7B_628/2024 13.02.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_628/2024
Arrêt du 13 février 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch, Hurni, Kölz et Hofmann.
Greffier: M. Magnin.
Participants à la procédure
A.A.________,
représentée par Me Jonathan Cohen, curateur,
recourante,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière,
recours contre l'arrêt rendu le 3 mai 2024 par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ACPR/328/2024 - P/23873/2023).
Faits:
A.
Par ordonnance du 13 février 2024, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a refusé d'entrer en matière sur la plainte déposée le 22 novembre 2023 au nom de la mineure A.A.________ (ci-après: la mineure), née au mois de septembre 2008, par Me Jonathan Cohen, avocat, en sa qualité de curateur de représentation de cette dernière (cf. art. 306 al. 2 CC; ci-après: le curateur), contre B.A.________ (ci-après: la prévenue et intimée), la mère de la mineure.
B.
Par arrêt du 3 mai 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale de recours) a déclaré irrecevable le recours formé le 26 février 2024 par le curateur au nom de la mineure contre cette ordonnance.
Elle a retenu, en résumé, les faits suivants:
B.a. La prévenue a deux enfants, à savoir la mineure et son frère jumeau, issus de sa relation avec C.________. La garde des enfants a été confiée à la mère.
B.b. Le 26 octobre 2023, le Service de protection des mineurs de la République et canton de Genève (ci-après: le SPMi) a dénoncé au Ministère public des faits susceptibles d'être constitutifs de violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP). Il a exposé que les parents des enfants précités - qui entretenaient une relation conflictuelle depuis plusieurs années - les mêlaient au conflit parental et que cela avait conduit, d'une part, à des tensions entre la mère et la fille, ainsi qu'entre le frère et la soeur, et, d'autre part, à une action éducative en milieu ouvert. Le SPMi a relevé que, le 21 octobre 2023, une dispute avait éclaté au sein de la famille, lors de laquelle la prévenue, qui avait rejoint la mineure avec le frère de celle-ci, avait tenté de lui prendre la main, mais que, la mineure ayant esquivé ce geste, la prévenue n'était parvenue qu'à lui saisir le pouce droit. Il a ajouté que le frère de la mineure s'en était pris physiquement à cette dernière, car il craignait que sa mère reçoive un coup, sans que celle-ci se soit interposée. Le SPMi a notamment produit la copie d'un constat médical établi le 21 octobre 2023, selon lequel la mineure a expliqué avoir été saisie par sa mère, ce qui avait en particulier entraîné "une extension forcée de son pouce droit", ainsi qu'une "palpation douloureuse au niveau de la partie proximale" et de "l'articulation métacarpo-phalangienne".
B.c. Le 22 novembre 2023, après avoir été nommé formellement, par décision du jour précédent, par l'autorité de protection de l'adulte et de l'enfant compétente, le curateur de la mineure a déposé, au nom de celle-ci, plainte contre la prévenue en lien avec les faits survenus le 21 octobre 2023.
B.d. Le 17 décembre 2023, la police a procédé à l'audition de la mineure, seule. Celle-ci a notamment déclaré qu'elle n'avait jamais souhaité déposer plainte contre sa mère en lien avec ces faits et que son curateur, qui n'avait pas sollicité son avis, s'était vraisemblablement trompé. Elle a ajouté que sa mère ne lui avait pas demandé de retirer sa plainte, qu'elle vivait avec cette dernière, avec laquelle tout allait bien, et que sa relation avec son frère s'était améliorée depuis lors.
B.e. Le 25 décembre 2023, la police qui était intervenue le 21 octobre 2023 a déposé un rapport de renseignements. Dans son rapport, elle a notamment relevé que la mineure n'avait pas souhaité déposer plainte contre la prévenue et son frère.
C.
