1C_58/2024 05.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_58/2024
Arrêt du 5 mars 2025
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Haag, Président,
Chaix, Kneubühler, Müller et Merz.
Greffière : Mme Rouiller.
Participants à la procédure
Helvetia Nostra, représentée par Me Rudolf Schaller, avocat,
recourante,
contre
Conseil communal de Montreux, Grand-Rue 73, 1820 Montreux, représenté par Me Pascal Nicollier, avocat,
Département des institutions, du territoire et du sport du canton de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne, représenté par la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, Service juridique, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne.
Objet
Plan de zones réservées; qualité pour recourir,
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 décembre 2023 (AC.2022.0314).
Faits :
A.
Le territoire de la Commune de Montreux (ci-après: la commune) est régi par le plan d'affectation communal et le règlement sur le plan d'affectation et la police des constructions, qui ont été approuvés initialement par le Conseil d'État du canton de Vaud le 15 décembre 1972 et sont actuellement en vigueur (ci-après: PGA 1972 et RPGA 1972). Des plans d'affectation spéciaux (ou plans d'extension partiels) ont été adoptés ultérieurement pour certains secteurs.
En 2007, la commune a entamé une procédure de révision du PGA 1972 et du RPGA 1972. Ce projet de planification a abouti à un nouveau plan général d'affectation, approuvé préalablement par le département cantonal compétent en 2015 et 2017, puis pour l'essentiel confirmé par divers arrêts du Tribunal cantonal vaudois. Il a toutefois été annulé par le Tribunal fédéral par arrêts du 16 avril 2020 (cf. ATF 146 II 289 et arrêt 1C_449/2018).
Dans l'attente d'une nouvelle planification et afin d'éviter que le surdimensionnement des zones à bâtir de la Commune de Montreux ne s'aggrave, cette dernière a mis à l'enquête publique, du 24 avril au 25 mai 2021, un plan des zones réservées. Le but desdites zones était notamment d'empêcher toute construction nouvelle au sein de leur périmètre.
B.
Par décision du 2 mars 2022, le Conseil communal de Montreux a adopté le plan des zones réservées et levé notamment l'opposition formée par Helvetia Nostra. Par décision du 16 septembre 2022, le Département des institutions, du territoire et du sport du canton de Vaud (ci-après: DITS) a approuvé ledit plan.
Par arrêt du 21 décembre 2023, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: CDAP ou Tribunal cantonal) a déclaré irrecevable le recours d'Helvetia Nostra contre les décisions du 2 mars et du 16 septembre 2022, faute de qualité pour recourir. Elle a notamment considéré que la qualité pour recourir d'Helvetia Nostra ne pouvait lui être reconnue sur la base de l'art. 75 let. a de la loi cantonale du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; BLV 173.36). Helvetia Nostra ne pouvait pas non plus se prévaloir de l'art. 12 de la loi fédérale du 1 er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451) : dans la mesure où la création d'une zone réservée ne constituait pas un nouveau classement et ne contenait aucune mesure de protection de la nature, des biotopes, du paysage ou des sites construits, aucune tâche fédérale n'était en jeu.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Helvetia Nostra demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la CDAP du 21 décembre 2023 et de renvoyer la cause à l'instance précédente pour qu'elle rende un arrêt sur le fond. Subsidiairement, Helvetia Nostra conclut à ce que la décision du conseil communal du 2 mars 2022 et son approbation par le DITS du 16 septembre 2022 soient modifiées en ce sens que tout le territoire communal est compris dans le plan des zones réservées au sens de l'art. 27 de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700).
La CDAP renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. Le DITS conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, et à la confirmation de la décision attaquée. Le Conseil communal de Montreux conclut au rejet du recours, ainsi qu'à la confirmation de l'arrêt attaqué et des décisions du 2 mars et 16 septembre 2022. La recourante a répliqué, persistant implicitement dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision d'irrecevabilité rendue en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF. Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée.
