6B_417/2024 14.02.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_417/2024
Arrêt du 14 février 2025
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Muschietti et Wohlhauser.
Greffière : Mme Klinke.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Sandy Zaech, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Refus de restitution de délai,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
de la République et canton de Genève,
Chambre pénale de recours, du 17 avril 2024
(P/15306/2018 ACPR/257/2024).
Faits :
A.
Par ordonnance du 5 décembre 2023, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le ministère public) a refusé de restituer le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 1er juin 2022, condamnant A.________ à une peine pécuniaire de 140 jours-amende, à 70 fr., avec sursis et délai d'épreuve de trois ans pour calomnie (art. 174 CP) et violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP).
B.
Par arrêt du 17 avril 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale de recours) a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance de refus de restitution de délai précitée.
La cour cantonale a retenu en substance les faits suivants.
B.a. Selon le suivi des envois recommandés de la Poste suisse, le pli contenant l'ordonnance pénale du 1 er juin 2022 a été distribué le 13 juin 2022 à Me B.________, alors défenseur d'office de A.________.
B.b. Par courrier du 18 novembre 2022, A.________ a exposé au ministère public ne jamais avoir reçu l'ordonnance pénale du 1 er juin 2022. Le 28 novembre 2022, après avoir reçu copie de l'ordonnance précitée par le ministère public, A.________ a formé opposition. Dans ses déterminations du 19 décembre 2022, il a maintenu l'opposition et a demandé, subsidiairement, une restitution de délai.
B.c. Par ordonnance du 27 février 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève (ci-après: le tribunal de police) a constaté l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l'opposition à l'ordonnance pénale du 1 er juin 2022 et renvoyé le dossier au ministère public pour qu'il statue sur la demande de restitution de délai. Par ordonnance du même jour, le tribunal de police a relevé Me B.________ de sa mission de défenseur d'office de A.________ et désigné Me Zaech en lieu et place.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 17 avril 2024. Il conclut en substance, avec suite de frais et dépens, principalement à l'annulation de l'arrêt précité et de l'ordonnance du 5 décembre 2023 et au renvoi de la cause au ministère public pour restitution du délai d'opposition. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Invoquant une "application arbitraire" des art. 6 par. 3 let. c CEDH et 94 CPP, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir refusé de lui restituer le délai d'opposition.
1.1.
1.1.1. Une partie est défaillante si elle n'accomplit pas un acte de procédure à temps ou ne se présente pas à l'audience fixée (art. 93 CPP). Selon l'art. 94 CPP, une partie peut demander la restitution du délai si elle a été empêchée de l'observer et qu'elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable; elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (al. 1). La demande de restitution, dûment motivée, doit être adressée par écrit dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, à l'autorité auprès de laquelle l'acte de procédure aurait dû être accompli. L'acte de procédure omis doit être répété durant ce délai (al. 2).
Ainsi, outre le dépôt d'une demande formelle de restitution, l'accomplissement de l'acte de procédure omis (art. 94 al. 2 CPP) et la justification d'un préjudice important et irréparable, la restitution de délai suppose que la partie ou son mandataire a été empêché d'agir sans faute dans le délai fixé (ATF 149 IV 196 consid. 1.1; arrêt 6B_1156/2023 du 26 avril 2024 consid. 1.1). Selon la jurisprudence constante, une restitution de délai n'entre pas en ligne de compte lorsque la partie ou son mandataire a renoncé à agir, que ce soit à la suite d'un choix délibéré, d'une erreur ou du conseil - peut-être erroné - d'un tiers (ATF 149 IV 196 consid. 1.1; 143 I 284 consid. 1.3; arrêt 6B_1156/2023 précité consid. 1.1).
Selon la jurisprudence, hormis les cas de grossière erreur de l'avocat lors d'une défense obligatoire, le comportement fautif de ce dernier est imputable à son client (ATF 149 IV 196 consid. 1.1; 143 I 284 consid. 1.3). Une extension de l'exception à d'autres hypothèses que la défense obligatoire reviendrait à vider de son sens l'art. 94 al. 1 CPP dans de nombreux cas. Aussi, la défense obligatoire est une condition sine qua non pour faire exception à l'imputation de la faute grave de l'avocat à son client (ATF 149 IV 196 consid. 1.5.2).
