6B_1078/2023 17.12.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1078/2023
Arrêt du 17 décembre 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et Muschietti.
Greffière : Mme Klinke.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Charlotte Iselin, avocate,
recourante,
contre
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
2. B.________,
représenté par Me Véronique Fontana, avocate,
intimés.
Objet
Actes d'ordre sexuel avec des enfants (arbitraire),
recours contre le jugement de la Cour d'appel
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 20 mars 2023 (n° 79 PE19.007841/VCR).
Faits :
A.
Par jugement du 12 novembre 2020, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a reconnu B.________ coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de cinq mois, peine cumulative à celles prononcées les 24 janvier 2011, 28 octobre 2011 et 14 mai 2013 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (II), a suspendu l'exécution de la peine et a fixé le délai d'épreuve à deux ans (III) et a alloué à A.________ une indemnité pour tort moral de 8'000 fr., à la charge de B.________ (IV).
B.
Par jugement du 17 mai 2021, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis l'appel formé par B.________ contre le jugement de première instance. Elle l'a libéré du chef d'accusation d'actes d'ordre sexuel avec des enfants. Pour le reste, elle a notamment renvoyé A.________ à agir devant le juge civil et a laissé les frais de la procédure de première instance à la charge de l'État.
Par arrêt du 16 septembre 2022 (6B_1045/2021), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A.________ contre le jugement cantonal du 17 mai 2021, a annulé ce jugement et a renvoyé la cause à la cour cantonale pour qu'elle procède à une administration des preuves conforme au droit et statue à nouveau.
C.
Statuant sur renvoi par jugement du 20 mars 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis l'appel de B.________ et l'a libéré du chef d'accusation d'actes d'ordre sexuel avec des enfants.
Le jugement cantonal repose en substance sur les faits suivants.
C.a. B.________ est né en 1963 au Pérou. Il y a suivi sa scolarité obligatoire, a débuté une formation d'ingénieur et a travaillé pendant 13 ans dans la construction. Arrivé en Suisse en 1998, il a été marié de 1999 à 2002. Il a ensuite vécu pendant une dizaine d'années avec C.________, mère de A.________ (née en 1994) et de sa soeur D.________ (née en 1991), lorsque celles-ci étaient mineures. De leur relation est née E.________, en 2001. Il est désormais séparé et vit avec sa fille E.________, au bénéfice d'une rente Al et de prestations sociales. || dit n'avoir ni dettes ni économies. Il bénéficie depuis 2014 d'une prise en charge psychiatrique axée sur la stabilisation de la thymie et l'anxiété; il présente un tableau anxio-dépressif.
C.b. En mars 2006, la mère de A.________ a déposé une plainte pénale contre B.________, son compagnon de l'époque, pour actes d'ordre sexuel avec des enfants. Sa fille (alors âgée de 12 ans) lui avait confié que, durant l'été 2003, lors de vacances en famille à U.________, B.________ avait profité du fait qu'elle était installée sur le canapé et regardait la télévision pour s'approcher d'elle par derrière et pour glisser l'une de ses mains dans sa culotte et lui toucher le sexe.
Par ordonnance de non-lieu du 2 avril 2009, le juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a constaté que l'enquête n'avait pas permis de corroborer les accusations de la plaignante s'agissant de l'attouchement, qu'aucune mesure d'instruction ne semblait à même de le faire et qu'un doute sur la culpabilité du prévenu demeurait.
C.c. Le 12 avril 2019, A.________, alors majeure, a demandé la réouverture de la procédure pénale contre B.________. Elle invoquait un élément nouveau corroborant les accusations de 2006, à savoir les déclarations de sa soeur D.________, qui lui avait confié avoir été présente au moment des faits qu'elle dénonçait et être prête à témoigner.
