2C_540/2024 16.01.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_540/2024
Arrêt du 16 janvier 2025
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni,
Ryter et Kradolfer.
Greffier : M. Jeannerat.
Participants à la procédure
1. Association A.________,
2. B.________,
tous les deux représentés par Me Romain Jordan, avocat,
recourants,
contre
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève, représenté par le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, Monsieur le Conseiller d'Etat, Antonio Hodgers, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève.
Objet
Retrait de l'effet suspensif à un recours dirigé contre une autorisation de tir de cerfs,
recours contre la décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 29 octobre 2024 (ATA/1252/2024).
Faits :
A.
A.a. L' Association A.________ est une association de droit privé suisse à but non lucratif dont le siège est à Genève. Selon ses statuts, elle a pour buts de remplacer l'expérimentation animale par des méthodes plus éthiques, scientifiques et sûres pour la santé publique, d'obtenir sur l'ensemble du territoire suisse une législation qui garantisse la défense et le respect des animaux, de promouvoir l'amélioration constante de cette législation et de contrôler en permanence son application stricte, ainsi que de produire du contenu informatif et factuel en lien avec les buts et objectifs précités.
Son président est B.________, lequel est domicilié à U.________, dans le canton de Genève.
A.b. Le 18 octobre 2023, le Conseil d'État du canton de Genève (ci-après: le Conseil d'État) a autorisé par voie d'arrêté le tir de cerfs dans la région de Versoix et de Collex-Bossy. Vingt-cinq cerfs ont alors été tirés entre le 1er décembre 2023 et le 31 janvier 2024. S'en sont suivis des échanges de courriers entre l' Association A.________ et le Conseil d'État, ainsi qu'une séance entre la première et l'Office cantonal genevois de l'agriculture et de la nature (ci-après: l'Office cantonal). Dans ce cadre, l'association a demandé en vain au canton de renoncer aux tirs de cerfs et de mettre sur pied une étude pilote permettant de limiter la naissance de faons grâce à un vaccin immuno-contraceptif à administrer chez les cervidés adultes.
B.
Par arrêté du 28 août 2024, le Conseil d'État genevois a autorisé le tir de cerfs dans la région de Versoix et de Collex-Bossy durant la période du 1er novembre 2024 au 31 janvier 2025. Il précisait que le nombre d'animaux à prélever serait évalué par la sous-commission de la faune de la commission consultative de la diversité biologique (CCDB) et que seuls les gardes de l'environnement de l'Office cantonal étaient habilités à procéder aux tirs.
Par acte du 30 septembre 2024, l' Association A.________ de même que son président, B.________, ont recouru contre l'arrêté précité auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice), concluant à son annulation. L'association sollicitait la mise en place d'un projet pilote de vaccination immuno-contraceptive, tandis que B.________ déclarait être heurté dans ses convictions fondamentales attachées à l'interdiction de la chasse.
Sur requête de l'Office cantonal, la Cour de justice a retiré l'effet suspensif au recours par décision du 29 octobre 2024. Dans sa motivation, elle a précisé que la recevabilité du recours apparaissait de prime abord douteuse sous l'angle de la qualité pour recourir, mais que l'examen complet de cette question se ferait avec l'arrêt final.
C.
Par acte du 31 octobre 2024, l' Association A.________ et B.________ (ci-après: la recourante 1 et le recourant 2) déposent ensemble un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre la décision de la Cour de justice du 29 octobre 2024 retirant l'effet suspensif à leur recours. Demandant à titre préalable que l'effet suspensif soit restitué à leur recours cantonal à titre provisoire, ils concluent sur le fond à l'annulation et à la réforme de la décision attaquée en ce sens que l'effet suspensif attaché à leur recours cantonal soit confirmé.
Par courrier du 31 octobre 2024, la Juge présidant la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la demande d'effet suspensif à titre superprovisoire.
Si la Cour de justice a renoncé à se prononcer sur le recours, renvoyant aux considérants et au dispositif de l'arrêt attaqué, le Conseil d'État genevois a déposé des observations, concluant au rejet du recours, ainsi que de la requête d'effet suspensif qui l'assortit.
Les recourants ont répliqué.
D.
