1C_48/2025 18.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_48/2025
Arrêt du 18 mars 2025
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Haag, Président,
Kneubühler et Mecca, Juge suppléant.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Juge en charge des dossiers de police judiciaire, Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de Justice de l'Hermitage, route du Signal 8, 1014 Lausanne,
Police cantonale vaudoise,
Centre de la Blécherette, 1014 Lausanne.
Objet
Refus de radier des données d'un dossier de police judiciaire,
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 6 janvier 2025 (GE.2024.0302).
Considérant en fait et en droit :
1.
Déférant à la requête de A.________, le Juge en charge des dossiers de police judiciaire du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a informé le 1 er juillet 2024 du contenu du dossier de police judiciaire le concernant.
La pièce 2 du dossier est un extrait du Journal des événements de police en lien avec un appel d'un tiers du 9 février 2020 signalant à la police qu'un individu frappait contre une porte de son immeuble à Lausanne et avec un appel d'une femme signalant que son ex-ami, soit le requérant, avait tenté d'enfoncer sa porte palière en frappant dessus, occasionnant des dommages matériels, avant de prendre la fuite. Le requérant avait été retrouvé dans le parking souterrain de l'immeuble et acheminé au poste de police pour être auditionné. Il a reconnu les faits, déclarant vouloir trouver un arrangement à l'amiable, et a été relaxé au terme de son audition (n° 20-9153). Les copies de plusieurs documents (rapport d'investigation de la police, rapports d'audition de A.________ et de son ex-amie, photographies de la porte palière) en lien avec cette affaire ont été enregistrés sous les pièces 6 et 8. La pièce 3 du dossier correspond à un signalement fait le 29 septembre 2023 à la police par le directeur de l'École B.________ à Lausanne d'une voiture Hyundai blanche immatriculée VD xxx stationnée devant le bâtiment. Le requérant, conducteur de ce véhicule, avait proposé à une autre occasion à des élèves de les payer pour obtenir des informations sur d'autres élèves. Il avait reconnu les faits, expliquant avoir proposé de l'argent à un inconnu dans le but de faire une surprise à son amie. ll lui avait alors été expliqué que ces méthodes pouvaient faire peur et qu'il ne devait plus recommencer, ce qu'il avait compris; aucune suite n'a été donnée (n° 23-0151455).
Le 9 juillet 2024, A.________ a requis la destruction des documents et des informations composant son dossier de police judiciaire.
Par décision du 1 er octobre 2024, le Juge cantonal chargé des dossiers de police judiciaire a rejeté cette requête de l'intéressé.
Au terme d'un arrêt rendu sur recours de l'intéressé le 6 janvier 2025, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a réformé cette décision en ce sens que les pièces 1, 5 et 7 du dossier de police judiciaire en lien avec une plainte de A.________ consécutive au vol de sa carte de débit devaient être définitivement supprimées au motif qu'elle remontait à plus de cinq ans et que leur maintien au dossier judiciaire ne présentait plus d'utilité. Elle l'a confirmée au surplus.
Par acte daté du 24 janvier 2025, A.________ recourt contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral en concluant à la radiation dans les plus brefs délais des pièces en lien avec les affaires n° 20-9153 et n° 23-0151455 de son dossier de police judiciaire.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. Le Tribunal cantonal a produit le dossier de la cause.
2.
Le recours est dirigé contre une décision relative à une demande de destruction de pièces versées dans un dossier de police judiciaire. Le siège de la matière se trouve dans la loi vaudoise du 1 er décembre 1980 sur les dossiers de police judiciaire (LDPJu; BLV 133.17) et relève ainsi du droit public cantonal, de sorte que la voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est ouverte. Aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'est réalisée. Le recours a été interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale (cf. art. 8c al. 6 LDPJu). La qualité pour agir du recourant est donnée.
3.
La conservation de données personnelles dans les dossiers de police judiciaire porte une atteinte au moins virtuelle à la personnalité de l'intéressé, dont la protection est garantie aux art. 8 CEDH et 13 Cst., tant que ceux-ci peuvent être utilisés ou, simplement, être consultés par des agents de la police ou être pris en considération lors de demandes d'informations présentées par certaines autorités, voire même être transmis à ces dernières (ATF 126 I 7 consid. 2a; voir aussi, ATF 138 I 256 consid. 4 et arrêt 1C_51/2008 du 30 septembre 2008 consid. 3.1 in ZBl 110/2009 p. 388). Pour être admissible, cette atteinte doit reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et être proportionnée au but visé (art. 36 al. 1 à 3 Cst.).