Par ordonnance pénale du 8 juin 2020, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a condamné B.________ pour actes d'ordre sexuel avec des enfants. || a retenu que, durant l'été 2003, lors de vacances à U.________, il avait commis sur A.________, la fille de sa compagne de l'époque, un acte d'ordre sexuel, alors que celle-ci se trouvait sur le canapé et regardait la télévision. B.________, très probablement sous l'influence de l'alcool, était arrivé derrière elle, avait mis l'une de ses mains dans sa culotte et lui avait touché le sexe; il s'était attardé à cet endroit pendant 3 à 4 minutes.
C.d. L'extrait de casier judiciaire de B.________ fait état de trois condamnations. Le 24 janvier 2011 et le 14 mai 2013, il a été condamné pour conduite en état d'incapacité à des peines pécuniaires et à une amende. Le 28 octobre 2011, il a été condamné pour injure et et utilisation abusive d'une installation de télécommunication à une peine pécuniaire de 15 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 2 ans et à 300 fr. d'amende.
D.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal du 20 mars 2023 et conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que B.________ est reconnu coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et condamné à une peine privative de liberté de 5 mois, peine cumulative à celles prononcées antérieurement (délai d'épreuve de 2 ans) et qu'il est condamné à lui verser une indemnité pour tort moral de 8'000 fr. (avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er juillet 2003). Subsidiairement, elle conclut à l'annulation du jugement cantonal et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
E.
Invités à se déterminer sur le recours, le ministère public et la cour cantonale y ont renoncé en se référant au jugement entrepris. L'intimé s'est déterminé et a conclu au rejet du recours. La recourante a très brièvement répliqué par acte qui a été communiqué à l'intimé pour information.
Considérant en droit :
1.
Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent des prétentions civiles celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils; il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 146 IV 76 consid. 3.1).
En l'espèce, la recourante a participé à la procédure de dernière instance cantonale. Elle a pris des conclusions civiles tendant à la réparation de son tort moral, qui ont été admises à hauteur de 8'000 fr. en première instance, puis rejetées en seconde instance en raison de l'acquittement de l'intimé. Devant le Tribunal fédéral, la recourante conclut expressément à l'allocation d'une indemnité à titre de tort moral de 8'000 fr. déduite de l'infraction qu'elle dénonce. Elle a ainsi un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification du jugement attaqué, de sorte qu'elle dispose de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral (cf. arrêt 6B_156/2024 du 23 septembre 2024 consid. 1).
2.
La recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves et établi l'état de fait de manière manifestement inexacte s'agissant du comportement reproché à l'intimé. Ce dernier conteste les développements de la recourante et se rallie à l'appréciation cantonale.
2.1.
2.1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF); les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (cf. ATF 150 I 50 consid. 3.3.1; 148 IV 409 consid. 2.2).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1 et les arrêts cités).
2.1.2. À teneur de l'art. 10 al. 2 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure. Il doit décider s'il tient un fait pour établi sans être tenu par des règles de preuve et en ne se fondant que sur sa conviction personnelle en vertu d'un examen consciencieux des preuves disponibles (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.3; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1). Ce faisant, les juges ne sont toutefois pas seulement tenus par leur propre intuition, mais également par des règles (objectivantes; objektivierende) de méthodologie, de causalité naturelle et d'expérience ainsi que par les connaissances scientifiques (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.3 " Denk-, Natur- und Erfahrungssätze sowie wissenschaftliche Erkenntnisse "; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; arrêt 6B_404/2022 du 2 août 2023 consid. 4.3.1). Le tribunal prend en compte les preuves administrées durant la procédure préliminaire et lors des débats (art. 350 al. 2 CPP). Il est donc en principe tenu d'apprécier de manière exhaustive les preuves disponibles, pour autant qu'elles soient déterminantes pour la décision à rendre. Une exploitation seulement partielle des preuves ne constitue pas une base sur laquelle le tribunal peut se forger une conviction définitive (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.3; arrêts 6B_105/2021 du 29 novembre 2021 consid. 3.4.1; 6B_17/2016 du 18 juillet 2017 consid. 1.4.1).