La recourante dispose d'un intérêt digne de protection à contester l'arrêt d'irrecevabilité rendu à son encontre par le Tribunal cantonal. Partant, la qualité pour recourir contre cet arrêt devant le Tribunal fédéral doit lui être reconnue (art. 89 al. 1 LTF; ATF 129 II 297 consid. 2.3; 124 II 124 consid. 1b; arrêt 1C_96/2022 du 18 mars 2024 consid. 1). En outre, les autres conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
Dans le cadre d'une procédure de recours portant sur un prononcé d'irrecevabilité, la partie recourante ne peut en principe conclure qu'à l'annulation de la décision d'irrecevabilité et au renvoi de la cause à l'autorité pour qu'elle entre en matière sur le recours cantonal et statue sur le fond; les conclusions sur le fond ne sont pas recevables (ATF 143 I 344 consid. 4; 138 III 46 consid. 2; arrêt 1C_25/2024 du 26 avril 2024 consid. 1). Dès lors, les conclusions de la recourante portant sur le fond de la cause, à savoir sur la portée du plan des zones réservées, sont en principe irrecevables. Une exception est envisageable si la cour cantonale a tout de même traité subsidiairement la cause sur le fond (cf. ci-dessous consid. 3).
2.
La recourante considère que sa qualité pour recourir au sens de l'art. 75 LPA-VD aurait été indûment restreinte. Elle soutient que l'adoption du plan des zones réservées litigieux constitue une tâche fédérale dès lors que ledit plan vise à terme à permettre le redimensionnement de la zone à bâtir communale, conformément à l'art. 15 LAT. Elle disposerait dès lors de la qualité pour agir au sens de l'art. 12 LPN.
2.1.
2.1.1. Selon l'art. 75 LPA-VD, a qualité pour former recours toute personne physique ou morale ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou ayant été privée de la possibilité de le faire, qui est atteinte par la décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. a), ainsi que toute autre personne ou autorité qu'une loi autorise à recourir (let. b). En vertu de l'art. 111 al. 1 LTF, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. Il en résulte que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (cf. ATF 135 II 145 consid. 5 et les références).
2.1.2. L'art. 12 al. 1 let. b LPN confère la qualité pour recourir contre les décisions des autorités fédérales ou cantonales aux organisations actives au niveau national qui se vouent à la protection de la nature, à la protection du paysage, à la conservation des monuments historiques ou à des tâches semblables. Ces organisations doivent également poursuivre un but non lucratif (art. 12 al. 1 let. b ch. 2 LPN); elles ne peuvent au surplus recourir que dans les domaines du droit visés depuis dix ans au moins par leurs statuts (art. 12 al. 2 LPN).
Le Conseil fédéral désigne les organisations qui ont qualité pour recourir (art. 12 al. 3 LPN). La recourante est mentionnée au chiffre 9 de l'annexe à l'ordonnance du 27 juin 1990 relative à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage (ODO; RS 814.076). À ce titre, elle bénéficie en principe de la qualité pour agir par la voie du recours en matière de droit public, en tant qu'elle allègue que la décision litigieuse est susceptible de porter atteinte aux intérêts de la nature et du paysage.
L'habilitation prévue par l'art. 12 al. 1 LPN concerne toutefois exclusivement le recours contre des décisions prises dans l'accomplissement de tâches de la Confédération selon les art. 78 al. 2 Cst. et 2 LPN; l'art. 12 LPN est en effet inclus dans le chapitre premier de cette loi, intitulé "Protection de la nature et du paysage lors de l'accomplissement de tâches de la Confédération" (cf. ATF 138 II 281 consid. 4.4; 121 II 190 consid. 2c). La simple affirmation que le projet litigieux concerne une tâche fédérale ne suffit pas. Encore faut-il que les organisations allèguent, avec une certaine vraisemblance, qu'il touche effectivement à l'application du droit matériel de la Confédération. Seul cet élément doit toutefois être rendu vraisemblable, la vraisemblance d'une violation du droit fédéral ressortissant à la question de fond (ATF 123 II 5 consid. 2c; arrêts 1C_96/2022 du 18 mars 2024 consid. 3.5; 1C_877/2013 du 31 juillet 2014 consid. 1.2).
