4A_466/2023 06.02.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_466/2023
Arrêt du 6 février 2025
I
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Hurni, président, Kiss, Denys, Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Mes Xavier Favre-Bulle et Hanno Wehland, avocats,
recourant,
contre
République bolivarienne du Venezuela,
représentée par Mes Sébastien Besson et Patrick Pithon, avocats,
intimée.
Objet
arbitrage international,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 26 juillet 2023 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève (CPA n. 2020-56).
Faits :
A.
A.a. A.________ est né en juin 1954, au Venezuela, d'une mère vénézuélienne et d'un père espagnol. Il a vécu au Venezuela jusqu'au milieu des années 1980, moment à partir duquel il a résidé tour à tour en Espagne, au Venezuela et aux États Unis. En août 1989, il a élu domicile aux États-Unis, pays dans lequel il vit encore aujourd'hui. Depuis 2010, il soutient avoir passé le plus clair de son temps dans cet État, tout en séjournant de longues périodes en Espagne, mais n'avoir plus voyagé au Venezuela depuis 2018.
Le prénommé possède la double nationalité vénézuélienne et espagnole. Il a perdu la nationalité espagnole en avril 1959, lorsque son père B.________ a obtenu la nationalité vénézuélienne et a été déchu, par la même occasion, de sa nationalité espagnole, en vertu de la législation alors en vigueur en Espagne. L'intéressé affirme avoir entrepris des démarches dès la fin des années 1980 en vue de récupérer la nationalité espagnole. Toutefois, ce n'est qu'en juin 1999 qu'il a réacquis la nationalité espagnole, tout en conservant la nationalité vénézuélienne.
A.b. En janvier 1977, B.________ et son épouse C.________ ont fondé la société de droit vénézuélien D.________ S.R.L., dont la raison sociale est devenue E.________ C.A. (ci-après: E.________). En juillet de la même année, les conjoints ont également créé, avec leurs deux enfants A.________ et F.________, l'entité vénézuélienne G.________ S.R.L., laquelle a modifié par la suite sa raison sociale en H.________ C.A. (ci-après: H.________). Ces deux sociétés ont notamment pour but la production ainsi que la distribution de produits pharmaceutiques.
A.________ soutient être devenu l'actionnaire unique des deux sociétés précitées au début des années 2000.
B.
Le 17 janvier 2020, A.________, se fondant sur la clause d'arbitrage insérée dans la Convention visant à l'encouragement et à la protection réciproques des investissements conclue le 2 novembre 1995 entre l'Espagne et le Venezuela ("Acuerdo entre el Reino de España y la República de Venezuela para la Promoción y la Protección Recíproca de Inversiones"; ci-après: le TBI, pour traité bilatéral d'investissement), a initié une procédure arbitrale à l'encontre du Venezuela en vue d'obtenir le paiement d'au moins 200'000'000 dollars américains (USD) pour cause de diverses violations du TBI. Le demandeur soutenait que les mesures adoptées par les autorités vénézuéliennes entre 2015 et 2018 (ci-après: les mesures incriminées) avaient provoqué la destruction des capacités de production de H.________ et de E.________ et entraîné la confiscation illicite de leurs avoirs.
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué, conformément au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), sous l'égide de la Cour permanente d'arbitrage (CPA), et son siège fixé à Genève. L'espagnol a été désigné comme langue de l'arbitrage.
L'État défendeur a soulevé l'exception d'incompétence ratione personae du Tribunal arbitral, motif pris de ce que le TBI ne protège pas les investisseurs ayant la double nationalité espagnole et vénézuélienne. À titre alternatif, il a soutenu que le demandeur ne pouvait de toute manière pas bénéficier de la protection du TBI, puisqu'il possédait exclusivement la nationalité vénézuélienne au moment où il avait réalisé ses investissements.
En cours de procédure, les parties ont décidé de diviser le traitement de l'affaire en trois phases, la compétence ratione personae du Tribunal arbitral d'abord, les autres questions de compétence, ensuite, les mérites de la demande au fond et son quantum, enfin.
Le Tribunal arbitral a tenu une audience par visioconférence les 28 et 29 juillet 2022.
Par sentence du 26 juillet 2023, le Tribunal arbitral s'est déclaré incompétent ratione personae pour connaître du litige divisant les parties. Il a déclaré qu'il n'était pas nécessaire d'examiner l'objection formulée par la partie défenderesse à titre alternatif. Les considérations détaillées ayant amené les arbitres à admettre l'exception d'incompétence seront discutées plus loin lors de l'analyse des critiques formulées à cet égard par le demandeur.
C.
Le 14 septembre 2023, A.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de ladite sentence. Il a produit une traduction en langue anglaise de la décision querellée, rédigée en espagnol, ainsi que de diverses pièces figurant au dossier de l'arbitrage.
Par ordonnance présidentielle du 8 janvier 2024, la République bolivarienne du Venezuela (ci-après: l'intimée) s'est vu impartir un délai échéant le 28 janvier 2024 pour répondre au recours, dès lors que l'ordonnance initiale du 18 octobre 2023 la priant de se déterminer sur le recours n'avait pas pu lui être notifiée valablement.
Par ordonnance du 16 février 2024, le recourant a été invité, sur demande de l'intimée, à verser, jusqu'au 11 mars 2024, le montant de 250'000 fr. à la Caisse du Tribunal fédéral en garantie des dépens de cette partie. Il s'est exécuté en temps utile.
Dans le délai prolongé à sa demande jusqu'au 29 avril 2024, l'intimée a déposé sa réponse au terme de laquelle elle a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci.
Le recourant a répliqué spontanément, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée.
Le Tribunal arbitral n'a pas répondu au recours.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'espagnol), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci ont opté pour l'espagnol, alors que, dans la procédure fédérale, elles ont employé le français. Conformément à sa pratique (cf. ATF 142 III 521 consid. 1), le Tribunal fédéral rendra par conséquent son arrêt dans la langue du recours, c'est-à-dire le français.
2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
Le siège de l'arbitrage se trouve à Genève. Aucune des parties n'avait son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont dès lors applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, du grief invoqué ou encore des conclusions prises par l'intéressé, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure toutefois réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des critiques formulées par le recourant.
4.
4.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation ( Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (ATF 150 III 280 consid. 4.1 et les références citées). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2). Comme la motivation doit être contenue dans l'acte de recours, la partie recourante ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même, elle ne peut pas se servir de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'elle n'a pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF) ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (ATF 150 III 280 consid. 4.1; arrêts 4A_558/2023 du 14 mai 2024 consid. 4.1; 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 150 III 238 consid. 4.2; 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées).
5.
Dans un unique moyen, le recourant, invoquant l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, reproche au Tribunal arbitral d'avoir décliné sa compétence pour connaître du différend opposant les parties. Pour faciliter la compréhension des explications qui vont suivre et mieux saisir le sens des critiques émises par l'intéressé, il y a lieu d'exposer la motivation détaillée sur la base de laquelle les arbitres ont admis l'exception d'incompétence soulevée par l'intimée. Avant toute chose, il convient toutefois de reproduire le texte de la disposition topique du TBI, en tant que celle-ci intéresse la présente procédure de recours.
5.1. L'art. I par. 1 let. a du TBI énonce ce qui suit dans sa version originale rédigée en espagnol et dans ses traductions anglaise et française:
"Artículo I Definiciones
A los efectos del presente Acuerdo:
1. Por "inversores" se entenderá:
a) personas físicas que tengan la nacionalidad de una de las Partes Contratantes con arreglo a su legislación y realicen inversiones en el territorio de la otra Parte Contratante".
"Article I Definitions
For the purposes of this Agreement,
1. The term "investor" means:
a) Any physical person who possesses the nationality of one Contracting Party pursuant to its legislation and makes investments in the territory of the other Contracting Party".
"Article I Définitions
Aux effets du présent Accord:
1. Le terme "investisseurs" désigne:
a) Les personnes physiques qui ont la nationalité de l'une des Parties contractantes conformément à sa législation et réalisent des investissements sur le territoire de l'autre Partie contractante".
5.2.
5.2.1. Après avoir détaillé les arguments antagonistes des parties concernant le problème controversé (sentence, n. 79-352), le Tribunal arbitral précise qu'il y a lieu d'interpréter le TBI conformément à la règle ancrée à l'art. 31 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111; ci-après: CV). Procédant tout d'abord à une analyse littérale, il écarte la thèse de l'intimée selon laquelle le terme " une " (" una "; " one ") figurant à l'art. I par. 1 let. a du TBI impliquerait qu'un "investisseur" ne pourrait pas avoir la nationalité des deux parties contractantes, partant qu'un binational espagnol-vénézuélien ne pourrait jamais agir contre l'Espagne ou le Venezuela sur le fondement du TBI. Autrement dit, le terme " un " employé dans la définition concernée n'indique pas le nombre de nationalités qu'une personne physique doit posséder aux fins de pouvoir être considérée comme un investisseur au sens du TBI, mais il s'agit d'un article indéfini visant à établir l'une des conditions nécessaires pour être qualifié d'investisseur.