Le 16 janvier 2025, la II e Cour de droit public du Tribunal fédéral a délibéré sur le présent recours en séance publique.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1).
1.1. Lorsqu'une autorité refuse d'accorder l'effet suspensif à un recours sur le plan cantonal ou retire l'effet suspensif qui l'assortit en principe selon la loi, elle rend une décision incidente qui ne met pas fin au litige (cf. arrêts 2C_595/2021 du 30 septembre 2021 consid. 1.1; 2C_368/2021 du 16 juin 2021 consid. 3.2; 2C_923/2020 du 3 décembre 2020 consid. 3.1; 9C_652/2011 du 19 janvier 2012 consid. 4.1). Or, sous réserve des cas visés par l'art. 92 LTF qui n'entrent manifestement pas en ligne de compte en l'espèce, les décisions incidentes notifiées séparément ne peuvent, d'après l'art. 93 al. 1 LTF, faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou, alors, si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Cette dernière hypothèse étant d'emblée exclue, la recevabilité du présent recours est donc subordonnée à la condition que la décision attaquée soit susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Cela signifie qu'elle doit être de nature à provoquer un dommage de nature juridique ne pouvant pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable à la partie recourante (ATF 144 IV 90 consid. 1.1.3; 140 V 321 consid. 3.6 et la référence; arrêt 2C_368/2021 du 16 juin 2021 consid. 3.2). Il appartient en principe à la partie recourante de démontrer dans quelle mesure la décision incidente contestée risque de causer un préjudice irréparable, à moins que celui-ci ne fasse aucun doute (ATF 147 III 159 consid. 4.1). Exceptionnellement, la question d'un éventuel préjudice irréparable peut demeurer indécise au niveau de la recevabilité, lorsque le traitement du recours au fond tend précisément à faire examiner si la décision attaquée risque de provoquer un tel préjudice (en ce sens, cf. ATF 143 I 344 consid. 1.2; arrêts 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 1.1; 1B_324/2016 du 12 septembre 2016 consid. 1).
En l'occurrence, les recourants considèrent que la condition du préjudice irréparable serait réalisée dans la mesure où, en retirant l'effet suspensif à leur recours contre l'autorisation de tir de cerfs prononcée par le Conseil d'État, la décision attaquée permettrait à l'Office cantonal de procéder immédiatement à l'élimination de près d'un tiers de ces animaux peuplant en hiver les bois de Versoix. Ils estiment qu'une telle autorisation provisoire de "mise à mort" enlèverait son objet au litige, avant même que la légalité de l'ordre de tir n'ait pu être effectivement contrôlée au fond. Ce faisant, ils invoquent de manière plausible le risque d'un préjudice irréparable. Cela suffit exceptionnellement à satisfaire à la condition de recevabilité posée à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, dès lors que la question de savoir si un tel préjudice menace réellement est également pertinente sur le fond (cf. infra consid. 4.3).
1.2. La voie de recours contre une décision incidente est déterminée par le litige principal (cf. ATF 137 III 380 consid. 1.1; 137 III 261 consid. 1.4). En l'espèce, celui-ci porte sur la conformité au droit d'une autorisation de tir de cerfs décidée par le Conseil d'État genevois en application de l'art. 16 de la loi cantonale genevoise du 7 octobre 1993 sur la faune (LFaune/GE; RSGE M 5 05). Il s'agit donc d'une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup de l'une des exceptions prévues par l'art. 83 LTF. Au surplus, la décision attaquée a été rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). La voie du recours en matière de droit public est ainsi ouverte.
