7B_139/2024 17.02.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_139/2024
Arrêt du 17 février 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Kölz et Hofmann.
Greffier : M. Fragnière.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Gaspard Genton, avocat,
recourant,
contre
Office régional du Ministère public du Valais central, rue des Vergers 9, 1950 Sion.
Objet
Levée de scellés,
recours contre l'ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte du canton du Valais du 29 décembre 2023 (Dossier P2 23 785).
Faits :
A.
A.a. Une instruction pénale a été ouverte contre A.________ du chef de tentative de contrainte (art. 181 cum 22 CP). Il lui est reproché d'avoir pris part à une action menée le 3 septembre 2023 à Crans-Montana, durant l'Open de Golf, par des activistes du climat de groupe B.________ ayant fait irruption sur le green de golf dans le but de coller leurs mains dans un trou durant une compétition internationale afin d'empêcher la manifestation de se poursuivre.
Sur mandat de l'Office régional du Valais central du Ministère public (ci-après: le Ministère public), la police a séquestré, le 3 septembre 2023, le téléphone mobile gris et son câble de recharge ainsi que la carte SIM découverts lors de la fouille menée le même jour sur A.________.
A.b. Le 26 septembre 2023, le Ministère public a demandé au Tribunal des mesures de contrainte du canton du Valais (ci-après: le TMC) la levée des scellés qui avaient été apposés sur requête de A.________ sur le téléphone mobile, le câble de recharge et la carte SIM séquestrés.
Lors d'une audience s'étant tenue le 10 octobre 2023 devant le TMC, A.________, qui comparaissait en qualité de prévenu sans l'assistance d'un avocat, a notamment précisé les motifs pour lesquels il avait demandé la mise sous scellés des objets séquestrés et a demandé qu'à l'aune de ces motifs, la proportionnalité du séquestre soit préalablement examinée. Il a en outre accepté le principe de la désignation d'un expert, en cas de maintien de sa demande de mise sous scellés, pour effectuer une copie forensique des données du matériel séquestré.
A.c. Dans ses observations du 17 novembre 2023 sur la demande de levée de scellés, A.________ a notamment conclu, par le truchement de son conseil, au rejet de cette demande et à la constatation du caractère illicite de la perquisition et du séquestre subis, ainsi que de la violation de certains droits fondamentaux. Il a par ailleurs conclu à ce que les enregistrements tirés de son téléphone mobile soient retranchés du dossier.
B.
Par courrier du 29 décembre 2023, la Juge du TMC, qui est revenue sur les observations de A.________ du 17 novembre 2023, a dit que les griefs de ce dernier au sujet du procès-verbal de l'audience du 10 octobre 2023 étaient infondés, que les conditions formelles de la mise sous scellés étaient réalisées et que la perquisition ainsi que le séquestre étaient licites. Cela étant, elle a informé les parties qu'un expert serait mandaté afin de procéder à une copie du matériel saisi sur un ou plusieurs supports de données et de numéroter les fichiers, avant qu'il soit procédé à l'extraction et au tri de ces données en conformité avec le droit d'être entendu du prévenu et eu égard à son devoir de collaboration.
C.
C.a. A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre la "décision de levée de scellés" du 29 décembre 2023, en concluant principalement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. À titre subsidiaire, il conclut à sa réforme en ce sens que la requête de levée de scellés formée par le Ministère public soit rejetée, que l'ordonnance de perquisition, de fouille et de séquestre rendue le 8 septembre 2023 par le Ministère public soit annulée, que le séquestre en question soit levé, que les enregistrements ainsi que les données provenant de son téléphone mobile soient retranchés du dossier, voire effacées, et que toutes les pièces relatives à ces données soient retirées du dossier, respectivement qu'elles soient conservées à part jusqu'à la clôture définitive de la procédure avant d'être détruites; il conclut en outre à ce que l'illicéité de la perquisition du 3 septembre 2023 soit constatée. A.________ sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire, l'octroi de l'effet suspensif et le prononcé de mesures provisionnelles tendant à ce que les scellés soient maintenus jusqu'à droit connu sur son recours.
C.b. Par ordonnance séparée du Tribunal fédéral du 7 mars 2024, la requête d'assistance judiciaire formée par A.________ dans le cadre de son recours en matière pénale a été rejetée.
C.c. Invités à se déterminer, le TMC y a renoncé, tandis que le Ministère public a conclu au rejet du recours.
