5A_827/2024 10.02.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_827/2024
Arrêt du 10 février 2025
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Bovey, Président,
De Rossa et Josi.
Greffière : Mme Mairot.
Participants à la procédure
A.________ SA en liquidation,
recourante,
contre
B.________ Sàrl,
représentée par Me Bernard Cron, avocat,
intimée.
Objet
faillite,
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de
la Cour de justice du canton de Genève du 4 novembre 2024 (C/18155/2024, ACJC/1371/2024).
Faits :
A.
A.a. Par jugement du 3 octobre 2024, notifié le 16 suivant à la faillie, le Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après: Tribunal) a, sur requête de la société B.________ Sàrl (poursuite n° yyy), déclaré A.________ SA en état de faillite dès ce jour à 8h30 (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 200 fr. et les a compensés avec l'avance effectuée par la partie requérante (ch. 2), les a mis à la charge de la partie citée et l'a condamnée à les verser à la partie requérante qui en avait fait l'avance (ch. 3), et a condamné la partie citée à verser à la partie requérante 598 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4).
A.b. Par acte daté du 16 octobre 2024, reçu le 21 suivant au greffe de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice), A.________ SA a formé recours contre ledit jugement, concluant à sa réforme en ce sens que la requête de faillite est rejetée.
A.c. Par ordonnance du 21 octobre 2024, la présidente ad interim de la Chambre civile de la Cour de justice (ci-après: la présidente) a informé A.________ SA qu'elle avait jusqu'à l'échéance du délai de recours, indiqué au bas du jugement du Tribunal, pour déposer au greffe de la Cour de justice civile la quittance pour solde de l'Office cantonal des poursuites attestant du paiement de la poursuite n° yyy, intérêts, frais et frais du Tribunal compris, ou la lettre de retrait de la requête de faillite, à défaut de quoi la faillite serait confirmée.
A.d. Par décision du 22 octobre 2024, la présidente a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement du 3 octobre 2024 ainsi que la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.
A.e. Le 23 octobre 2024, A.________ SA a déposé au greffe de la Cour de justice une " quittance pour paiement " établie par l'Office cantonal des poursuites de Genève. Ledit office y atteste avoir reçu le paiement de 13'245 fr. 25 pour solde de la poursuite n° yyy, précisant, décompte à l'appui, que ce règlement soldait l'entièreté de la poursuite, créance (11'937 fr. 70), intérêts (757 fr. 70), frais de poursuite (349 fr. 85) et frais de justice (200 fr.) inclus.
B.
Par arrêt du 4 novembre 2024, la Cour de justice a rejeté le recours formé par A.________ SA, la faillite prenant effet ce jour à 12 heures.
La Cour de justice a constaté que le recourant n'avait pas fourni, dans le délai " imparti ", la " preuve du paiement des dépens ". Les conditions posées par l'art. 174 al. 2 LP faisaient ainsi défaut. Manifestement infondé, le recours devait dès lors être rejeté d'entrée de cause et sans débats (art. 322 al. 1 in fine CPC).
C.
Par acte posté le 3 décembre 2024, A.________ SA exerce un " recours " contre l'arrêt du 4 novembre 2024. Elle sollicite la " suspension urgente de la faillite " et conclut au fond à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que la faillite n'est pas prononcée.
Par acte posté le 20 décembre 2024, elle a en outre requis d'être dispensée de l'avance de frais.
Des déterminations sur le fond n'ont pas été requises.
D.
D.a. Par ordonnance du 9 janvier 2025, la requête de dispense d'avance de frais et d'assistance judiciaire a été rejetée.
D.b. Par ordonnance présidentielle du 29 janvier 2025, la requête d'effet suspensif assortissant le recours a en revanche été admise, faute d'objections, s'agissant des mesures d'exécution du prononcé de faillite, les mesures conservatoires déjà exécutées par l'Office en application des art. 162 ss, 170, 174 al. 3 et 221 ss LP demeurant en vigueur.
Considérant en droit :
1.
Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 687 consid. 1.2) rendue en matière de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Il est recevable sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF). La faillie, qui a participé à la procédure devant l'autorité cantonale et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué, a en outre qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 146 IV 297 consid. 1.2; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence; 142 I 99 consid. 1.7.1). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Conformément au principe d'allégation évoqué ci-dessus (cf. supra consid. 2.1), le recourant qui entend contester les faits retenus par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les références).
En l'espèce, l'état de fait a été complété, vu le principe selon lequel le Tribunal fédéral peut aussi se fonder sur des éléments figurant dans une décision d'une autorité inférieure, dans la mesure où ceux-ci ont été repris au moins implicitement par l'arrêt attaqué (arrêts 5A_70/2021 du 18 octobre 2021 consid. 2.2.1 et les références; 5A_639/2024 du 8 septembre 2015 consid. 2.2.2). Cela étant, les allégués 1 à 21 du présent recours seront ignorés en tant que les faits qui y sont exposés s'écartent de ceux contenus dans l'arrêt attaqué et que la recourante n'invoque ni a fortiori ne démontre, leur établissement arbitraire et que leur correction influerait sur le sort de la cause.
2.3. Contrairement à ce que prévoit l'art. 174 al. 1 LP pour la procédure de recours cantonale, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté devant le Tribunal fédéral, à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF; parmi plusieurs: arrêts 5A_83/2024 du 13 mars 2024 consid. 2.3; 5A_891/2021 du 28 janvier 2022 consid. 2.3.1 et les arrêts cités). Cette exception, dont il appartient aux parties de démontrer que les conditions sont remplies (ATF 143 V 19 consid. 1.2 et la référence; arrêt 5A_222/2018 du 28 novembre 2019 consid. 2.3, non publié in ATF 146 III 136), vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée, par exemple concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente afin d'en contester la régularité, ou des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours ou encore qui sont propres à contrer une argumentation de l'autorité précédente objectivement imprévisible pour les parties avant la réception de la décision (ATF 136 III 123 consid 4.4.3; arrêts 5A_891/2021 précité loc. cit.; 5A_904/2015 du 29 septembre 2016 consid. 2.3, non publié in ATF 142 III 617, et les références). En dehors de ces cas, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 144 V 35 consid. 5.2.4; 143 V 19 consid. 1.2 et les références), ou d'éléments que les parties ont négligé de présenter aux autorités cantonales (ATF 143 V 19 consid. 1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3).
En l'espèce, la recourante produit une attestation établie le 8 novembre 2024 par l'intimée, par laquelle C.________, associé-gérant, indique avoir reçu, le 22 octobre 2024, la somme de 598 fr. de A.________ SA au titre des dépens alloués par le Tribunal par jugement du 3 octobre 2024, ainsi qu'une demande de "reconsidération" de l'arrêt attaqué datée du 11 novembre 2024 et adressée à la Cour de justice. Ces deux pièces sont irrecevables, les exceptions susvisées n'étant en l'occurrence pas réalisées. Non seulement ces pièces sont postérieures à l'arrêt attaqué, mais la recourante tente de s'en servir pour prouver devant le Tribunal fédéral le paiement des dépens alloués à l'intimée par le premier juge, ce qui n'est pas admissible (cf. parmi d'autres: arrêt 5A_646/2024 du 4 novembre 2024 consid. 2.3 et les références).
3.
La recourante affirme avoir eu la conviction que " tout avait été réglé " et fait valoir sa bonne foi, indiquant avoir agi avec toute la diligence requise par la situation. Elle avait découvert " avec stupéfaction " que la Cour de justice exigeait encore qu'elle paie les dépens alloués à la partie adverse " par un autre mécanisme que celui utilisé à l'Office des poursuites". Or elle ne pouvait "en aucun cas" savoir qu'il manquait encore "des paiements d'une quelconque nature". Elle considère que l'arrêt attaqué est disproportionné, nuit non seulement à l'"intérêt vital de [s]es patients " mais aussi à plusieurs emplois, et heurte " de façon outrancière " le sentiment d'équité et de justice. La recourante se plaint en outre du fait que la Cour de justice n'a pas expliqué en quoi elle n'avait pas rendu vraisemblable sa solvabilité, alors qu'elle avait indiqué dans ses considérants qu'il s'agissait d'une condition cumulative.
