2C_46/2024 05.02.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_46/2024
Arrêt du 5 février 2025
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Ryter
et Kradolfer.
Greffier : M. Rastorfer.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Mes Sarah Halpérin et Lionel Halpérin, avocats, recourante,
contre
Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de Genève,
Direction de l'inspection du travail, rue David-Dufour 5, case postale 64, 1211 Genève 8,
autorité intimée.
Objet
Location de services,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 5 décembre 2023 (ATA/1306/2023).
Faits :
A.
A.a. A.________ SA (ci-après: A.________) est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 25 août 2020. Elle a pour but toutes prestations de conseils et services logistiques, la location de services à des personnes physiques ou morales, ainsi que toutes activités liées de près ou de loin à ces domaines.
A.________ compte sept employés administratifs et environ 400 coursiers à vélo, tous au bénéfice d'un contrat de travail. Son activité principale consiste en la livraison de repas à domicile dans le canton de Genève.
A.b. B.________ (ci-après également: l'application ou la plateforme) est une plateforme numérique proposant un service de livraison de plats cuisinés à domicile. C.________, société ayant son siège à U.________, détient les droits sur cette application.
B.
B.a. Le 24 septembre 2020, l'Office cantonal de l'emploi du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) a demandé à A.________ de décrire ses activités, afin de déterminer si celles-ci relevaient de la location de services, soumise à autorisation. A.________ a notamment répondu avoir conclu un contrat de services technologiques avec C.________ le 31 août 2020, afin d'utiliser l'application B.________, et avoir recruté des coursiers pour pouvoir répondre aux demandes de cette plateforme. Elle considérait ne pas exercer d'activité de location de services.
Plusieurs échanges ont ensuite eu lieu jusqu'en novembre 2022, au cours desquels A.________ a fourni divers documents à l'Office cantonal, dont en particulier un contrat de licence d'exploitation de la plateforme B.________ et de prestations de services technologiques conclu le 27 juillet 2022 avec C.________ (ci-après: le contrat de licence), qui remplaçait et annulait le précédent contrat de services technologiques. A.________ a également produit son organigramme, le modèle de contrat de travail utilisé pour engager ses livreurs et un exemple de fiche de salaire notamment. Elle a par ailleurs indiqué avoir créé sa propre application pour gérer ses livreurs, à laquelle C.________ n'avait pas accès. Si la location de services figurait dans ses buts statutaires, c'était uniquement pour le cas "où la situation viendrait à changer".
B.b. Par décision du 4 novembre 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours, l'Office cantonal, retenant que A.________ mettait à la disposition de C.________ son personnel pour réaliser des livraisons de repas commandés sur l'application B.________, en contrepartie du paiement par C.________ d'un montant par livraison effectuée, a assujetti A.________ à la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services (LSE; RS 823.11) et lui a interdit de pratiquer toute activité jusqu'à l'obtention de l'autorisation de pratiquer la location de services.
B.c. A.________ a formé un recours contre la décision précitée auprès de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) en concluant à la restitution de l'effet suspensif. Par décision du 8 mars 2023, la Cour de justice a restitué l'effet suspensif au recours. Par arrêt 2C_206/2023 du 14 juin 2023, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par l'Office cantonal contre cette décision. Par arrêt du 5 décembre 2023, la Cour de justice a rejeté sur le fond le recours de A.________.
C.
Contre l'arrêt cantonal du 5 décembre 2023, A.________ forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et, cela fait, à celle de la décision de l'Office cantonal du 4 novembre 2022. Elle demande également à ce qu'il soit constaté qu'elle n'est pas soumise à la LSE et à la libérer de l'injonction de déposer une demande de pratiquer la location de services, ainsi que de l'interdiction d'exercer son activité. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et à ce que la cause soit renvoyée à la Cour de justice ou à l'Office cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. A.________ a joint à son recours, à titre superprovisoire et provisoire, une requête d'effet suspensif.
Par ordonnance du 8 février 2024, la Présidente de la II e Cour de droit public du Tribunal fédéral a accordé l'effet suspensif au recours.
Sur le fond, la Cour de justice déclare persister dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Office cantonal se détermine et conclut, sous suite de frais, au rejet du recours. Invité à se déterminer en tant qu'autorité fédérale ayant qualité pour recourir, le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) conclut au rejet du recours. A.________ formule des observations finales et persiste dans ses conclusions.
Par courrier du 27 janvier 2025, l'Office cantonal a informé le Tribunal fédéral que, à la suite de la modification du règlement d'exécution de la loi genevoise sur le service de l'emploi et la location de services, entrée en vigueur le 21 décembre 2024, la présente cause relevait désormais de la compétence de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail. Le mandat de la représentante de l'Office cantonal avait été résilié en conséquence.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont adressés (ATF 149 II 66 consid. 1.3).
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité judiciaire cantonale supérieure de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'entrant en ligne de compte, la voie du recours en matière de droit public est partant en principe ouverte (cf. arrêt 2C_575/2020 du 30 mai 2022 consid. 1.1, non publié in ATF 148 II 426). Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par la recourante, destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'elle a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient partant d'entrer en matière, sous réserve de ce qui suit.
1.2. La conclusion tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2022 de l'Office cantonal est irrecevable en raison de l'effet dévolutif complet du recours à la Cour de justice, dont l'arrêt se substitue aux prononcés antérieurs (cf. ATF 136 II 539 consid. 1.2).