2.1.3. Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (parmi d'autres: arrêts 6B_820/2024 du 2 décembre 2024 consid. 1.1; 6B_141/2024 du 22 octobre 2024 consid. 2.2; 6B_964/2023 du 17 avril 2024 consid. 2.3.1 non publié in ATF 150 IV 121), sous réserve des cas particuliers où une expertise de la crédibilité des déclarations de la victime s'impose (ATF 129 IV 179 consid. 2.4). Les cas de déclarations contre déclarations, dans lesquels les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe in dubio pro reo, conduire à un acquittement. L'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3; arrêt 6B_141/2024 précité consid. 2.2).
2.1.4. Le Tribunal fédéral a tenu pour judiciairement notoire ( gerichtsnotorisch) que les victimes de délits sexuels renonçaient parfois à porter plainte pour diverses raisons, comme la peur et la honte, et qu'il n'était pas rare qu'elles se trouvent en état de choc et de sidération ensuite d'une expérience traumatique telle qu'un viol, ce qui pouvait les conduire au refoulement et au déni du traumatisme vécu, sur lequel nombre d'entre elles ne s'exprimaient qu'après plusieurs mois voire plusieurs années (ATF 147 IV 409 consid. 5.4.1 et les références citées; cf. arrêt 6B_1247/2021 du 16 novembre 2022 consid. 4.2). Dans l'affaire en cause, il a considéré qu'il était manifestement insoutenable de nier la crédibilité générale de déclarations d'une victime sur la base du dépôt tardif de la plainte (cf. ATF 147 IV 409 consid. 5.4.1). Par ailleurs, se fondant sur les connaissances scientifiques en la matière, le Tribunal fédéral a reconnu que les événements traumatiques sont traités différemment des événements quotidiens. D'une part, des distorsions de la mémoire et des pertes de mémoire peuvent survenir, notamment en raison d'une tendance au refoulement; d'autre part, certaines victimes gardent en mémoire un grand nombre de détails de l'événement traumatique ou s'en souviennent presque entièrement. La richesse des détails, en particulier lorsqu'ils concernent des aspects secondaires, est une caractéristique courante de la réalité à prendre en compte lors de l'analyse des déclarations (ATF 147 IV 409 consid. 5.4.2; cf. arrêt 6B_1247/2021 précité consid. 4.2).
2.2.
2.2.1. Dans le cas d'espèce, le Tribunal de police a constaté que les déclarations de l'intimé et celles de la mère de la recourante étaient évolutives et même contradictoires, alors que celles de la recourante étaient corroborées, bien qu'imparfaitement. Cette dernière avait toujours été constante s'agissant des attouchements, ne reprochant qu'un épisode de l'été 2003 et n'avait pas cherché à en augmenter la gravité. Ce n'était qu'après l'audition de l'intimé par la police que la mère de la recourante avait émis des doutes sur les accusations portées par sa fille, ayant avant cela déclaré qu'elle croyait sa fille, exposant par ailleurs certains éléments l'amenant à considérer qu'elle disait la vérité. Les déclarations de la soeur de la recourante, laquelle ne paraissait pas avoir de litige particulier avec l'intimé, ni d'intérêt à le charger, étaient importantes. La chronologie des faits donnait du crédit à la thèse de la recourante; elle s'en était ouverte d'abord à sa mère, puis la procédure avait été classée en 2009. Néanmoins, le Service de protection de la jeunesse (ci-après: SPJ) avait été mis dans la confidence et, en mars 2012, la recourante s'était présentée à l'hôtel de police en prétendant qu'elle disposait d'éléments nouveaux sur l'affaire et les autorités policières l'avaient renvoyée à agir devant le ministère public valaisan (pièce 14). Ces événements corroboraient, d'une part, les déclarations de la recourante selon lesquelles sa soeur l'avait informée entre 2010 et 2011 qu'elle avait été témoin des faits. D'autre part, couplée au changement d'attitude de sa mère et aux écueils auxquels elle avait dû faire face, cette démarche de mars 2012 expliquait les hésitations de la recourante à aller de l'avant et la nécessité de se donner du temps. À cela s'ajoutait que la recourante s'en était régulièrement ouverte à ses proches, ce qui avait été confirmé par un témoin aux débats de première instance, et dans le cadre de son suivi thérapeutique (jugement de première instance, p. 16).
