7B_401/2024 10.01.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_401/2024, 7B_402/2024
Arrêt du 10 janvier 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Kölz et Hofmann,
Greffier : M. Fragnière.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Tano Barth, avocat,
recourant,
contre
7B_401/2024
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
et
7B_402/2024
Elodie Abrar, Procureure,
p.a. Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, Case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimée.
Objet
7B_401/2024
Refus de prendre des notes en audience,
7B_402/2024
Récusation,
recours contre les arrêts de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 27 mars 2024
(ACPR/227/2024 et ACPR/228/2024).
Faits :
A.
A.a. Le 9 janvier 2024, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour viol au préjudice de B.________. Il est en substance reproché au prévenu d'avoir, durant la nuit du 6 au 7 janvier 2024, dans un local technique d'un établissement à U.________, contraint B.________ à subir des actes d'ordre sexuel et une relation sexuelle vaginale.
La Procureure Élodie Abrar (ci-après: la procureure intimée) a été chargée d'instruire cette procédure.
A.b. Par réquisitions de preuve du 22 janvier 2024, A.________ a sollicité du Ministère public que deux témoins soient auditionnés urgemment. Il a en outre demandé à pouvoir être confronté à B.________ lors d'une audience filmée à mener avant le 12 février 2024. Il estimait que l'instruction était "trop dirigée à charge".
Par pli du 30 janvier 2024, intitulé "mise en demeure préalable à un recours en déni de justice et à une demande de mise en liberté", le défenseur de A.________ a intimé au Ministère public de convoquer, sous quarante-huit heures, une confrontation entre B.________ et lui à tenir avant le 12 février 2024. Il a par ailleurs listé des "erreurs de procédure" qui auraient été commises à son détriment, en reprochant - en termes vifs - à la procureure intimée de manquer au serment qu'elle avait prêté.
Par retour de courrier, la procureure intimée a répondu qu'elle avait chargé la police de diverses investigations, dont la défense se rendrait compte en consultant le dossier, et qu'une confrontation serait organisée dans un second temps.
A.c. Le 1er février 2024, le défenseur de A.________ a renouvelé ses réquisitions de preuves du 22 janvier 2024, en précisant qu'il formulait cette mise en demeure sous peine de former un recours pour déni de justice et de présenter une demande de mise en liberté.
Ce dernier a renouvelé une nouvelle fois, le 10 février 2024, ses réquisitions de preuves et a communiqué quatre dates auxquelles il serait disponible pour l'audience de confrontation, en relevant qu'il ne considérerait pas une date postérieure au 19 février 2024 comme une réponse suffisamment rapide à une injonction du tribunal des mesures de contrainte sur ce point.
Le lendemain, le défenseur de A.________ a rappelé sa requête tendant à la perquisition du téléphone mobile de B.________, en précisant que le refus de cette requête faisait naître un soupçon de parti pris contre lui.
Par courrier du 14 février 2024, il a demandé une nouvelle fois que l'audience de confrontation à venir soit filmée, afin de pouvoir examiner la crédibilité, les tics de langage et la posture corporelle.
A.d. Lors de l'audience de confrontation menée le 22 février 2024, le Ministère public a entendu B.________ en qualité de partie plaignante en présence de A.________ et de son défenseur, ainsi que d'un interprète. La procureure intimée a refusé sur le siège que cette audience soit filmée.
Durant cette audition, le prévenu s'est vu intimer par la procureure intimée de cesser de prendre des notes, alors que la partie plaignante venait d'expliquer, sur demande du Ministère public, qu'on lui avait "trouvé des maladies [qu'elle n'avait] pas avant". Qualifiée de décision de la direction de la procédure, cette interdiction a été inscrite et motivée sur-le-champ au procès-verbal par l'obligation pour le prévenu de déposer sur la base de ses souvenirs.
A.e. Par lettre du 23 février 2024, A.________ a demandé à la procureure intimée de se récuser. Cette demande a été transmise à l'autorité de recours afin de statuer sur la requête de récusation.
B.
B.a. Par arrêt du 27 mars 2024 (ACPR/227/2024), la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise (ci-après: la cour cantonale ou l'autorité précédente) a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A.________ contre la décision rendue le 22 février 2024 par le Ministère public.