2.1.3. L'art. 2 al. 1 LPN précise de manière non exhaustive ce qu'il faut entendre par accomplissement d'une tâche de la Confédération au sens de l'art. 78 al. 2 Cst. (ATF 139 II 271 consid. 9.1; arrêt 1C_283/2021 du 21 juillet 2022 consid. 3.1.2). En font notamment partie l'élaboration de projets, la construction et la modification d'ouvrages et d'installations par la Confédération, ses instituts et ses établissements, par exemple les bâtiments et les installations de l'administration fédérale, les routes nationales, les bâtiments et installations des Chemins de fer fédéraux (art. 2 al. 1 let. a LPN). L'octroi de concessions et d'autorisations, par exemple pour la construction et l'exploitation d'installations de transport et de communications (y compris l'approbation des plans), d'ouvrages et d'installations servant au transport d'énergie, de liquides ou de gaz, ou à la transmission de messages, ainsi que l'octroi d'autorisation de défrichements relèvent aussi de l'accomplissement de la Confédération (art. 2 al. 1 let. b LPN). Une autorité cantonale peut également accomplir une tâche fédérale lorsqu'une subvention pour des mesures de planification, pour des installations et des ouvrages, tels que les améliorations foncières, l'assainissement de bâtiments agricoles, les corrections de cours d'eau, les installations de protection des eaux et les installations de communications est allouée (art. 2 al. 1 let. c LPN). Les décisions des autorités cantonales concernant les projets qui, selon toute vraisemblance, ne seront réalisés qu'avec les subventions visées à l'al. 1, let. c, sont assimilées à l'accomplissement de tâches de la Confédération (art. 2 al. 2 LPN). Une tâche fédérale peut également exister lorsqu'une autorité cantonale prend une décision, si cette décision concerne un domaine relevant de la compétence de la Confédération, qui est réglé par le droit fédéral, et qui présente un lien avec la protection de la nature, du paysage et du patrimoine (cf. ATF 144 II 218 consid. 3.3; 139 II 271 consid 9.2, 9.3 et 9.4).
L'aménagement du territoire incombe en premier lieu aux cantons. Cela n'exclut toutefois pas que la Confédération puisse légiférer de manière plus détaillée s'agissant de questions particulièrement importantes à l'échelle du pays, édictant ainsi des dispositions directement applicables. Tel est notamment le cas des art. 24 ss LAT, qui concernent les constructions sises hors de la zone à bâtir et dont l'application constitue une tâche fédérale (ATF 142 II 509 consid. 2.3; cf. également ATF 124 II 391 consid. 2c). Selon la jurisprudence, un nouveau classement en zone à bâtir relève également d'une tâche fédérale: dans sa teneur entrée en vigueur le 1 er mai 2014, l'art. 15 LAT est non seulement directement applicable, mais revêt en outre un caractère central en matière d'aménagement du territoire (cf. ATF 142 II 509 consid. 2.5 et les références; arrêts 1C_598/2019 du 19 juin 2020 consid. 1.3; 1C_632/2018 du 16 avril 2020 consid. 1.2.2, non publié in ATF 146 II 289). Il suffit donc qu'une association active au niveau national (cf. art. 12 al. 1 let. b LPN) recoure contre un tel classement dans l'intérêt de la protection de la nature et du paysage pour lui conférer, en application de l'art. 12 LPN, la qualité pour recourir (cf. ATF 142 II 509 consid. 2.5; arrêts 1C_598/2019 précité consid. 