7B_153/2024 15.01.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_153/2024
Arrêt du 15 janvier 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch et Hofmann,
Greffier: M. Magnin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Michel Bergmann, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Ordonnance de classement (indemnité), droit d'être entendu,
recours contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2024 par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève
(P/22813/2018 - ACPR/13/2024).
Faits:
A.
Par ordonnance du 8 juin 2023, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a ordonné le classement de la procédure pénale ouverte contre A.________ (ci-après: le prévenu) pour lésions corporelles par négligence, a laissé les frais judiciaires à la charge de l'État et a alloué au prévenu une indemnité de 7'084 fr. 80 pour ses frais d'avocat.
B.
B.a. Le 19 juin 2023, B.________ (ci-après: la plaignante) a formé un recours contre cette ordonnance de classement auprès de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale de recours).
B.b. Le 4 septembre 2023, après avoir été invité, par avis adressé le 31 juillet 2023 par la Chambre pénale de recours, à se déterminer, le prévenu a déposé ses observations. Il a pris les conclusions suivantes: "[...] avec suite de frais et dépens à ce qu'il plaise à la Chambre pénale de recours: 1. Confirmer l'ordonnance de classement du 8 juin 2003 [recte 2023] prononcée dans la procédure P/22813/2018[;] 2. Débouter la recourante de toutes ses conclusions".
B.c. Par avis du 4 septembre 2023, la Chambre pénale de recours a informé les parties, dont le prévenu, qu'elles avaient suffisamment eu l'occasion de s'exprimer et que, si elles ne partageaient pas ce point de vue, elles pouvaient déposer d'éventuelles observations dans un délai de cinq jours, leur silence étant considéré comme valant renonciation à cette faculté.
B.d. Par arrêt du 11 janvier 2024, la Chambre pénale de recours a rejeté le recours déposé par la plaignante. Elle a en outre alloué au prévenu une indemnité de 800 fr., à la charge de l'État, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP). À cet égard, elle a exposé que, dans la mesure où le prévenu n'avait pas chiffré ses prétentions, mais que l'autorité pénale examinait d'office ce poste (art. 429 al. 2 CPP), un montant de 800 fr. lui serait alloué, correspondant à 2 heures d'activité au tarif horaire de 400 fr., ce qui paraissait adéquat avec le travail fourni.
C.
Par acte du 2 février 2024, A.________ (ci-après: le recourant) interjette un recours en matière pénale contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que le canton de Genève soit condamné à lui verser une indemnité de 5'137 fr. 50 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, l'arrêt étant maintenu pour le surplus.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit:
1.
1.1. Le recours en matière pénale au Tribunal fédéral est ouvert contre les décisions sur les prétentions en indemnisation prévues aux art. 429 ss CPP et 436 CPP (cf. ATF 139 IV 206 consid. 1; arrêt 7B_69/2022 du 28 août 2024 consid. 1). Le recours a été déposé contre une décision finale (cf. art. 90 LTF), qui a été rendue par une autorité cantonale de dernière instance (cf. art. 80 al. 1 LTF). Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile (cf. art. 44 ss et 100 al. 1 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
1.2.
1.2.1. Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente.
Cette exception vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée, par exemple concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente afin d'en contester la régularité (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2) ou les faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours (ATF 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 7B_132/2023 du 12 mars 2024 consid. 2.1 et les arrêts cités). De même, lorsque la décision de l'instance précédente est fondée sur un nouvel argument juridique auquel les parties n'avaient pas été confrontées précédemment, les recourants peuvent avancer devant le Tribunal fédéral les faits nouveaux qui démontrent que l'argumentation de l'instance précédente est contraire au droit (ATF 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 7B_132/2023 du 12 mars 2024 consid. 2.1 et les références citées).
En dehors des cas prévus par l'art. 99 al. 1 LTF, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 144 V 35 consid. 5.2.4) ou d'éléments que les parties ont négligé de présenter à l'autorité précédente (ATF 143 V 19 consid. 1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 7B_132/2023 du 12 mars 2024 consid. 2.1 et les arrêts cités).