Dans le délai imparti, les parties n'ont pas formulé d'observations complémentaires.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2; 146 IV 185 consid. 2).
1.2. Le recourant estime que le courrier de l'autorité précédente du 29 décembre 2023 doit être qualifié de décision de levée de scellés. Or, par ce courrier, l'autorité précédente a uniquement dit qu'un expert serait mandaté par le TMC afin de procéder à une copie du matériel saisi sur un ou plusieurs supports de données et de numéroter les fichiers, avant qu'il soit procédé à l'extraction et au tri de ces données. Contrairement à ce que soutient le recourant, ce courrier, qui revêt tout au plus la forme d'une ordonnance au sens de l'art. 80 al. 1 CPP, ne met pas un terme à la procédure de levée de scellés, mais ne représente qu'une étape vers la décision sur la demande de levée des scellés.
1.3. L'ordonnance attaquée est une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF (cf. ATF 144 IV 127 consid. 1.3). Le recours en matière pénale n'est dès lors recevable qu'en présence d'un risque de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'étant en général pas applicable en matière pénale (ATF 149 IV 205 consid. 1.2; 144 IV 127 consid. 1.3).
2.
2.1.
2.1.1. Si une décision de levée des scellés est en principe susceptible de causer un tel préjudice, notamment quand le secret professionnel de l'avocat est invoqué (ATF 140 IV 28 consid. 4.3.6), tel n'est en revanche généralement pas le cas des décisions qui - comme en l'espèce - déterminent la procédure de tri car la question de la levée des scellés et de son ampleur n'est pas encore tranchée et ne le sera qu'ultérieurement. Il en va ainsi en particulier de la décision du TMC de mandater un expert pour effectuer le tri ou de celle déterminant les modalités de ce mandat. De tels prononcés ( verfahrensleitende Verfügungen) doivent ainsi être contestés avec la décision de levée des scellés (cf. art. 93 al. 3 LTF; arrêts 1B_299/2022 du 20 janvier 2023 consid. 1.2; 1B_70/2021 du 9 novembre 2021 consid. 1.1; 1B_102/2020 du 8 mars 2021 consid. 1.3-1.4; 1B_498/2019 du 28 septembre 2020 consid. 1; 1B_90/2016 du 8 septembre 2016 consid. 1.4 et les réf. citées, non publié in ATF 142 IV 372).
2.1.2. Le seul fait qu'un moyen de preuve dont la validité est contestée demeure au dossier ne constitue en principe pas un préjudice irréparable, dès lors qu'il est possible de renouveler ce grief jusqu'à la clôture définitive de la procédure. En particulier, la question de la validité des moyens de preuve peut être soumise au juge du fond (art. 339 al. 2 let. d CPP), autorité dont il peut être attendu qu'elle soit en mesure de faire la distinction entre les moyens de preuve exploitables et ceux qui ne le seraient pas, puis de fonder son appréciation en conséquence (cf. arrêts 7B_178/2023 du 31 août 2023 consid. 1.3.1; 1B_336/2023 du 27 juin 2023 consid. 2.1; 1B_452/2022 du 7 mars 2023 consid. 1.4). Les motifs retenus par le juge de première instance peuvent ensuite être contestés dans le cadre d'un appel (cf. art. 398 ss CPP) et, en dernier ressort, le prévenu peut remettre en cause ce jugement devant le Tribunal fédéral (art. 78 ss LTF; ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1; 143 IV 387 consid. 4.4).
Cette règle comporte toutefois des exceptions. Tel est le cas lorsque la loi prévoit expressément la restitution immédiate, respectivement la destruction immédiate, des preuves illicites (cf. par exemple les art. 248, 271 al. 3, 277 et 289 al. 6 CPP). Il en va de même quand, en vertu de la loi ou de circonstances spécifiques liées au cas d'espèce, le caractère illicite des moyens de preuve s'impose d'emblée. De telles circonstances ne peuvent être admises que dans la situation où l'intéressé fait valoir un intérêt juridiquement protégé particulièrement important à un constat immédiat du caractère inexploitable de la preuve (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1; 143 IV 387 consid. 4.4).