1.3; 1C_632/2018 précité consid. 1.2.2, non publié in ATF 146 II 289). À cet égard, le lien avec la protection de la nature et du paysage, que présuppose l'art. 12 LPN, est établi par l'objectif, poursuivi par l'art. 15 LAT, de limiter le mitage du territoire et la disparition de terres agricoles (HEINZ AEMISEGGER, Commentaire pratique LAT: Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n o 154 ad art. 34 LAT; BEATRICE WAGNER PFEIFER, Umweltrecht - Allgemeine Grundlagen, 2017, n o 976). En d'autres termes, les nouveaux classements, c'est-à-dire l'attribution d'une zone inconstructible à une zone constructible, peuvent faire l'objet de recours émanant d'organisations fondés sur l'article 12 LPN (ATF 142 II 509 consid. 2.5; arrêt 1C_632/2018 précité consid. 1.2.2, non publié in ATF 146 II 289). Un tel droit de recours doit également exister pour faire valoir une violation de l'obligation de réduction de la zone à bâtir surdimensionnée, dès lors que celle-ci sert également à protéger la nature et le paysage et que l'éventuel surdimensionnement de la zone à bâtir se calcule, comme pour les nouveaux classements en zone à bâtir, selon les principes de l'art. 15 LAT (cf. dans le même sens DANIELA THURNHERR, Commentaire de l'arrêt 1C_315/2015 et 1C_321/2015 du 24 août 2016 [ATF 142 II 509], DEP/URP 2017 p. 11 s.; JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY, Commentaire LPN, 2 ème éd. 2019, n o 35 ad. art. 2 LPN).
Il ressort de ces différentes considérations que le droit de recours des organisations en application de l'art. 12 LPN revêt une importance particulière en lien avec le classement en zone à bâtir et le redimensionnement des zones à bâtir surdimensionnées. En effet, il existe souvent, dans de telles situations, des intérêts convergents entre la collectivité publique responsable de la planification, intéressée par la croissance, et les propriétaires directement concernés, qui y voient un intérêt économique (dans ce sens, cf. THURNHERR, op. cit., p. 8). Un droit de recours des organisations permet alors d'assurer un contrôle juridictionnel dans l'intérêt d'une utilisation mesurée du sol et de la protection de la nature et du paysage (ATF 142 II 509 consid. 2.6). Il correspond également aux dispositions de la Convention du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public aux processus décisionnels et l'accès à la justice en matière d'environnement (Convention d'Aarhus; RS 0.814.07; cf. ATF 142 II 509 consid. 2.6).
À l'inverse, lorsqu'il n'en va pas de la distinction entre zone à bâtir et zone inconstructible, mais de la configuration et des modalités d'une zone à bâtir ("Ausgestaltung des Siedlungsgebiets"; par exemple le genre et l'importance de l'utilisation du sol lors de reclassements à l'intérieur de la zone à bâtir ou lors de l'augmentation des possibilités d'utilisation du sol à l'intérieur de la zone à bâtir), on demeure en principe dans le cadre d'une tâche cantonale à laquelle le droit de recours selon l'art. 12 LPN ne s'applique pas (ATF 142 II 509 consid. 2.7).
Le Tribunal fédéral n'a toutefois jamais tranché la question de savoir si la création d'une zone réservée en vue du redimensionnement de la zone à bâtir pouvait constituer une tâche fédérale (cf. arrêts 1C_43/2023 du 17 janvier 2024 consid. 5.1; 1C_241/2021 du 17 mars 2022 consid. 5.4, non publié in ATF 148 II 359).
