétente; un déclinatoire tardif ne pourra pas être utilisé comme procédé dilatoire (cf. ATF 111 II 62 consid. 2 p. 65; cf. par ex. J EAN-FRANÇOIS EGLI, La protection de la bonne foi dans le procès, in Juridiction constitutionnelle et juridiction administrative, Zurich 1992, p. 239; MAX GULDENER, Treu und Glauben im Zivilprozess, in RSJ 39 [1943], p. 395).
En l'espèce, la recourante ne conteste pas avoir laissé la procédure se dérouler devant le Tribunal des baux et loyers, qui a tenu rien moins que deux audiences; elle n'a pas pour autant soulevé un déclinatoire. Au contraire, elle a attendu de disposer d'un jugement qui lui était défavorable pour se prévaloir de l'incompétence du tribunal saisi dans son recours. Pareil procédé ne mérite aucune protection.
En somme, les griefs que la recourante adresse à cette première partie de l'arrêt cantonal ne peuvent qu'être rejetés.
5.
La recourante voit dans la seconde partie de cet arrêt une violation de l'art. 342 CPC.
Elle s'évertue à prétendre que les travaux qu'elle doit réaliser seraient soumis à une condition suspensive, tenant dans l'autorisation préalable de la CMNS, autorisation qui aurait tardé, respectivement n'aurait pas encore été délivrée. Cela étant, elle n'a guère plus de succès dans cette bataille où son seul argument est de rappeler le texte de l'accord judiciaire - que la Cour cantonale n'a pas méconnu - et d'en proposer une interprétation divergente, sans qu'aucun élément ne vienne l'accréditer.
La cour de céans note au passage que la bailleresse/recourante devait effectuer les travaux convenus pour le 30 avril 2020. A cette date, elle n'avait encore rien entrepris. Malgré de nombreuses relances des locataires (les 10 août et 25 septembre 2020, 2 août 2021, 21 septembre et 2 novembre 2022, litt. B.a supra), elle a attendu le 10 mai 2023 - soit près de trois ans après la date définie - pour interpeller la CMNS, dont le préavis était requis. Dans ces circonstances, elle ne saurait sérieusement invoquer la clause de la transaction judiciaire selon laquelle "[s]'il devait y avoir un problème de délai dans l'octroi du préavis de la CMNS, ce retard ne serait pas imputable aux bailleresses" (let. A.c supra) pour justifier un retard qui se mesure en années, et dont elle porte l'entière responsabilité.
Ce deuxième grief se heurte donc également à un rejet.
6.
Dans la dernière partie de son recours, la bailleresse dénonce une "appréciation arbitraire des faits". Ce grief n'a toutefois pas de portée propre: la bailleresse revient uniquement en boucle sur la problématique d'une hypothétique condition posée aux travaux querellés, en réalité inexistante. Pour finir, elle se plaint d'"irrationalité de l'application de la loi" - par quoi il faudrait entendre l'application arbitraire de la loi -. Elle ne fait cependant qu'esquisser une telle critique, sans répondre aux exigences posées en matière de violation du droit constitutionnel (consid. 2.2 supra); aussi son moyen s'avère-t-il irrecevable.
7.
Partant, le recours de A.________ Sàrl doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, alors que ceux de B.________ SA et de D.________ sont irrecevables.
A.________ Sàrl et B.________ SA supporteront les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., solidairement et à parts égales. Ces deux entités verseront aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours de D.________ est irrecevable.
2.
Le recours de B.________ SA est irrecevable.
3.
Le recours de A.________ Sàrl est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
4.
Les frais judiciaires, fixés à 5'000 fr., sont mis à la charge de A.________ Sàrl et B.________ SA, solidairement entre elles.
5.
A.________ Sàrl et B.________ SA, débitrices solidaires, verseront aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 10 décembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
La Greffière : Monti