Selon le Tribunal arbitral, le fait que le TBI n'exclut pas expressément la protection des doubles nationaux ne peut pas non plus être interprété comme une admission tacite et sans limites de leur qualité d'investisseur. Soulignant que le statut des doubles nationaux en droit international n'est pas le même que celui des personnes ne possédant qu'une seule nationalité, les arbitres estiment que le silence au sujet des binationaux dans la clause topique ne peut pas être interprété de bonne foi en ce sens que la protection du TBI serait totalement déniée ou accordée à cette catégorie spécifique d'investisseurs. À cet égard, ils observent qu'il n'existait pas, lors de la conclusion du TBI, de pratique répandue ou émergente accordant une protection totale aux doubles nationaux en l'absence d'exclusion expresse de ceux-ci du champ de protection d'un traité bilatéral d'investissement. Interprétée de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité, la définition d'investisseur du TBI ne permet ainsi pas de conclure que les parties contractantes auraient manifesté, par leur seul silence, leur volonté d'offrir aux doubles nationaux, en toutes circonstances, la même protection qu'aux personnes n'ayant qu'une seule nationalité. Selon le Tribunal arbitral, les parties contractantes auraient pu exclure expressément toute protection des doubles nationaux ou imposer le respect de conditions supplémentaires, voire les inclure expressis verbis dans la définition de l'investisseur, mais elles n'ont fait usage d'aucune de ces possibilités. Considérer que la non-exclusion expresse des doubles nationaux reviendrait à leur conférer, ipso facto, la qualité d'investisseur sur la base d'une simple analyse littérale de l'art. I par. 1 let. a du TBI reviendrait à faire fi des autres critères d'interprétation prévus à l'art. 31 CV, ainsi qu'à attribuer une certaine signification au silence des parties contractantes, sans qu'aucun élément ne vienne confirmer pareille interprétation.
Après avoir rappelé qu'ils ne sont pas liés par les sentences rendues dans divers arbitrages d'investissement impliquant des doubles nationaux, les arbitres exposent les raisons pour lesquelles ils ne partagent pas l'avis d'autres tribunaux ayant abouti à des solutions différentes. Au terme de son analyse de la lettre de la définition d'investisseur figurant dans le TBI, le Tribunal arbitral estime que cet accord est silencieux en ce qui concerne le traitement des doubles nationaux (sentence, n. 353-384).
5.2.2. Examinant dans la foulée le contexte du TBI, lequel comprend les éléments visés par l'art. 31 par. 2 CV, le Tribunal arbitral estime que l'opposition apparaissant à plusieurs reprises au sein dudit traité entre les expressions " de l'une des parties contractantes ", d'une part, et " de l'autre partie contractante ", d'autre part, ne permet pas de conclure que le TBI exclurait toute protection des doubles nationaux. À son avis, tout ce que l'on peut déduire de pareille formulation, c'est que l'investisseur doit avoir la nationalité de l'une des parties contractantes et qu'il doit réaliser des investissements sur le territoire de l'autre partie contractante, ce qui exclut l'applicabilité du TBI à une personne physique investissant sur le territoire de l'État dont elle a exclusivement la nationalité. Les dispositions du TBI ne font toutefois nulle mention des doubles nationaux. Selon le Tribunal arbitral, ce silence ne saurait être interprété comme le signe de ce que le TBI s'appliquerait pleinement aux doubles nationaux, ni comme la preuve de ce que ledit traité leur dénierait toute protection (sentence, n. 385-389).
Poursuivant le fil de son raisonnement, le Tribunal arbitral estime que les accords passés par les États concernés avant la conclusion du TBI, c'est-à-dire le Traité général de coopération et d'amitié du 7 juin 1990 ("Tratado General de Cooperación y Amistad") ainsi que l'Accord économique signé en 1992 ("Acuerdo Económico integrante del Tratado de Amistad celebrado en 1992"), ne constituent pas des éléments du contexte du TBI au sens de l'art. 31 par. 2 CV, puisqu'ils sont antérieurs audit traité. De toute manière, il considère que lesdits accords ne présentent aucune utilité pour apprécier la portée de la notion d'investisseur ancrée à l'art. I par. 1 let. a du TBI et déterminer si celle-ci englobe les doubles nationaux (sentence, n. 390-393).
5.2.3. Examinant ensuite la clause de résolution des litiges figurant à l'art. XI du TBI, le Tribunal arbitral rappelle que cette disposition énonce notamment ce qui suit:
"2. Si la controversia no pudiera ser resuelta de esta forma en un plazo de seis meses, a contar desde la fecha de notificación escrita mencionada en el párrafo 1, será sometida a la elección del inversor:
a) A los tribunales competentes de la Parte Contratante en cuyo territorio se realizó la inversión, o
b) Al Centro Internacional para el Arreglo de Diferencias Relativas a Inversiones (C.I.A.D.I.) creado por el Convenio para Arreglo de Diferencias relativas a Inversiones entre Estados y Nacionales de otros Estados, abierto a la firma en Washington el 18 de marzo de 1965, cuando cada Estado parte en el presente Acuerdo se haya adherido a aquél. (...).
3. Si por cualquier motivo no estuvieran disponibles las instancias arbitrales contempladas en el Punto 2.b. de este Artículo, o si ambas partes así lo acordaren, la controversia se someterá a un tribunal de arbitraje ad hoc establecido conforme al Reglamento de Arbitraje de la Comisión de las Naciones Unidas para el Derecho Comercial Internacional."
"2. Si le différend ne pouvait pas être réglé de cette manière dans un délai de six mois, à partir de la date de la notification écrite mentionnée au paragraphe 1, l'investisseur pourra choisir de le soumettre:
a) Aux tribunaux compétents de la Partie contractante sur le territoire de laquelle l'investissement a été réalisé, ou
b) Au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) créé par la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États, ouvert à la signature à Washington le 18 mars 1965, quand chaque État partie au présent Accord y aura adhéré. (...).
3. Si pour une raison quelconque, les instances d'arbitrage visées au point 2 b) de cet article n'étaient pas disponibles, ou si les deux parties en décidaient ainsi, le différend sera porté devant un tribunal d'arbitrage ad hoc établi conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international."
S'il reconnaît certes que l'art. XI par. 3 du TBI dispose qu'un arbitrage soumis aux règles de la CNUDCI ne peut être initié que lorsque le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (ci-après: le CIRDI) est indisponible "pour une raison quelconque", le Tribunal arbitral estime qu'il n'existe pas de hiérarchie entre ces deux formes d'arbitrage. Il s'agit, au contraire, d'un catalogue d'options à la disposition des investisseurs. La formulation large employée à l'art. XI par. 3 du TBI ("si pour une raison quelconque") ne comporte en effet rien de limitatif et ne restreint nullement les raisons pour lesquelles l'investisseur concerné ne peut pas soumettre son litige aux organes juridictionnels institués par la Convention pour le Règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États (RS 0.975.2; ci-après: la Convention CIRDI). Par conséquent, même si l'art. 25 par. 2 let. a de la Convention CIRDI exclut le droit d'agir des doubles nationaux, cela ne signifie pas qu'une telle restriction juridictionnelle, propre à ce régime, empêcherait également ceux-ci d'initier une procédure arbitrale en se fondant sur l'art. XI par. 3 du TBI. Les arbitres exposent ensuite les raisons pour lesquelles ils ne partagent pas certaines considérations émises par d'autres tribunaux arbitraux au sujet de l'articulation entre ces deux mécanismes d'arbitrage en présence de doubles nationaux (sentence, n. 395-408).
5.2.4. Se penchant dans la foulée sur l'objet et le but du TBI, le Tribunal arbitral observe que ledit traité vise à promouvoir ainsi qu'à protéger les investissements effectués par les investisseurs de chacune des parties contractantes sur le territoire de l'autre. L'objet et le but du TBI ne sont, à son avis, pas incompatibles avec la protection des doubles nationaux. Toutefois, les arbitres estiment que la seule chose que l'on peut déduire du TBI, à la lumière de son objet et de son but, c'est que ledit traité est silencieux sur le traitement à réserver aux doubles nationaux (sentence, n. 409-415).