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Selon cet alinéa, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (cf. ATF 145 I 121 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF). Cette exclusion des nova s'applique d'emblée aux faits et moyens de preuve qui sont survenus postérieurement à l'arrêt attaqué (vrais nova; ATF 149 III 465 consid. 5.5.1; 148 V 174 consid. 2.2). Les faits et moyens de preuve antérieurs à cette date (pseudo-nova) peuvent exceptionnellement être pris en compte s'ils résultent de la décision de l'autorité précédente, ce qui doit être démontré par le recourant (cf. ATF 148 V 174 consid. 2.2).
En l'occurrence, en tant que la recourante présente une argumentation partiellement appellatoire, en complétant librement l'état de fait retenu dans l'arrêt attaqué, il n'en sera pas tenu compte. Seuls les griefs suffisamment motivés en lien avec l'établissement des faits par la Cour de justice seront donc examinés (cf. infra consid. 4). Par ailleurs, dans la mesure où l'intéressée joint à son recours un "Procès-verbal de constat" établi le 15 janvier 2024, à savoir postérieurement à l'arrêt attaqué, il s'agit d'un vrai nova inadmissible devant le Tribunal fédéral (quant aux éléments que la recourante entendait "clarifier" par cette pièce, cf. infra consid. 3.3).
3.
Dans un grief formel, la recourante, invoquant l'art. 29 al. 2 Cst. et l'art. 19 de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA/GE; RSGE E 5 10), se plaint d'une violation du droit d'être entendu et de la maxime inquisitoire. Elle reproche en substance à la Cour de justice d'avoir subitement clos l'instruction sans lui permettre de se prononcer sur celle-ci et sans l'auditionner personnellement, de ne pas avoir suffisamment instruit les faits pertinents et, enfin, de ne pas avoir pris en compte les arguments et les preuves produites en ce qui concernait son pouvoir de direction sur ses livreurs.
3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit des parties d'être informées et de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant leur situation juridique, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles ou au moins de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). En revanche, l'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit en principe pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1). L'autorité peut mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 III 73 consid. 5.2.2). Par ailleurs, selon la maxime inquisitoire, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés; elle oblige notamment l'autorité à prendre en considération d'office les pièces pertinentes versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (cf. ATF 148 II 465 consid. 8.3; 140 I 285 consid. 6.3.1).
3.2. La recourante ne soutient pas que l'art. 19 LPA/GE lui offrirait une protection plus étendue que l'art. 29 al. 2 Cst., de sorte que l'examen du Tribunal fédéral se confinera à cette dernière disposition (art. 106 al. 2 LTF).
3.3. La recourante reproche tout d'abord à la Cour de justice de ne pas avoir eu l'occasion de se prononcer sur l'instruction après la clôture de celle-ci. Ce grief est infondé. Il est constant que l'intéressée a été avisée le 9 novembre 2023 que la cause était gardée à juger. Cet avis ne l'empêchait pas de formuler des observations complémentaires (cf. en lien avec le droit de réplique, ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 139 I 189 consid. 3.2), alors qu'elle en avait le temps puisque l'arrêt attaqué n'a été rendu que le 5 décembre 2023. En ne réagissant pas devant la Cour de justice, la recourante a implicitement renoncé à se prononcer davantage sur l'instruction et ne peut donc pas s'en prévaloir devant le Tribunal fédéral. Dans le même sens, elle est à présent malvenue de reprocher à l'autorité précédente de ne pas avoir suffisamment instruit les faits en ne "clarifiant" pas certains propos tenus par des témoins, en particulier quant à l'existence d'une voix automatique provenant de l'application B.________, alors qu'elle ne s'en est pas plainte durant la procédure cantonale. Le point de savoir si les juges cantonaux ont fait une mauvaise lecture desdits propos ne relève au surplus pas du droit d'être entendu mais de l'établissement des faits et de l'appréciation des preuves, ce qui sera examiné ci-après (cf. infra consid. 4).
3.4. Quant à la requête d'audition de la recourante, à laquelle la Cour de justice n'a pas donné suite, hormis le fait que l'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit pas un tel droit procédural (cf. supra consid. 3.1), on relèvera que la recourante avait été entendue personnellement le 27 février 2023 et qu'elle avait participé à toutes les auditions des témoins de la cause. La Cour de justice a dès lors considéré disposer d'un dossier complet et a partant refusé l'acte d'instruction demandé. La recourante n'explique ni ne démontre en quoi cette appréciation anticipée des preuves par les juges précédents serait sur ce point arbitraire (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 3.1). Son grief doit donc être écarté.
3.5. Enfin, la recourante, sous couvert d'une absence de prise en compte de ses allégués et de ses moyens de preuve, reproche à la Cour de justice d'avoir examiné le critère de l'abandon de l'essentiel du pouvoir de direction à l'entreprise locataire exclusivement sous l'angle de C.________, alors qu'il aurait, selon elle, dû l'être pour elle-même. Ce faisant, elle soulève en réalité une question de droit qui sera examinée ci-après (cf. infra consid. 6).
3.6. Sur le vu de ce qui précède, les griefs de violation du droit d'être entendu et de la maxime inquisitoire, mal fondés, doivent être rejetés.
4.
Invoquant l'art. 97 al. 1 LTF, la recourante se plaint d'un établissement manifestement inexact et incomplet des faits et, implicitement, d'une appréciation arbitraire des preuves.
