7B_149/2024 17.02.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_149/2024
Arrêt du 17 février 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
van de Graaf et Hofmann.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Julien Billarant, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de l'État de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg,
intimé,
B.________,
représenté par Me Serge Demierre, avocat,
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg du 28 décembre 2023 (502 2023 251).
Faits :
A.
A.a. Le 29 mars 2023, A.________ a déposé plainte pénale contre B.________ pour contrainte ou tentative de contrainte au motif que ce dernier avait engagé, en février 2023, une poursuite contre lui en lui faisant notifier un commandement de payer de 45'526 fr. 10; ce montant comprenait 32'024 fr. 80 de "loyers licites encaissés en trop perçu [...] selon décision de justice du 20 décembre 2022", 3'700 fr. 25 de frais d'expertise judiciaire, 260 fr. 60 de frais de justice et 9'540 fr. 45 de frais d'avocat.
Selon les pièces produites à l'appui de cette plainte, les deux précités étaient en litige au sujet du fermage lié à un rural, sis à V.________, dont le montant convenu dépassait le fermage licite tel qu'estimé par décision de la Commission d'affermage du 20 décembre 2022. Vu le recours déposé contre cette décision, A.________ soutenait que la poursuite litigieuse était prématurée et purement chicanière.
A.b. Par courrier du 6 octobre 2023, A.________ s'est à nouveau adressé au Ministère public de l'État de Fribourg (ci-après : le Ministère public) et lui a notamment indiqué que le Tribunal cantonal vaudois avait statué sur son recours et lui avait donné gain de cause. Il a également affirmé que le commandement de payer qui lui avait été adressé lui était extrêmement préjudiciable, le privant tant personnellement que professionnellement de toute opportunité; il avait ainsi non seulement dû former opposition, mais également insister à de multiples reprises auprès du mandataire de B.________ afin que la poursuite soit radiée.
A.c. Par ordonnance du 11 octobre 2023, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte pénale du 29 mars 2023. Il a considéré que les éléments constitutifs d'une infraction n'étaient manifestement pas remplis.
B.
Par arrêt du 28 décembre 2023, la Chambre pénale du Tribunal cantonal de Fribourg a rejeté le recours formé par A.________ contre cette ordonnance (ch. I du dispositif). Elle a mis les frais de la procédure de recours, arrêtés à 1'000 fr., à la charge du précité (ch. II du dispositif) et a accordé à B.________ une indemnité de 915 fr. 45 (TVA comprise) pour la procédure de recours à la charge de l'État (ch. III du dispositif).
Cet arrêt se fonde notamment sur les faits suivants :
B.a. Le 18 novembre 2020, A.________ et B.________ ont conclu un contrat pour la constitution d'une communauté d'exploitation - dont tous deux étaient les associés - ayant comme but l'exploitation d'un bâtiment agricole; celui-ci était en substance mis à disposition par A.________ moyennant le paiement mensuel de 4'000 fr. par B.________.
Par courrier du 25 juin 2021, B.________ a résilié cette convention avec effet au 16 novembre 2021.
B.b. Le 26 novembre 2021, B.________ a saisi la Commission d'affermage d'une demande de fixation du fermage licite du rural objet de la convention. Après avoir mis en oeuvre une expertise retenant un fermage licite de 13'975 fr. par an, la Commission d'affermage a considéré, par décision du 20 décembre 2022, que le fermage convenu (4'000 fr. par mois) dépassait le fermage licite. Elle a arrêté le montant des frais d'expertise à 3'700 fr. 25 et les a mis à la charge de A.________, émoluments et débours en sus.
Si le Département des finances et de l'agriculture du canton de Vaud a indiqué ne pas faire usage de son droit de recours, A.________ a en revanche déposé le 19 janvier 2023 un tel acte auprès du Tribunal cantonal vaudois, en concluant à l'annulation de la décision de la Commission d'affermage.