1.3. Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Cette exigence d'un intérêt particulier et digne de protection au recours, que l'on retrouve également en procédure administrative genevoise (cf. art. 60 al. 1 let. b de la loi du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative genevoise [LPA/GE; RS/GE E 5 10]), tend notamment à exclure les "recours populaires", formés uniquement dans l'intérêt général à la bonne application du droit (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1; 139 II 499 consid. 2.2). Or, dans la décision entreprise, la Cour de justice a estimé qu'il était "douteux" que les recourants aient qualité pour recourir au fond contre l'arrêté de tir actuellement attaqué devant elle, dans la mesure où celui-ci ne les atteindrait à première vue pas de manière personnelle et particulière, ce qui pourrait à terme justifier de déclarer leur recours irrecevable. Cette question - encore ouverte à ce jour - n'a cependant pas à être approfondie à ce stade par la Cour de céans. Il est en effet admis que les personnes dont le recours fait l'objet d'une décision de retrait de l'effet suspensif par une autorité précédente au Tribunal fédéral sont particulièrement touchées par une telle décision et ont un intérêt digne de protection à en obtenir l'annulation, ce indépendamment de leur qualité pour agir au fond dans le litige principal. Cette dernière question doit être tranchée dans l'arrêt final à rendre par cette autorité, étant précisé qu'une éventuelle absence de qualité pour recourir sur le fond peut, si elle est d'ores et déjà manifeste, être prise en compte par le Tribunal fédéral au moment d'examiner la pesée des intérêts à la base de la décision de retrait de l'effet suspensif litigieuse devant lui (cf. ATF 129 II 286 consid. 1.3; aussi arrêt 1C_114/2010 du 30 avril 2010 consid. 1.2).
En l'occurrence, dans sa décision de retrait de l'effet suspensif, la Cour de justice a certes évoqué la problématique de la qualité pour recourir au fond des recourants contre l'arrêté de tir du Conseil d'État, sans toutefois la trancher. Ceci étant, il convient de reconnaître que les recourants ont qualité pour recourir contre cette décision incidente en application de l'art. 89 al. 1 LTF, ce conformément à ce qui vient d'être exposé. Cela ne préjuge toutefois pas de leur qualité pour recourir sur le fond du litige, laquelle suppose encore une analyse circonstanciée de la part de la Cour de justice.
1.4. Il en résulte que le recours, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), est recevable.
2.
2.1. La décision statuant sur une requête d'effet suspensif ou le retirant est une décision en matière de mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF, de sorte que les recourants ne peuvent dénoncer devant le Tribunal fédéral que la violation de leurs droits constitutionnels (ATF 137 III 475 consid. 2; 134 II 192 consid. 1.5; arrêt 2C_554/2023 du 9 octobre 2023 consid. 3.2). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF), à savoir expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée, en précisant en quoi consiste la violation (ATF 146 I 62 consid. 3; 142 I 99 consid. 1.7.2).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, la partie recourante qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que si elle démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. ATF 133 III 585 consid. 4.1; 133 III 393 consid. 7.1; arrêt 5A_189/2021 du 31 août 2021 consid. 2.2). La partie recourante ne peut se limiter à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; elle doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 145 V 188 consid. 2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références).
3.
Dans un premier grief, les recourants se plaignent du fait que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, ce qui serait constitutif d'une " violation - en tant que besoin arbitraire (art. 9 Cst.) - de l'art. 112 al. 1 let. b LTF " (sic).
3.1. L'art. 112 al. 1 let. b LTF, auquel se réfèrent les recourants, prévoit en l'occurrence que "[l]es décisions qui peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral [...] doivent contenir [...] les motifs déterminants de fait et de droit, notamment les dispositions légales appliquées". Cette disposition pose des exigences se recoupant en grande partie avec le droit à une décision motivée découlant du droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. notamment arrêts 2C_692/2022 du 22 février 2024 consid. 4.1, non publié in ATF 150 II 294; 2C_544/2019 du 21 avril 2020 consid. 3.1). Ce faisant, elle confère une position juridiquement protégée aux justiciables qui est susceptible d'être invoquée dans le cadre d'un recours contre une mesure provisionnelle, ce en combinaison avec le droit fondamental de l'interdiction de l'arbitraire ancré à l'art. 9 Cst. (cf. art. 98 LTF et ATF 145 I 239 consid. 5.3.3; 138 I 305 consid. 1.3). On ne voit toutefois nullement en quoi cette norme aurait été appliquée arbitrairement s'agissant de la décision attaquée. La Cour de justice y explique en effet de manière détaillée, sur près de cinq pages, le cadre légal ainsi que les raisons l'ayant amenée à retirer l'effet suspensif au recours pendant devant elle, consacrant plusieurs longs paragraphes à la question des intérêts publics susceptibles de justifier qu'il soit procédé au plus vite au tir des cerfs décidé par le Conseil d'État, avant d'estimer les chances de succès du recours pendant sur le fond au regard de sa recevabilité problématique. Il importe à cet égard peu que la décision attaquée puisse reprendre mot pour mot certaines parties de l'arrêté de tir contesté au fond, contrairement à ce que soutiennent les recourants qui adoptent une approche extrêmement formaliste à cet égard, sans prétendre qu'ils ne comprendraient pas la motivation de la Cour de justice. Cette conclusion s'impose d'autant plus en l'espèce qu'il n'y a en principe pas lieu d'imposer des exigences de motivation trop élevées à propos des décisions incidentes en matière d'effet suspensif (arrêts 1C_406/2023 du 9 novembre 2023 consid. 4.1; 1C_262/2023 du 4 septembre 2023 consid.2.4), dans le cadre desquelles l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (cf. ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3).