Au vu de l'ensemble de ces éléments et des variations importantes dans les déclarations de l'intimé, le tribunal de première instance a acquis la conviction que les faits reprochés à l'intimé dans un récit globalement crédible et convaincant ont bien été commis (jugement de première instance, p. 17).
2.2.2. Conformément à l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 16 septembre 2022 (6B_1045/2021), la cour cantonale a procédé à l'audition de D.________, lors de l'audience du 20 mars 2023.
Procédant à une nouvelle appréciation des preuves, la cour cantonale a retenu qu'il n'y avait pas de variations importantes dans les déclarations de l'intimé, qui avait toujours nié avoir commis les faits reprochés, malgré sa manière de s'exprimer parfois maladroite. Les quelques imprécisions émaillant ses déclarations, au sujet notamment de la question de savoir s'il avait passé ou non la nuit en question à U.________, n'étaient pas de nature à remettre en cause la crédibilité de ses déclarations.
Il ressortait des déclarations de la recourante et de sa soeur que les relations entre elles et l'intimé étaient extrêmement conflictuelles et qu'il existait de fortes tensions lors de la cohabitation. La cour cantonale en a déduit que les deux filles nourrissaient alors, voire peut-être encore à ce jour, un fort ressentiment contre l'intimé. Cette appréciation était encore corroborée par le contenu du journal intime de la recourante, qui n'évoquait pas d'abus sexuels. S'il n'était pas exclu, voire même probable que l'intimé se fût montré violent verbalement voire physiquement envers ses belles-filles de l'époque, et qu'il eût adopté des comportements déplacés ou inadéquats, cela n'établissait pas les seuls faits objets de la procédure.
En outre, le fait que, dans son courrier du 12 avril 2019 demandant la réouverture de l'enquête, la recourante eût indiqué n'avoir pas eu conscience que sa soeur avait assisté aux faits auparavant, entrait en contradiction avec la configuration de la scène décrite. Il existait de surcroît des divergences entre les déclarations de la recourante et celles de sa soeur, sur la question de savoir si l'intimé avait introduit une ou deux mains dans la culotte de la première. Dans la mesure où les soeurs avaient discuté de leur citation à comparaître avant l'audience et relevant qu'il était curieux que la soeur ne se souvînt de rien, sauf des faits litigieux, la cour cantonale a estimé que le témoignage devait être pris avec beaucoup de réserve.
La cour cantonale a notamment relevé que, si la mère de la recourante avait pris au sérieux la situation lors du dévoilement, déposant plainte pour le compte de sa fille (en mars 2006), puis n'avait pas donné suite aux sollicitations du SPJ en 2010, une ordonnance de non-lieu venait alors d'être rendue. Cela avait pu amener la mère à ignorer ces sollicitations, indépendamment du fait qu'elle se serait remise en couple avec l'intimé. Lors de sa seconde audition, elle avait notamment déclaré que sa fille avait pu inventer une histoire d'attouchements après avoir entendu une amie parler d'un viol et qu'elle avait elle-même des doutes sur le bien-fondé des accusations, dès lors que sa fille mentait souvent. En outre, elle n'avait constaté aucune modification dans le comportement de sa fille après les événements dénoncés. Selon les juges cantonaux, ces déclarations instillaient un doute important sur la réalité des accusations.
En définitive, la cour cantonale a considéré que les dénégations de l'intimé n'étaient pas moins crédibles que les déclarations de la recourante, de sorte qu'il subsistait un doute insurmontable sur la culpabilité du premier, lequel devait en conséquence être libéré du chef d'accusation d'actes d'ordre sexuel sur un enfant (art. 187 CP), au bénéfice du doute.