B.b. Par un second arrêt du même jour (ACPR/228/2024), l'autorité précédente a rejeté la demande de récusation formée le 23 février 2024 par A.________ contre la procureure intimée.
C.
C.a. A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt ACPR/227/2024 (cause 7B_401/2024), en concluant à sa réforme en ce sens qu'une violation de son droit à un procès équitable soit constatée et qu'il soit ordonné au Ministère public de lui permettre de prendre des notes lors d'audiences durant lesquelles il ne serait pas lui-même interrogé. Il requiert en outre d'être dispensé du paiement des frais judiciaires.
Invités à se déterminer, la cour cantonale y a renoncé, tandis que le Ministère public s'en est remis à justice quant à la recevabilité du recours et a conclu au rejet de celui-ci en déclarant qu'il faisait sien le raisonnement de l'arrêt attaqué dans son intégralité. Ces prises de position ont été communiquées aux parties pour information.
C.b. A.________ interjette un autre recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt ACPR/228/2024 (cause 7B_402/2024), en concluant à sa réforme en ce sens que la récusation de la procureure intimée soit prononcée. Il sollicite également d'être dispensé du paiement des frais judiciaires.
Invités à se déterminer, la cour cantonale y a renoncé, tandis que la procureure intimée s'en est remise à justice quant à la recevabilité du recours et a conclu au rejet de celui-ci en déclarant qu'elle faisait sien le raisonnement de l'arrêt attaqué dans son intégralité. Ces prises de position ont été communiquées aux parties pour information.
Considérant en droit :
1.
Les recours dans les causes 7B_401/2024 et 7B_402/2024, déposés par un même recourant, sont certes dirigés contre des décisions distinctes rendues par l'autorité précédente. Toutefois, les griefs soulevés dans ces deux écritures, parmi lesquels certains se recoupent, se réfèrent à un complexe similaire de faits.
Partant et pour des raisons d'économie de procédure, il se justifie de joindre ces deux causes et de statuer dans un seul arrêt (art. 24 al. 3 PCF, applicable par analogie vu le renvoi de l'art. 71 LTF).
Cause 7B_401/2024
2.
2.1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2). Toutefois, lorsque les conditions de recevabilité ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier, la partie recourante est tenue d'exposer en quoi elles sont réunies, sous peine d'irrecevabilité (cf. art. 42 al. 2 LTF; ATF 147 IV 453 consid. 1.4.8; 141 IV 1 consid. 1.1).
2.2.
2.2.1. La décision attaquée, qui ne met pas fin à la procédure, revêt à l'évidence un caractère incident. Elle concerne en effet l'interdiction de prendre des notes signifiée au recourant par le Ministère public lors de l'audience de confrontation du 22 février 2024. Une telle décision ne peut dès lors faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que si elle peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF), cette dernière hypothèse n'entrant toutefois pas en considération en l'espèce.
2.2.2. L'art. 93 al. 1 let. a LTF suppose que le recourant soit exposé à un dommage de nature juridique, qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision qui lui serait favorable (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois. Il incombe au recourant d'expliquer en quoi la décision incidente est susceptible de lui causer un tel dommage, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 141 III 80 consid. 1.2; arrêt 7B_406/2024 du 20 juin 2024 consid 2.2.1).
2.3.
2.3.1. En l'espèce, le recourant soutient qu'il existerait un risque de préjudice irréparable en lien avec son droit à un procès équitable, soit plus particulièrement à une défense effective. Il expose que l'interdiction de prendre des notes prononcée le 22 février 2024 l'aurait empêché de retranscrire ce qui aurait pu le surprendre durant l'audition de la partie plaignante ou tout autre détail dont il aurait pu se souvenir et qui permettrait de démontrer que cette dernière mentait. Sans avoir pu prendre de telles notes, le recourant aurait été empêché d'informer son défenseur de ce qui aurait pu lui paraître pertinent et utile à sa défense, laquelle s'en serait trouvée affaiblie et entravée.