3.2. Il découle de ce qui précède que le recours est mal fondé en tant qu'il invoque une violation du droit à une décision motivée et, plus particulièrement, de l'art. 112 al. 1 let. b LTF en lien avec l'art. 9 Cst.
4.
Les recourants reprochent ensuite à la Cour de justice d'avoir appliqué arbitrairement l'art. 66 de la loi cantonale genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA/GE; RS/GE E 5 10) et, partant, d'avoir violé l'art. 9 Cst. en retirant l'effet suspensif censé assortir leur recours au sens du droit cantonal.
4.1. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte à donner aux dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3; arrêt 1C_452/2020 du 23 mars 2021 consid. 4.1).
4.2. En l'occurrence, l'art. 66 LPA/GE, que la Cour de justice aurait appliqué arbitrairement selon les recourants, prévoit, à son al. 1, que, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours. La disposition ajoute cependant, à son al. 3, que, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif. La Cour de justice considère de jurisprudence constante que cette réglementation implique, en substance, une pesée des intérêts publics et privés en jeu, pour laquelle l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation variant selon la nature de l'affaire et dans le cadre de laquelle il est possible de tenir compte des chances de succès du recours (voir notamment arrêts de la Cour de justice ATA/962/2016 du 14 novembre 2016; ATA/192/2014 du 31 mars 2014; ATA/650/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2).
4.3. Lorsqu'il se prononce sur des décisions de retrait de l'effet suspensif prises en application de réglementations cantonales similaires à celle de l'art. 66 al. 3 LPA/GE, le Tribunal fédéral estime lui aussi de jurisprudence constante que l'autorité de recours appelée à prendre une telle mesure doit procéder à une pesée des intérêts en présence, afin d'examiner si les raisons plaidant en faveur de l'exécution immédiate de la décision attaquée devant elle sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Les motifs permettant un retrait de l'effet suspensif sont des raisons convaincantes qui découlent d'une soigneuse pesée des intérêts publics et privés en présence, tenant compte en particulier du principe de la proportionnalité (cf. ATF 145 I 73 consid. 7.3.3.2 et les arrêts cités). Pour effectuer une telle pesée des intérêts, qui relève de l'exercice d'un large pouvoir d'appréciation, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b), et tenir compte de l'issue probable de la cause si celle-ci est clairement prévisible (ATF 145 I 73 consid. 7.3.3.2; 129 II 286 consid. 3; aussi arrêt 1C_406/2023 du 9 novembre 2023 consid. 4.2). Cela étant, la décision relative à l'effet suspensif ne devrait, si possible, pas préjuger de l'issue du recours, ni rendre d'emblée le recours sans objet en créant une situation de fait irréversible qui rendrait impossible le rétablissement de l'état de fait dicté par la décision finale (cf. ATF 130 II 149 consid. 2.2; 125 II 613 consid. 7; 119 V 503 consid. 3; arrêts 2C_595/2021 du 30 septembre 2021 consid. 4.3; 2C_171/2020 du 15 juin 2020 consid. 3.1; 2C_356/2007 du 18 septembre 2007 consid. 3). Il ne s'agit néanmoins pas là d'une règle absolue justifiant à elle seule de confirmer ou de restituer systématiquement l'effet suspensif au recours (cf. arrêt 2C_356/2007 du 18 septembre 2007 où le Tribunal fédéral a confirmé le retrait d'effet suspensif d'un recours dirigé contre l'euthanasie d'un animal). Il peut notamment exister un intérêt prépondérant au retrait de l'effet suspensif lorsqu'un maintien de celui-ci empêcherait la décision attaquée d'atteindre son but, même en cas de rejet du recours, alors même qu'elle poursuit des intérêts publics ou privés importants (cf. ATF 129 II 286 consid. 3.2; BENJAMIN MÄRKLI, Die aufschiebende Wirkung im öffentlichen Recht des Bundes und der Kantone, 2022, nos 467 s. et 477 ss; aussi CLÉA BOUCHAT, L'effet suspensif en procédure administrative, 2015, n. 767; GEROLD STEINMANN, Vorläufiger Rechtsschutz im Verwaltungsbeschwerdeverfahren und im Verwaltungsgerichtsverfahren, ZBl 1993 141, spéc. p. 149 s.).