En droit vaudois, la conservation de données personnelles dans les dossiers de police judiciaire est prévue et réglementée dans la loi éponyme. Selon l'art. 1 LPDJu, sont considérées comme telles toutes les informations personnelles conservées par la police et relatives à un crime, un délit ou une contravention relevant du droit pénal fédéral, exception faite des condamnations portées au registre des contraventions de circulation. Les dossiers comprennent les documents littéraux ou photographiques et les fichiers quel que soit leur support matériel. L'art. 2 al. 1 LDPJu prévoit que seules les informations utiles à la prévention, la recherche et la répression des infractions peuvent être enregistrées dans les dossiers de police judiciaire. Selon les art. 2 al. 3 et 3 al. 2 LDPJu, les données non pertinentes ou inadéquates doivent être radiées, les informations inexactes corrigées et celles qui sont périmées éliminées. Le Juge cantonal chargé des dossiers de police judiciaire statue sur les demandes de renseignements présentées hors procédure pénale (art. 8b LDPJu). Il fait rectifier ou supprimer les données qui s'avèrent inexactes ou incomplètes (art. 8d al. 4 LDPJu), procède à la radiation des données non pertinentes ou inadéquates (art. 8f al. 1 LDPJu) et renseigne le requérant sur les mesures qu'il a ordonnées (art. 8d al. 6 LDPJu).
La question de savoir si les documents et autres pièces litigieuses présentent une utilité pour la prévention ou la répression des infractions et si elles peuvent être conservées au dossier de police judiciaire du recourant doit être résolue au regard de toutes les circonstances déterminantes du cas d'espèce (ATF 138 I 256 consid. 5.5; arrêt 1C_51/2008 du 30 septembre 2008 consid. 4.2 in ZBl 110/2009 p. 389). Dans la pesée des intérêts en présence, il convient de prendre en considération la gravité de l'atteinte portée aux droits fondamentaux du requérant par le maintien des inscriptions litigieuses à son dossier de police, les intérêts des victimes et des tiers à l'élucidation des éléments de fait non encore résolus, le cercle des personnes autorisées à accéder au dossier de police et les intérêts de la police à pouvoir mener à bien les tâches qui lui sont dévolues (ATF 138 I 256 consid. 5.5).
Les conditions posées à la conservation de pièces dans le dossier de police judiciaire relèvent en premier lieu du droit cantonal, soit des art. 7 et suivants LDPJu, dont le Tribunal fédéral revoit l'application sous l'angle de l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. En d'autres termes, et pour se conformer aux exigences de motivation accrues qui découlent de l'art. 106 al. 2 LTF, il appartient au recourant de démontrer par une motivation claire et précise en quoi la réglementation mise en place par la LDPJu aurait été appliquée de manière insoutenable ou en violation de ses droits fondamentaux (arrêt 1P.531/1999 du 24 janvier 2000 consid. 1b). Une reprise de l'argumentation déjà développée devant la juridiction inférieure sans que le recourant ne discute les motifs de la décision entreprise et n'indique pas même succinctement en quoi ceux-ci méconnaissent le droit selon lui ne satisfait pas à ces exigences (ATF 145 V 161 consid. 5.2; 139 I 306 consid. 1.2; 134 II 244 consid. 2.1-2.3).
4.
Le recourant s'oppose à la conservation dans son dossier de police judiciaire des pièces en lien avec l'affaire n° 20-9153.
La cour cantonale a rappelé à ce propos que la conservation au dossier de police judiciaire des données relatives à la vie privée d'une personne dépendait d'une pesée des intérêts. L'intérêt public consistant dans le fait qu'une personne pourrait récidiver pouvait primer l'intérêt privé de cette dernière à voire des données personnelles protégées. Or, en l'espèce, en criant contre son ex-amie et en se montrant suffisamment violent pour endommager la porte palière de cette dernière, le recourant, indépendamment des suites pénales de son comportement, aurait pu attenter à un bien juridique important, à savoir l'intégrité physique de son ancienne amie. Or, ce comportement s'était produit moins de cinq ans auparavant. Il paraissait ainsi conforme au principe de la proportionnalité et au terme d'une pesée des intérêts en présence de conserver les données relatives à ces évènements dans un dossier de police judiciaire pour prévenir tout risque de récidive.
Le recourant ne s'en prend pas à cette motivation. Il fait valoir que la procédure pénale aurait été entachée de vices qui rendraient ses auditions inexploitables, que les dossiers en lien avec ces affaires contiennent des informations inexactes, incomplètes, non pertinentes et adéquates et qu'il n'a pas d'antécédents. Ce faisant, il reprend quasiment mot pour mot l'argumentation développée devant l'instance précédente sans chercher à démontrer en quoi il serait opportun au regard des buts poursuivis par la LDPJu de conserver une trace de cet événement dans le dossier de police en raison du bien mis en péril et du caractère récent de cet évènement. La cour cantonale a exposé au considérant 4a de son arrêt les raisons pour lesquelles il convenait également sous certaines conditions de conserver dans le dossier de police des informations personnelles relatives à des infractions pour lesquelles l'intéressé n'avait pas été condamné. Le recourant n'expose pas par une argumentation conforme à l'art. 106 al. 2 LTF en quoi l'arrêt attaqué serait contraire au droit.
Sur ce point, le recours est insuffisamment motivé et est irrecevable.
5.
Le recourant s'oppose également au maintien dans son dossier de police de la pièce 3 correspondant à un signalement donné à la police le 29 septembre 2023 par le directeur de l'École B.________ à Lausanne d'une voiture stationnée devant le bâtiment au volant duquel il se trouvait.