2.1.4. Selon l'art. 27 LAT, s'il n'existe pas de plan d'affectation ou que l'adaptation d'un tel plan s'impose, l'autorité compétente peut prévoir des zones réservées dans des territoires exactement délimités. À l'intérieur de ces zones, rien ne doit être entrepris qui puisse entraver l'établissement du plan d'affectation (al. 1). Une zone réservée ne peut être prévue que pour cinq ans au plus; le droit cantonal peut prolonger ce délai (al. 2). Le droit cantonal vaudois prévoit que la commune ou le département cantonal peuvent établir des zones réservées pour une durée de cinq ans pouvant être prolongée de trois ans au maximum (art. 46 al. 1 de la loi cantonale du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions [LATC; BLV 700.11]). L'art. 27 LAT constitue une base légale suffisante pour l'établissement de zones réservées; il est directement applicable et ne nécessite pas de prescription cantonale d'exécution (arrêt 1C_91/2011 du 26 octobre 2011 consid. 2.6.1 et références; DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE JUSTICE ET POLICE/OFFICE FÉDÉRAL DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, Étude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, n o 7 et 12 ad art. 27 LAT; ALEXANDER RUCH, Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, n o 30 ad art. 27 LAT).
L'établissement d'une zone réservée répond à un intérêt public lorsqu'il y a lieu de modifier un plan d'aménagement, que celui-ci soit ou non conforme au droit (arrêts 1C_114/2023 du 21 mars 2024 consid. 3.1; 1C_410/2022 du 4 décembre 2023 consid. 2). Il s'agit en particulier de garantir aux autorités chargées de l'aménagement du territoire la liberté de planifier et de décider, et d'éviter que des projets de construction viennent entraver cette liberté. Il faut ainsi une nécessité de planifier, assortie d'une intention concrète. Il n'est toutefois pas nécessaire que l'autorité ait déjà une idée précise de la manière dont elle entend redéfinir la zone à bâtir, en particulier lorsque cela ne découle pas d'une simple intention de sa part, mais d'une obligation résultant directement de la loi (cf. arrêts 1C_114/2023 précité consid. 3.1; 1C_410/2022 précité consid. 2; en droit vaudois, cf. mesure A11 du plan directeur cantonal [PDCn]). L'établissement d'une zone réservée constitue la première étape de ce processus obligatoire (arrêts 1C_114/2023 précité consid. 3.1; 1C_410/2022 précité consid. 2).
Cependant, que l'établissement d'une zone réservée réponde à un intérêt public ne veut pas encore dire que l'on soit dans le cadre d'une tâche de la Confédération et que des organisations aient la qualité pour recourir en vertu de l'art. 12 al. 1 LPN. Il faut en plus que l'instauration de la zone réservée serve directement à l'accomplissement de tâches de la Confédération. C'est le cas si une commune présente des zones à bâtir surdimensionnées au vu de l'art. 15 LAT et que la zone réservée est destinée à redimensionner ces zones conformément au droit fédéral.
2.2.
2.2.1. L'instance précédente rappelle que l'adoption d'une zone réservée ne constitue pas un nouveau classement et ne modifie pas l'affectation de terrains inconstructibles pour les rendre constructibles. Par conséquent, la CDAP considère qu'une telle mesure est une tâche cantonale, voire communale. Dans ce cadre, la qualité pour recourir de la recourante ne saurait être reconnue en lien avec l'application de l'art. 15 LAT.
2.2.2. La recourante fait valoir que le plan des zones réservées devrait couvrir l'ensemble du territoire communal, sur lequel devra également porter le futur plan d'affectation. Selon elle, le fait d'écarter certaines parcelles du plan litigieux risquerait de conduire à ce que de nouvelles constructions soient effectuées sur des parcelles encore non bâties dans la commune, qui dispose déjà d'une zone constructible surdimensionnée; à terme, cela rendrait impossible l'adoption d'un plan d'affectation conforme à l'art. 15 LAT. Elle estime par conséquent que le plan des zones réservées vise la bonne application de l'art. 15 LAT et constitue de ce fait une tâche fédérale.