Par acte du 5 juin 2024, le curateur de la mineure, dûment autorisé par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant de la République et canton de Genève (cf. acte 3, pièces 1 et 2), interjette, au nom de la mineure, un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt rendu le 3 mai 2024, en concluant à sa réforme en ce sens que le recours qu'il a déposé le 26 février 2024 contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 13 février 2024 soit déclaré recevable et que la Chambre pénale de recours entre en matière sur son recours du 26 février 2024. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt du 3 mai 2024 et au renvoi de la cause à la Chambre pénale de recours. Il requiert en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la mineure.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
1.1. Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité prise en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) dans le cadre d'une procédure pénale. Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est donc ouvert. Pour le surplus, l'acte de recours a été déposé en temps utile (cf. art. 44 ss et 100 al. 1 LTF).
1.2.
1.2.1. Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie recourante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent pas être séparés du fond (ATF 146 IV 76 consid. 2; 141 IV 1 consid. 1.1). Sous cet angle, la partie recourante est notamment habilitée à se plaindre d'une décision qui déclare irrecevable un recours cantonal pour défaut de qualité pour recourir (cf. arrêts 7B_11/2023 du 27 septembre 2023 consid. 1.2.1 et les références citées; 6B_62/2022 du 21 février 2022 consid. 1.1). Dans ce cas, seule la question de la recevabilité du recours peut toutefois être portée devant le Tribunal fédéral, qui n'a, à ce stade, pas à examiner le fond de la contestation (cf. arrêt 7B_11/2023 du 27 septembre 2023 consid. 1.2.1).
1.2.2. L'autorité cantonale a déclaré irrecevable le recours formé par le curateur contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 13 février 2024 par le Ministère public, parce qu'elle a considéré qu'il n'était pas habilité à se prévaloir de son droit de représentation pour agir au nom de la mineure, afin d'exercer, pour celle-ci, un droit de procédure de nature strictement personnelle. Un tel cas de figure correspond à l'irrecevabilité d'un recours cantonal en raison d'un défaut de qualité pour recourir au sens de l'art. 382 al. 1 CPP. Dans ces conditions, on doit admettre que le recours au Tribunal fédéral en matière pénale est en l'occurrence ouvert, toutefois uniquement sur la question litigieuse de la recevabilité du recours cantonal.
1.2.3. En l'espèce, le curateur a été nommé pour représenter la mineure, parce qu'il existait un risque, dans le cadre de la présente affaire pénale, de conflit d'intérêts entre la mineure et sa mère (cf. acte 3, pièce 1). Dans ce contexte, l'autorité de protection de l'adulte et de l'enfant compétente a autorisé le curateur à, d'une part, agir dans le cadre de la présente procédure pénale (P/23873/2023) et, d'autre part, recourir au Tribunal fédéral contre l'arrêt querellé (cf. acte 3, pièce 2). Dans son recours au nom de la mineure, le curateur a indiqué qu'il n'avait cependant pas pu s'entretenir avec elle au sujet de l'opportunité de déposer le présent recours, en particulier parce qu'elle n'aurait pas donné suite à ses sollicitations pendant de nombreuses semaines entre la fin de l'année 2023 et le 28 mai 2024, date à laquelle elle a été placée en foyer après un nouvel épisode de crise entre elle et sa mère relaté par le SPMi. Sur ce point, le curateur a exposé que la mineure ne se serait pas présentée à un rendez-vous prévu le 31 mai 2024, parce que la mère de la mineure se serait, selon ses allégations, opposée à celui-ci, ainsi qu'à une rencontre ultérieure au foyer précité (cf. recours, pp. 7-8; faits contenus dans ce chapitre au demeurant recevables uniquement dans la mesure où ils permettent de déterminer la recevabilité du recours en matière pénale au Tribunal fédéral [cf. art. 99 al. 1 LTF; ATF 145 I 227 consid. 2; arrêt 7B_51/2024 du 25 avril 2024 consid. 1.3 et les références citées]). Le curateur s'est dès lors posé la question de savoir s'il était habilité à former un tel recours sans être en mesure de pouvoir obtenir l'adhésion de celle-ci à cette démarche (cf. recours, p. 13). Cette question peut toutefois rester indécise au stade de la recevabilité, dès lors que l'examen de cette question se confond avec celle à résoudre sur le fond. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
2.1. Le curateur, qui invoque en particulier une constatation manifestement inexacte des faits (art. 97 al. 1 LTF), ainsi qu'une violation du droit (art. 16 et 19c CC; art. 106 CPP), reproche en substance à l'autorité cantonale d'avoir considéré, sans administration de preuve, que la mineure disposait de la capacité de discernement et qu'elle pouvait par conséquent librement décider, dans la mesure où il s'agissait d'un droit strictement personnel, de recourir ou non contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 13 février 2024 par le Ministère public. Il en déduit que ce serait à tort que la juridiction cantonale a estimé qu'il ne pouvait en l'occurrence pas se prévaloir de ses pouvoirs de représentation pour agir au nom de la mineure.
