1C_576/2024 17.02.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_576/2024
Arrêt du 17 février 2025
I
Composition
MM. les Juges fédéraux Haag, Président,
Kneubühler et Merz.
Greffier : M. Hausammann.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Diane Schasca-Brunoni, avocate,
recourant,
contre
Communauté des copropriétaires de la PPE B.________,
intimée,
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8.
Objet
Autorisation de construire,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 20 août 2024 (A/1116/2023-LCI, ATA/988/2024).
Faits :
A.
La communauté des copropriétaires par étages B.________ (ci-après: la communauté ou la PPE) est propriétaire de la parcelle n° 11'068 de la commune de Satigny, laquelle abrite un bâtiment d'habitations avec un garage souterrain. Depuis le 13 juin 2018, A.________ est titulaire de servitudes personnelles d'usage exclusif de 11 places de stationnement parmi les 23 que comporte le garage souterrain. Il utilise cet espace pour entreposer, étiqueter et mettre en carton des bouteilles de vin.
Par décision de son assemblée générale du 4 avril 2022, la communauté de la PPE s'est opposée au dépôt d'une demande d'autorisation de construire en vue de modifier la destination de l'espace du garage souterrain utilisé par A.________. Ce dernier a contesté cette décision devant le Tribunal civil de la République du canton de Genève.
Après dénonciation pour la réalisation de travaux sans droit (sous la forme de la modification à une affectation non conforme aux autorisations délivrées), une procédure a été ouverte à l'encontre de A.________ par le Département cantonal du territoire (DT). Par décision du 1er juillet 2022, le DT lui a interdit d'utiliser les locaux jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit et leur libération de tout matériel entreposé. La procédure de recours introduite devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI; A/2370/2022) a été suspendue d'entente entre les parties. Dans une seconde décision du 1er juillet 2022, le DT a également ordonné aux copropriétaires par étages de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de soixante jours. Cette décision est entrée en force.
B.
Le 1er septembre 2022, A.________ a déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée, en vue de régulariser la situation par un changement d'affectation, de places de stationnement en dépôt de vin. Les différents préavis des services cantonaux spécialisés ont été favorables, mis à part celui de la Direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) en raison de l'absence de signature des copropriétaires de l'immeuble.
Par décision du 22 février 2023, le DT a refusé l'autorisation de construire, au motif que la requête ne comprenait pas la signature des copropriétaires. Le recours interjeté contre cette décision a été rejeté par jugement du 31 janvier 2024 du TAPI, lequel a également refusé de suspendre la procédure dans l'attente d'une décision dans le litige civil, ainsi que rejeté les mesures d'instruction demandées.
Par arrêt du 20 août 2024, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et du canton de Genève (ci-après: Cour de justice) a rejeté le recours de A.________, y compris sa demande de suspension de la procédure et sa requête de moyens de preuve.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 20 août 2024 et de renvoyer la cause au DT, subsidiairement à la Cour de justice, respectivement au TAPI, pour nouvelle décision dans le sens des considérants et octroi d'une autorisation de construire. Il requiert en outre la restitution de l'effet suspensif, ce qui a été refusé par ordonnance présidentielle du 14 octobre 2024.
La Cour de justice renonce à se déterminer et renvoie aux considérants de son arrêt. L'intimée (la communauté des copropriétaires) et le DT concluent au rejet du recours. Le recourant réplique et l'intimée duplique.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause relevant du droit public de la construction (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant a participé à la procédure devant le Tribunal cantonal. En tant que destinataire de la décision lui refusant une autorisation de construire, il est particulièrement touché par l'arrêt attaqué et a un intérêt digne de protection (art. 89 al. 1 LTF) à en obtenir l'annulation.
Le recourant formule uniquement des conclusions en annulation de l'arrêt attaqué et en renvoi de la cause aux instances précédentes. De telles conclusions uniquement cassatoires sont en principe irrecevables, car elles contreviennent au pouvoir de réforme du Tribunal fédéral (cf. art. 107 al. 2 LTF; arrêt 1C_267/2024 du 12 novembre 2024 consid. 1; Florence Aubry Girardin, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n. 23 ad art. 42 LTF). Elles sont toutefois admissibles en l'espèce, dès lors qu'en cas d'admission du recours, le Tribunal fédéral ne serait pas en mesure de statuer sur le fond de l'affaire à défaut d'un état de fait suffisant (cf. ATF 147 I 89 consid. 1.2.5, 136 V 131 consid. 1.2 et 134 III 379 consid. 1.3). Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours, sous réserve d'une motivation suffisante des griefs (cf. art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF).
2.
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 I 26 consid. 1.3; 142 III 364 consid. 2.4; 139 II 404 consid. 10.1).
Dans la première partie de son mémoire, intitulée "En fait", le recourant expose sa propre version des faits sous forme d'allégués, considérant que des éléments auraient été arbitrairement ignorés par les autorités précédentes. Cela étant, il ne démontre pas en quoi ces faits, qui portent sur les prétendues conséquences qu'un rejet du recours aurait sur son exploitation viticole, seraient pertinents en l'espèce. La présente procédure ne porte en effet pas sur la question de la remise en état des lieux, sous l'angle de ses coûts et de sa proportionnalité, et de l'interdiction d'usage des locaux qui fait l'objet d'une procédure pendante devant le TAPI (A/2370/2022). Il n'existe par conséquent aucune raison de s'écarter de l'état de fait arrêté par la Cour de justice.
3.
