2C_340/2024 13.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_340/2024
Arrêt du 13 mars 2025
II
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Kradolfer.
Greffière : Mme Joseph.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat,
recourant,
contre
Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève,
rue de Bandol 1, 1213 Onex.
Objet
Loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC); délivrance d'une autorisation d'usage accru du domaine public,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 28 mai 2024 (ATA/643/2024).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1964, chauffeur de taxi, est titulaire de la carte professionnelle de chauffeur de taxi depuis le 11 août 2017.
Ces dernières années, A.________ a pratiqué sa profession par le biais d'une autorisation d'usage accru du domaine public qu'il louait à un tiers. Il n'a toutefois pas exercé d'activité entre le 12 décembre 2021 et le 9 mars 2022. Il a indiqué être en vacances.
A.b. Le 1er novembre 2022 est entrée en vigueur la loi genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (ci-après: loi sur les taxis ou LTVTC/GE; RSGE H 1 31), adoptée le 28 janvier 2022 par le Grand Conseil du canton de Genève (ci-après: le Grand Conseil). Celle-ci a interdit la location des autorisations d'usage accru du domaine public, le droit transitoire prévoyant toutefois l'attribution d'autorisations en faveur des personnes qui étaient utilisateurs effectifs de l'autorisation d'un tiers au moment de l'adoption de la loi par le Grand Conseil le 28 janvier 2022 notamment.
B.
Le 1er juin 2023, A.________ a déposé auprès du Service cantonal une requête en délivrance d'une autorisation d'usage accru du domaine public en se fondant sur les dispositions transitoires de la loi sur les taxis. Il a indiqué qu'il louait, depuis le 1er janvier 2020, l'autorisation d'usage accru du domaine public correspondant à l'immatriculation GE xxx dont B.________ était titulaire et a produit plusieurs pièces.
À la demande du Service cantonal, A.________ a produit des documents complémentaires destinés à prouver qu'il était l'utilisateur de l'autorisation d'usage accru du domaine public précitée.
Par décision du 7 mars 2024, le Service cantonal a rejeté la requête de l'intéressé et a refusé de lui attribuer l'autorisation sollicitée.
A.________ a recouru contre cette décision auprès de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) et a produit de nouvelles pièces.
Par arrêt du 28 mai 2024, la Cour de justice a rejeté le recours. Elle a considéré en substance qu'au moment déterminant de l'adoption de la loi, soit le 28 janvier 2022, A.________ n'était pas l'utilisateur de l'autorisation d'usage accru du domaine public, ni pendant l'année qui avait suivi. En outre, il n'avait pas démontré à satisfaction de droit l'usage effectif de l'autorisation.
C.
A.________ dépose un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt cantonal du 28 mai 2024 et à l'octroi d'une autorisation d'usage accru du domaine public. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Plus subsidiairement encore, il conclut au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants, après avoir entendu B.________ en tant que témoin.
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Office cantonal conclut au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par un tribunal cantonal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) qui confirme le refus d'octroi d'une autorisation donnant droit à un usage accru du domaine public en tant que chauffeur de taxi. Elle concerne donc une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF) qui n'entre pas dans le catalogue des exceptions prévues par l'art. 83 LTF. Le recours a en outre été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, par le recourant qui est atteint par la décision entreprise et qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Le recours en matière de droit public est donc recevable.
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est uniquement possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un autre droit constitutionnel (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1). Le Tribunal fédéral n'examine le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé de façon précise par le recourant (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 329 consid. 2.3; 146 IV 297 consid. 1.2).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été constatés de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2).
En l'espèce, dans une partie "En fait" de son recours et à l'appui de son raisonnement juridique, le recourant présente sa propre vision des faits qui diverge en partie de l'état de fait retenu par la Cour de justice. En tant que les faits ainsi allégués ne sont pas constatés dans l'arrêt attaqué, sans que le recourant ne s'en plaigne de manière circonstanciée sous l'angle de l'arbitraire, il n'en sera pas tenu compte. Seuls les griefs suffisamment motivés en lien avec l'établissement des faits par la Cour de justice seront donc examinés (cf. infra consid. 4).