2.3.
2.3.1. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié arbitrairement les déclarations de l'intimé. Elle met en exergue les différents récits de ce dernier lors de ses auditions et relève des contradictions au sujet notamment de sa présence à U.________ la nuit des faits reprochés, ainsi que de son état d'ivresse. Dans ses déterminations, l'intimé se rallie aux considérations du jugement entrepris sur ce point.
Lors de son audition du 3 septembre 2019, l'intimé a indiqué qu'il buvait beaucoup, ces temps-là en particulier, et qu'il lui arrivait d'être ivre. À la question de savoir s'il avait pu être dans un tel état qu'il ne pût pas se rendre compte de ses actes sur ses belles-filles, l'intimé a répondu " Peut-être, mais pas ce jour-là, car je me suis bagarré avec sa mère " et il a précisé ne pas avoir dormi à U.________ (PV d'audition n° 3 du 3 septembre 2019, réponse 8, p. 3 s.). Dans le cadre de cette même audition, interrogé sur la journée à U.________, il a fait état d'une dispute, lors de laquelle il était " bourré " et le lendemain ils étaient allés à la piscine, admettant avoir dormi une nuit là-bas. Interpellé sur le fait qu'il avait parlé de " ce jour-là ", l'intimé a répondu qu'il parlait du jour où il était " bourré " (PV d'audition n° 3 du 3 septembre 2019, réponse 16, p. 5). Évoquant à nouveau le déroulement de la journée, il a répondu à l'inspecteur qu'il n'était pas " bourré " ce jour-là (PV d'audition n° 3 du 3 septembre 2019, réponse 17, p. 6). Lors des débats de première instance tenus le 12 novembre 2020, l'intimé a nié avoir bu beaucoup d'alcool à l'époque, indiquant qu'il buvait raisonnablement car il travaillait. Il a indiqué qu'à la maison il était parfois ivre mais qu'à U.________ il n'avait pas bu puisqu'il était arrivé en voiture. Il a confirmé n'avoir rien bu lors du " séjour " dans cette station en 2003, étant arrivé tout seul l'après-midi et reparti le jour-même (jugement du 12 novembre 2020, p. 8). Il résulte de ce qui précède que les déclarations de l'intimé sont clairement contradictoires concernant la durée du séjour à U.________ ainsi que son état d'ébriété " ce jour-là ". Ces contradictions, portant sur des éléments essentiels dans l'établissement des faits, ne sauraient, sans arbitraire, être qualifiées de simples imprécisions, étant relevé que la question à laquelle l'intimé a répondu " ce jour-là " était de portée générale.
En outre, la cour cantonale fonde en partie son raisonnement sur la nature des relations - qualifiées d'extrêmement conflictuelles - entre l'intimé et ses belles-filles lors de la cohabitation, et en déduit un fort ressentiment persistant des deux filles à l'encontre de l'intimé. Or, comme le relève la recourante, lors de l'audition de l'intimé au moment de la cohabitation, il indiquait que tout allait bien avec les filles de sa compagne (PV d'audition du 12 juillet 2006, réponse 4, p. 4), le 3 septembre 2019, il avançait que sa relation avec D.________ était " très bien " (PV d'audition n° 3 du 3 septembre 2019, réponse 5, p. 3) et, le 12 novembre 2020, qu'il n'y avait pas eu de souci particulier avec cette dernière (jugement du 12 novembre 2020, p. 8). La cour cantonale a ainsi omis d'apprécier les déclarations de l'intimé sur un élément qu'elle tient pour décisif et de les confronter aux différentes déclarations, avant d'en examiner la crédibilité.