4.1. Il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1).
4.2. La recourante reproche en premier lieu aux juges précédents de ne pas avoir restitué dans la partie "En fait" de l'arrêt attaqué, ou alors seulement de manière très succincte, l'intégralité des propos tenus par les témoins durant la procédure cantonale, ainsi que l'ensemble des éléments factuels découlant des courriers et des pièces qu'elle y avait produites. Selon elle, ce manque d'exhaustivité serait arbitraire car il ne lui permettrait pas de comprendre précisément les motifs sur lesquels la Cour de justice s'était fondée pour confirmer l'existence d'un rapport de location de services au sens de la législation sur le service de l'emploi.
Telle que formulée, la critique de la recourante ressortit non pas à l'établissement arbitraire des faits, mais à la violation du droit d'être entendu respectivement de l'art. 112 al. 1 let. b LTF en lien avec la motivation de l'arrêt attaqué. Or, l'intéressée perd de vue que ni l'art. 29 al. 2 Cst. ni l'art. 112 al. 1 let. b LTF n'imposent à l'autorité judiciaire d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties. Celle-ci peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (cf. supra consid. 3.1). Or, en l'espèce, si l'arrêt attaqué ne reproduit certes pas in extenso le contenu des auditions des témoins et des pièces versées par la recourante, il permet néanmoins de comprendre clairement les éléments de fait que la cour cantonale a considérés comme établis et pertinents pour examiner l'existence d'une location de services, de même que les déductions juridiques tirées de ces faits. La recourante a au demeurant parfaitement compris les motifs déterminants de fait et de droit qui ont guidé la Cour de justice et sur lesquels celle-ci a fondé son arrêt, puisqu'elle ne manque pas de les contester sur plusieurs pages de son recours. La critique est donc infondée.
4.3. La recourante reproche ensuite à la Cour de justice d'avoir omis de prendre en compte dans son raisonnement divers éléments relatifs à son modèle opérationnel, ce qui serait, selon elle, arbitraire dans la mesure où l'examen de l'existence d'un rapport de location de services s'apprécierait en s'appuyant en particulier sur la "situation de travail concrète".
Ce faisant, elle perd de vue que c'est la situation de travail concrète dans l'entreprise locataire et non dans l'employeur bailleur de services qui est déterminante (cf. sur ce point infra consid. 6.3). Autrement dit, la situation de travail au sein de la recourante n'est pas déterminante pour apprécier l'existence d'une location de services, contrairement à celle au sein de C.________. Quant aux éléments concernant les interactions entre les livreurs et les restaurateurs, respectivement entre les livreurs et C.________, dont la recourante reproche également à la Cour de justice d'avoir oublié de tenir compte, ceux-ci, n'en déplaise à l'intéressée, ressortent de l'arrêt attaqué et il en sera tenu compte ci-après (cf. infra consid. 7).
4.4. La recourante fait encore grief à la Cour de justice d'avoir retenu de manière manifestement inexacte, sur la base des déclarations d'un témoin, qu'une voix automatique provenant de l'application B.________ interpellait les livreurs en leur demandant de "se hâter" s'ils ne se rendaient pas au restaurant indiqué dans un délai de 30 minutes, et qu'il en allait de même lors de la livraison auprès du client.
En l'espèce, il ressort des déclarations d'un livreur de la recourante, entendu comme témoin, que la plateforme peut contacter les livreurs selon un processus semblant être robotisé et que si un coursier met plus de 30 minutes pour la prise en charge d'une commande, une voix lui demande s'il est en train d'approcher. Il n'apparaît pas insoutenable selon l'expérience générale de la vie, de considérer, comme l'a fait la cour cantonale, qu'une telle question revenait à demander au livreur de se hâter dans la prise en charge de sa commande. On voit en effet mal quel autre but pourrait avoir ladite question. Quant au fait que ce processus a été décrit par les juges précédents par le terme de "voix automatique", cela n'apparaît pas non plus insoutenable, ce d'autant moins que le témoin a lui-même parlé de processus robotisé.
Il est en revanche vrai que les propos dudit témoin ne portent que sur le processus de prise en charge des commandes. Dans ces conditions, la Cour de justice ne pouvait pas retenir que le processus robotisé ci-dessus valait également pour les livraisons auprès du client. Une telle constatation est arbitraire. Ce vice n'influe toutefois pas sur l'issue de la cause (cf. supra consid. 2.2). En effet, il ressort de l'arrêt attaqué, sans que la recourante ne le conteste, que lorsqu'une commande est acceptée sur B.________, une estimation du temps de trajet est effectuée par la plateforme et que celle-ci est transmise au client notamment. Dans ces conditions, le livreur est, à tout le moins indirectement, incité à effectuer sa livraison dans le délai indiqué (cf. aussi sur ce point infra consid. 7.1). En d'autres termes, l'application fournit des indications temporelles au livreur pour les livraisons auprès du client également.
4.5. La recourante reproche enfin à la Cour de justice d'avoir considéré arbitrairement que la plateforme B.________ procédait à une répartition géographique des livreurs et délimitait ainsi leur périmètre de travail, dans la mesure où elle pouvait, en temps réel, regrouper les commandes et restreindre les périmètres de livraison si un manque de livreurs était constaté. Selon l'intéressée, un tel mécanisme n'aurait d'effets que sur le client, mais ne concernerait ni le nombre de livreurs et leur lieu de travail, ni une quelconque répartition géographique des coursiers.
La recourante se contente d'opposer sa propre appréciation à celle de l'autorité précédente, sans nullement démontrer en quoi celle-ci serait arbitraire. On ne voit au demeurant pas en quoi il serait manifestement insoutenable de considérer que le fait, pour l'application B.________, de restreindre le périmètre de livraison revient à délimiter celui-ci, et partant à répartir géographiquement les livreurs.