3.
Dans un grief d'ordre forme l, qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Il se plaint du fait que la Cour de justice a refusé de donner suite à sa demande d'entendre, en tant que témoin, B.________, à savoir le titulaire de l'autorisation d'usage accru du domaine public relatif aux plaques GE xxx qu'il indique avoir louée. Ce dernier aurait pu attester du fait qu'un contrat de bail avait été conclu en 2020, que ce contrat était en vigueur, que le recourant payait les loyers et était ainsi l'utilisateur effectif, depuis 2020, de l'autorisation louée.
3.1. Le droit d'être entendu comprend le droit pour le justiciable d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1). Il ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d'obtenir l'audition de témoins. L'autorité peut mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 144 II 427 consid. 3.1.3).
3.2. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt entrepris que la Cour de justice a rejeté la mesure d'instruction, notamment après avoir constaté que le recourant avait eu la possibilité de faire part de ses observations et de produire toutes pièces utiles devant le Service cantonal ainsi que devant elle. En outre, l'éventuel témoin avait signé un document attestant de la réception des loyers. La Cour de justice a estimé que les faits pertinents pour l'issue du litige, sur lesquels pourraient être entendu l'intéressé, étaient suffisamment établis par les pièces au dossier.
3.3. Le recourant ne précise pas ce que le témoin dont il sollicitait l'audition aurait pu indiquer oralement qu'il n'aurait pas pu faire par écrit, et on ne le voit pas non plus. Sous cet angle déjà, le grief de la violation du droit d'être entendu doit être rejeté.
À cela s'ajoute que, comme on le verra (cf. infra consid. 6.3 et 6.4), l'absence d'activité du recourant durant plus de deux mois au début de l'année 2022 - fait admis par ce dernier - suffit à sceller le sort du litige de sorte que le point de savoir si le bail était (toujours) en vigueur le 28 janvier 2022 et si les loyers étaient effectivement acquittés est sans pertinence.
Au surplus, l'argumentation du recourant concernant la notion "d'utilisateur effectif" d'une autorisation d'usage accru du domaine public, telle qu'employée à l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE, relève de l'interprétation du droit cantonal et sera examinée ci-après (cf. infra consid. 6).
3.4. Il s'ensuit que le grief de la violation du droit d'être entendu doit être rejeté.
4.
Dans un grief qui se confond en grande partie avec le précédent, le recourant invoque également l'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. C'est selon lui de manière arbitraire que la Cour de justice aurait apprécié les preuves produites en lien avec le bail à ferme conclu avec B.________ en 2020 et qu'elle aurait mis en doute le fait que le recourant aurait été l'utilisateur effectif, de 2020 à 2023, de l'autorisation d'usage accru du domaine public louée.
4.1. Il n'y a arbitraire dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 146 IV 88 consid. 1.3.1).
4.2. En l'occurrence, le point de savoir si l'appréciation des preuves produites par le recourant, relatives au contrat de bail qui aurait été conclu en 2020 et à son activité entre 2020 et 2023, était arbitraire peut souffrir de demeurer indécis. En effet, même à admettre l'existence d'un contrat de bail et d'une certaine activité en tant que chauffeur de taxi entre 2020 et 2023, cela ne saurait modifier la décision attaquée, comme cela vient d'être mentionné (cf. supra consid. 3.3; cf. au surplus consid 6.3 et 6.4). À nouveau, le grief du recourant se recoupe avec l'interprétation de la notion "d'usage effectif" de l'autorisation, telle que prévue par le droit cantonal, et sera donc examiné ci-après (cf. infra consid. 6).
4.3. Le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits doit être rejeté.
5.