2.3.2. Pour autant, le recourant ne se plaint pas d'une violation des règles relatives à l'administration des preuves et ne remet pas en cause l'exploitabilité du procès-verbal de l'audience de confrontation du 22 février 2024. Il ne prétend en particulier pas que son droit de participer à l'administration d'une preuve aurait été violé. L'existence d'un risque de préjudice irréparable se rapporterait ainsi, d'après le recourant, exclusivement à l'impossibilité de prendre des notes durant l'audition de la partie plaignante, en vue de les transmettre à son défenseur. Or l'interdiction de prise de notes ordonnée par le Ministère public relève de la police de l'audience (cf. art. 63 CPP). Cette décision n'apparaît pas d'emblée susceptible de causer un préjudice irréparable; encore faudrait-il que la personne visée par l'interdiction soit concrètement exposée à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement, ce que le recourant échoue à démontrer par ses développements.
2.4. Dans ces circonstances, l'existence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, qui justifierait d'entrer en matière sur le recours, n'est ni démontrée ni évidente.
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable.
Cause 7B_402/2024
3.
3.1. Une décision rendue par une autorité cantonale statuant en tant qu'instance unique (art. 80 al. 2 in fine LTF), relative à la récusation d'un membre du Ministère public, peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale malgré son caractère incident (cf. art. 78 et 92 al. 1 LTF). Le recourant, prévenu, dont la demande de récusation a été rejetée, a qualité pour recourir en vertu de l'art. 81 al. 1 LTF.
3.2. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réalisées, il y a lieu d'entrer en matière.
4.
4.1. Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir rejeté sa demande de récusation visant la procureure intimée dans la procédure pénale dirigée contre lui. Il voit une apparence de prévention de la procureure intimée dans le fait que, durant l'audience du 22 février 2024, elle lui aurait refusé de prendre des notes à l'attention de son défenseur en autorisant toutefois la partie plaignante à prendre de telles notes. Il existerait également, selon le recourant, un motif de prévention en lien avec l'affirmation par la procureure intimée d'un "fait faux" dans le cadre d'un recours portant sur son maintien en détention provisoire. À cela s'ajouteraient en outre d'autres motifs ou des erreurs procédurales qui, commises à son détriment, renforceraient l'apparence de partialité de la magistrate intimée.
4.2.
4.2.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.
Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus à l'art. 56 let. a à e CPP et correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 143 IV 69 consid. 3.2). Elle concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; arrêt 7B_189/2023 du 16 octobre 2023 consid. 2.2.1).
Une appréciation différenciée peut s'imposer s'agissant de l'application de la clause générale posée à l'art. 56 let. f CPP lorsqu'une autorité au sens de l'art. 12 CPP est en cause. En effet, la différence de fonction existant entre une autorité judiciaire (art. 13 CPP) et un membre d'une autorité de poursuite pénale (art. 12 CPP) ne peut pas être ignorée. Les exigences de réserve, d'impartialité et d'indépendance prévalant pour la première catégorie peuvent donc ne pas être les mêmes s'agissant de la seconde (arrêt 1B_95/2021 du 12 avril 2021 consid. 2.1). La jurisprudence a ainsi reconnu que, durant la phase de l'instruction, le ministère public peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête; tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve et doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1). De manière générale, ses déclarations doivent ainsi être interprétées de manière objective, en tenant compte de leur contexte, de leurs modalités et du but apparemment recherché par leur auteur (arrêts 1B_398/2017 du 1er mai 2018 consid. 3.2; 1B_384/2017 du 10 janvier 2018 consid. 4.1).
4.2.2. Les parties à une procédure ont cependant le droit d'exiger la récusation d'un membre d'une autorité dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause puissent influencer une appréciation en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'intéressé ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 143 IV 69 consid 3.2).
Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que la personne en cause est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid 3.2; arrêt 7B_189/2023 du 16 octobre 2023 consid. 2.2.1).