Sur le fond, le recourant se plaint d'une application arbitraire des dispositions de droit cantonal, à savoir l'art. 14 al. 1 de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA; RS/GE E5 10) et l'art. 11 al. 4 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses (RCI; RS/GE L5 05.01). Il fait également grief à la Cour de justice d'avoir violé son droit d'être entendu.
3.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'application du droit cantonal et communal que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2 et 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 148 II 465 consid. 8.1 et 148 I 145 consid. 6.1). Dans ce contexte, le recourant est soumis aux exigences strictes en matière de motivation définies par l'art. 106 al. 2 LTF; il lui appartient de citer les dispositions dont il se prévaut et démontrer en quoi celles-ci auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au droit (ATF 149 III 81 consid. 1.3 et 146 I 62 consid. 3).
3.2. Aux termes de l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions. Selon la jurisprudence de la Cour de justice relative à cette disposition, une suspension de la procédure n'est justifiée que lorsque le sort de la procédure dépend de la connaissance du jugement ou de la décision d'une autre autorité.
Selon l'art. 2 al. 1 de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses (LCI; RS/GE L5 05), les demandes d'autorisation sont adressées au département. Le règlement d'application détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2). L'art. 11 al. 1 à 3 RCI, définit les exigences requises en matière d'établissement des plans d'enquête. L'art. 11 al. 4 RCI prescrit que toutes les demandes d'autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l'immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l'éventuel mandataire professionnellement qualifié (s'il existe des plans), conformément à l'art. 2 al. 3 LCI.
3.3. Dans des griefs qui se recoupent, le recourant prétend que la Cour de justice aurait fait preuve d'arbitraire et de formalisme excessif en refusant d'entrer en matière sur sa demande en raison de l'absence de signature (cf. art. 11 al. 4 RCI). En outre, elle aurait dû suspendre la procédure (cf. art. 14 LPA) dans l'attente de l'issue du litige civil.
3.3.1. Une suspension de la procédure pourrait se justifier pour des motifs d'économie de procédure et afin d'éviter le prononcé de décisions contradictoires. Au vu de la formulation potestative de l'art. 14 al. 1 LPA, l'autorité a la possibilité de suspendre une procédure pour des motifs d'opportunité. Il ne s'agit là que d'une faculté laissée à sa libre appréciation (cf. ATF 130 V 90 consid. 5).
Le litige civil est consécutif à la contestation du recourant du refus de l'assemblée des copropriétaires de la PPE de déposer une demande d'autorisation par procédure accélérée afin de modifier la destination de sa servitude. Le recourant est uniquement titulaire de servitudes personnelles d'usage, sans être propriétaire d'une quote-part de la PPE. Il doit ainsi les exercer de la manière la moins dommageable possible (cf. art. 737 al. 2 CC) et conformément à l'objectif pour lequel elles ont été initialement créées et lui ont été cédées, à savoir comme places de stationnement. Il ne ressort en revanche pas de l'acte de cession de servitudes du 11 janvier 2018 que les servitudes pourraient être utilisées comme place de dépôt, d'étiquetage et de mise en carton de sa production viticole. Une clause prohibe d'ailleurs expressément l'entreposage de matières inflammables. Ainsi, s'il apparaît qu'une telle utilisation ait été tolérée dans un premier temps par les copropriétaires de la PPE, ces derniers ont ensuite clairement affiché leur volonté que les servitudes retrouvent leur affectation originelle. Dans cette mesure, un risque de décisions contradictoires n'est guère identifiable. Il n'était par conséquent pas insoutenable pour la Cour de justice de considérer que l'issue du litige civil opposant le recourant à la communauté des copropriétaires d'étages n'était pas décisive pour statuer sur sa demande de permis de construire.
3.3.2. Le fait que des préavis positifs aient été rendus par les services cantonaux est par ailleurs sans pertinence, puisque seule la communauté des copropriétaires d'étages en tant que propriétaire de l'immeuble pouvait déposer et signer la demande d'autorisation (cf. art. 11 al. 4 RCI). En ce sens, la signature du propriétaire du bien-fonds tend sans conteste à s'assurer que ce dernier consent aux travaux envisagés et aux effets qui en découlent (cf. arrêt 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 cité par la Cour de justice). Or, les copropriétaires se sont expressément opposés à la modification de la destination des servitudes, de sorte que ce n'est pas seulement pour une exigence formelle que l'autorisation a été refusée, mais en raison de l'absence d'accord du propriétaire de l'immeuble. Du reste, l'autorité administrative délivrant un permis de construire pouvait limiter son examen au respect des règles de droit public de la construction et de l'aménagement, à l'exclusion de considérations relevant de droits réels. Dans ces conditions, les autorités cantonales pouvaient sans arbitraire refuser de délivrer le permis sollicité sur la base de l'art. 11 al. 4 RCI.
3.3.3. Quant à la prétendue violation du droit d'être entendu, le mémoire de recours, difficilement compréhensible, ne répond pas aux exigences de motivation pour démontrer que l'appréciation anticipée des moyens de preuve faite par la Cour de justice serait arbitraire (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 III 73 consid. 5.2.2, 144 II 427 consid. 3.1.3 et 138 III 374 consid. 4.3.2). Cela ne ressort également pas de manière évidente de l'arrêt attaqué qui a justement relevé que les moyens de preuve proposés portaient sur des éléments non pertinents à la résolution du litige.
4.
Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée conclut à l'allocation d'une juste indemnité de dépens. N'étant pas représentée par un avocat, elle n'y a cependant pas droit (cf. ATF 135 III 127 consid. 4).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
Lausanne, le 17 février 2025
Au nom de la I re Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Haag
Le Greffier : Hausammann