5.1. Au fond, le litige porte sur le refus d'attribution d'une autorisation d'usage accru du domaine public en faveur du recourant lui permettant d'exercer en qualité de chauffeur de taxi, en application de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE. Il relève donc exclusivement du droit cantonal. Avant d'examiner les griefs de fond soulevés, il convient de présenter le cadre légal applicable.
5.2. La nouvelle loi genevoise sur les taxis, entrée en vigueur le 1er novembre 2022, a supprimé la possibilité qu'avait un chauffeur de taxi titulaire d'une autorisation d'usage accru du domaine public de mettre celle-ci à disposition d'un chauffeur tiers, en recourant à la location ou au bail à ferme. L'art. 13 al. 3 LTVTC/GE prévoit ainsi que les autorisations et les plaques d'immatriculation correspondantes sont strictement personnelles et intransmissibles; elles ne peuvent être mises à la disposition d'entreprises ou de chauffeurs tiers. Le titulaire de l'autorisation doit en faire un usage personnel et effectif en tant que chauffeur indépendant ou entreprise.
Un régime transitoire a toutefois été prévu (cf. art. 46 al. 8 à 13 LTVTC/GE) et une disposition traitant de la situation des chauffeurs de taxi qui louaient l'autorisation d'un tiers, comme le permettait l'ancien droit, a été adoptée. L'art. 46 al. 13 LTVTC/GE a la teneur suivante:
Art. 46 Dispositions transitoires
(...)
Attribution des autorisations restituées ou caduques
13 Le département peut attribuer l'autorisation d'usage accru du domaine public à la personne physique ou morale qui en était l'utilisateur effectif au moment du dépôt de la présente loi, s'il en est toujours l'utilisateur au moment de l'adoption de la loi, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l'article 13, alinéa 5, de la présente loi.
Les chauffeurs de taxi concernés avaient un délai d'un an depuis l'entrée en vigueur de la loi pour déposer leur demande en délivrance d'une autorisation (cf. art. 57 al. 11 et 12 du Règlement d'exécution de la loi genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 19 octobre 2022; RTVTC/GE; RSGE H 1 31.01).
5.3. Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a rappelé qu'elle avait déjà eu l'occasion de préciser dans sa jurisprudence que, malgré la lettre de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE, il n'était pas nécessaire d'avoir été l'utilisateur effectif d'une autorisation d'usage accru "au moment du dépôt de la loi" - à savoir le 26 février 2020 - pour requérir l'attribution d'une telle autorisation. Cette condition ne reflétait en effet pas la volonté du législateur. Il suffisait ainsi d'avoir été l'utilisateur effectif de l'autorisation au moment de l'adoption de la loi, soit le 28 janvier 2022 (cf. ATA/779/2023 du 18 juillet 2023 consid. 5.6.2; ATA/886/2023 du 22 août 2023 consid. 6.6; cf. aussi arrêt 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 3). Le recourant ne remet pas en cause l'arrêt attaqué sur cette interprétation de sorte qu'elle n'a pas à être revue (art. 106 al. 2 LTF).
6.
Le recourant se plaint d'une interprétation et d'une application arbitraires de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE. Il remet en particulier en cause l'interprétation de la notion "d'usage effectif" de l'autorisation d'usage accru du domaine public à la date pertinente (soit celle de l'adoption de la loi, le 28 janvier 2022). Il serait arbitraire de retenir qu'il n'était pas l'utilisateur effectif de l'autorisation qu'il louait, au motif qu'il était en vacances à ce moment-là, soit en janvier 2022. Il conviendrait ainsi de lui délivrer une autorisation d'usage accru du domaine public.
6.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application faite du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 149 I 329 consid. 5.1; 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1).
6.2. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte se prête à plusieurs interprétations, s'il y a de sérieuses raisons de penser qu'il ne correspond pas à la volonté du législateur, il convient de rechercher sa véritable portée au regard notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique) (ATF 149 III 242 consid. 5.1 et les références).