4.3. En l'espèce, la cour cantonale a relevé que le recourant tirait essentiellement argument des circonstances de l'audience du 22 février 2024. Elle a considéré que celles-ci ne laissaient cependant apparaître aucun manquement de la procureure intimée quant à son devoir d'impartialité. Cette dernière avait exercé la police de l'audience (art. 63 CPP) en refusant sur le siège de faire filmer le déroulement de l'audition, puis en interdisant au recourant de prendre des notes pendant que la partie plaignante faisait sa déposition; le recourant bénéficiait de voies de droit pour contester ces décisions, ce qu'il avait fait s'agissant de l'interdiction de prise de notes. La procureure intimée avait correctement rappelé à la partie plaignante son obligation de déposer et avait attiré son attention sur les conséquences pénales possibles conformément à l'art. 181 al. 2 CPP. Elle avait pris le temps d'éclaircir la version des faits donnée par la partie plaignante sans lui accorder "un privilège" pour autant. Aussi, la procureure intimée n'avait pas à se faire dicter, par des accusations durables et répétées de partialité, la manière ou le tempo selon lesquels elle entendait conduire son instruction ou poser des questions aux parties. Admettre le contraire reviendrait, en quelque sorte, à autoriser un prévenu revendicatif, irritable ou simplement enclin à imposer ses orientations à la procédure à choisir le magistrat en charge de l'instruction et à en faire changer lorsque ce dernier ne satisferait pas à ses demandes. Le recourant ne pouvait en outre pas fonder sa requête de récusation sur des impressions personnelles. Enfin, l'autorité précédente a retenu que, les circonstances de l'audience du 22 février 2024 ne fondant pas un motif de récusation, les autres griefs soulevés dans le cadre de la requête de récusation ne pouvaient pas s'inscrire dans la configuration dite de la "goutte d'eau qui fait déborder le vase" (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2, 4.2 et 4.3 p. 6 ss).
4.4.
4.4.1. Dans des moyens de nature formelle, le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu en ne prenant pas en considération trois éléments qu'il avait soulevés dans sa réplique du 16 mars 2024. Premièrement, il évoque un tableau comparatif présentant un récapitulatif des différences de traitement entre la partie plaignante et lui dans le cadre de l'instruction. Le recourant relate deuxièmement le fait que la procureure intimée a conclu le 11 mars 2024, à titre subsidiaire, au prononcé de mesures de substitution à la détention provisoire dans le cadre d'une demande de mise en liberté refusée par le tribunal des mesures de contraintes. Il se prévaut dernièrement du fait que, le 8 mars 2024, l'audience de confrontation entre la partie plaignante et lui-même a été déléguée à une autre procureure et s'est poursuivie sereinement, avec une "direction de la procédure neutre, professionnelle et sans préjugés".
4.4.2. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 146 II 335 consid 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 139 IV 179 consid. 2.2), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 139 IV 179 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen de ceux qui lui paraissent pertinents et aux questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt 6B_1246/2022 du 11 octobre 2023 consid. 3.1 et les arrêts cités). L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 142 II 154 consid. 4.2; arrêt 6B_1446/2021 du 9 décembre 2022 consid. 3.1.2 et l'arrêt cité).
4.4.3. En l'occurrence, bien que la cour cantonale ait considéré que l'objet du litige était strictement délimité par les faits invoqués dans la requête de récusation et qu'il ne s'étendait pas à ceux énoncés dans la réplique seulement (cf. arrêt attaqué, consid. 2 p. 6), elle n'a pas écarté pour autant les faits nouveaux allégués par le recourant dans cette dernière écriture. Il ressort à ce propos des faits de l'arrêt attaqué que, d'une part, l'audience de confrontation du 8 mars 2024 s'est poursuivie sous l'égide d'un autre procureur et que, d'autre part, la procureure intimée a préavisé négativement le 11 mars 2024 une demande de libération présentée par le recourant, sauf notamment à ce que celui-ci fournît des sûretés d'un montant de 10'000 fr. (cf. arrêt attaqué, partie "En fait" let. B.q et B.r p. 5). Il apparaît dès lors, contrairement à ce que soutient le recourant, que ces deux éléments ont bien été pris en considération par l'autorité précédente et que, d'après la motivation cantonale, cette autorité n'a pas jugé opportun de les discuter plus avant, dans la mesure où les principaux griefs de récusation invoqués, qui se rapportaient pour l'essentiel au déroulement de l'audience du 22 février 2024, pouvaient être écartés (cf. arrêt attaqué, consid. 4.2 s. p. 7 ss).
S'agissant finalement du tableau comparatif des différences de traitement entre les parties, le recourant ne cherche finalement pas à démontrer que la cour cantonale aurait arbitrairement omis de retenir certains faits à cet égard (cf. art. 105 al. 2 et 106 al. 2 LTF), ni n'expose en quoi ces éléments - en tant qu'accusations portées contre la procureure intimée quant à son devoir d'instruire équitablement selon l'art. 6 al. 2 CPP (cf. arrêt attaqué, consid. 4.2 p. 8) - auraient été occultés par l'autorité précédente.