2.2.
2.2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).
2.2.2. Selon l'art. 106 CPP, une partie ne peut valablement accomplir des actes de procédure que si elle a l'exercice des droits civils (al. 1); une personne qui n'a pas l'exercice des droits civils est représentée par son représentant légal (al. 2); une personne qui n'a pas l'exercice des droits civils mais qui est capable de discernement peut exercer elle-même ses droits procéduraux de nature strictement personnelle, même contre l'avis de son représentant légal (al. 3).
Concernant les droits strictement personnels, les personnes mineures ou placées sous curatelle de portée générale, mais capables de discernement, peuvent agir seules, ou par l'intermédiaire d'un représentant librement choisi, pour faire valoir les droits relevant de leur personnalité; elles n'ont pas besoin de l'accord de leur représentant légal, qui ne peut d'ailleurs agir à leur place qu'avec le consentement au moins tacite; si le représentant légal et la personne mineure ou placée sous curatelle de portée générale, mais capable de discernement, exercent leur droit de manière différente, seuls les actes accomplis par la personne capable de discernement doivent être pris en considération (YASMINA BENDANI, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2 e éd. 2019, n° 14 ad art. 106 CPP et les références citées; cf., en ce sens également, KÜFFER/JOST, in Basler Kommentar, StPO, 3 e éd. 2023, n° 12 ad art. 106 CPP et les références citées).
Selon la jurisprudence, la décision d'interjeter un recours est un droit procédural de nature strictement personnelle au sens de l'art. 106 al. 3 CPP (cf. arrêt 6B_847/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.1 et l'arrêt cité).
2.2.3. Est capable de discernement au sens du droit civil celui qui a la faculté d'agir raisonnablement (art. 16 CC). Cette disposition comporte deux éléments, l'un intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et l'autre volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2; 124 III 5 consid. 1a; ATF 117 II 231 consid. 2a; arrêt 6B_1148/2021 du 23 juin 2023 consid. 1.4.2). La capacité de discernement est relative: elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2; 118 Ia 236 consid. 2b; arrêt 6B_1148/2021 du 23 juin 2023 consid. 1.4.2). Le Code civil suisse ne fixe pas un âge déterminé à partir duquel un mineur est censé être raisonnable. Il faut apprécier dans chaque cas si l'enfant avait un âge suffisant pour que l'on puisse admettre que sa faculté d'agir raisonnablement n'était pas altérée par rapport à l'acte considéré (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 et les références citées; arrêt 6B_1148/2021 du 23 juin 2023 consid. 1.4.2).
2.2.4. Dans le domaine spécifique de la procédure pénale, et plus particulièrement lorsqu'il y a lieu d'apprécier l'aptitude d'un mineur à exercer son droit de témoigner ou de refuser de s'exprimer, il s'agit, en principe, de déterminer si celui-ci est en mesure de concevoir le conflit d'intérêts dans lequel il est susceptible de se trouver en raison des liens familiaux, sans qu'il soit nécessaire qu'il ressente ce conflit ou qu'il puisse envisager toutes les conséquences de ses déclarations sur les autres membres de la famille et sur son propre avenir. Il suffit que l'enfant soit en mesure de comprendre que la personne sur le comportement de laquelle il est invité à s'exprimer a fait quelque chose d'illicite, qu'elle risque de se voir infliger une peine et que la déclaration à faire peut y contribuer. En règle générale, une telle capacité est donnée dès l'âge de 14-16 ans, si ce n'est même plus tôt (arrêt 6B_1148/2021 du 23 juin 2023 consid. 1.4.2 et la référence citée). Il y a lieu d'approcher de la même manière la question de la capacité de discernement en lien avec le dépôt d'une plainte pénale et l'exercice des voies de recours.