2.2.3. Il est établi que la zone à bâtir de la Commune de Montreux est actuellement largement surdimensionnée. Le but du plan des zones réservées est donc de protéger le territoire communal de l'application du plan de zones de 1972, toujours en vigueur, et d'éviter des développements pouvant entraver le redimensionnement futur de la zone à bâtir (cf. Commune de Montreux, Zones réservées - Rapport justificatif selon l'art. 47 OAT, 2021, p. 6 ss). En d'autres termes, l'adoption du plan des zones réservées vise en l'espèce principalement à s'assurer que la future zone à bâtir puisse être, à terme, dimensionnée conformément à l'art. 15 LAT. La commune entend aussi étudier une adaptation des plans afin de mettre en oeuvre le principe de densification énoncé à l'art. 3 al. 3 let. a bis LAT (cf. rapport précité, p. 14). À cet égard, il convient également de relever la situation particulière de la Commune de Montreux, qui ne se conforme pas au droit supérieur depuis plus de trente ans. Dans ce cadre, le plan des zones réservées, même s'il est fondé sur l'art. 27 LAT, tient un rôle central dans la lutte contre le surdimensionnement de la zone à bâtir et le mitage du territoire communal. Dans le cas d'espèce, il constitue donc la première étape, nécessaire, du redimensionnement de la zone à bâtir communale.
Dans cette configuration particulière, l'adoption du plan des zones réservées, bien que fondée sur l'art. 27 LAT, vise directement à atteindre les objectifs visés par l'art. 15 LAT. Partant, et indépendamment de savoir si, comme l'affirme la recourante, le plan litigieux empêcherait un redimensionnement suffisant de la zone à bâtir communale - ce qui relève du fond (cf. également consid. 3 ci-dessous) -, il ne peut être nié que ces modifications vont au-delà d'un simple changement d'affectation à l'intérieur du tissu bâti, qui n'aurait pas de répercussion sur la délimitation entre terrains constructibles et non constructibles.
Au vu de ce qui précède et compte tenu des circonstances du cas d'espèce, l'existence d'une tâche fédérale doit être admise et un contrôle juridictionnel doit être rendu possible, dans l'intérêt d'une utilisation mesurée du sol et de la protection de la nature et du paysage.
Dans ces conditions, l'instance précédente ne pouvait pas nier la qualité pour agir de la recourante.
2.3. Pour ce motif déjà, le recours doit être admis. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par la recourante en lien avec les art. 6, 8 et 34 CEDH, avec l'art. 66 de la loi vaudoise du 30 août 2022 sur la protection du patrimoine naturel et paysage (LPrPNP; BLV 450.11), avec la loi fédérale du 20 mars 2015 sur les résidences secondaires (LRS; RS 702) ou avec les recommandations en lien avec l'inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ISOS).
2.4. La recourante a été initialement créée sous la forme d'une association. Depuis le 19 décembre 2018, elle a continué à exercer ses activités sous la forme d'une fondation. Au vu de cette modification, la CDAP soulève, mais laisse indécise, la question de savoir si la recourante remplit la condition de l'art. 12. al. 2 LPN, selon lequel les organisations ne peuvent recourir que dans les domaines du droit visés par leurs statuts depuis dix ans au moins.
En l'espèce, nier la qualité pour recourir de la recourante au seul motif qu'elle aurait changé de forme juridique il y a moins de dix ans relèverait du formalisme excessif. En effet, la loi n'impose aucune condition quant à la forme juridique que doit avoir une organisation recourante, tant que cette dernière dispose de la personnalité morale et qu'elle poursuit un but non lucratif (DAVID BOULAZ, La protection du paysage - Étude de droit fédéral et vaudois, thèse, 2017, p. 210; LAURENT PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l'aménagement du territoire et de l'environnement, thèse, 2013, p. 193 et références; THIERRY TANQUEREL, Les voies de droit des organisations écologistes en Suisse et aux États-Unis, 1996, no 89). Au demeurant, rien n'indique, dans le cas d'espèce, que le but et les activités de la recourante, qu'elle poursuit depuis plusieurs dizaines d'années, auraient été modifiés avec ce changement de forme (cf. en lien avec l'art. 55 LPE, THEO LORETAN, Kommentar zum Umweltschutzgesetz, 2ème éd. 2002, no 18 ad art. 55 LPE, qui considère que la condition des dix ans d'existence est remplie lorsqu'une organisation a changé de forme juridique sans que son but et ses activités ne soient modifiés).