4.5.
4.5.1. Toujours sous l'angle d'une violation de son droit d'être entendu, le recourant soutient que la cour cantonale n'aurait pas examiné s'il existait un motif de récusation dans le fait que la procureure intimée aurait "affirmé un fait faux" à la Chambre pénale de recours dans sa prise de position sur un recours contre le refus de mise en liberté prononcé par le tribunal des mesures de contrainte. Selon lui, il en irait par ailleurs de même des motifs invoqués qu'il tire de l'interdiction "unilatérale" de prendre des notes en audience et d'autres erreurs procédurales que cette magistrate aurait commises à son détriment.
4.5.2. Il ressort toutefois de l'arrêt attaqué que, si elle n'a pas constaté les faits dans le sens voulu par le recourant à cet égard, l'autorité précédente a néanmoins tenu compte de ces différents griefs (cf. arrêt attaqué, partie "En fait" let. C.a p. 5). Elle les a non seulement examinés, mais également rejetés. Elle a en effet considéré que rien dans le déroulement de l'audience du 22 février 2024 ne démontrait un parti pris de la procureure intimée, ce qui englobait l'interdiction "unilatérale" de prise de notes (cf. arrêt attaqué, consid. 4.2 p. 7 s.). Elle a en outre relevé que les autres griefs soulevés dans la requête de récusation - ce qui comprenait l'allégation de "fait faux" par la procureure intimée ainsi que toute autre erreur procédurale invoquée par le recourant - ne suffisaient pas à fonder un motif de prévention découlant d'une appréciation globale d'erreurs qui auraient été commises en procédure (cf. arrêt attaqué, consid. 4.3 p. 8 s.). Quoi qu'en dise le recourant, un telle motivation est suffisante.
4.5.3. Partant, les griefs du recourant tirés d'une violation du droit être entendu doivent être rejetés.
4.6.
4.6.1. Sur le fond, le recourant estime que ses reproches relatifs à l'allégation d'un "fait faux" par la procureure intimée et à l'interdiction "unilatérale" de prise de notes - ainsi que celui se rapportant à la conclusion subsidiaire de la procureure intimée tendant au prononcé de mesures de substitution à la détention provisoire - seraient si graves qu'ils justifieraient, chacun individuellement, la récusation de cette dernière. Il voit ensuite un procédé déloyal dans le fait que la procureure intimée aurait attendu le jour de l'audience du 22 février 2024 pour l'informer qu'elle refusait de filmer celle-ci. Il rappelle pour le reste ses diverses accusations d'erreurs procédurales qui, cumulées aux autres motifs, laisseraient apparaître une différence de traitement entre les parties et fonderaient ainsi une apparence de prévention.
4.6.2. Les arguments du recourant ne peuvent toutefois pas être suivis.
4.6.2.1. Il n'apparaît en particulier pas que la procureure intimée, en charge de l'instruction, aurait enfreint le devoir d'impartialité qui incombe à un membre d'une autorité de poursuite pénale (art. 12 CPP), voire qu'elle aurait procédé de manière déloyale.
On ne voit en effet pas en quoi la procureure intimée aurait adopté un comportement déloyal en attendant le jour de l'audience du 22 février 2024 pour rejeter la requête du recourant tendant à ce que l'audition de la partie plaignante soit filmée. L'intéressé pouvait s'attendre à ce que sa requête fût refusée, dans la mesure où la procureure intimée n'avait préalablement pas indiqué aux parties que l'audience en question serait enregistrée (cf. art. 76 al. 4 a contrario CPP). En dehors de circonstances particulières non réalisées en l'espèce, le refus de cette requête ne peut par ailleurs pas constituer un motif de prévention, étant rappelé la nature potestative de l'art. 76 al. 4 CPP.
Contrairement à ce que soutient le recourant, la magistrate intimée n'a en outre pas agi de manière déloyale ou violé son devoir d'impartialité en sollicitant, à titre subsidiaire, du tribunal des mesures de contrainte le prononcé de mesures de substitution à la détention provisoire. Elle avait des motifs raisonnables de soutenir principalement que les conditions de la détention provisoire étaient réalisées, ce qui a du reste été confirmé par la Cour de céans (cf. arrêts 7B_430/2024 du 6 mai 2024 et 7B_371/2024 du 23 avril 2024).