2.3.
2.3.1 Les juges cantonaux ont considéré qu'il n'y avait aucun élément permettant de douter de la capacité de discernement de la mineure. Ils ont relevé qu'au moment des faits dénoncés et du dépôt de la plainte par son curateur le 22 novembre 2023, la mineure, née au mois de septembre 2008, était en effet âgée de 15 ans, de sorte qu'il y avait lieu de présumer qu'elle était en mesure de comprendre les tenants et aboutissants de la procédure pénale et d'agir en connaissance de cause, selon sa libre volonté. Ils ont ajouté qu'en l'occurrence, la mineure, qui avait été questionnée formellement par la police sur ses intentions, s'était exprimée de manière claire et circonstanciée sur les évènements et avait expressément renoncé à déposer plainte contre sa mère et précisé, d'une part, que son curateur n'avait pas sollicité son avis et, d'autre part, que sa situation familiale s'était améliorée depuis les agissements dénoncés. Sur ce point, les juges cantonaux ont indiqué qu'aucun élément permettant de douter de son aptitude à apprécier la situation et à agir en fonction de celle-ci ne pouvait être décelé dans ses déclarations faites à la police. Ils ont en outre relevé que le seul fait d'avoir été interrogée dans le cadre d'une procédure pénale l'opposant à sa mère, avec laquelle elle vivait et aurait été accompagnée au poste de police, ne suffisait pas pour retenir qu'elle aurait été influencée ou manipulée au point de voir sa capacité de discernement altérée. Au demeurant, il ressortait du rapport de renseignements du 25 décembre 2023 qu'elle avait déjà exprimé aux policiers intervenus au domicile de son père le soir des faits litigieux son absence de volonté de déposer plainte contre sa mère. Ainsi, pour l'autorité cantonale, la mineure disposait de sa capacité de discernement et pouvait librement décider de recourir ou non contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 13 février 2024 (arrêt querellé, p. 7).
2.3.2 Le curateur estime que ce raisonnement est arbitraire, dès lors qu'il ne reposerait sur aucun élément de preuve ni aucune prise en considération du contexte à l'origine de la procédure. Il expose tout d'abord que le fait que l'audition de la mineure par la police se soit déroulée hors sa présence, sans qu'il en ait été averti, et alors que ce serait la mère qui l'aurait amenée "où elle était elle-même convoquée", devrait suffire à infirmer les constatations de l'autorité cantonale. Il ajoute, en se référant à la dénonciation du SPMi du 26 octobre 2023, à un rapport d'intervention du 21 octobre 2023, ainsi qu'au rapport de renseignements du 25 décembre 2023, que la dynamique familiale serait particulièrement préoccupante depuis plusieurs années et ne permettrait pas à la cour cantonale "de s'appuyer sur une présomption de fait de capacité de discernement découlant de l'expérience générale de la vie conjuguée à la prétendue absence d'éléments permettant de douter de [la] capacité de la mineure à apprécier la conséquence de son positionnement et imposer une volonté par hypothèse contraire à celle de sa mère". En d'autres termes, le curateur soutient que la juridiction cantonale aurait omis de tenir compte du conflit d'intérêts et de loyauté patent dans lequel la mineure se serait trouvée au moment des faits et du dépôt de plainte, en particulier parce qu'elle vivait, à cette époque, chez sa mère, et qu'il existerait des doutes suffisants au sujet de la capacité de la mineure d'agir selon sa volonté libre.
2.3.3 Par ses explications, le curateur ne démontre cependant pas que l'autorité cantonale aurait procédé à une appréciation manifestement insoutenable des preuves en retenant que la mineure disposait de sa capacité de discernement.