5.2.5. Poursuivant son analyse, le Tribunal arbitral considère que le caractère de lex specialis d'un traité bilatéral de protection des investissements ne constitue pas un obstacle dirimant à l'applicabilité des autres règles du droit international. Autrement dit, le fait qu'un tel traité soit une lex specialis n'implique pas qu'il s'agirait d'un régime autonome, totalement détaché du reste du droit international, ni ne signifie que les règles générales du droit international ne devraient pas être prises en compte. Les États qui concluent un traité de protection des investissements peuvent certes déroger ou s'écarter des règles de droit international qui seraient normalement applicables en l'absence d'un tel accord. Toutefois, lorsque le traité de protection des investissement est silencieux sur un point, comme en l'espèce, on ne peut pas en déduire que les parties contractantes entendaient exclure l'applicabilité de toutes les autres règles de droit international. Ainsi, pour combler la lacune constatée par lui sur le problème considéré, le Tribunal arbitral estime qu'il convient de se tourner vers d'autres règles de droit international applicables entre les parties contractantes. Semblable démarche n'implique pas d'ajouter des éléments au TBI dont les parties ne voulaient pas, mais bel et bien d'interpréter ledit traité conformément à l'art. 31 par. 3 let. c CV, lequel commande de tenir compte de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties. La tâche de l'interprète implique dès lors de ne pas attribuer au silence des parties contractantes un sens qu'elles n'ont pas voulu donner au TBI et d'interpréter celui-ci en harmonie avec les autres règles du droit international.
Le Tribunal arbitral estime que les principes de droit international développés dans le cadre de la protection diplomatique peuvent trouver application lorsqu'un traité de protection des investissements est silencieux sur un point. Cette approche est, à son avis, conforme au Projet d'articles sur la protection diplomatique (ci-après: le Projet d'articles) établi en 2006 par la Commission du droit international des Nations Unies (ci-après: la CDI). À cet égard, les arbitres observent que l'art. 17 du Projet d'articles a la teneur suivante: " Le présent projet ne s'applique que dans la mesure où il est compatible avec des règles spéciales du droit international, telles que des dispositions conventionnelles relatives à la protection des investissements. " Se référant aux commentaires formulés par la CDI à propos de cette règle, ils relèvent que le Projet d'articles peut continuer à s'appliquer s'il demeure compatible avec un traité de protection des investissements. En l'occurrence, le Tribunal arbitral estime que le TBI est muet en ce qui concerne le traitement à réserver aux doubles nationaux, de sorte qu'il n'existe aucune incompatibilité entre les règles figurant dans cet accord et les principes de droit international coutumier énoncés dans le Projet d'articles.
Les arbitres soulignent encore que divers tribunaux arbitraux, confrontés au même problème s'agissant du traitement des doubles nationaux, ont opté pour des solutions différentes, ce qui corrobore la thèse selon laquelle le TBI ne contient pas de disposition spécifique permettant de résoudre la question litigieuse, sans avoir recours à d'autres règles de droit international en vertu de l'article 31 par. 3 let. c CV.
Le Tribunal arbitral précise également que la présente espèce n'est pas comparable à la cause jugée par le Tribunal fédéral dans un litige ayant opposé une société de droit espagnol à l'intimée (arrêt 4A_306/2019 du 25 mars 2020 partiellement publié aux ATF 146 III 142). Dans l'affaire en question, le Tribunal fédéral, amené à examiner les contours de la notion d'investissement au regard du TBI, a estimé que le tribunal arbitral avait fait dépendre à tort la protection d'un investissement conférée par le TBI du respect de conditions supplémentaires qui n'y figuraient pas. Il a, en particulier, admis que les parties contractantes avaient renoncé en connaissance de cause à introduire des clauses dans le TBI visant à restreindre la portée des investissements protégés, alors que de telles clauses étaient déjà courantes lors de la conclusion dudit traité en 1995. Selon le Tribunal arbitral, la situation est en l'occurrence différente, puisque le TBI ne règle nullement le sort qu'il convient de réserver aux doubles nationaux. Soulignant que le traitement des doubles nationaux en droit international est une question en constante évolution, le Tribunal arbitral relève, en outre, qu'il n'y avait pas, au moment de la signature du TBI, de pratique consistant à admettre que l'absence de mention expresse des doubles nationaux dans un traité de protection des investissements devait être interprétée en ce sens qu'ils bénéficiaient d'une pleine protection d'un tel accord en toutes circonstances. Les sentences arbitrales ayant opté pour une interprétation contraire sont toutes postérieures à la conclusion du TBI. Selon les arbitres, il n'existe toutefois actuellement aucune pratique, pas même naissante, selon laquelle le silence sur le traitement des doubles nationaux signifierait qu'ils seraient protégés dans tous les cas par un traité bilatéral d'investissement (sentence, n. 416-455).
5.2.6. Après avoir exclu l'application de certaines règles de droit international invoquées par les parties aux fins de déterminer le traitement applicable aux doubles nationaux (sentence, n. 456-467), le Tribunal arbitral examine attentivement le principe juridique de la nationalité dominante et effective, développé dans le domaine de la protection diplomatique. En vertu dudit principe, un double national peut agir contre un État dont il a la nationalité uniquement lorsque sa nationalité dominante et effective n'est pas celle de cet État.
Les arbitres observent que l'affaire Nottebohm, jugée en 1955, constitue un précédent majeur en la matière, quand bien même le litige en question ne concernait pas un binational. Dans cet arrêt, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a en effet souligné que des tribunaux arbitraux avaient recouru au principe de la nationalité dominante et effective dans de nombreux cas impliquant des doubles nationaux. Dans l'affaire Mergé, tranchée en 1955, qui se rapportait à une double nationale, la Commission de conciliation italo-américaine a considéré que la protection diplomatique ne pouvait être mise en oeuvre par l'État requérant que si la nationalité dominante et effective de la personne concernée était celle de cet État. Elle a également fait état d'une série de critères à prendre en considération, en sus de ceux identifiés par la CIJ dans l'affaire Nottebohm, aux fins de déterminer quelle est la nationalité dominante et effective d'un individu. La décision rendue dans l'affaire Mergé revêt une importance singulière car la CDI considère que c'est à partir de ce moment-là que le principe de la nationalité dominante et effective s'est cristallisé en tant que règle ressortissant au droit international coutumier. Ultérieurement, ledit principe a été mis en oeuvre dans d'autres cas ne relevant pas du domaine de la protection diplomatique. Ainsi, le Tribunal des différends irano-américains, institué par les Accords d'Alger, a appliqué à plusieurs reprises ledit principe, notamment dans la décision qu'il a rendue le 6 avril 1984 dans l'affaire A/18.
Le Tribunal arbitral relève que la portée de la règle de la nationalité dominante et effective a été précisée à l'art. 7 du Projet d'articles, lequel énonce ce qui suit: " Un État de nationalité ne peut exercer la protection diplomatique à l'égard d'une personne contre un État dont cette personne a également la nationalité, à moins que la nationalité prépondérante de celle-ci soit celle du premier État en question, tant à la date du préjudice qu'à la date de la présentation officielle de la réclamation. " Les arbitres constatent également que ledit principe a été reconnu et appliqué par plusieurs tribunaux arbitraux dans le cadre de litiges relevant du domaine de la protection des investissements, et singulièrement par des arbitres ayant été amenés à statuer sur la base du TBI.
Au terme de son analyse, le Tribunal arbitral aboutit à la conclusion que la nationalité dominante et effective est un principe de droit international coutumier ayant été développé dans le cadre de la protection diplomatique, mais qui s'applique aussi en matière d'arbitrage investissement. Le principe en question constitue dès lors une règle pertinente de droit international applicable entre les parties contractantes, au regard de l'article 31 par. 3 let. c CV, aux fins d'apprécier l'étendue de la protection conférée par le TBI aux doubles nationaux. Par conséquent, un individu possédant la nationalité des deux États parties à un traité bilatéral de protection des investissements peut poursuivre l'un d'entre eux, à moins que sa nationalité dominante et effective soit celle de l'État incriminé. Pour déterminer quelle est la nationalité dominante et effective d'une personne, tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération, parmi lesquels figurent notamment la résidence habituelle de l'individu, le centre de ses intérêts, ses liens familiaux, sa participation à la vie publique, son comportement dans les secteurs économique, social et politique, l'attachement manifesté par la personne concernée à un pays et toute preuve y relative. Il n'existe aucune hiérarchie entre ces critères et leur importance peut varier suivant les cas. Cet examen doit s'effectuer au moment où le préjudice a été causé à la personne concernée et à la date de l'introduction de la demande (sentence, n. 468-495).
5.2.7. Poursuivant le fil de leur raisonnement, les arbitres considèrent qu'il n'est pas nécessaire de faire appel aux moyens complémentaires d'interprétation visés par l'art. 32 CV pour déterminer le traitement à réserver aux doubles nationaux, étant donné que l'interprétation du TBI effectuée conformément à la règle ancrée à l'art. 31 CV ne laisse pas le sens dudit traité ambigu ou obscur ni ne conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable. En tout état de cause, ils soulignent que lesdits moyens complémentaires d'interprétation ne modifient pas la solution retenue par eux (sentence, n. 496-498).