Lorsque la procureure intimée a interdit au recourant de prendre des notes durant l'audience du 22 février 2024, elle a par ailleurs exercé la police de l'audience (cf. art. 63 CPP) sans verser dans la partialité; le recourant ne soutient à cet égard pas qu'il aurait été entravé dans sa participation à l'audition de la partie plaignante et échoue à démontrer qu'il aurait subi un préjudice irréparable (cf. consid. 2.3.2 supra). Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer, en lien avec la procédure de récusation, sur le bien-fondé de cette interdiction de prendre des notes. Il ne ressort en particulier pas des faits de l'arrêt attaqué que la partie plaignante aurait été ainsi avantagée. Même à supposer que cette dernière eût été autorisée à échanger des notes avec son conseil durant cette audience - comme le soutient le recourant qui se plaint à cet égard d'une constatation arbitraire des faits -, elle a été entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements (cf. art. 178 let. a CPP) et avait le droit d'être assistée de son conseil (cf. art. 180 al. 1 cum 158 al. 1 let. c CPP), alors que le recourant n'a pas lui-même été interrogé.
4.6.2.2. Pour le surplus, on ne décèle pas, dans les actes d'instruction litigieux, d'erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs de la magistrate intimée.
En ce qui concerne plus particulièrement de l'allégation d'un "fait faux", le moyen se rapporte aux observations de la procureure intimée sur un recours formé par le recourant contre le refus de mise en liberté de sa détention provisoire. La magistrate y aurait notamment exposé que l'intéressé s'était bien gardé de dire qu'il avait travaillé dans l'établissement au sein duquel les faits reprochés se seraient produits, alors qu'il avait en réalité spontanément déclaré à la police y avoir travaillé une fois auparavant. Pour autant, la procureure intimée s'est exprimée sur le fait que le recourant avait déjà travaillé dans l'établissement en question - ce qui n'est pas contesté -, soit sur un élément susceptible de renforcer les soupçons selon lesquels il aurait commis les faits reprochés. Elle n'a ainsi pas allégué faussement un fait pertinent dans l'examen des conditions matériels de la détention provisoire du recourant. Son erreur ne revêt en tout état pas une gravité suffisante pour fonder un motif de récusation.
4.6.2.3. Les autres critiques du recourant, qui portent en substance sur la manière dont a été menée l'instruction et qui relèvent pour l'essentiel d'impressions individuelles, tombent à faux.
D'une part, l'avancement de la procédure pénale n'apparaît, durant la période litigieuse, pas avoir subi de temps morts ou de retards qui seraient susceptibles de fonder une violation du principe de la célérité. Le seul fait que le recourant eût souhaité que certains actes d'instruction fussent entrepris plus rapidement ne suffit pas à ce que le rythme avec lequel est mené l'instruction traduise une quelconque apparence de prévention. D'autre part, on rappellera qu'un refus de donner suite à une réquisition de preuve que le recourant estime à tort ou à raison utile ne constitue d'aucune façon une apparence objective de prévention. La procédure de récusation n'a en effet pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 138 IV 142 consid. 2.3).
4.7. En définitive, il apparaît que l'autorité précédente n'a pas violé le droit fédéral en considérant qu'il n'existait en l'espèce aucun motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP et en rejetant la requête de récusation formulée par recourant.
Le recours doit donc être rejeté.
Frais
5.
Comme les recours 7B_401/2024 et 7B_402/2024 étaient dénués de chances de succès, les requêtes du recourant tendant à être dispensé des frais judiciaires doivent être rejetées (art. 64 al. 1 a contrario LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires; ceux-ci seront toutefois fixés en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les causes 7B_401/2024 et 7B_402/2024 sont jointes.
2.
Le recours dans la cause 7B_401/2024 est irrecevable.
3.
Le recours dans la cause 7B_402/2024 est rejeté.
4.
Les requêtes d'assistance judiciaire sont rejetées.
5.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'400 fr., sont mis à la charge du recourant.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public de la République et canton de Genève, à Elodie Abrar et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 10 janvier 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Fragnière