4.6. Au vu ce qui précède, le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves, doit être rejeté. Le Tribunal fédéral se fondera ainsi exclusivement sur les faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué.
5.
Le litige porte sur le point de savoir si c'est à juste titre que la Cour de justice a confirmé la décision du 4 novembre 2022 de l'Office cantonal considérant que l'activité de mise à disposition des livreurs de la recourante en faveur de C.________ pour réaliser des livraisons de repas commandés sur la plateforme B.________ relevait du régime de la location de services, soumis à autorisation.
6.
La recourante conteste son assujettissement à la LSE. De son point de vue, elle ne saurait être considérée comme une bailleresse de services et C.________ comme une entreprise locataire de services. Elle y voit une violation des art. 12 al. 1 LSE et 26 al. 1 et 2 OSE.
6.1. Selon l'art. 12 al. 1 LSE, les employeurs (bailleurs de services) qui font commerce de céder à des tiers (entreprises locataires de services) les services de travailleurs doivent avoir obtenu une autorisation de l'office cantonal du travail.
Selon l'art. 26 al. 1 OSE, est réputé bailleur de services celui qui loue les services d'un travailleur à une entreprise locataire en abandonnant à celle-ci l'essentiel de ses pouvoirs de direction à l'égard du travailleur. L'art. 26 al. 2 OSE prévoit que l'on peut également conclure à une activité de location de services notamment lorsque le travailleur est impliqué dans l'organisation de travail de l'entreprise locataire sur le plan personnel, organisationnel, matériel et temporel (let. a), lorsque le travailleur réalise les travaux avec les outils, le matériel ou les appareils de l'entreprise locataire (let. b) ou lorsque l'entreprise locataire supporte elle-même le risque en cas de mauvaise exécution du contrat (let. c).
6.2. Il ressort des art. 12 al. 1 LSE et 26 al. 1 et 2 OSE que la location de services désigne les rapports tripartites entre un employeur (bailleur de services), une entreprise locataire de services et un travailleur (ATF 148 II 426 consid. 5.1; 148 II 203 consid. 3.3.2 et l'arrêt et la référence cités, cf. aussi RÉMY WYLER ET AL., Droit du travail, 5e éd. 2024, p. 96). La location de services implique ainsi deux contrats: d'une part un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO entre le bailleur de services et le travailleur (cf. art. 19 LSE) et, d'autre part, un contrat de location de services entre le bailleur et le locataire de services (cf. art. 22 LSE) (ATF 148 II 426 consid. 5.1 et les arrêts et références cités). L'existence d'un contrat de travail est ainsi une condition préalable à toute situation de location de services au sens de la LSE.
6.3. En pratique, l'examen de l'existence d'une location de services doit s'effectuer sur la base d'une appréciation globale des circonstances du cas d'espèce, en s'appuyant sur le contenu du contrat, la description du poste et la situation de travail concrète dans l'entreprise locataire (ATF 148 II 426 consid. 7.1; 148 II 203 consid. 3.3.3 et les arrêts cités; voir également ROMAIN FÉLIX, Location de services versus autres contrats de prestations: critères de distinction, in Panorama III en droit du travail, 2017, p. 805; MICHAEL KULL, Arbeitsvermittlungsgesetz [AVG], 2e éd. 2014, n° 42 ad art. 12 LSE). Le nom que les parties donnent au contrat n'est en revanche pas déterminant (cf. ATF 148 II 426 consid. 7.1 et les arrêts cités).
6.3.1. Dans ce contexte, et comme le dispose l'art. 26 al. 1 OSE, la cession de l'essentiel du pouvoir de direction à l'entreprise locataire constitue la caractéristique centrale de la location de services, ainsi qu'un critère de distinction déterminant par rapport à d'autres types de prestations de services, notamment le mandat (cf. ATF 148 II 426 consid. 7.1; 148 II 203 consid. 3.3.2 et les arrêts et références cités).
Le pouvoir de direction cédé par le bailleur de services à l'entreprise locataire comprend essentiellement la compétence de donner des instructions sur la façon d'exécuter le travail au sens de l'art. 321d CO, soit des instructions qui ne se limitent pas à de simples directives générales sur la manière d'exécuter la tâche ou à un rappel des obligations légales applicables, mais qui influent sur l'objet et l'organisation du travail et qui instaurent un droit de contrôle de l'ayant droit (cf. ATF 148 II 426 consid. 6.3 et 6.5.3 et les arrêts cités; ROMAIN FÉLIX, op. cit., pp. 788 s.). Ce pouvoir ne doit pas nécessairement être entièrement détenu par l'entreprise locataire pour que l'existence d'une location de services soit retenue; le droit de donner des instructions peut également être réparti entre l'entreprise bailleresse et l'entreprise locataire (cf. ATF 148 II 426 consid. 7.1; 148 II 203 consid. 3.3.2). Il faut néanmoins que la part essentielle de ce pouvoir soit détenue par l'entreprise locataire pour que le critère distinctif de l'art. 26 al. 1 OSE soit rempli (cf. MICHAEL KULL, op. cit., n° 25 ad art. 12 LSE).