5.2.8. S'attachant enfin à rechercher quelle est la nationalité dominante et effective du demandeur, le Tribunal arbitral souligne, à titre liminaire, que la nationalité espagnole réacquise par l'intéressé en 1999 ne revêt pas un caractère purement formel et que ce dernier a maintenu des liens étroits avec cet État à tout le moins depuis le milieu des années 1980. Les arbitres observent que la réponse à donner à la question litigieuse est difficile, dans la mesure où le demandeur réside aux États-Unis d'Amérique depuis 1989 et où sa sphère personnelle, familiale et sociale paraît se trouver dans cet État dont il ne possède pas la nationalité. Après avoir jugé non décisives diverses circonstances invoquées par les parties, le Tribunal arbitral considère, sur la base des éléments à sa disposition, que la nationalité dominante et effective du recourant est la nationalité vénézuélienne. À cet égard, il constate que le centre des intérêts économiques du demandeur, au moment de l'adoption des mesures incriminées, se situait depuis toujours au Venezuela, même s'il résidait déjà aux États-Unis et qu'il se rendait régulièrement en Espagne. Ce n'est que postérieurement à ce moment-là que cet état de choses a évolué. Le Tribunal arbitral précise ne déceler aucune preuve tangible faisant état d'un attachement du demandeur à l'Espagne. Il relève, notamment, que l'intéressé n'a pas affirmé dans ses écritures que sa nationalité dominante était la nationalité espagnole, mais s'est borné à mentionner que sa nationalité vénézuélienne n'était pas prépondérante. Le Tribunal arbitral remarque aussi que, selon les dires du demandeur, c'est le climat d'insécurité régnant au Venezuela qui l'a incité à quitter ce pays avec sa famille et l'a dissuadé d'y revenir. Selon les arbitres, les propos tenus par le demandeur démontrent son clair attachement au Venezuela, dès lors qu'il n'a pas choisi librement d'émigrer et de ne pas retourner vivre dans cet État, mais a été forcé d'agir de la sorte compte tenu des circonstances. Le Tribunal arbitral considère ainsi que la décision de l'intéressé de ne pas s'établir en Espagne réside d'un choix délibéré, tandis qu'il n'est pas en mesure de vivre au Venezuela pour des raisons indépendantes de sa volonté (sentence, n. 499-519).
Au vu de ce qui précède, le Tribunal arbitral se déclare incompétent ratione personae pour connaître du litige, étant donné que la nationalité dominante et effective du demandeur est la nationalité vénézuélienne. Partant, il estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner l'autre objection d'incompétence formulée à titre alternatif par la partie défenderesse (sentence, n. 520-521).
5.3.
Les motifs qui ont conduit le Tribunal arbitral à décliner sa compétence ayant été exposés ci-dessus, il convient maintenant de résumer les positions des parties sur le problème controversé.
5.3.1. Dans son mémoire de recours, l'intéressé remet en cause l'interprétation de l'art. I par. 1 let. a du TBI, telle qu'elle a été faite par le Tribunal arbitral. À l'en croire, les arbitres ont conditionné, à tort, la protection offerte par le TBI au respect d'une exigence supplémentaire non prévue par cet accord. Se référant à ce qu'il appelle " le principe de textualité ", le recourant soutient que la clause topique du TBI assure expressément et sans ambiguïté une protection aux doubles nationaux. Selon le sens ordinaire à attribuer aux termes figurant à l'art. I par. 1 let. a du TBI, il estime en effet qu'un double national est un investisseur protégé par ledit traité, puisqu'il possède la nationalité des deux parties contractantes. Il reproche dès lors au Tribunal arbitral d'avoir procédé à une interprétation qui s'écarte du texte clair de la clause en question.
Le recourant procède ensuite à une analyse systématique des dispositions du TBI, laquelle vient, à son avis, corroborer la conclusion qu'il a tirée de son interprétation littérale selon laquelle la définition de l'investisseur figurant dans cet accord n'est pas lacunaire, mais englobe également les doubles nationaux. Il conteste en outre l'assertion du Tribunal arbitral selon laquelle la pleine protection des doubles nationaux aurait constitué une innovation majeure et un écart radical par rapport à la pratique qui avait cours lors de la conclusion du TBI. À cet égard, il fait notamment valoir que seul un traité bilatéral de protection des investissements conclu par l'Espagne en 1992 limitait expressément la protection des doubles nationaux, tandis que le Venezuela a prévu leur exclusion uniquement dans deux traités bilatéraux signés postérieurement au TBI. Selon le recourant, la protection des doubles nationaux constituait ainsi la règle à l'époque de la conclusion du TBI. L'intéressé considère que les États concernés auraient aisément pu insérer des dispositions visant à limiter la protection offerte par le TBI aux doubles nationaux si telle avait été leur intention, étant donné que de telles clauses existaient déjà lors de la conclusion de cet accord et que l'Espagne avait auparavant introduit certaines limitations dans divers traités en vue de restreindre le cercle des investisseurs protégés.
Le recourant prétend, dans la foulée, que l'objet et le but du TBI confirment que cet accord protège également les doubles nationaux. Sur ce point, il observe que le préambule dudit traité fait état de la volonté des parties contractantes d'intensifier leur coopération économique et de créer des conditions favorables pour la réalisation d'investissements. Or, ce double objectif ne pourrait pas être atteint si l'on excluait toute protection des doubles nationaux. Par ailleurs, le critère retenu par le Tribunal arbitral de la nationalité dominante et effective de l'individu concerné contredit le but poursuivi par le TBI visant à aménager un cadre stable et favorable aux investissements. Selon le recourant, le caractère flou de cette règle risquerait de dissuader certains doubles nationaux de réaliser des investissements, dès lors qu'ils ne seraient pas assurés de bénéficier de la protection conférée par le TBI.
Soutenant que le raisonnement du Tribunal arbitral repose sur une prémisse erronée selon laquelle le TBI contient une lacune en ce qui concerne le traitement des doubles nationaux, le recourant fait grief aux arbitres d'avoir cherché à combler celle-ci en appliquant d'autres principes de droit international. À son avis, les parties contractantes ont réglé spécifiquement la question litigieuse à l'art. I par. 1 let. a du TBI, ce qui exclut l'applicabilité d'autres normes de droit international. Selon le recourant, le Tribunal arbitral a ainsi, comme dans le litige tranché par la Cour de céans dans l'arrêt publié aux ATF 146 III 142, conditionné à tort la protection conférée par le TBI au respect d'une exigence supplémentaire étrangère à cet accord.
En tout état de cause, le recourant estime que la règle de la nationalité dominante et effective ne ressortit pas au "droit coutumier général" et n'a pas vocation à s'appliquer en dehors du domaine spécifique de la protection diplomatique. À cet égard, il reproche aux arbitres d'avoir attribué une portée trop large à certaines décisions et d'avoir omis de préciser que plusieurs tribunaux arbitraux ont rejeté l'application du principe concerné en matière d'arbitrage d'investissement. Il relève notamment que la Cour d'appel de Paris, statuant le 27 juin 2023 dans la cause Serafín García Armas et Karina García Gruber contre Venezuela (n. 22/02752), a jugé que l'art. I par. 1 let. a du TBI n'excluait pas les doubles nationaux, raison pour laquelle il n'était pas nécessaire de se tourner vers d'autres règles de droit international. Le recourant fait aussi grief au Tribunal arbitral d'avoir mal interprété l'art. 17 du Projet d'articles. Il prétend que le principe de la nationalité dominante et effective ne s'applique pas dans le domaine de l'arbitrage d'investissement. Il en veut pour preuve le fait que le commentaire de la CDI à propos de l'art. 17 du Projet d'articles énonce que les procédures de règlement des différends prévues par les traités bilatéraux d'investissement ignorent les conditions auxquelles est soumis l'exercice de la protection diplomatique et font l'objet d'un régime spécial obéissant à d'autres règles. L'intéressé se réfère également à l'arrêt rendu le 24 mai 2007 dans l'affaire Ahmadou Sadio Diallo, dans lequel la CIJ a souligné que le rôle de la protection diplomatique s'est estompé dans le domaine des investissements étrangers, celle-ci n'étant en pratique appelée à intervenir que dans les rares cas où les régimes conventionnels de protection des investissements n'existent pas ou se sont révélés inopérants. Le recourant soutient ainsi que les traités bilatéraux d'investissements instaurent un régime de protection spécifique distinct de celui développé dans le cadre de la protection diplomatique.