Par ailleurs, la cour cantonale fonde son raisonnement notamment sur le contenu d'un journal intime de la recourante en possession de l'intimé (pièce 44), à l'exclusion de celui qu'elle a elle-même produit (pièce 43/3). Ce faisant, elle omet de confronter les différentes déclarations quant à la possession du journal produit sous pièce 44 et quant aux faits ayant donné lieu à la condamnation de l'intimé pour injure et utilisation abusive d'une installation de télécommunication (cf. pièce 43/2: ordonnance pénale du 28 octobre 2011 condamnant l'intimé; PV d'audition n° 1 du 28 juin 2019, réponse 6, p. 5: " Concernant le vols d'affaires intimes, il s'agit du journal intime de mes 15 ans. Il l'a toujours. D'ailleurs, quand il me harcelait au téléphone, il me lisait des pages de ce journal "; PV d'audition de D.________ n° 2 du 28 juin 2019, réponse 9, p. 6: " il lui avait confisqué son téléphone. Il lui avait aussi pris son journal intime "; PV d'audition de l'intimé n° 3 du 3 septembre 2019, question 4, p. 2 s. et n° 5 du 3 juillet 2020, p. 2: " Elle m'avait aussi accusé d'avoir volé son journal intime. Ce sont des mensonges. C'est sa mère qui avait tout jeté par la fenêtre y compris son journal, ce n'est donc pas moi qui l'ai volé "; jugement du 12 novembre 2020, p. 8: " S'agissant du journal, je l'ai retrouvé il y a 2-3 semaines dans un sac poubelle à la cave"). Or ces éléments sont pertinents pour apprécier la crédibilité des déclarations des protagonistes, respectivement le contenu des pièces produites.
Enfin, sans autre explication, la cour cantonale fait fi du contenu de la première audition de l'intimé du 12 juillet 2006, alors confronté à la plainte déposée par son ex-compagne au nom de sa fille, cette plainte étant pourtant essentielle pour l'appréciation de l'évolution des déclarations des intéressés.
En omettant de tenir compte des importants éléments précités pour apprécier les déclarations de l'intimé, la cour cantonale a fait preuve d'arbitraire.
2.3.2. S'agissant de l'appréciation de ses propres déclarations, la recourante reproche notamment à la cour cantonale d'avoir omis de tenir compte de l'expérience judiciaire et des connaissances scientifiques sur le comportement des victimes d'infractions sexuelles. Évoquant le défaut de souvenir de la présence de sa soeur au moment des faits, elle rappelle que ceux-ci datent de 2003 et précise que lors de son audition filmée dans le cadre des premières démarches judiciaires, elle avait indiqué ne jamais en avoir parlé à sa grande soeur. Relevant qu'il est invraisemblable que la recourante ne se souvienne pas de la présence de sa soeur, l'intimé ne s'exprime pas sur les connaissances scientifiques mises en exergue dans le recours.
L'appréciation cantonale des déclarations de la recourante porte essentiellement sur le défaut de souvenir quant à la présence de sa soeur lors des attouchements dénoncés et l'évocation tardive de cet élément, dans son courrier de 2019. Or, comme le soulève la recourante, la cour cantonale fait abstraction du contexte procédural de la présente cause et de la chronologie des événements. En particulier, elle ne prend pas en compte l'âge de la recourante et son environnement aux différentes étapes clés (faits reprochés; dévoilement; changement de position de la mère; ordonnance de non-lieu; signalement à l'hôtel de police; demande de réouverture de la procédure). La cour cantonale fait fi de la pièce 14, mise en exergue par le premier juge, dont il ressort d'une part, que la recourante (peu avant ses 18 ans) s'est présentée à l'hôtel de police le 17 mars 2012 annonçant des " éléments nouveaux dans l'affaire datant de 2006" et, d'autre part, qu'elle a alors été invitée à s'orienter vers le ministère public valaisan, sans autres suites. La cour cantonale ne se prononce pas non plus sur les motifs justifiant la demande de réouverture de la procédure (pièce 4, cf. courrier du 12 avril 2019). Par ailleurs, si la cour cantonale semble admettre que l'intimé a pu adopter les autres comportements reprochés par les soeurs et évoqués par leur mère lors de sa première audition (cf. PV d'audition de la mère de la recourante du 27 mars 2006, p. 2 ss et du 13 juillet 2006, p. 4 ss; PV d'audition de la recourante n° 1 du 28 juin 2019, p. 3 ss et PV d'audition de D.