4.4. En l'occurrence, après avoir rappelé en détail sa propre jurisprudence rendue en lien avec l'art. 66 al. 3 LPA/GE, laquelle correspond très largement aux principes qui précèdent, la Cour de justice a considéré que le Conseil d'État pouvait, en l'affaire, se prévaloir d'un intérêt public important à la levée de l'effet suspensif au recours déposé contre son arrêté de tir du 28 août 2024. Elle a en particulier retenu que la surdensité de cerfs à laquelle cet arrêté voulait remédier avait un impact négatif sur l'agriculture ainsi que sur la forêt et qu'elle augmentait le risque d'accidents de la route. Or, selon l'autorité précédente, cet intérêt public à une régulation immédiate du nombre d'ongulés dans le canton - qui participait à un effort régional - n'était pas contrebalancé par les différents intérêts publics ou privés susceptibles de s'opposer au tir des animaux. La mesure de régulation contestée ne mettait en effet pas en péril la présence des ongulés concernés sur le territoire cantonal et, notamment, dans la région de Versoix, où le canton avait déjà mis en place de très nombreuses mesures de protection de surfaces cultivables et de la forêt. L'autorité précédente a enfin relevé que l'intérêt purement idéal des recourants à la protection des animaux ne saurait l'emporter, à ce stade de la procédure, face aux enjeux publics précités de régénération de la forêt et de réduction des dégâts aux cultures, d'autant moins qu'il serait fortement douteux que les intéressés puissent s'en prévaloir pour fonder leur qualité pour recourir au fond. La Cour de justice en a dès lors conclu qu'après pesée des intérêts en présence, elle pouvait donner droit à la requête de levée de l'effet suspensif au recours formée par le Conseil d'État.
4.5. La Cour de céans ne voit pas en quoi un tel raisonnement procéderait d'une application arbitraire de l'art. 66 al. 3 LPA/GE. Il ressort en effet de l'arrêt attaqué que la population de cerfs est devenue depuis quelques décennies très importante dans le canton de Genève et, plus particulièrement, dans les bois de Versoix en hiver, ce en raison de leur reproduction rapide et du fait qu'un grand nombre de ces animaux vient hiverner à Genève en provenance de la France ou du canton de Vaud (cf. OFEV, Forêt et gibier - Notions de base pratiques, 2010, p. 133; art. 105 al. 2 LTF). Or, il est notoire qu'outre le danger qu'ils représentent pour la sécurité du trafic, les cerfs, comme d'autres animaux sauvages d'ailleurs, à l'instar des sangliers, peuvent causer des dégâts importants aux forêts et aux champs, même lorsque des mesures de protection sont mises en place (cf., p. ex., Message du 27 avril 1983 concernant la loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages [LChP], FF 1983 II 1229, spéc. p. 1235). Relevons que le droit fédéral oblige ainsi les cantons à maîtriser leur nombre sur leur territoire, afin, notamment, de permettre une régénération naturelle des forêts, sans mesure de protection des arbres, tout en n'autorisant leur régulation ou chasse que durant une période limitée, débutant le 1er août et s'achevant le 31 janvier (cf. art. 27 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur les forêts [LFo; RS 921.0] et arrêt 1C_208/2016 du 8 novembre 2017 consid. 5; aussi art. 1 al. 1 let. c, 3 al. 1 et 5 al. 1 let. a de la loi fédérale du 20 juin 1986 sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages [loi sur la chasse; LChP; RS 922.0]; aussi Message précité, FF 1983 1229, spéc. p. 1233 s. et 1235 s., ainsi que Message du 20 octobre 1976 concernant la garantie de la constitution révisée du canton de Genève, FF 1976 III 1042, spéc. 1057). Il n'est ainsi pas manifestement insoutenable de considérer qu'il existe vraisemblablement un intérêt public important à une régulation de la population de cerfs vivant actuellement dans les bois