À titre subsidiaire, le recourant s'emploie à démontrer que sa nationalité dominante et effective est la nationalité espagnole. À cet égard, il reproche aux arbitres d'avoir tenu compte de plusieurs critères non pertinents et, notamment, des raisons l'ayant amené à quitter le Venezuela. Il souligne en outre que tous ses enfants ont la nationalité espagnole, que son père était à l'origine de nationalité espagnole, que sa mère a été naturalisée espagnole, qu'il a exercé son droit de vote en Espagne depuis 1999 et qu'il s'est identifié exclusivement comme ressortissant espagnol dans des actes publics en Espagne, qu'il a été propriétaire d'un bien immobilier et qu'il a payé des impôts dans cet État et qu'il s'y rend régulièrement. Si le Tribunal arbitral avait correctement tenu compte des facteurs pertinents, le recourant estime qu'il aurait dû aboutir à la solution inverse de celle retenue dans la sentence attaquée.
5.3.2. Dans sa réponse, l'intimée s'inscrit en faux contre la thèse soutenue par son adversaire. Elle présente, dans la foulée, sa propre interprétation de l'art. I par. 1 let. a du TBI sur la base des critères déduits de l'art. 31 CV, en examinant le sens des termes utilisés, le contexte dans lequel s'inscrit ladite disposition ainsi que l'objet et le but du traité concerné. Tout en soulignant que l'analyse effectuée par le Tribunal arbitral est convaincante et solidement motivée, elle lui reproche néanmoins d'avoir écarté certains de ses arguments qui confirment le résultat auquel ont abouti les arbitres. L'intimée persiste notamment à soutenir qu'une interprétation littérale de la disposition topique du TBI commanderait de retenir qu'un investisseur ne peut pas avoir la nationalité des deux parties contractantes et, partant, qu'il ne bénéficie d'aucune protection sur le fondement de cet accord. Elle considère en outre que la clause de résolution des litiges figurant à l'art. XI du TBI établit une hiérarchie en faveur du CIRDI, ce qui démontrerait que les doubles nationaux ne bénéficient d'aucune protection.
L'intimée fait ensuite valoir que le Tribunal arbitral a conclu à juste titre que le TBI contient une lacune concernant le sort à réserver aux doubles nationaux, raison pour laquelle il a cherché à la combler en se référant aux autres règles pertinentes de droit international. À cet égard, elle estime que le recours aux principes développés dans le cadre de la protection diplomatique se révèle justifié. À ce titre, l'intéressée soutient que les arbitres se sont tournés, à bon droit, vers la règle de la nationalité dominante et effective pour déterminer si le demandeur pouvait bénéficier de la protection conférée par le TBI. En retenant que la nationalité dominante et effective du recourant était la nationalité vénézuélienne, l'intimée prétend que le Tribunal arbitral a posé une constatation de fait qui est soustraite à l'examen du Tribunal fédéral. En tout état de cause, elle estime que la solution retenue sur ce point dans la sentence querellée ne prête pas le flanc à la critique.
Pour le reste, l'intimée soutient que les critiques émises par son adversaire sont largement appellatoires et, partant, irrecevables. À titre superfétatoire, elle s'attelle à réfuter les principaux arguments avancés par le recourant.
5.3.3. Dans sa réplique, le recourant rétorque que l'intimée n'est pas recevable à soulever, dans sa réponse, des arguments qui ont été écartés par les arbitres afin d'obtenir le maintien de la sentence par substitution de motifs. Quoi qu'il en soit, il expose les raisons censées démontrer le caractère infondé de l'argumentation développée par son adversaire. L'intéressé maintient en outre que les parties contractantes ont voulu inclure les doubles nationaux dans la notion d'investisseur définie à l'art. I par. 1 let. a du TBI et que ladite clause ne contient aucune lacune. Dans ces circonstances, il soutient qu'il n'est pas possible de recourir à d'autres règles de droit international, puisque les parties ont réglé de manière exhaustive la question litigieuse dans le TBI. Le recourant conteste, par ailleurs, l'affirmation de son adversaire selon laquelle la solution retenue par les arbitres concernant sa nationalité dominante et effective constituerait une constatation de fait ne pouvant pas être revue par le Tribunal fédéral.
5.3.4. Dans sa duplique, l'intimée soutient que le raisonnement du recourant présente un caractère circulaire et repose sur une prémisse erronée selon laquelle le texte de l'art. I par. 1 let. a du TBI assure, sans la moindre ambiguïté, une pleine protection aux doubles nationaux. Elle affirme également que le Tribunal fédéral peut confirmer, par substitution de motifs, le résultat auquel ont abouti les arbitres, raison pour laquelle elle peut faire valoir des arguments qui ont été écartés dans la sentence querellée. Pour le reste, elle soutient que les critiques formulées par le recourant sont dénuées de pertinence.
5.4. Les positions respectives des parties ayant été exposées, il convient d'examiner les mérites des critiques formulées par le recourant au soutien de son moyen pris de la violation de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.
5.4.1. Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 150 III 280 consid. 7.6.1; 149 III 131 consid. 6.4.1; 146 III 142 consid. 3.4.1; 133 III 139 consid. 5). Il en va de même lorsqu'il est amené à interpréter le sens que revêtent certains termes utilisés dans un traité bilatéral ou multilatéral d'investissement (ATF 150 III 280 consid. 7.6.1; 150 III 89 consid. 4.2.1; 149 III 131 consid. 6.4.1; 144 III 559 consid. 4.1; 141 III 495 consid. 3.2 et 3.5.1; arrêt 4A_65/2018, précité, consid. 2.4.1 et les références citées).
Le Tribunal fédéral ne revoit cependant l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 99 al. 1 LTF) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 144 III 559 consid. 4.1; 142 III 220 consid. 3.1; 140 III 477 consid. 3.1; 138 III 29 consid. 2.2.1).
5.4.2. À titre liminaire, le Tribunal fédéral juge utile de souligner qu'il ne lui appartient pas de résoudre ici, une fois pour toutes et abstraitement, le problème de savoir si, et, à quelles conditions, un double national est en droit d'agir contre l'État hôte de son investissement sur la base d'un traité conclu entre deux États dont il possède la nationalité.
À cet égard, il sied de relever que cette question, controversée, a fait couler passablement d'encre. Nombre de tribunaux arbitraux ont notamment abordé cette thématique et les solutions apportées par eux ont varié d'une sentence à l'autre (cf. parmi d'autres: Victor Pey Casado et Fondation Presidente Allende contre République du Chili, CIRDI n. ARB/98/2, sentence sur la compétence du 8 mai 2008; Serafín García Armas et Karina García Gruber contre République bolivarienne du Venezuela, CPA n. 2013-3, sentence sur la compétence du 15 décembre 2014; Mohamed Abdel Raouf Bahgat contre République arabe d'Égypte, CPA n. 2012-07, sentence sur la compétence du 30 novembre 2017; Dawood Rawat contre République de Maurice, CPA n. 2016-20, sentence sur la compétence du 6 avril 2018; Enrique Heemsen et Jorge Heemsen contre République bolivarienne du Venezuela, CPA n. 2017-18, sentence sur la compétence du 29 octobre 2019; Manuel García Armas et consorts contre République bolivarienne du Venezuela, CPA n. 2016-08, sentence sur la compétence du 13 décembre 2019; Sergei Viktorovich Pugachev contre Russie, CPA n. AA622, sentence sur la compétence du 18 juin 2020; Fernando Fraiz Trapote contre République bolivarienne du Venezuela, CPA 2019-11, sentence finale du 31 janvier 2022; Zaza Okuashvili contre Géorgie, Institut d'arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm [SCC] n. EA 2019/058, sentence partielle sur la compétence et la recevabilité du 31 août 2022; Antonio del Valle Ruiz et consorts contre Royaume d'Espagne, CPA n. 2019-17, sentence finale du 13 mars 2023).