6.3.2. En complément au critère déterminant de l'art. 26 al. 1 OSE, les critères prévus aux let. a à c de l'art. 26 al. 2 OSE (cf. supra consid. 6.1) peuvent être utilisés comme indices supplémentaires d'un rapport de location de services (cf. MICHAEL KULL, op. cit., n° 25 et 38 ad art. 12 LSE). A ceux-ci s'ajoutent encore, selon la jurisprudence, les critères auxiliaires prévus dans les Directives et commentaires du Secrétariat d'État à l'économie (SECO) relatifs à la loi sur le service de l'emploi et à la location de services et au tarif des émoluments de la loi sur le service de l'emploi du 15 janvier 2007, actualisées en juin 2024, pp. 69 ss (ci-après: Directives LSE SECO) (arrêt 4A_134/2022 du 16 septembre 2022 consid. 3.2.4 et les arrêts cités). Il en va ainsi, selon ces Directives, notamment de l'obligation du bailleur de services d'établir le décompte des heures effectuées en faveur de l'entreprise locataire et de facturer celles-ci, et non pas un prix fixe convenu d'avance pour la prestation de travail. Le risque commercial de la mauvaise exécution de la prestation de travail doit par ailleurs être supporté par l'entreprise locataire, le bailleur de services n'assumant que la responsabilité du bon choix du travailleur loué. Enfin, le bailleur de services ne répond pas des dommages que son travailleur peut causer à l'entreprise locataire ou à des tiers dans le cadre de son activité pour l'entreprise locataire (cf. Directives LSE SECO, p. 74).
6.4. La location de services en lien avec les plateformes numériques de travail peut être envisagée de deux manières. D'une part, la société gérant la plateforme peut être elle-même une bailleresse de services au sens de la LSE lorsqu'elle est l'employeur direct des prestataires et que ceux-ci exécutent une prestation auprès d'une autre entreprise locataire (sur cette hypothèse, cf. ATF 148 II 426, où le Tribunal fédéral s'est penché sur la question de savoir si la LSE était applicable entre C.________ et les restaurateurs utilisant la plateforme B.________, et a répondu par la négative, tout en précisant que les livreurs B.________ devaient être considérés comme des employés de C.________ en raison du rapport de subordination qui les liait à cette société). D'autre part, la société gérant la plateforme numérique peut recourir à des prestataires employés par une entreprise tierce, auquel cas il convient de se demander si elle est une locataire de services, respectivement si l'employeur mettant ses employés à sa disposition est un bailleur de services. C'est ce second cas de figure qui est litigieux en l'occurrence s'agissant de la relation tripartite entre la recourante, les livreurs qu'elle emploie et C.________ en tant que société détenant les droits de l'application B.________, pour le compte de laquelle lesdits livreurs exécutent des missions de livraison de repas.
6.5. En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante et ses livreurs sont liés par un contrat de travail au sens de l'art. 319 CO. Reste à examiner si c'est à bon droit que la Cour de justice a considéré que la recourante devait être, compte tenu des circonstances du cas concret, considérée comme une bailleresse de services et C.________ comme une entreprise locataire de services selon l'art. 12 al. 1 LSE.
7.
7.1. Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a d'abord commencé par examiner si la caractéristique centrale de la location de services, à savoir l'abandon de l'essentiel des pouvoirs de direction par le bailleur de services à l'entreprise locataire selon l'art. 26 al. 1 OSE (cf. supra consid. 6.1 et 6.3.1) était réalisée. Elle a considéré que tel était le cas, du fait que l'application B.________ ne se limitait pas à un simple outil de travail mis à la disposition de la recourante par C.________, mais permettait à cette dernière société de donner des instructions aux livreurs s'agissant de la mission de livraison et à la manière d'exécuter celle-ci.
7.1.1. En l'occurrence, il ressort des constatations cantonales dénuées d'arbitraire (cf. supra consid. 4), qui lient donc le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que les livreurs de la recourante doivent obligatoirement télécharger l'application B.________ pour pouvoir exercer leur activité de livraison de repas. Une fois connectés, l'application leur attribue les demandes de livraison et leur communique les noms du restaurant et du client, ainsi que l'adresse et le code d'accès de l'immeuble de celui-ci. L'application estime ensuite le temps de trajet, qui est transmis tant au restaurateur qu'au client, et les livreurs reçoivent une notification vocale provenant de l'application s'ils prennent en charge la commande dans un délai excédant 30 minutes. L'application peut de plus restreindre le périmètre de livraison - et donc de travail - des livreurs en temps réel, en fonction de leur nombre. Enfin, l'application possède un chat au travers duquel le client peut interagir avec le livreur et lui donner des instructions.
7.1.2. Sur la base de ces éléments, l'autorité précédente a considéré qu'au travers de son application, C.________ disposait d'un pouvoir de direction sur les livreurs employés par la recourante, en particulier s'agissant des délais pour exécuter leurs missions, de leur périmètre de travail et de leur nombre. Pour le reste, elle a considéré que la recourante ne décidait pas seule des instructions à donner aux livreurs quant aux livraisons qu'ils pouvaient accepter, refuser et ignorer, ainsi qu'à la manière de procéder à celles-ci, contrairement à ce qui est prévu à l'art. 1.6 du contrat de licence, au motif que cette disposition se heurtait à la situation concrète qui se dégageait de l'utilisation de l'application.
7.1.3. L'analyse qui précède est conforme au droit. En effet, il convient d'admettre que les caractéristiques de la plateforme B.________, telles que constatées par la Cour de justice, relèvent de la compétence de donner des instructions au sens de l'art. 321d CO, en ce qu'elles portent sur l'objet concret du travail et la façon d'accomplir celui-ci, notamment son rythme et son étendue spatiale, et dénotent un pouvoir de contrôle sur l'activité des livreurs.