2.2. En l'espèce, le recourant, qui considère à tort que l'on serait en présence d'une décision de levée de scellés, se prévaut d'un risque de préjudice irréparable se rapportant à des secrets protégés par son droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance, voire à une atteinte à sa personnalité. Il estime que ce risque de préjudice perdurerait aussi longtemps que les autorités de poursuite pénale auront illicitement accès et pourront prendre connaissance des documents, des données et des enregistrements personnels figurant sur son téléphone mobile. Seuls le maintien des scellés et le retranchement des moyens de preuve concernés pourraient, selon lui, prévenir un risque de préjudice irréparable. Le recourant dit avoir intérêt à ce que "l'État n'ait pas accès, ni ne conserve, les nombreux documents et documentation relatifs à l'organisation politique d'opposition, B.________, et en particulier à son fonctionnement". Il soutient en outre que déclarer son recours irrecevable aurait pour effet de rendre impossible un contrôle judiciaire en temps opportun des mesures de contrainte qui seraient en l'occurrence manifestement illicites et, partant, violerait son droit à un recours effectif au sens de l'art. 13 CEDH.
2.3.
2.3.1. Quoi qu'en dise le recourant, le fait que les données litigieuses puissent contenir des informations soumises à un secret protégé, voire des éléments à charge, est à ce stade impropre à démontrer l'existence d'un risque de préjudice irréparable, étant observé que la procédure de levée des scellés se poursuit et que les données concernées ne sont en l'état pas versées au dossier pénal, ni ne sont rendues accessibles aux autorités de poursuite pénale de quelque autre manière en raison de l'ordonnance attaquée.
2.3.2. Pour le surplus, le recourant se prévaut de son droit à un recours effectif quant à l'illicéité "manifeste" des mesures de contrainte dont il a fait l'objet. Il soutient à ce propos que les mesures de contrainte exécutées le 3 septembre 2023 auraient été ordonnés en violation des art. 197 et 246 CPP ainsi que des art. 8, 11 et 10 CEDH. Il relève en outre que ces mesures de contrainte ont porté illicitement atteinte à ses droits fondamentaux tels que ses libertés d'association, de réunion et d'expression (art. 10 s. CEDH), ainsi que son droit au respect de sa sphère privée et de sa correspondance (art. 8 CEDH).
Cela étant, par ses développements, le recourant cherche à établir le bien-fondé - qu'il estime manifeste - de griefs dits accessoires (cf. arrêt 7B_950/2024 du 15 novembre 2024 consid. 3.3.2, destiné à la publication) en lien avec les mesures de contraintes exécutées le 3 septembre 2023. On ne distingue ainsi pas quel préjudice irréparable découlerait de l'ordonnance attaquée, dans la mesure où le recourant pourra toujours faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure de levée de scellés qui est en cours et, le cas échéant, contester le rejet de ces griefs avec la décision de levée des scellés (cf. consid. 2.1.1 supra).
2.3.3. Au reste, en tant que le recourant fonde la recevabilité de son recours sur son intérêt juridiquement protégé à obtenir le constat immédiat du caractère inexploitable des enregistrements et des données provenant du téléphone mobile et de la carte SIM séquestrés, son argumentation ne saurait être suivie.
L'exploitabilité des moyens de preuve en question dépend en effet de l'issue de la procédure de levée des scellés encore pendante, au terme de laquelle le TMC statuera sur leur sort, conformément à l'art. 248 CPP notamment. On ne se trouve dès lors pas dans la configuration, décrite dans la jurisprudence, dans laquelle un justiciable serait renvoyé à invoquer devant le juge du fond des griefs susceptibles de démontrer l'inexploitabilité manifeste de moyens de preuve (cf. consid. 2.1.2 supra). Aussi, le recourant doit attendre toute éventuelle décision de levée de scellés pour déférer la cause au Tribunal fédéral qui, en tant que cour suprême, ne connaît en principe qu'une seule fois de la même affaire (cf. art. 93 al. 3 LTF; ATF 133 III 629 consid. 2.1).
2.4. En définitive, l'existence d'un risque de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, qui justifierait d'entrer en matière sur le recours, n'est ni démontrée ni évidente.
3.
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La cause étant jugée, les requêtes d'effet suspensif et de mesures provisionnelles deviennent sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les requêtes d'effet suspensif et de mesures provisionnelles sont sans objet.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Office régional du Ministère public du Valais central et au Tribunal des mesures de contrainte du canton du Valais.
Lausanne, le 17 février 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Fragnière