________ n° 2 du 28 juin 2019, p. 3 ss: irruptions nocturnes dans la chambre des filles et dans la salle de bains pendant la douche, demande d'ôter la culotte pour faire une photo, gestes de violence contre la mère, etc.), elle n'expose pas suffisamment les motifs pour lesquels les déclarations de ces mêmes personnes ne seraient pas crédibles quant à l'attouchement. Sur ce point, le jugement entrepris ne contient aucune précision sur la nature, l'ampleur et la constance des accusations portées par la recourante, contrairement au jugement de première instance (jugement de première instance, p. 16). Enfin, la cour cantonale omet que le caractère tardif du dépôt de plainte et le défaut de certains souvenirs doivent être examinés à l'aune des connaissances scientifiques en matière d'événements traumatiques tels que des atteintes à l'intégrité sexuelle, de sorte que cette perte de souvenirs ne saurait à elle seule justifier que la version de la recourante soit écartée (cf. supra consid. 2.1.2 et 2.1.4).
En outre, comme l'invoque la recourante, la cour cantonale ne dit mot sur les pages du journal datées d'octobre 2009, produites aux débats de première instance (pièce 43/3), évoquant à deux reprises le comportement de l'intimé à U.________. Or cette pièce avait déjà été signalée dans le cadre de la procédure précédente ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 septembre 2022 (arrêt 6B_1045/2021 précité consid. 3.1) et ne peut être écartée sans autre motivation (cf. art. 29 al. 2 Cst. et 3 CPP; arrêt 6B_12/2024 du 20 novembre 2024 consid. 1), alors que le jugement entrepris relève l'absence d'évocation d'abus sexuels dans le journal intime de la plaignante (jugement entrepris, consid. 3.2 p. 17).
Aussi, l'appréciation cantonale des déclarations de la recourante, lesquelles constituent un élément de preuve essentiel à l'établissement des faits, est lacunaire et ne tient pas compte des connaissances scientifiques en la matière. Elle relève de l'arbitraire.
2.3.3. La recourante fait en outre grief à la cour cantonale de ne pas avoir accordé de poids aux déclarations de sa soeur D.________. Elle lui reproche notamment de ne pas avoir exposé quel aurait été l'intérêt de la première de mentir s'agissant de l'attouchement en cause, alors que les juges cantonaux n'ont pas remis en doute les déclarations des deux soeurs concernant les violences verbales voire physiques et les comportements déplacés ou inadéquats. L'intimé renvoie pour l'essentiel au raisonnement cantonal sur ce point et fait état de contradictions entre les déclarations des deux soeurs, relatives au geste reproché.
S'agissant des déclarations de la témoin, la cour cantonale s'est notamment fondée sur la nature des rapports entre l'intimé et la recourante (qui avait décidé de quitter le domicile familial), sans explication concernant des éventuelles velléités de vengeance de la témoin. En outre, en tant que la cour cantonale voit une divergence entre les déclarations des soeurs au sujet du nombre de mains introduites par l'intimé dans la culotte de la recourante, elle semble omettre que la témoin a été auditionnée sur ce qu'elle a vu depuis sa position à un instant précis. Elle a alors déclaré qu'elle était assise par terre devant à droite du canapé sur lequel était assise la recourante, regardant la télévision. Elle avait alors vu l'intimé s'approcher depuis l'arrière du canapé et mettre une main dans la culotte de sa petite soeur et avait tout de suite tourné la tête car elle était gênée (PV d'audition n° 2 du 28 juin 2019, réponse 5, p. 2; jugement entrepris, p. 3). Aussi, la cour cantonale aurait dû tenir compte de la position de la témoin et de l'instant saisi pour apprécier son témoignage et prendre en compte une éventuelle divergence de points de vues entre la recourante et sa soeur.