D'une part, force est de constater que la recourante et ses livreurs n'ont aucun pouvoir de contrôle sur l'attribution des demandes de livraisons, qui est exclusivement décidée par l'application, respectivement par son algorithme. C'est en outre l'application qui communique aux livreurs les indications indispensables à chaque livraison (noms et adresses des restaurateurs et des clients). Le fait que ces indications portent sur des éléments caractéristiques du service de livraison ne signifie pas qu'elles ne constituent pas des instructions au sens de l'art. 321d CO, dans la mesure où il ne s'agit pas de simples directives d'ordre général ou d'un rappel des obligations légales liées à la nature des affaires (cf. supra consid. 6.3.1). Quant aux instructions additionnelles que le client peut donner aux livreurs par le biais de l'application, il s'agit là d'un moyen indirect pour C.________ d'instruire les livreurs sur la manière concrète d'exécuter la livraison. Sans cette possibilité de contact, le client devrait en effet donner ces instructions de livraison directement à C.________, auprès de qui il a passé sa commande, incluant la livraison de celle-ci.
D'autre part, il faut admettre que l'application exerce une influence sur l'organisation temporelle du travail des livreurs, que ce soit lors de la prise en charge de la commande auprès des restaurateurs ou lors de la livraison au consommateur final (cf. supra consid. 4.4). Leur liberté d'action peut également être confinée dans une zone géographique imposée, en temps réel, par l'application (cf. supra consid. 4.5).
Enfin, il est vrai que l'art. 1.6 du contrat de licence prévoit que la recourante décide seule des instructions à donner à ses livreurs s'agissant des livraisons que ceux-ci peuvent accepter, refuser ou ignorer. Il s'agit là indéniablement d'un pouvoir d'instruction important sur l'organisation du travail des livreurs. En pratique toutefois, il ressort du document "Formation initiale", auquel se réfère la recourante dans son recours, que ses livreurs ont pour instruction expresse de "ne pas rejeter ou laisser passer une commande" (art. 105 al. 2 LTF). En d'autres termes, ils doivent systématiquement accepter les demandes. On ne peut, dans ces conditions, reprocher à la Cour de justice d'avoir fortement relativisé la portée de l'art. 1.6 du contrat de licence, de même que la prétendue liberté des livreurs de refuser les commandes qui leur sont attribuées par B.________. En revanche, il ressort de l'arrêt attaqué que les livreurs peuvent annuler une commande en cas de problèmes rencontrés lors de la livraison, à savoir si le client ne répond pas ou si la commande est endommagée, pour autant qu'ils en avisent au préalable un Team Leader de la recourante. Il s'agit toutefois là de situations où la livraison du repas commandé est en pratique impossible, de sorte que l'on ne voit pas non plus que cette situation démontrerait un pouvoir de direction essentiel de la recourante sur la manière d'exécuter les livraisons.
7.1.4. La recourante soutient néanmoins qu'elle conserve un pouvoir de direction sur les livreurs, notamment parce qu'elle établit elle-même leurs plannings, que C.________ ne connaîtrait pas et auxquels il n'aurait pas accès. Cet élément ne suffit toutefois pas à conclure au maintien d'une part essentielle du pouvoir de direction à l'égard des intéressés, élément déterminant posé à l'art. 26 al. 1 OSE.
Il convient de rappeler que, selon les faits constatés, la recourante demande à ses livreurs de respecter l'horaire de travail qui leur est attribué. On peut ajouter qu'elle précise à cet égard qu'il est "inutile de se connecter avant l'heure" (art. 105 al. 2 LTF), ce qui indique bien que les horaires de travail sont liés à ceux de connexion à la plateforme. C.________ a donc de facto parfaitement connaissance du nombre de livreurs occupés dès la mise en fonction de l'application et est donc concrètement en mesure de contrôler leur travail dès qu'ils sont actifs, ce qu'elle fait du reste (cf., sur ce point, infra consid. 7.1.5). Quant à la procédure que la recourante impose à ses livreurs en cas de renversement de la commande, soit la possibilité d'aller nettoyer leurs sacs sales dans ses locaux, il s'agit davantage d'une information générale de simple bon sens que d'un réel moyen de contrôle. Enfin, si la recourante souligne avoir développé sa propre application, il a été constaté, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que celle-ci ne fournit pas d'informations concernant les livraisons à effectuer ni la manière de le faire. Pour le reste, le fait que l'art. 1.8 du contrat de licence prévoit que C.________ fait remonter à l'intéressée les plaintes reçues contre ses livreurs, pour lui permettre de prendre les mesures adéquates, est compréhensible, puisque le bailleur de services est tenu de choisir soigneusement les travailleurs dont il loue les services et peut engager sa responsabilité à ce titre (cf. Directives LSE SECO, p. 69).
7.1.5. Pour le surplus, on observera qu'il ressort de la Déclaration de confidentialité de C.________ (xxx, consulté le 5 novembre 2024; art. 105 al. 2 LTF), à laquelle renvoie l'art. 5.3 du contrat de licence, que C.________ peut exiger des coursiers qu'ils effectuent un selfie pour vérifier en temps réel qu'ils portent un casque ou d'autres équipements de sécurité, ainsi que le type de véhicule qu'ils utilisent pour effectuer leurs livraisons. C.________ peut aussi utiliser les données de localisation des coursiers pour les encourager à une conduite plus prudente et/ou désactiver leur compte. C.________ peut enfin utiliser les incidents signalés et d'autres commentaires pour encourager une "utilisation sûre" de la plateforme, ainsi que le respect des conditions de C.________. Ces éléments démontrent un pouvoir d'instruction, y compris en temps réel, par C.________ sur les livreurs de la recourante, pouvant influencer tant leur mode de travail que leur comportement et instaurer, in fine, un contrôle sur eux.