Diverses opinions doctrinales ont également été professées à propos de la protection des doubles nationaux en matière d'arbitrage d'investissement (cf. parmi d'autres: MCLACHLAN ET AL., International investment arbitration: substantive principles, 2ème éd. 2017, n. 5.01 ss; MICHALOPOULOS/HICKS, Dual nationality revisited: a modern approach to dual nationals in non-ICSID arbitrations, in Arbitration International 2019 p. 121 ss; JAVIER GARCÍA OLMEDO, Claims by dual nationals under investment treaties: are investors entitled to sue their own States?, in Journal of International Dispute Settlement 2017 p. 695 ss; CHITRANSH VIJAYVERGIA, Dual nationality of a private investor in investment treaty arbitration: a potential barrier to the exercise of jurisdiction ratione personae?, in Revue CIRDI 2021 p. 150 ss; M ARTIN HEMMI, The concept of nationality and diplomatic protection in international investment law, in Jusletter du 19 juin 2017; MATHILDE FRAPPIER, La protection des individus binationaux par les traités et l'arbitrage d'investissement, in Les Cahiers de l'arbitrage - The Paris Journal of International Arbitration 2020 p. 551 ss; MATEJ KOSALKO, (In) genuinely foreign investment: a survey of nationality requirements in investment disputes, in European Investment Law and Arbitration Review 2018 p. 77 ss; MANUEL CASAS, Nationalities of convenience, personal jurisdiction, and access to investor-state dispute settlement, in New York University Journal of International Law and Politics 2016 p. 63 ss; HAERI/WALKER, "And you are...?" - Dual nationals in investment treaty arbitration, in Bahrain Chamber for Dispute Resolution International Arbitration Review 2016 p. 153 ss; GARY BORN, International arbitration: law and practice, 3ème éd. 2021, p. 502 ss; KATIA YANNACA-SMALL, Who is entitled to claim? The definition of nationality in investment arbitration, in Katia Yannaca-Small [édit.], Arbitration under international investment agreeements: a guide to the key issues, 2ème éd. 2018, n. 10.01 ss; EVA PALOMA TREVES, Investment treaty arbitration: dual nationals are now welcome: a way out of ICSID's dual national exclusion, in New York University Journal of International Law and Politics 2017 p. 607 ss; PABLO MORI BREGANTE, The passports' game: chronicle of a foretold death for dual nationals' claims, in Kluwer Arbitration Blog du 20 janvier 2020; TORREALBA/GALLOTTI, A never-ending story? Dual nationals in investment arbitration: a commentary on Santamarta v Venezuela, in Kluwer Arbitration Blog du 29 novembre 2023; CLOVIS TREVINO, Treaty claims by dual nationals: a new frontier?, in Kluwer Arbitration Blog du 8 octobre 2015; MARINE DE BAILLEUL, Decision of the Paris Court of appeal on the set aside Application in García v Venezuela, in The International Journal of Arbitration, Mediation and Dispute Management 2017 p. 383 ss; ERIC DE BRABANDERE, Note: R. v Mauritius - Treaty interpretation, dual nationality, and the scope of review of arbitral awards, in Belgian Review of Arbitration 2021 p. 365 ss; HOSSAM GAMALELDIN, Commentary on the main legal issues raised in the recent investigation arbitration case of Bahgat v. Egypt, in International Journal of Arab Arbitration 2020 p. 279 ss; MANGESH KRISHNA, French Courts keeping the door open for dual nationals' claims?, in Kluwer Arbitration Blog du 30 décembre 2023; LEMAIRE/LAAZOUZI, Chronique de jurisprudence arbitrale en droit des investissements, in Revue de l'Arbitrage 2019 p. 552 ss; MALIK LAAZOUZI, Chronique de jurisprudence arbitrale en droit des investissements, in Revue de l'Arbitrage 2022 p. 1585 ss).
Il apparaît ainsi que de sérieuses divergences existent sur le problème controversé tant dans les décisions des tribunaux arbitraux qu'au sein de la doctrine.
En l'occurrence, la présente affaire pose une question de principe, puisqu'elle porte sur le droit ou non d'un double national d'agir en vertu d'un traité bilatéral d'investissement contre l'État hôte de son investissement, et, en cas de réponse affirmative, sur les conditions d'exercice de ce droit. Cela étant, la tâche de la Cour de céans n'est pas d'apporter une réponse générale et abstraite à cette question, mais uniquement de déterminer si le recourant peut ou non bénéficier de la protection offerte par le traité concerné, à savoir le TBI. Sa mission se limite dès lors à rechercher si, in casu, ledit traité autorise une personne physique ayant la nationalité des deux parties contractantes à agir contre l'État hôte de son investissement, et, le cas échéant, à quelles conditions. Autrement dit, il incombe au Tribunal fédéral de résoudre la question de savoir si le recourant revêt effectivement la qualité d'investisseur protégé au regard du TBI, ce qui implique d'interpréter cet accord.
5.4.3. L'interprétation du TBI doit s'effectuer conformément aux art. 31 ss CV, qui codifient en substance le droit coutumier international (ATF 150 III 280 consid. 7.6.2; 149 III 131 consid. 6.4.2; 145 II 339 consid. 4.4.1; 144 III 559 consid. 4.4.2; 122 II 234 consid. 4c; arrêt 4A_80/2018 du 7 février 2020 consid. 3.1.2).
L'art. 31 par. 1 CV prévoit qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. En plus du contexte (cf. art. 31 par. 2 CV), il sera tenu compte, selon l'art. 31 par. 3 CV, de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions (let. a); de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité (let. b) et de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties (let. c). Les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu constituent des moyens complémentaires d'interprétation lorsque l'interprétation donnée conformément à l'art. 31 CV laisse le sens ambigu ou obscur ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (cf. art. 32 CV).
L'art. 31 par. 1 CV fixe un ordre de prise en compte des éléments de l'interprétation, sans toutefois établir une hiérarchie juridique obligatoire entre eux. Le sens ordinaire du texte du traité constitue le point de départ de l'interprétation. Ce sens ordinaire des termes doit être dégagé de bonne foi, en tenant compte de leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité. L'objet et le but du traité correspondent à ce que les parties voulaient atteindre par le traité. L'interprétation téléologique garantit, en lien avec l'interprétation selon la bonne foi, l'"effet utile" du traité. Lorsque plusieurs significations sont possibles, il faut choisir celle qui permet l'application effective de la clause dont on recherche le sens, en évitant d'aboutir à une interprétation en contradiction avec la lettre ou l'esprit des engagements pris. Un État contractant doit partant proscrire tout comportement et toute interprétation qui aboutiraient à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (ATF 150 III 280 consid. 7.6.2; 149 III 131 consid. 6.4.2; 144 II 130 consid. 8.2.1 et les références citées; arrêts 4A_80/2018, précité, consid. 3.1.2; 4A_65/2018, précité, consid. 2.4).
5.4.4. La Cour de céans n'ignore pas que le traitement à réserver aux doubles nationaux sous l'angle du TBI a déjà fait l'objet de plusieurs décisions contradictoires rendues tant par des tribunaux arbitraux que par des juridictions étatiques siégeant dans divers pays.
Ainsi, dans la cause Serafín García Armas et Karina García Gruber contre Venezuela (CPA 2013-3), un tribunal arbitral a rendu le 15 décembre 2014 une sentence incidente au terme de laquelle il s'est déclaré compétent pour connaître du litige qui lui était soumis. En bref, il a considéré que la double nationalité hispano-vénézuélienne des demandeurs ne les privait pas de la protection conférée par le TBI, dans la mesure où l'art. I par. 1 let. a de cet accord n'exclut pas les doubles nationaux. Statuant par arrêt du 27 juin 2023 (n. 22/02752) dans cette même affaire après diverses péripéties procédurales sur lesquelles il est inutile de s'étendre ici, la Cour d'appel de Paris a estimé que les termes tout comme l'économie générale du TBI étaient dénués d'ambiguïté sur le fait que les parties contractantes n'avaient pas entendu réserver un sort particulier aux binationaux en les écartant du bénéfice de la protection conférée par ledit traité, raison pour laquelle il n'était pas nécessaire à son avis de déterminer quelle était la nationalité dominante et effective des investisseurs concernés.
Par sentence du 13 décembre 2019 rendue dans le cadre du litige divisant Manuel García Armas et consorts d'avec le Venezuela (CPA n. 2016-08), un tribunal arbitral a décliné sa compétence pour statuer sur la requête introduite par des individus ayant la double nationalité espagnole et vénézuélienne. Il a considéré que la définition de l'investisseur figurant dans le TBI n'excluait pas expressément les doubles nationaux, mais qu'elle ne les incluait pas nécessairement. Pour délimiter les contours exacts de la notion d'investisseur, il a examiné les autres dispositions du TBI et, singulièrement, la clause de résolution des litiges figurant à l'art. XI de cet accord. À cet égard, il a estimé que le TBI établissait une hiérarchie entre les mécanismes d'arbitrage mentionnés, les investisseurs devant soumettre prioritairement leur différend au CIRDI. Il a jugé que l'exclusion des doubles nationaux résultant de l'art. 25 par. 2 let. a de la Convention CIRDI devait valoir également pour les procédures conduites sur la bases des règles de la CNUDCI, faute de quoi la notion d'investisseur aurait une signification différente suivant le type d'arbitrage initié, ce qui serait incompatible avec la systématique du TBI. Dans une argumentation subsidiaire, le Tribunal arbitral a souligné que la solution retenue par lui serait identique, dans l'hypothèse où il y aurait lieu d'appliquer la règle de la nationalité dominante et effective. Les autorités étatiques néerlandaises ont rejeté les recours successifs interjetés ultérieurement par les demandeurs à l'encontre de ladite sentence (arrêts de la Cour d'appel de La Haye du 19 janvier 2021 [n. 200.280.055/01] et de la Cour suprême des Pays-Bas du 21 avril 2023 [n. 21/01710]).