La qualité pour recourir d'Helvetia Nostra ne saurait dès lors lui être niée pour ce motif.
3.
La recourante conclut subsidiairement à ce que la décision du conseil communal du 2 mars 2022 et son approbation par le DITS du 16 septembre 2022 soient modifiées en ce sens que tout le territoire communal est compris dans le plan des zones réservées.
De manière subsidiaire, la CDAP a examiné l'argumentation de la recourante sur le fond (cf. consid. 2 de l'arrêt attaqué). Elle a considéré que le choix des autorités communales de ne pas mettre en zone réservée le périmètre des zones non constructibles n'était pas critiquable, dès lors que ce choix ne mettait pas en danger la planification future. Au surplus, la décision d'exclure de la zone réservée le périmètre de certains plans d'affectation spéciaux reposait sur des motifs objectifs, à savoir la date d'entrée en vigueur desdits plans, postérieure à l'entrée en vigueur de la LAT.
Si le raisonnement du Tribunal cantonal s'agissant des zones non constructibles ne prête pas le flanc à la critique, la très brève explication s'agissant des plans d'affectation spéciaux en zone constructible n'apparaît pas suffisante pour véritablement statuer sur le fond de la cause. En effet, la CDAP ne donne aucune indication sur la question de savoir si les zones réservées contiennent suffisamment de surfaces aptes à être dézonées pour, à terme, éviter le surdimensionnement actuel de la zone à bâtir communale. Ainsi, rien n'indique, dans l'arrêt attaqué, que des surfaces constructibles contenues dans le périmètre des plans d'affectation spéciaux ne devront pas être également réduites pour atteindre l'objectif de redimensionnement de la zone à bâtir. Au surplus, la CDAP semble fonder son raisonnement sur la présomption que les plans d'affectation spéciaux seraient conformes à la LAT pour la seule raison qu'ils ont été adoptés après l'entrée en vigueur de cette dernière. Il est vrai que les arrêts du Tribunal fédéral du 16 avril 2020 (ATF 146 II 289 et arrêt 1C_449/2018 précité) n'invalident pas nécessairement lesdits plans d'affectation spéciaux; ils rappellent toutefois la nécessité de procéder à une évaluation d'ensemble sur le territoire communal. Par conséquent, et en présence, comme en l'espèce, d'un large surdimensionnement de la zone à bâtir communale, la conformité des plans d'affectation spéciaux à la LAT ne saurait être confirmée sur la seule base de leur date d'entrée en vigueur, en particulier s'agissant des plans ayant été adoptés il y a plus de 15 ans (cf. art. 15 al. 1 LAT).
Au vu de ces différents éléments, il ne saurait être retenu que la CDAP a suffisamment motivé le rejet de la cause sur le fond pour que celle-ci puisse être considérée comme tranchée.
4.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours. L'arrêt attaqué est par conséquent annulé et la cause renvoyée à la CDAP afin qu'elle statue sur les arguments de fond développés dans le recours cantonal, conformément aux considérants du présent arrêt. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). La recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens, à charge de la Commune de Montreux (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud afin qu'elle statue sur les arguments de fond développés dans le recours cantonal, conformément aux considérants du présent arrêt.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure fédérale.
3.
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée à la recourante, à titre de dépens pour la procédure fédérale, à la charge de la Commune de Montreux.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et du Conseil communal de Montreux, ainsi qu'au Département des institutions, du territoire et du sport et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 5 mars 2025
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Haag
La Greffière : Rouiller