de Versoix - telle que celle décidée par le Conseil d'État le 28 août 2024 - et qu'une telle mesure - qui est forcément limitée dans le temps pour respecter l'art. 5 al. 1 let a de la loi sur la chasse - doit être opérée immédiatement nonobstant recours, sous peine de ne pas atteindre son but. En effet, seule l'exécution immédiate de cette mesure permet de prime abord au canton de Genève de contribuer à l'objectif régional de régulation de ces ongulés et de protection des cultures et de la forêt avant le 31 janvier 2025, d'autant que leur nombre pourrait sinon augmenter rapidement par accroissement naturel, malgré la légère diminution de leur effectif obtenue grâce aux précédents ordres de tirs, et que cet accroissement risquerait de conduire à des dégâts supplémentaires aux forêts et à la nature et, potentiellement, à un ordre de tir plus important ultérieurement.
4.6. Notons que, dans leur recours devant la Cour de justice, les recourants ne remettent pas véritablement en question la nécessité de réguler la population de cerfs dans le canton de Genève, laquelle n'appartient du reste pas à une espèce protégée, comme on l'a dit. Ils contestent avant tout la manière d'y procéder "par tir", qu'ils estiment illégale, souhaitant qu'une éventuelle régulation s'effectue par l'administration d'un vaccin immuno-contraceptif, ce pour des motifs idéaux (cf. art. 105 al. 2 LTF). Sous cet angle, même s'il est indéniable que l'exécution immédiate de l'autorisation de tir emportera des conséquences irréversibles pour les ongulés concernés et que celles-ci ne doivent pas être négligées, sans pour autant être assimilées à des actes de maltraitance contraires à leur dignité (cf. art. 2 al. 2, 24 al. 1 et 26 al. 1 let. b de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur la protection des animaux [LPA; RS 455]), on ne voit pas qu'une telle régulation immédiate causerait un préjudice irréparable aux recourants eux-mêmes, qui ne sont pas propriétaires desdits animaux, contrairement à ce qui prévaut dans l'arrêt 2C_595/2021 qu'ils citent dans leurs écritures. La décision de retrait d'effet suspensif attaquée n'a en tout cas pas pour effet de priver leur recours de tout objet sur le fond, quoi qu'ils prétendent. En effet, dans l'hypothèse où la Cour de justice devrait admettre leur qualité pour recourir, la question de la légalité d'une régulation de la population de cerfs "par tir" en droit genevois, en particulier sous l'angle de la Constitution cantonale (cf. art. 162 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012, RS 131.234), laquelle relève de l'intérêt public et se pose de manière récurrente, pourra toujours être tranchée sur le fond indépendamment de l'expiration du délai fixé dans l'arrêté litigieux et de sa mise en oeuvre (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 sur l'intérêt à obtenir une décision sur le fond en l'absence d'intérêt actuel).
4.7. En résumé, il n'est pas arbitraire de considérer qu'il existe un intérêt public important à l'exécution immédiate de l'arrêté de tir du Conseil d'État du 28 août 2024 et qu'aucun intérêt privé ou public prépondérant ne s'y oppose de prime abord. Il ne peut dès lors être reproché à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 9 Cst. en retirant tout effet suspensif au recours en application de l'art. 66 al. 3 LPA/GE qui, conformément à une jurisprudence constante non contestée par les recourants (cf. supra consid. 4.2), permet une telle décision après pesée des intérêts en présence.
5.
Partant, le recours doit être rejeté, ce qui rend sans objet la requête d'effet suspensif formée par les recourants.
6.
Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Conseil d'Etat de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
Lausanne, le 16 janvier 2025
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : E. Jeannerat