Enfin, la recourante revient sur la période à laquelle D.________ lui aurait rappelé avoir assisté aux faits reprochés. Admettant avoir elle-même situé la période de cette communication à fin 2010 ou 2011, elle relève les déclarations de sa soeur sur ce point, qui avait évoqué (" je pense "), en 2019, une période située " il y a 4 ou 5 ans ", précisant que c'était quand la recourante avait " relancé sa plainte ", respectivement quand elle lui avait parlé de son projet de relancer la procédure (PV d'audition n° 2 du 28 juin 2019, réponse 13, p. 8; jugement entrepris, p. 4). Or la recourante soutient s'être présentée à la police le 17 mars 2012 pour relancer la procédure (cf. jugement de première instance, p. 16; pièce 14). Ces précisions, pourtant essentielles dans l'établissement de la chronologie des faits et dans l'appréciation des déclarations des protagonistes, n'apparaissent pas dans le raisonnement cantonal.
En écartant le témoignage de la soeur de la recourante sur la base d'éléments pertinents manquants, la cour cantonale a fait preuve d'arbitraire.
2.3.4. La recourante reproche enfin à la cour cantonale de s'être livrée à une appréciation insoutenable des déclarations de sa mère au vu du comportement de cette dernière à la suite de la plainte qu'elle a déposée au nom de sa fille le 27 mars 2006. L'intimé se réfère aux secondes déclarations de la mère de la recourante (13 juillet 2006) en se ralliant à l'appréciation cantonale sur ce point, sans se prononcer sur les premières déclarations.
Ainsi que le soulève la recourante, la cour cantonale s'est limitée à relever les déclarations de la mère lors de sa seconde audition (le 13 juillet 2006), revenant sur ses propres déclarations du 27 mars 2006 et mettant en doute celles de sa fille portant sur l'attouchement. La cour cantonale a omis de les apprécier au regard du contexte de l'audition qui a eu lieu le lendemain de celle de l'intimé (cf. notamment PV d'audition du 12 juillet 2006 de l'intimé, réponse 4, p. 4: " Elle me croit plus moi que sa fille. C'est pour cela qu'elle veut retirer sa plainte ") et de les confronter aux premières déclarations, livrées moins de quatre mois plus tôt, selon lesquelles il était évident qu'elle croyait sa fille pour différents motifs (PV d'audition du 27 mars 2006 p. 2 ss.). La cour cantonale ne relève que la passivité de la mère de la recourante aux sollicitations du SPJ en 2010 (à la suite du prononcé d'un non-lieu en 2009), à l'exclusion du revirement de position exprimé en juillet 2006. Une telle appréciation d'un élément de preuve déterminant est manifestement insoutenable.
2.4. En définitive, les éléments sur lesquels repose la motivation cantonale ne sont pas déterminants pour conclure que les déclarations de l'intimé seraient plus crédibles que celles de la recourante s'agissant des faits reprochés. L'appréciation d'autres éléments de preuves pertinents est lacunaire. Une appréciation complète des différentes déclarations et des pièces disponibles dans leurs contextes respectifs est susceptible de modifier l'issue du litige. Le grief d'arbitraire soulevé doit donc être admis, le jugement attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
Au vu de ce qui précède, les griefs déduits d'une violation de l'art. 187 CP et des art. 3 et 8 CEDH n'ont pas à être examinés à ce stade.
3.
Le recours doit être admis, le jugement cantonal annulé et la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement.
La recourante, qui obtient gain de cause, n'a pas à supporter de frais et peut prétendre à de pleins dépens, à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 LTF), ce qui rend sans objet sa demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 2 LTF). Dans les circonstances du cas d'espèce, il peut être renoncé de mettre des dépens à la charge de l'intimé. Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. Le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le canton de Vaud versera au conseil de la recourante une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 17 décembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Klinke