Premièrement, la cour cantonale n'a pas ignoré le contexte dans lequel les faits et le dépôt de plainte litigieux sont survenus. Dans son état de fait, elle a mentionné la nature de la relation entre, d'une part, les deux parents de la mineure et, d'autre part, les parents et la mineure. À cet égard, elle a en effet exposé que les parents entretenaient une relation conflictuelle depuis plusieurs années et que cela avait conduit à de vives tensions entre la mère et la fille, ainsi qu'entre le frère et la soeur, puis, à partir du mois d'août 2023, à la mise en place d'une action éducative en milieu ouvert. La juridiction cantonale n'a pas non plus ignoré les différents rapports ou documents cités par le curateur, qui contiennent des indications au sujet de la situation familiale, puisqu'elle a relaté les faits du 21 octobre 2023 de manière complète et a détaillé le contenu des auditions faites par la police le 17 décembre 2023, de même que le rapport de renseignements de celle-ci du 25 décembre 2023. Par ailleurs, dans ses considérants, elle a également tenu compte du contexte et du conflit de loyauté invoqué, dès lors qu'elle a indiqué, comme on l'a vu, que la situation dénoncée par le curateur ne suffisait pas pour retenir que la mineure aurait été influencée ou manipulée par sa mère au point de voir sa capacité de discernement altérée.
Deuxièmement, il n'était pas arbitraire de considérer que le fait que ce soit la mère de la mineure qui l'ait accompagnée lors de son audition devant la police du 17 décembre 2023 n'est pas suffisant pour douter de sa capacité de discernement. Comme l'a relevé la juridiction cantonale, il y a lieu de rappeler que la mineure avait 15 ans au moment des faits, de sorte que, selon la jurisprudence précitée (cf. consid. 2.2.4 supra), une telle capacité pouvait être donnée. Contrairement à ce qu'allègue le curateur, il n'existe en l'occurrence pas d'élément sérieux permettant de douter que tel pourrait être le cas, ni, en particulier, que la mineure ne pouvait pas concevoir le conflit d'intérêts ou de loyauté dans lequel elle se serait trouvée à ce moment-là. De plus, avant l'audition du 17 décembre 2023, à savoir le soir des faits, la mineure avait déjà été entendue une première fois par la police, cette fois hors la présence de sa mère, et avait déjà déclaré qu'elle ne souhaitait pas déposer plainte contre celle-ci et son frère. On peut préciser que c'est en vain que le curateur cite, pour appuyer sa thèse, l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_281/2020 du 27 avril 2021, dans lequel la capacité de discernement d'un mineur de 14 ans était en cause, dès lors que la situation de fait et les questions juridiques sur lesquelles cette autorité avait été amenée à statuer ne sont pas comparables à ceux du cas d'espèce.
Troisièmement, il paraît en réalité résulter de la situation que, durant la fin de l'année 2023, et au vu des déclarations de la mineure, celle-ci était en mesure, après les faits, de prendre de la distance par rapport à la situation familiale dans laquelle elle se trouvait. En effet, alors même qu'il existait vraisemblablement un conflit à tout le moins avec sa mère et qu'elle a eu, à ce moment-là, la possibilité de la poursuivre pénalement pour des faits aux conséquences finalement relatives, elle a choisi d'y renoncer. Sur ce point, on peut ajouter qu'il ne ressort pas de l'état de fait cantonal que la situation entre la mère et la fille se serait dégradée les semaines qui ont suivi et que les déclarations de la mineure, selon lesquelles sa mère ne lui avait pas demandé de retirer sa plainte, elle vivait avec cette dernière avec laquelle tout allait bien et la situation s'était améliorée avec son frère, devraient être appréciées avec précaution. Le curateur, qui ne fait état d'une nouvelle crise entre les deux intéressées qu'à partir du mois d'avril 2024 (cf. acte 3, pièce 5, dont la recevabilité apparaît douteuse mais peut être laissée ouverte), ne le soutient au demeurant pas non plus.