Il appartient au recourant qui entend se prévaloir de l'admissibilité exceptionnelle de faits nouveaux de démontrer que les conditions en sont remplies (ATF 143 V 19 consid. 1.2; arrêt 7B_132/2023 du 12 mars 2024 consid. 2.1 et l'arrêt cité).
1.2.2. Le recourant a produit un curriculum vitae de son avocat, ainsi qu'une note d'honoraires relative à l'activité déployée par ce dernier durant la procédure cantonale de recours (cf. acte 4, pièces 1 et 2), qui ne figurent pas au dossier cantonal. Ces moyens de preuve nouveaux visent à première vue à établir le bien-fondé des prétentions du recourant en indemnisation au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour la procédure cantonale de recours. Contrairement à ce qu'il lui appartenait de faire, le recourant n'a toutefois formulé, devant le Tribunal fédéral, aucune explication permettant de démontrer que ces moyens de preuve pourraient constituer l'une des exceptions prévues à l'art. 99 al. 1 LTF. Ces moyens de preuve nouveaux, et les faits nouveaux qui en résultent, se révèlent donc irrecevables.
2.
2.1. Le recourant considère que le montant de 800 fr. qui lui a été alloué par l'autorité cantonale à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées pour l'exercice raisonnable de ses droits dans la procédure de recours (art. 429 al. 1 let. a et 436 CPP) aurait été fixé de manière arbitraire. Invoquant notamment une violation de l'art. 429 al. 2 CPP, il estime que le montant précité, qui correspond, selon la cour cantonale, à 2 heures d'activité d'avocat au tarif horaire de 400 fr., serait insuffisant et qu'une telle durée ne serait, contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, pas en adéquation avec le travail fourni. Il fait valoir que l'activité déployée par son avocat durant la procédure cantonale de recours, et en particulier pour rédiger les observations du 4 septembre 2023, ne pourrait manifestement pas être estimée à seulement 2 heures, dès lors que même un juriste rapide et chevronné n'aurait pas pu accomplir le travail effectué dans un tel laps de temps. Il ajoute que ses observations précitées, détaillées, étaient selon lui nécessaires, parce qu'il était prévenu pour des actes qui se sont déroulés dans l'exercice de ses fonctions de médecin et qu'il risquait une condamnation inscrite à son casier judiciaire. Il ajoute qu'il était dès lors utile que son avocat se détermine sur chacun des arguments du recours. Il reproche également à la juridiction cantonale de ne pas avoir expliqué pourquoi elle aurait considéré que le travail fourni par son avocat n'était en l'occurrence pas nécessaire.
2.2.
2.2.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, disposition applicable tant à la procédure de première instance qu'à la procédure de recours en vertu du renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP, le prévenu acquitté totalement ou en partie a le droit à une indemnité notamment pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 139 IV 241 consid. 1; 138 IV 205 consid. 1). Elle couvre en particulier les honoraires d'avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure (ATF 146 IV 332 consid. 1.3; 144 IV 207 consid. 1.3.1; arrêts 6B_250/2024 du 13 août 2024 consid. 1.2; 6B_559/2023 du 8 novembre 2023 consid. 1.1). L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires étaient ainsi justifiés (ATF 142 IV 45 consid. 2.1; arrêt 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 2.2.2 et les arrêts cités). L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu; elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (art. 429 al. 2 CPP).