7.1.6. Sur le vu de ce qui précède, même si la recourante conserve certaines prérogatives de direction, force est d'admettre que la part essentielle du pouvoir de direction est cédée à C.________. C'est partant à juste titre que la Cour de justice a retenu que le critère de la cession de l'essentiel du pouvoir de direction au sens de l'art. 26 al. 1 OSE était en l'espèce réalisé.
7.2. Dans la suite de son raisonnement, la Cour de justice a encore recherché l'existence d'indices supplémentaires en faveur d'un rapport de location de services. A ce titre, elle a examiné si les critères auxiliaires prévus aux let. a à c de l'art. 26 al. 2 OSE étaient réalisés.
7.2.1. Les juges précédents ont tout d'abord retenu que tel était le cas s'agissant du critère de l'intégration des livreurs de la recourante dans l'organisation de travail de C.________ au sens de l'art. 26 al. 2 let. a OSE. A cet égard, lesdits juges ont constaté, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que pour accéder à la plateforme B.________ et exercer leur travail, les livreurs doivent fournir leurs données personnelles à C.________. Leur activité s'effectue de plus sur la base des instructions données par la plateforme, qui choisit elle seule à quels livreurs attribuer les commandes passées, tout en pouvant ensuite délimiter les zones de distribution et le nombre de livreurs en fonction de ses besoins. A cela s'ajoute enfin, comme on l'a vu (cf. supra consid. 7.1.4), que les livreurs dédient tout leur temps de travail au service de C.________.
Ces éléments, quoi qu'en dise la recourante, impliquent une intégration dans l'organisation de C.________ (dans le même sens, cf. RÉMY WYLER ET AL., op. cit., p. 30), dont on rappellera que l'activité est de proposer un service de livraison de plats à domicile, ce qui nécessite inéluctablement du personnel affecté à cette tâche. On ne saurait dès lors reprocher à la Cour de justice d'avoir retenu que le critère auxiliaire de l'art. 26 al. 2 let. a OSE était en l'espèce réalisé.
7.2.2. Les juges précédents ont ensuite considéré que le critère de la réalisation du travail avec les outils de l'entreprise locataire au sens de l'art. 26 al. 2 let. b OSE était également réalisé. Sous cet angle, ceux-ci ont relevé qu'il n'était pas contesté que, pour la mission proprement dite de livraison, l'application B.________ constituait un outil de travail absolument indispensable pour les livreurs. La recourante admettait par ailleurs elle-même être totalement dépendante de cet outil.
Ces constatations suffisent à confirmer la réalisation du critère de l'art. 26 al. 2 let. b OSE. La recourante se prévaut certes de ce qu'elle-même, et non pas C.________, fournit aux livreurs un sac portant son logo. On relèvera toutefois qu'il ressort de l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF) que les restaurateurs ne prêtent en pratique que rarement attention aux sacs et partent de l'idée que le livreur travaille pour la plateforme qui a été utilisée pour la commande. Autrement dit, dans l'exécution concrète de leur travail, les livreurs de la recourante ne se distinguent généralement pas de B.________, pour le compte duquel ils effectuent les livraisons, sous réserve de leur sac. Quant aux téléphones et aux vélos servant aux livraisons, ils doivent être fournis par les livreurs, étant précisé que la possibilité offerte par la recourante de mettre à disposition des vélos de remplacement ne constitue par définition qu'une solution de substitution temporaire. Le matériel d'entretien de vélos fourni par la recourante n'est quant à lui qu'un accessoire ne pouvant pas être qualifié d'outil essentiel de travail.
7.2.3. La cour cantonale a enfin retenu que le critère du risque de la mauvaise exécution du travail à la charge de l'entreprise locataire au sens de l'art. 26 al. 2 let. c OSE était également réalisé, du moins partiellement, dès lors qu'en cas de mauvaise exécution de la livraison par un livreur de la recourante, C.________ s'exposait à ce que le client ou le restaurateur n'utilise plus la plateforme B.________, de sorte que tant la recourante que C.________ supportaient un risque commercial.
Dans la mesure où il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué que le montant de la commission qui rétribue C.________ dépend de chaque livraison effectuée (sur ce point, cf. infra consid. 7.3), la cour cantonale peut être suivie lorsqu'elle conclut que C.________ supporte aussi un risque commercial, qu'elle qualifie de partagé, en cas de mauvaise exécution des prestations de livraison. La critique de la recourante, qui soutient que le risque commercial ne constitue pas un critère de distinction d'une location de services, ne convainc pas. Un tel risque est en effet expressément consacré par les Directives LSE SECO, ainsi que par la jurisprudence (cf. supra consid. 6.3.2, voir aussi arrêt du Tribunal administratif fédéral C-3606/2014 du 7 mars 2018 consid. 6.4.4). On ne peut partant pas reprocher à la Cour de justice d'avoir retenu que ce critère de distinction était partiellement réalisé.
Quant à la question de la responsabilité pour les dommages causés par les livreurs dans le cadre de leur activité, tant la recourante que la cour cantonale s'accordent pour admettre que, selon l'art. 9 du contrat de licence, ceux-ci sont à la charge de la recourante.