De surcroît, les faits retenus par l'autorité cantonale ne mentionnent pas d'évènements permettant de retenir qu'entre le moment où la mineure a été entendue pour la dernière fois, à savoir le 17 décembre 2023, et le moment du dépôt du recours cantonal, le 26 février 2024 - seule période en l'espèce pertinente pour juger de la capacité de discernement de l'intéressée -, il se serait déroulé un incident permettant de remettre en cause l'appréciation de la cour cantonale sur cette question. Pour le surplus, on peut relever que l'ordonnance rendue le 14 décembre 2023 par l'autorité de protection de l'adulte et de l'enfant - pièce dont la recevabilité apparaît douteuse, mais peut être laissée ouverte (acte 3, pièce 4) - ne fait pas état d'un évènement particulier entre la fille et la mère, mais relève au contraire qu'à cet époque, cette dernière s'était engagée à mettre en place un suivi thérapeutique individuel pour la mineure, ainsi qu'une thérapie familiale.
Ainsi, en définitive, on doit admettre que la juridiction cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en considérant que la mineure disposait de la capacité de discernement et pouvait donc librement décider de recourir ou non contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 13 février 2024.
2.4 L'autorité cantonale a relevé que le curateur avait déposé son recours contre l'ordonnance précitée, mais sans qu'il soit établi que la mineure y aurait consenti. Elle a indiqué qu'un consentement exprès de la mineure au dépôt du recours faisait défaut et qu'il n'existait pas non plus d'indice d'un consentement tacite en ce sens. Elle a ajouté qu'au contraire, puisque l'intéressée avait exprimé sa volonté de ne pas déposer plainte et de participer à la procédure, sa position pouvait s'interpréter comme un refus, le cas échéant tacite, de recourir. Ainsi, selon la cour cantonale, le curateur ne pouvait pas se prévaloir de ses pouvoirs de représentation pour agir au nom de la mineure, qui plus est pour exercer, en son nom et en dépit de sa volonté clairement exprimée, un droit procédural de nature strictement personnelle (arrêt querellé, pp. 7-8).
2.5
2.5.1 Le curateur, qui considère - comme on l'a vu à tort - qu'il fallait admettre que la mineure n'avait en l'occurrence pas la capacité de discernement lors du dépôt de son recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 13 février 2024, estime en substance qu'il pouvait dès lors valablement recourir au nom de cette dernière devant l'autorité cantonale.
2.5.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que le curateur a été nommé en qualité de curateur de représentation de la mineure en vertu de l'art. 306 al. 2 CC par l'autorité de protection de l'adulte et de l'enfant compétente en date du 21 novembre 2023 et qu'il était donc légitimé à la représenter dans le cadre de la présente procédure pénale. Il est également constant que, lorsqu'il a déposé, le 26 février 2024, au nom de la mineure, son recours cantonal contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 13 février 2024, il n'a pas obtenu - ou pu obtenir - le consentement, exprès ou tacite, de la mineure. Comme on l'a vu, il n'y a pas non plus lieu de retenir qu'au moment du dépôt de ce recours, la mineure ne disposait pas de la capacité de discernement. Le droit d'interjeter un recours est un droit procédural de nature strictement personnelle. Par conséquent, dans la mesure où elle avait sa capacité de discernement au moment du dépôt du recours cantonal, la mineure pouvait en l'occurrence exercer elle-même, sans le concours de son curateur, ce droit de procédure. Il apparaît que cette dernière n'avait pas la volonté de déposer plainte contre sa mère, ni son frère, et de poursuivre la procédure pénale. Il n'était donc pas insoutenable, pour la cour cantonale, de retenir, au regard des faits constatés, que la mineure ne voulait pas elle-même interjeter un recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière rejetant la plainte déposée par son curateur. Il résulte de ce qui précède que le représentant légal et la mineure capable de discernement ont exercé - ou auraient exercé - ce droit de manière différente. Or, dans ce cas de figure, on doit admettre que seul l'acte accompli par la mineure aurait été pris en considération (YASMINA BENDANI, in commentaire romand, Code de procédure pénale, 2e éd. 2019, no 14 ad. art. 106 CPP). Ainsi, il y a lieu de suivre le raisonnement de l'autorité cantonale et de retenir que, dans le cas particulier, le curateur ne pouvait pas valablement former, contre la volonté présumée de sa pupille, le recours qu'il a déposé le 26 février 2024.