3.1.
3.1.1. Aux termes de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler l'ouverture de la faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes est remplie: la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité judiciaire supérieure à l'intention du créancier (ch. 2) ou le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ces deux conditions, soit, premièrement, le paiement de la dette à l'origine de la faillite, le dépôt de la totalité de la somme à rembourser ou le retrait de la requête de faillite et, deuxièmement, la vraisemblance de la solvabilité, sont cumulatives (parmi plusieurs: arrêt 5A_646/2024 précité consid. 3.1 et les références). Selon la jurisprudence, le titre visé par l'art. 174 al. 2 LP doit être produit avant l'expiration du délai de recours (ATF 139 III 491 consid. 4.4; 136 III 294 consid. 3), toute pièce produite postérieurement à l'échéance de ce délai étant irrecevable (arrêt 5A_646/2024 précité loc. cit. et la référence).
3.1.2. Le paiement de la dette comprend les intérêts et les frais, ce qui correspond à ce qui est également exigé à l'art. 172 ch. 3 LP. Les frais comprennent les frais de poursuite, qui ne se résument pas aux frais et émoluments perçus par les organes de poursuites en application de l'ordonnance du 23 septembre 1996 sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP; RS 281.35); les frais de justice des procédures sommaires du pur droit des poursuites au sens de l'art. 251 CPC ainsi que ceux du juge de la faillite en font également partie (ATF 133 III 687 consid. 2.3; arrêts 5A_471/2023 du 12 octobre 2023 consid. 3.1.3 et les références; 5A_829/2014 du 9 février 2015 consid. 3.3). Les dépens alloués à une partie sont aussi ajoutés aux frais de poursuite s'ils ont été accordés dans une telle procédure (ATF 133 III 687 consid. 2.3; arrêt 5A_217/2024 du 14 juin 2024 consid. 2.1 et les références).
3.2. En l'occurrence, il n'est pas contesté que la recourante n'a pas prouvé par titre, dans le délai de recours cantonal, que les dépens alloués à l'intimée selon le jugement de faillite avaient été payés. Le fait que la recourante ait pu croire qu'en procédant au règlement en mains de l'Office des poursuites des montants résultant du décompte annexé à la " quittance pour paiement " produite devant la Cour de justice, elle avait agi à satisfaction, n'est pas déterminant et ne permet pas de déroger aux conditions posées à l'art. 174 al. 2 LP, que la cour cantonale a correctement appliquées. On ne saurait dès lors lui reprocher une quelconque violation du principe de la proportionnalité, étant au demeurant rappelé que l'examen desdites conditions ne laisse aucune marge d'appréciation au juge (arrêt 5A_83/2024 du 13 mars 2024 consid. 4.4, publié in SJ 2024 p. 686). Par ailleurs, de par leur nature cumulative, la Cour de justice n'avait pas à examiner la solvabilité de la recourante, contrairement à ce que celle-ci semble prétendre.
Il suit de là que, manifestement infondée, la critique ne porte pas.
4.
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., seront par conséquent mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui s'en est rapportée à justice sur la question de l'effet suspensif et n'a pas été invitée à répondre sur le fond.
L'octroi de l'effet suspensif ne se rapporte qu'aux mesures d'exécution, ce qui dispense de fixer à nouveau la date de l'ouverture de la faillite (parmi plusieurs: arrêt 5A_83/2024 du 13 mars 2024 consid. 5 et la référence).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, à l'Office des faillites du canton de Genève, à l'Office cantonal des poursuites de Genève, à l'Office du registre du commerce du canton de Genève et au Registre foncier du canton de Genève.
Lausanne, le 10 février 2025
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Bovey
La Greffière : Mairot