B.c. Le 14 février 2023, A.________ s'est vu notifier le commandement de payer litigieux. Il y a immédiatement fait opposition totale. Dès le 15 février 2023, les mandataires des deux concernés ont échangé différentes correspondances à ce sujet.
B.d. Par arrêt du 29 septembre 2023, le Tribunal cantonal vaudois a admis le recours déposé par A.________. Il a en substance considéré que la Commission d'affermage aurait dû déclarer irrecevable la demande en constatation de l'illicéité du fermage convenu; après la dénonciation du contrat, il aurait appartenu au Département concerné de former opposition, ce qu'il n'avait pas fait; dès lors qu'une procédure d'opposition n'était plus possible, B.________ devait se voir dénier tout intérêt digne de protection à la constatation du caractère illicite du fermage en cause.
B.e. Le 19 octobre 2023, l'Office des poursuites du district de Morges a pris note du retrait de la réquisition de poursuite formulée par B.________, de sorte que la poursuite a été annulée.
C.
Par acte du 1er février 2024, A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 28 décembre 2023, en concluant à sa réforme en ce sens que son recours cantonal soit admis, que l'ordonnance de non-entrée en matière du 11 octobre 2023 soit annulée, que les frais de la procédure cantonale de recours soient mis à la charge de B.________ (ci-après : l'intimé) et qu'une indemnité de 3'500 fr. lui soit allouée. À titre subsidiaire, il demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
Si l'autorité précédente a produit son dossier, il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
1.2. L'arrêt querellé est une décision finale (cf. art. 90 LTF), qui a été rendue, dans une cause pénale, par une autorité cantonale de dernière instance (cf. art. 80 al. 1 LTF). Il est donc susceptible de faire l'objet d'un recours en matière pénale (cf. art. 78 ss LTF; arrêt 7B_373/2024 du 8 janvier 2025 consid. 1.2), lequel a été déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF).
2.
2.1. L'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF subordonne la qualité pour recourir de la partie plaignante notamment à la condition que la décision attaquée puisse avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles.
Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 148 IV 432 consid. 3.1.2; 146 IV 76 consid. 3.1 et l'arrêt cité), à l'exclusion de toute prétention de nature purement contractuelle (ATF 148 IV 432 consid. 3.3).
Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement d'une procédure pénale, la partie plaignante doit expliquer, dans son recours au Tribunal fédéral, pour quelles raisons et dans quelle mesure la décision attaquée peut avoir des conséquences sur le jugement de ses prétentions civiles concrètes (arrêt 7B_75/2023 du 10 décembre 2024 consid. 1.3.3 et l'arrêt cité). Le Tribunal fédéral pose des exigences strictes de motivation de la qualité pour recourir (cf. art. 42 al. 1 LTF; ATF 141 IV 1 consid. 1.1).
Dans l'acte de recours, il convient ainsi de démontrer, en introduction et de manière concise, que les conditions de recevabilité sont remplies. Il ne suffit à cet égard pas à la partie plaignante d'affirmer avoir été touchée par l'infraction alléguée; elle doit exposer de manière précise les éléments fondant ses prétentions civiles, notamment en alléguant et en chiffrant, dans la mesure du possible, le dommage subi (arrêt 7B_75/2023 du 10 décembre 2024 consid. 1.3.3). Si le recours ne satisfait pas à ces exigences accrues de motivation, le Tribunal fédéral n'entre en matière que si l'on peut déduire, directement et sans ambiguïté, de la nature de l'infraction alléguée quelles sont concrètement les prétentions civiles concernées (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 et les arrêts cités). Il peut en aller ainsi en cas d'infraction portant directement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle, dont la gravité apparaît telle qu'elle ouvrirait incontestablement le droit à des dommages-intérêts ou à une indemnité pour tort moral (arrêts 7B_75/2023 du 10 décembre 2024 consid. 1.3.3; 7B_901/2023 du 11 novembre 2024 consid. 1.3.1 et l'arrêt cité).