7.3. Pour le reste, la recourante fait grief aux juges cantonaux d'avoir considéré à tort que, si elle ne facturait certes pas à C.________ les heures de travail effectuées par ses livreurs, il n'en demeurait pas moins que ladite facturation ne s'effectuait pas sur la base d'un prix fixe convenu d'avance, selon le critère prévu par les Directives LSE SECO (cf. supra consid. 6.3.2). Elle soutient à cet égard qu'il y aurait bien un prix fixe puisque chaque livraison constituerait une prestation indépendante.
7.3.1. En l'espèce, il ressort des constatations cantonales (art. 105 al. 1 LTF) que la facturation de la recourante ne repose pas seulement sur le nombre de livraisons effectuées, qui par nature est variable et qui ne peut pas être convenu en avance, mais aussi sur un tarif de livraison évoluant selon le type de livraison et, de mois en mois, les conditions du marché. La rémunération de la recourante repose ainsi sur une tarification dont l'adaptation mensuelle se fait selon des critères non pas fixes, mais fluctuants. Il n'y a ainsi, comme l'ont retenu à juste titre les juges précédents, pas de facturation fondée sur un prix fixe.
7.3.2. Au surplus, en tant que la recourante affirme qu'il ne serait pas pertinent que le prix de livraison puisse changer de mois en mois car ce prix serait payé par les restaurateurs à la recourante et non pas par C.________ à la recourante, on relèvera que les frais de livraison sont compris dans le prix que le client paye directement à C.________ lors de sa commande. C.________ peut donc, à ce stade déjà, après avoir déduit sa commission prévue à l'art. 4.3 du contrat de licence, verser à la recourante les frais ainsi perçus. Ce n'est qu'en raison de clauses du contrat de licence, dont l'utilité pratique est discutable, que C.________ verse d'abord ces frais au restaurateur, pour ensuite les lui réclamer "au nom et pour le compte de A.________" et enfin les reverser à cette dernière (cf. art. 3.1 à 3.3 du contrat de licence). La recourante ne peut ainsi se retrancher derrière ces clauses pour affirmer ne recevoir aucun paiement de C.________.
7.4. En définitive, sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, force est de constater que le critère déterminant et caractéristique de la location de services, à savoir la cession de l'essentiel des pouvoirs de direction à l'entreprise locataire selon l'art. 26 al. 1 OSE, est en l'espèce réalisé. Quant aux autres critères auxiliaires, définis à l'art. 26 al. 2 OSE et aux Directives LSE SECO, pouvant constituer des indices supplémentaires d'un rapport de location de services, ils plaident, pour l'un deux partiellement (cf. supra consid. 7.2.3), en faveur d'un tel rapport.
7.5. A cela s'ajoute qu'il faut prendre en compte les circonstances dans lesquelles les rapports contractuels entre la recourante et C.________ ont été noués. Il ressort en effet des constatations cantonales que c'est moins d'une semaine après avoir été fondée que la recourante a conclu un contrat de services technologiques avec C.________, avant de recruter du personnel pour répondre spécifiquement aux demandes de la plateforme B.________ (cf. supra consid. B.a). La recourante a par ailleurs été créée moins de trois mois après que la Cour de justice avait, par arrêt ATA/535/2020 du 29 mai 2020, jugé que les coursiers jusqu'alors actifs pour la plateforme B.________ étaient des salariés de C.________, point qui a ensuite été confirmé par le Tribunal fédéral dans son ATF 148 II 426. De telles circonstances ont amené une partie de la doctrine à considérer que la recourante aurait été créée dans le seul but d'engager les coursiers de C.________ après l'arrêt de la Cour de justice précité (cf. KURT PÄRLI, Klärende Bundesgerichtsurteile zur Causa C.________: weiterhin (viele) offene Fragen, in SZS 2022, p. 216; KURT PÄRLI, Anwendung der Regelungen zum Personalverleih bei "B.________", in Ein Kunstflug durch das Recht und die Governance, 2021, p. 32; dans le même sens et qualifiant la recourante de "société de location de services", SABRINE MAGOGA-SABATIER, Portée et enjeux de la requalification en travail salarié des relations avec les plateformes C.________ et B.________; commentaire des arrêts du Tribunal fédéral 2C_575/2020 et 2C_34/2021, in Newsletter DroitDuTravail.ch, octobre 2022). Au demeurant, avant d'avoir recours à des prestataires externes, C.________ se chargeait elle-même des services de livraisons de repas à domicile. Or, la LSE vise en particulier les entreprises dont les travailleurs exécutent des travaux pour des tiers qui s'en chargent habituellement eux-mêmes (cf. Message du 27 novembre 1985 concernant la révision de la LSE, FF 1985 III 524, pp. 582 s.), ce qui, comme on vient de le voir, était le cas de C.________. Enfin, quoi qu'en dise la recourante, il ne peut être fait abstraction que, lors de sa création, celle-ci avait fait inscrire au registre du commerce la location de services comme l'un de ses buts sociaux, et que ce but y figure encore à ce jour.
7.6. En conclusion, c'est sans violer le droit fédéral que la Cour de justice a confirmé que la recourante était assujettie à la LSE et que ses activités de mise à disposition de livreurs à la plateforme B.________ étaient par conséquent soumises à autorisation en vertu de cette loi.
8.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et de l'autorité intimée, au Secrétariat d'État à l'économie (SECO) et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative.
Lausanne, le 5 février 2025
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : H. Rastorfer