2.2.2. Selon l'art. 112 al. 1 let. b LTF, les décisions qui peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral doivent indiquer les motifs déterminants de fait et de droit sur lesquels l'autorité s'est fondée. Il doit ressortir clairement de la décision quels sont les faits constatés sur lesquels l'autorité précédente s'est fondée et quel est le raisonnement juridique qu'elle a suivi (ATF 146 IV 231 consid. 2.6.1; 141 IV 244 consid. 1.2.1). Si la décision attaquée ne satisfait pas à ces exigences, le Tribunal fédéral peut soit la renvoyer à l'autorité cantonale en invitant celle-ci à la parfaire, soit l'annuler (art. 112 al. 3 LTF). Cette disposition concrétise le droit d'être entendu (art. 3 al. 2 let. c CPP, art. 29 al. 2 Cst. et art. 6 par. 1 CEDH) dont la jurisprudence a déduit le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 146 II 335 consid. 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 139 IV 179 consid. 2.2).
2.3. En l'espèce, l'autorité cantonale a retenu que le recourant, prévenu libéré dans le cadre de la procédure cantonale de recours, avait droit à une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Elle a indiqué qu'elle examinait d'office ce poste et qu'il convenait d'allouer au recourant un montant de 800 fr., qui correspondait à 2 heures d'activité au tarif horaire de 400 fr., et qu'une telle durée paraissait adéquate avec le travail fourni (arrêt querellé, pp. 16-17).
Cette motivation est particulièrement sommaire et ne permet ni au recourant ni au Tribunal fédéral de comprendre sur quels motifs la juridiction cantonale s'est fondée pour considérer que le travail accompli par l'avocat du recourant dans le cadre de la procédure cantonale de recours devait être évalué à 2 heures respectivement qu'une telle durée correspondait en l'occurrence à un exercice raisonnable de ses droits de procédure. Sur ce point, la cour cantonale n'explique en effet pas, même succinctement, en quoi aurait consisté le travail fourni par le défenseur du recourant. Or, elle aurait à tout le moins pu, d'une part, indiquer brièvement que celui-ci avait consisté notamment en la rédaction des déterminations du 4 septembre 2023 et, d'autre part, détailler sommairement leur teneur pour procéder à une estimation du travail qu'elles avaient impliqué. De plus, aucune analyse des dispositions topiques en la matière, même brève, notamment des art. 429 al. 1 let. a et al. 2 CPP, ne ressort de l'arrêt querellé. Comme l'a indiqué à juste titre le recourant, l'autorité cantonale n'expose par exemple pas que le travail accompli par l'avocat du recourant n'aurait pas été nécessaire dans le cas particulier et ne fait nullement référence au volume du dossier ou à une éventuelle complexité de l'affaire. Il s'ensuit que le raisonnement de la cour cantonale est lacunaire et qu'il ne permet pas au Tribunal fédéral de contrôler si celle-ci a en l'espèce correctement appliqué le droit. Par ailleurs, dans la mesure où il ne dispose que d'un pouvoir d'examen limité à l'inexactitude manifeste des faits (cf. art. 97 al. 1 LTF), il n'appartient pas au Tribunal fédéral de statuer en tant qu'instance unique sur la quotité de l'indemnité requise par la recourant, ce d'autant plus que la note d'honoraires produite devant lui l'a été de manière irrecevable (cf. consid. 1.2 supra).
3.
3.1. Le recours doit donc être admis, sans qu'il y ait matière à examiner les autres griefs développés par le recourant. L'arrêt querellé sera annulé sur la question de l'indemnité précitée et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision sur ce point (art. 112 al. 3 LTF). L'arrêt querellé sera maintenu pour le surplus.
Au regard de la nature procédurale du vice constaté et dans la mesure où le Tribunal fédéral n'a pas traité la cause sur le fond, ne préjugeant ainsi pas de l'issue de celle-ci, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2; arrêt 7B_271/2023 du 1 er février 2024 consid. 4.1 et l'arrêt cité).
3.2. Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens à la charge du canton de Genève (cf. art. 68 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis. L'arrêt du 11 janvier 2024 est annulé en tant qu'il concerne la quotité de l'indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP allouée au recourant et la cause est renvoyée à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour qu'elle procède dans le sens des considérants.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
La République et canton de Genève versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 15 janvier 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Abrecht
Le Greffier: Magnin