Statuant le 31 janvier 2022 dans la cause Fernando Fraiz Trapote contre Venezuela (CPA n. 2019-11), un tribunal arbitral, siégeant aux Pays-Bas, a adopté un raisonnement similaire à celui tenu par les arbitres dans la sentence présentement attaquée. En bref, il a estimé que le TBI était silencieux s'agissant du traitement à réserver aux binationaux, de sorte qu'il convenait de tenir compte des autres règles pertinentes de droit international applicables entre les parties et, en particulier, du principe de la nationalité dominante et effective. Au terme de son analyse, le tribunal arbitral a estimé que la nationalité dominante et effective du demandeur était la nationalité vénézuélienne, ce qui l'a conduit à se déclarer incompétent.
Ce bref tour d'horizon démontre que trois tribunaux arbitraux, appelés à résoudre un problème identique sur la base d'un même traité bilatéral d'investissement, ont opté pour des solutions parfois opposées en adoptant trois motivations différentes. Eu égard à son caractère international et au fait que les décisions rendues en matière d'arbitrage d'investissement par toutes sortes d'instances dans divers pays n'ont pas valeur de précédents (ATF 150 III 280 consid. 7.6.1; 150 III 89 consid. 4.2.1; 149 III 131 consid. 6.4.1; 144 III 559 consid. 4.4.2), la question litigieuse ne sera sans doute jamais tranchée définitivement. Quoi qu'il en soit, la Cour de céans s'attachera à déterminer elle-même le sens à donner aux termes du TBI. Pour ce faire, il n'est pas exclu que le Tribunal fédéral s'inspire, le cas échéant, des décisions rendues par les tribunaux étatiques ou arbitraux ayant été amenés à se prononcer sur le même problème, quand bien même de telles décisions ne le lient pas.
5.4.5. Aux termes de l'art. I par. 1 let. a du TBI, le terme "investisseurs" désigne les personnes physiques qui ont la nationalité de l'une des parties contractantes conformément à sa législation et réalisent des investissements sur le territoire de l'autre partie contractante. Interprétés de bonne foi, les termes utilisés dans la clause litigieuse ne permettent pas de retenir que le mot "une" revêtirait une fonction numérale, qui impliquerait qu'un investisseur ne pourrait en aucun cas avoir la nationalité des deux parties contractantes. Il s'agit, au contraire, d'un article indéfini visant à fixer une exigence minimale, selon laquelle un investisseur doit posséder au moins la nationalité de l'une des parties contractantes et réaliser un investissement sur le territoire de l'autre. Le texte de la clause topique ne permet en revanche pas d'être aussi affirmatif que le recourant quant à la volonté des parties contractantes d'avoir renoncé, à dessein, à codifier le statut des doubles nationaux dans le TBI parce qu'elles estimaient qu'il devait être le même que celui des investisseurs n'ayant qu'une nationalité. Il ne contient en effet pas l'expression "doubles nationaux" ni des termes équivalents. Tout ce que l'on peut en déduire, c'est que l'investisseur doit avoir la nationalité de l'une des parties contractantes et qu'il doit réaliser des investissements sur le territoire de l'autre. Cette formulation exclut l'applicabilité du TBI à une personne physique investissant sur le territoire de l'État dont elle a la nationalité, c'est-à-dire un Espagnol en Espagne ou un Vénézuélien au Venezuela, ce qui est du reste conforme au but de tout traité bilatéral d'investissement qui consiste à promouvoir et à protéger les investissements étrangers. Or, à tout le moins in abstracto, pareille exclusion est susceptible de s'appliquer à un double national car son statut l'amène à investir dans un État dont il a la nationalité. Sans doute, le fait qu'il possède aussi la nationalité de l'autre État conduit à la conclusion inverse sous cet angle. Cela démontre cependant que sa situation ne peut pas être assimilée sans autre forme de procès à celle d'une personne physique n'ayant la nationalité que de l'une des deux parties contractantes. Ceci est d'autant plus vrai que le Tribunal arbitral a démontré de façon convaincante que le statut des doubles nationaux en droit international n'est parfois pas le même que celui des individus n'ayant qu'une seule nationalité. La Cour de céans se rallie ainsi à l'avis du Tribunal arbitral lorsque celui-ci considère que le silence au sujet des binationaux dans la clause topique du TBI ne peut pas être interprété de bonne foi en ce sens que la protection conférée par cet accord serait totalement déniée ou accordée à cette catégorie spécifique d'investisseurs.
Le Tribunal fédéral approuve également les considérations émises par les arbitres au sujet du contexte du TBI, en particulier celles qui ont trait à la clause de résolution des litiges figurant à l'art. XI de cet accord et, singulièrement, à la portée du renvoi à la Convention CIRDI qui s'y trouve. Comme l'a souligné à bon droit le Tribunal arbitral, l'art. XI du TBI prévoit en effet un catalogue d'options juridictionnelles à la disposition de l'investisseur. Lorsque la personne concernée ne peut pas accéder au système CIRDI, comme c'est le cas pour un double national vu l'exclusion claire figurant à l'art. 25 par. 2 let. a de la Convention CIRDI, rien n'empêche a priori cet individu d'initier une procédure d'arbitrage soumise aux règles de la CNUDCI en se fondant sur l'art. XI par. 3 du TBI. La formulation de cette dernière disposition n'a en effet rien de limitatif, puisqu'elle réserve expressément le droit pour un investisseur de soumettre son litige à un tribunal arbitral ad hoc, lorsque, "pour une raison quelconque", l'accès au CIRDI n'est pas disponible. Si un investisseur choisit l'option prévue à l'art. XI par. 3 du TBI, comme ledit traité lui en donne le droit, rien ne justifie d'appliquer des dispositions propres au système CIRDI, et singulièrement l'exclusion des doubles nationaux visée par l'art. 25 par. 2 let. a de la Convention CIRDI, à une forme d'arbitrage distincte obéissant à ses propres règles. Partant, il n'est pas possible de retenir que le statut de double national d'un individu constituerait nécessairement un obstacle dirimant à la protection offerte par le TBI.
La Cour de céans admet aussi, avec le Tribunal arbitral, que l'objet et le but du TBI ne sont pas d'un grand secours pour l'interprétation de la clause litigieuse, sauf à dire qu'ils confirment que cet accord est silencieux sur le traitement à réserver aux doubles nationaux.
À ce stade du raisonnement, le Tribunal fédéral considère que l'art. I par. 1 let. a du TBI, interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but, est muet en ce qui concerne le sort des doubles nationaux et qu'il existe une lacune sur ce point, raison pour laquelle un binational ne peut pas être assimilé à une personne n'ayant la nationalité que de l'une des deux parties contractantes. À l'appui de cette conclusion, il souligne en outre que, dans la sentence attaquée, le Tribunal arbitral a établi qu'il n'existait pas, lors de la conclusion du TBI, de pratique répandue ou émergente accordant une protection totale aux doubles nationaux en l'absence d'exclusion expresse de ceux-ci ("... at the time of the conclusion of the Treaty there was no widespread or emerging practice of granting full protection to dual nationals in the absence of an express exclusion"; sentence, n. 367). Semblable constatation relève du fait et échappe à la connaissance du Tribunal fédéral. Aussi est-ce en vain que le recourant tente de démontrer le contraire. Il apparaît ainsi que le raisonnement tenu par l'intéressé dans ses écritures, qui revêt effectivement un caractère circulaire comme le relève à bon droit l'intimée, repose sur une prémisse erronée selon laquelle le TBI accorderait expressément et sans ambiguïté une protection inconditionnelle aux doubles nationaux.
Contrairement à ce que prétend par ailleurs le recourant, le problème qui se pose en l'espèce n'a rien à voir avec la question tranchée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt publié aux ATF 146 III 142. Dans cette affaire, la Cour de céans a dû se pencher sur la notion d'investissement au regard du TBI. Analysant la définition figurant dans cet accord, elle a constaté que les parties contractantes avaient visiblement cherché à protéger une large palette d'investissements. Le Tribunal fédéral a en outre souligné que le TBI ne contenait aucune disposition établissant des conditions supplémentaires afin qu'un actif détenu par un investisseur de l'une des parties contractantes puisse être considéré comme un investissement protégé, alors même que de telles clauses étaient déjà courantes lors de la conclusion dudit traité en 1995. Il a ainsi retenu que les parties contractantes avaient renoncé en connaissance de cause à introduire des dispositions visant à restreindre les investissements protégés, raison pour laquelle le tribunal arbitral ne pouvait pas faire dépendre la protection conférée par le TBI du respect de conditions non prévues par les parties. En l'espèce, la situation est tout autre puisque le TBI ne règle pas une question tout à fait singulière qui est celle du traitement à réserver aux doubles nationaux. De plus, il ressort de la sentence querellée qu'il n'existait pas, lors de la signature du TBI, de pratique répandue ou émergente accordant une protection totale aux doubles nationaux en l'absence d'exclusion expresse de ceux-ci. Autrement dit, il n'apparaît pas que les parties contractantes auraient en l'occurrence voulu, par leur seul silence, conférer une protection illimitée à cette catégorie spécifique d'investisseurs. Il appert, au contraire, que celles-ci ont omis de régler cette question. Partant, il ne s'agit pas, en l'espèce, d'ajouter des exigences supplémentaires non prévues par le TBI et dont les parties n'ont pas voulu, mais bel et bien de combler la lacune constatée à l'art. I par. 1 let. a du TBI.