2.5.3 Le curateur expose encore qu'une telle conclusion serait en "porte-à-faux" avec la réglementation selon laquelle le droit de porter plainte n'appartient pas exclusivement au mineur capable de discernement, mais aussi, de manière indépendante, au représentant légal ou à l'autorité tutélaire. Il est vrai que le représentant légal d'un mineur capable de discernement dispose d'un droit indépendant vis-à-vis de ce dernier de porter plainte (cf. art. 30 al. 2 et 3 CP; ATF 127 IV 193 consid. 5; cf. DANIEL STOLL, in Commentaire romand, Code pénal I, 2 e éd. 2021, n os 37 et 39 ad art. 30 CP et les références citées). L'art. 30 CP prévoit cependant un régime spécial par rapport au régime prévu par l'art. 106 CPP pour l'exercice des autres droits procéduraux de nature strictement personnelle. Il y a donc lieu de s'en tenir au libellé de l'art. 106 al. 3 CPP, à savoir qu'une personne qui n'a pas l'exercice des droits civils mais qui est capable de discernement peut exercer elle-même ses droits procéduraux de nature strictement personnelle, comme le droit d'interjeter recours, même contre l'avis de son représentant légal.
2.6 Il s'ensuit que l'autorité cantonale n'a en l'espèce pas violé le droit fédéral en refusant d'entrer en matière sur le recours déposé par le curateur de représentation de la mineure contre la volonté de cette dernière.
3.
Le curateur, qui invoque une violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.; art. 389 al. 3 CPP), reproche à la juridiction cantonale de ne pas avoir administré de preuves afin d'éclaircir la question de la capacité de discernement de la mineure avant de rendre l'arrêt querellé, en requérant notamment la position de celle-ci par rapport au recours de son représentant légal ou la production de pièces issues de la procédure civile. Cependant, comme on l'a vu, la décision rendue par la cour cantonale au sujet du sort du recours précité ne prête pas le flanc à la critique et repose sur un état de fait qui n'a pas été établi de manière arbitraire. Cette autorité pouvait donc se dispenser d'instruire plus avant la question de la capacité de discernement de la mineure, sans se voir reprocher une violation du droit d'être entendu (cf., parmi d'autres, ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt 7B_29/2023 du 10 juin 2024 consid. 2.2.2 et les arrêts cités). Pour le surplus, on ne saurait suivre le curateur lorsqu'il indique que le motif juridique à l'origine de l'arrêt querellé serait nouveau et surprenant, parce qu'il n'aurait pas été évoqué dans la procédure devant le Ministère public (cf., sur cette question, arrêt 7B_693/2024 du 9 octobre 2024 consid. 2.2 et les références citées). Il appartient en effet à la personne qui forme un recours devant l'autorité cantonale d'établir sa qualité pour recourir, en particulier selon l'art. 382 CPP (cf. ATF 145 IV 161 consid. 3.1; arrêt 7B_51/2024 du 25 avril 2024 consid. 2.3.3). Dans le cas présent, le curateur agissait en qualité de représentant légal de la mineure et devait donc expliquer, même succinctement, pourquoi il était habilité à agir au nom de cette dernière lors du dépôt de son recours cantonal. Sur ce point, on peut ajouter, pour répondre au curateur, qu'en raison du droit indépendant de porter plainte tant de celui-ci que de la mineure, le Ministère public ne pouvait pas refuser d'entrer en matière sur la plainte du 22 novembre 2023 pour le même motif que celui retenu par la juridiction cantonale pour prononcer l'irrecevabilité du recours cantonal.
4.
En définitive, le recours doit être rejeté.
Le curateur, qui a agi au nom de la mineure, succombe, mais ne supportera pas de frais judiciaires, dès lors qu'il a agi dans le cadre de ses attributions officielles (cf. art. 66 al. 4 LTF). Pour le surplus, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de rémunérer celui-ci au moyen de l'assistance judiciaire (art. 64 LTF), mais au canton de Genève, qui l'a désigné comme représentant de la mineure. La demande d'assistance judiciaire doit donc être déclarée sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
La requête d'assistance judiciaire est sans objet.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 13 février 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Abrecht
Le Greffier: Magnin