La cour cantonale a considéré qu'il existait clairement un intérêt public à ce que l'information selon laquelle le recourant avait proposé à des étudiants de l'École B.________ de se faire payer pour obtenir des informations sur d'autres étudiants soit conservée. Même s'il s'était engagé à ne plus recommencer, cette information conservait, un peu plus d'une année après ces faits, une importance certaine pour le travail de la police et restait utile "à la prévention, la recherche et la répression des infractions" dans le sens que lui donne l'art. 2 LDPJu. Cet intérêt était à ce jour tout aussi clairement supérieur à celui du recourant de voir ces données personnelles effacées de son dossier de police judiciaire (considérant 4e).
Le recourant fait valoir qu'il était venu chercher son épouse qui étudiait dans l'établissement avec le véhicule de son entreprise et que le stationnement dans l'espace public ne constituait pas un délit. Il ajoute ne jamais avoir reconnu de faits "ni signé aucun document officiel ou dans un poste de police" et que le signalement dont il a fait l'objet de la part du directeur de l'établissement n'a donné lieu à aucune suite judiciaire. Cette argumentation essentiellement appellatoire ne se rapporte pas à la motivation retenue dans l'arrêt attaqué pour justifier le maintien de la pièce 3 au dossier et n'est pas de nature à démontrer le caractère arbitraire de l'appréciation faite par la cour cantonale de l'utilité de conserver les informations qu'elle contient au dossier pour la prévention d'éventuelles infractions.
Sur ce point, le recours doit être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité.
6.
Le recourant soutient que la conservation des informations litigieuses dans son dossier de police judiciaire pourrait compromettre une éventuelle carrière d'avocat ou dans la police ou dans la magistrature et lui porter préjudice dans son activité fiduciaire.
La cour cantonale ne s'est pas prononcée sur ce grief alors que le recourant l'avait pourtant allégué. Cette omission n'entraîne pas pour autant l'annulation de l'arrêt querellé et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle se prononce à son sujet. L'allégation du recourant selon laquelle le maintien des informations litigieuses dans son dossier de police judiciaire pourrait porter préjudice à l'exercice de son activité au sein de la société fiduciaire qui l'emploie en empêchant d'éventuelles collaborations avec l'État ou avec d'autres autorités susceptibles d'accéder à ses informations n'est aucunement étayée et revêt un caractère purement théorique. Au demeurant, il sied de constater que les dossiers de police sont secrets et ne peuvent être exploités qu'à des fins de police judiciaire ou à des fins statistiques, à condition que toute précaution soit prise pour que les personnes concernées ne puissent être identifiées (art. 4 et 5 al. 1 LPDJu). Des renseignements ne peuvent en être extraits et communiqués qu'aux autorités et aux collaborateurs de l'Administration cantonale désignés à l'art. 9 LPDJu pour autant qu'ils justifient d'un intérêt légitime à leur obtention et dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de leurs tâches constitutionnelles et légales (cf. art. 5 al. 2 et 10 LPDJu). Les perspectives du recourant de travailler dans la police ou d'embrasser la carrière d'avocat au terme de son bachelor en droit économique sont également en l'état essentiellement théoriques, contrairement au cas visé dans l'arrêt rendu le 26 novembre 2015 dans la cause 1C_307/2015 où le recourant avait rendu vraisemblable que les inscriptions portées dans son dossier de police judiciaire avaient influencé négativement ses chances d'obtenir un poste au sein de la police cantonale genevoise pour laquelle il avait manifesté sans succès à réitérées reprises son intérêt. Le recourant ne démontre pas comme il lui appartenait de le faire en vertu des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF que leur conservation dans son dossier de police judiciaire l'empêcherait d'entreprendre un éventuel stage d'avocat. Rien n'indique qu'une nouvelle demande de suppression des données serait rejetée s'il devait établir que des informations de son dossier de police judiciaire avait fait échec à une postulation.
Le recourant allègue encore que la décision attaquée si elle était confirmée pourrait le démotiver à poursuivre son bachelor en droit économique et violerait son droit à l'éducation consacré à l'art. 26 CEDH (recte: Déclaration universelle des droits de l'homme; DUDH). La Déclaration universelle des droits de l'homme ne fait pas partie des traités internationaux conclus par la Suisse dont la violation pourrait faire l'objet d'un recours en matière de droit public ou qui conférerait un droit subjectif aux justiciables dont ces derniers pourraient se prévaloir dans le cadre d'un tel recours (arrêt 2C_6/2018 du 4 janvier 2018 consid. 4 et les références citées). Quoi qu'il en soit, l'allégation du recourant est purement théorique et ne permet pas de conclure que les informations encore litigieuses devraient être effacées de son dossier de police.
7.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF. Le recourant, qui succombe, prendra en charge les frais du présent arrêt en tenant compte de sa situation financière peu favorable (art. 65 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Juge en charge des dossiers de police judiciaire, à la Police cantonale vaudoise et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 18 mars 2025
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Haag
Le Greffier : Parmelin