Il appartient au mandataire professionnel de s'organiser de telle manière qu'un délai puisse être respecté indépendamment d'un éventuel empêchement de sa part (ATF 149 IV 196 consid. 1.1; 143 I 284 consid. 1.3). De manière générale, une défaillance dans l'organisation interne de l'avocat (problèmes informatiques, auxiliaire en charge du recours, absence du mandataire principal) ne constitue pas un empêchement non fautif justifiant une restitution du délai (ATF 149 IV 196 consid. 1.1; 143 I 284 consid. 1.3).
La sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 149 IV 196 consid. 1.1 et les références citées).
1.1.2. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire voir ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF); les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 150 I 50 consid. 3.3.1; 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).
1.2. En substance, la cour cantonale a retenu que, le recourant ne bénéficiant pas d'une défense obligatoire (art. 130 CPP), mais d'une défense d'office (art. 132 CPP), toute éventuelle erreur de son avocate d'alors lui était imputable. La cour cantonale a par ailleurs considéré que le motif d'empêchement avancé par le recourant, à savoir qu'il n'aurait pas eu connaissance, à l'époque, de l'ordonnance pénale précitée, n'avait pas été rendu vraisemblable. À cet égard, la cour cantonale a relevé que les documents produits attestaient qu'il avait eu connaissance de l'ordonnance pénale durant l'été 2022 (mémo du 14 juin 2022 de l'avocate d'alors avec la mention "comme discuté" et le courriel et la lettre des 8 et 9 décembre 2022 concernant la suite à donner à l'ordonnance pénale).
1.3.
1.3.1. En l'espèce, le recourant ne remet pas en cause que l'ordonnance pénale litigieuse a été valablement notifiée à sa mandataire en juin 2022 (cf. art. 87 al. 3 CPP; cf. ATF 144 IV 64 consid. 2.5). En outre, en tant que le recourant décrit librement le type de communication avec son ancienne avocate ainsi que le mémo du 14 juin 2022 qui lui était destiné, il ne formule aucun grief recevable sous l'angle de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits en lien avec sa connaissance de l'existence de l'ordonnance pénale litigieuse. Il en résulte qu'il échoue à démontrer l'existence d'un empêchement non fautif pour former opposition à l'ordonnance pénale du 1 er juin 2022 avant le 19 décembre 2022.
1.3.2. En tant que le recourant entend étendre la portée de la restitution exceptionnelle du délai, admise en cas de défense obligatoire, aux cas de défense d'office, il n'apporte aucun argument qui commanderait de s'écarter de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui exclut l'extension à d'autres hypothèses (cf. supra 1.1.1; ATF 149 IV 196 consid. 1.5.2, sur le risque d'une application différenciée de la loi qui favoriserait sans raison le justiciable assisté).
Par ailleurs, les affaires de la CourEDH auxquelles se réfère le recourant ne lui sont d'aucun secours, dans la mesure où elles ont été prises en compte dans la jurisprudence fédérale pour circonscrire l'examen de la restitution du délai aux cas de défense obligatoire (cf. ATF 143 I 284 consid. 2.2.1 ss, sur les conditions d'exercice du droit à une défense d'office au sens de l'art. 6 par. 3 let. c CEDH).
Au surplus, le recourant échoue à démontrer qu'il pouvait prétendre à une défense obligatoire dans le cas d'espèce, sur la seule base de la peine encourue (cf. notamment ATF 149 IV 196 consid. 1.4; 143 I 164 consid. 2.4.3 sur les conditions posées à l'art. 130 CPP). À défaut de défense obligatoire dans le cas d'espèce, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres conditions pour une restitution exceptionnelle de délai sont remplies (cf. ATF 149 IV 196 consid. 1.2; 143 I 284 consid. 2.2.3).
Il en résulte que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral et conventionnel en confirmant le refus de restitution du délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 1 er juin 2022.
2.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 14 février 2025
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
Le Greffière : Klinke