5.4.6. Face au silence du TBI, le Tribunal arbitral, pour résoudre le problème litigieux, a recherché, conformément à l'art. 31 par. 3 let. c CV, s'il existait d'autres règles pertinentes de droit international applicables dans les relations entre les parties contractantes. Pour ce faire, il a appliqué une méthode consistant à traiter la question des binationaux en référence aux règles de droit international coutumier régissant la protection diplomatique et, plus particulièrement, à celle qui suggère d'admettre le droit d'un double national d'agir contre l'État hôte de l'investissement, à moins que sa nationalité dominante et effective, autrement dit sa nationalité prépondérante, soit celle de cet État.
La Cour de céans estime que la solution adoptée par les arbitres résiste aux critiques dont elle est l'objet de la part du recourant. À cet égard, elle considère que le Tribunal arbitral a exposé, par le menu, les raisons pour lesquelles il se justifiait de recourir au droit international coutumier régissant la protection diplomatique en vue de combler la lacune constatée et d'appliquer la règle de la nationalité dominante et effective de l'investisseur. En particulier, le Tribunal arbitral a présenté de manière détaillée et juridiquement défendable les rapports existant entre le droit international public relatif à la protection diplomatique, d'une part, et les traités bilatéraux en matière d'investissement, d'autre part. Il a exposé de façon convaincante, motifs à l'appui, que le caractère de lex specialis d'un traité bilatéral de protection des investissements ne constitue pas un obstacle dirimant à l'applicabilité des normes et des principes coutumiers de cette partie du droit international public à un tel traité. Il faut en effet bien voir que la protection diplomatique, d'une part, et l'arbitrage d'investissement, d'autre part, poursuivent des objectifs concordants et reposent sur un lien juridique similaire, à savoir le critère de la nationalité. Ces deux mécanismes de protection prévoient seulement des moyens différents pour mettre en oeuvre la responsabilité de l'État hôte dans le traitement des ressortissants étrangers. Si les traités bilatéraux de protection des investissements sont venus consolider la protection offerte autrefois aux investisseurs étrangers par le truchement du mécanisme de la protection diplomatique, cela ne signifie toutefois pas que les principes fondamentaux sur lesquels repose cette dernière auraient perdu toute utilité, en l'absence de dispositions contraires prévues par de tels traités. Semblable approche est du reste conforme à l'art. 17 du Projet d'articles, puisque les principes concrétisés dans ledit projet ont vocation à s'appliquer dans la mesure où ils sont compatibles avec les règles spéciales du droit international, telles que les dispositions conventionnelles relatives à la protection des investissements. En l'occurrence, il n'existe pas d'incompatibilité entre ces deux types de règles, puisque le TBI ne traite pas du sort à réserver aux doubles nationaux.
Le Tribunal arbitral a en outre souligné à juste titre que le principe de la nationalité dominante et effective avais acquis le statut de règle internationale coutumière en matière de protection diplomatique et s'est référé, à cet égard, aux considérations émises par la CDI lors de l'élaboration du Projet d'articles. Il a démontré que ledit principe, né dans le contexte de la protection diplomatique, avait également été appliqué dans d'autres domaines du droit international par divers organes juridictionnels. Nonobstant les dénégations du recourant et quand bien même certains tribunaux arbitraux ont exclu cette possibilité, il appert que le principe de la nationalité dominante et effective est effectivement susceptible de constituer une règle pertinente de droit international applicable entre les parties contractantes, y compris en matière de protection des investissements. Cette solution correspond de surcroît à l'opinion professée par plusieurs auteurs (cf. parmi d'autres: MCLACHLAN ET AL., op. cit., n. 5.96; DUGAN ET AL., Investor-State arbitration, 2008, p. 304; OLMEDO, op. cit., p. 722 ss; VIJAYVERGIA, op. cit., p. 168 s.; ZACHARY DOUGLAS, The International Law of Investment Claims, 2009, p. 321).
5.4.7. La Cour de céans juge ainsi fondée la décision du Tribunal arbitral de recourir au droit international coutumier régissant la protection diplomatique et, singulièrement, à la règle de la nationalité dominante et effective pour résoudre la question litigieuse, vu le silence du TBI sur ce point. Cependant, elle considère que le principe en question doit être examiné avec une attention toute particulière en matière d'arbitrage d'investissement, compte tenu du risque, inhérent à ce système, qu'un investisseur multiplie les demandes de passeport et les tentatives de treaty shopping.
5.4.8. Au vu de ce qui précède, le recours aux moyens complémentaires visés par l'art. 32 CV n'est pas nécessaire, dès lors que l'interprétation opérée à l'aide des critères ancrés à l'art. 31 CV n'a pas laissé le sens du TBI, sur le problème controversé, ambigu ou obscur, ni conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable.
5.5. Le recourant reproche enfin au Tribunal arbitral d'avoir jugé, dans la présente cause, que sa nationalité dominante et effective était la nationalité vénézuélienne. Contrairement à ce que prétend l'intimée, cette question ne ressortit pas au domaine du fait mais relève du droit. Toutefois, la réflexion juridique qu'il convient d'opérer à cet égard s'appuie nécessairement sur des faits ressortant de la sentence attaquée qui échappent à la connaissance du Tribunal fédéral.
Par son argumentation au ton appellatoire marqué, le recourant se limite essentiellement à critiquer certains aspects de la motivation du Tribunal arbitral et s'en prend, dans une très large mesure, à l'appréciation des preuves disponibles effectuée par les arbitres, en soutenant qu'il conviendrait d'accorder davantage de poids à certains éléments qui ont pourtant été dûment pris en considération par les arbitres. En l'occurrence, le Tribunal arbitral a souligné à bon droit que la sphère personnelle, familiale et sociale du recourant semble se trouver aux États-Unis depuis 1989, raison pour laquelle le critère usuel de la résidence habituelle de l'intéressé ne permet pas de résoudre la question litigieuse. Il a estimé que les circonstances selon lesquelles le demandeur avait vécu une grande partie de sa vie au Venezuela, y avait étudié et s'était marié dans cet État, n'étaient pas décisives. Il n'a pas non plus jugé concluants les éléments dont le recourant fait grand cas, à savoir le fait qu'il fasse usage de son droit de vote en Espagne depuis 1999, que ses enfants possèdent tous la nationalité espagnole, qu'il se soit identifié exclusivement comme ressortissant espagnol dans des actes publics en Espagne ou encore le fait qu'il ait été propriétaire d'un bien immobilier et qu'il ait payé des impôts dans cet État, dans lequel il se rend régulièrement. Les arbitres ont en revanche établi que le centre des intérêts économiques de l'intéressé, au moment de l'adoption des mesures incriminées, se situait depuis toujours au Venezuela, quand bien même il résidait aux États-Unis depuis 1989 et allait régulièrement en Espagne. À la lecture de la sentence attaquée, il apparaît que ce critère a indubitablement joué un rôle décisif dans la solution retenue par les arbitres. Or, dans ses écritures, le recourant laisse intacte cette constatation et ne conteste pas véritablement la pertinence de ce critère pour apprécier sa nationalité dominante et effective. Dans les circonstances tout à fait singulières de la cause en litige, et eu égard notamment au fait que la sphère personnelle, familiale et sociale du recourant se situe aux États-Unis depuis 1989, la Cour de céans considère que le critère des intérêts financiers (économiques) est non seulement approprié, mais aussi déterminant pour apprécier sa nationalité dominante et effective. Sur la base des constatations de fait de la sentence entreprise, elle admet dès lors, avec le Tribunal arbitral, que la nationalité dominante et effective de l'intéressé est la nationalité vénézuélienne. Partant, c'est à bon droit que le Tribunal arbitral s'est déclaré incompétent pour connaître du présent litige.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'indemnité allouée à cette partie sera prélevée sur les sûretés fournies par le recourant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 200'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 250'000 fr. à titre de dépens; cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève.
Lausanne, le 6 février 2025
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Hurni
Le Greffier : O. Carruzzo