2.2.
2.2.1. Vu les circonstances de l'espèce (contrainte, subsidiairement tentative de contrainte, en raison de la notification d'un commandement de payer à la suite d'un litige, relatif au montant du fermage d'un rural, qui oppose deux associés), on ne se trouve manifestement pas dans un cas où la nature de l'infraction en cause, respectivement la gravité de l'atteinte dénoncée, permettrait d'emblée d'envisager un droit à des dommages-intérêts ou à l'allocation d'une indemnité pour tort moral. Il appartenait en conséquence au recourant d'étayer, de manière suffisante, sa qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, ce qu'il ne fait pas.
2.2.2. En effet, pour ce faire, le recourant se limite à indiquer les éventuelles conséquences, notamment financières, pouvant découler d'une poursuite, sans apporter le moindre élément qui permettrait de considérer que tel pourrait avoir été le cas en ce qui le concerne personnellement. Il n'expose en particulier pas quels auraient été les frais subis en lien avec le refus d'un prêt, avec un gel de ses lignes de crédit ou à la suite d'un défaut de paiement d'une facture en temps utile (cf. ch. 11 p. 3 du recours). Le recourant n'invoque en tout état de cause aucun montant chiffré eu égard à des tels postes, ce qui ne permet pas de comprendre quelle pourrait être la prétention en dommages-intérêts à faire valoir par adhésion à la procédure pénale.
2.2.3. Quant à l'indemnité pour tort moral évoquée, estimée par le recourant à 10'000 fr., on rappellera que, selon la jurisprudence, l'allocation d'une telle indemnité fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne, dans ces circonstances, s'adresse au juge pour obtenir réparation (cf. arrêts 6B_903/2023 du 2 avril 2024 consid. 3.1; 6B_1277/2021 du 9 mars 2023 consid. 1.4; 6B_1023/2021 du 30 janvier 2023 consid. 2.2). Le seul fait d'invoquer, sans l'étayer notamment par pièces, du "stress", de "l'angoisse" et une "pression" (cf. ch. 10 et 11 in fine p. 3 du recours) ne saurait suffire à démontrer dans les circonstances de l'espèce - liées à un litige avant tout financier - la gravité, sur un plan objectif, de l'atteinte psychique prétendument ressentie par le recourant. Ce dernier, qui utilise d'ailleurs également les termes "chicanier" et "inconfort", ne soutient en particulier pas que la "pression" particulière subie découlerait du montant figurant sur le commandement de payer ou de la personnalité à qui il est opposé (pour un exemple a contrario arrêt 6B_1188/2017 du 5 juin 2018 consid. 1.3). L'hypothèse d'une importante atteinte paraît d'autant moins avérée qu'on ne saurait ignorer l'enchaînement, pour le moins rapide, des événements, à savoir une opposition "de suite" au commandement de payer qui a été notifié au recourant (14 février 2023), des pourparlers immédiats à ce propos avec l'avocat de l'intimé dont il n'est pas établi qu'ils aient abouti (dès le 15 février 2023) et finalement le dépôt d'une plainte pénale en lien avec le commandement de payer (29 mars 2023).
3.
L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre pas en considération dans le présent cas, le recourant ne soulevant aucun grief quant à son droit de porter plainte.
Il ne se prévaut pas non plus d'une violation de ses droits de partie pour établir la recevabilité de son recours, étant rappelé que, par ce biais, il ne saurait en effet faire valoir, même indirectement, des moyens qui ne peuvent pas être séparés du fond (cf. l'absence illicite d'instruction invoquée [let. A p. 5 s. du recours]; ATF 146 IV 76 consid. 2; arrêt 7B_8/2024 du 14 janvier 2025 consid. 4.3.1).
4.
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). En l'absence d'échange d'écritures, il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (cf. art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au mandataire de B.________ et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.
Lausanne, le 17 février 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Kropf