6.3. Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a procédé à l'interprétation de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE et a en substance conclu que le fait de ne pas faire usage d'une autorisation d'usage accru du domaine public louée à un tiers pendant plus de deux mois, durant la période pertinente au regard du droit transitoire, ne permettait plus d'être qualifié "d'utilisateur effectif" de cette autorisation au sens de cette disposition. Il convient de déterminer si cette interprétation était arbitraire.
6.3.1. Le texte de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE permet au département d'attribuer une autorisation d'usage accru du domaine public à la personne qui en était "l'utilisateur effectif", à une date précise. Il s'agit d'une notion indéterminée qui n'est pas définie de sorte que plusieurs interprétation sont a priori possibles. Les autres méthodes d'interprétation doivent être examinées.
6.3.2. Il ressort des travaux préparatoires, en particulier du projet de loi n° 12'649 (PL 12'649) sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur déposé par le Conseil d'État du 26 février 2020 ainsi que des rapports ultérieurs de la commission parlementaire des transports (PL 12'649-A du 16 août 2021; PL 12'649-B du 11 janvier 2022) qu'en raison du numerus clausus des autorisations d'usage accru du domaine public, le délai d'attente pour leur obtention pouvait atteindre plusieurs années, ce qui augmentait leur valeur économique et permettait à leurs titulaires de gagner de l'argent en vivant de la rente résultant de la location de leurs plaques pour un loyer dépassant parfois plus de dix fois le montant de la taxe annuelle (cf. PL 12'649, p. 26 s.; PL 12'649-A, p. 29 s. et 237 s.; PL 12'649-B, p. 8 et 76 s.). Le projet de loi prévoyait ainsi de supprimer la cession des plaques, en recourant à leur location ou au bail à ferme, solution discutée par la commission des transports qui l'a validée (PL 12'649 p. 26 s.; cf. aussi PL 12'649-A, p. 8, 29 s., 212 et 236; PL 12'649-B, p. 7, 20 ss et 76s.) et qui a été adoptée par le Parlement (cf. art. 13 al. 3, 37 al. 4 et 5 et 46 al. 8 à 13 LTVTC/GE).
Concernant le régime transitoire, il ressort encore des travaux préparatoires que l'idée était notamment de prévoir un système pour que celui qui ne pouvait plus louer d'autorisation puisse en obtenir une, et ce de manière prioritaire. L'objectif était de préserver le chauffeur en lui permettant de poursuivre son activité (cf. PL 12'649-B, p. 20). Il s'agissait également de prévoir un système permettant de clarifier rapidement la situation pour les chauffeurs qui louaient des autorisations, ce qui répondait à un but d'ordre social. Ces personnes dépendaient en effet de leur bailleur et payaient le montant de la location (cf. PL 12'649-B, p. 27); ils étaient ainsi dépendants de leur bailleur et économiquement vulnérables (cf. PL 12'649-B, p. 8). Une volonté de "remettre les plaques à ceux qui les utilisent vraiment" et de "protéger les actuels locataires" ont été évoquées en Commission (cf. PL 12'213-A, p. 212 et 214).
En revanche, la question de la définition de "l'usage effectif" au sens de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE n'a pas été abordée lors de l'élaboration de cette disposition. Cette question avait en revanche été discutée en lien avec l'art. 13 al. 3 LTVTC/GE (cf. au surplus supra consid. 5.2 et infra consid. 6.3.4). Il avait été précisé qu'il s'agissait d'une question de "proportionnalité" qui devait être précisée dans le règlement d'application (PL 12'649-A, p. 592).
6.3.3. Il découle de ce qui précède que le but poursuivi par le nouveau droit est de permettre aux chauffeurs de taxi qui exerçaient leur profession à travers la location de plaques ou d'un bail à ferme de continuer leur activité, malgré l'abolition de ces pratiques par l'entrée en vigueur de la nouvelle LTVTC/GE, et de leur attribuer, pour autant que les conditions légales soient remplies, une autorisation d'usage accru du domaine public. Il s'agit ainsi de reconnaître leur statut, lequel était précédemment admis par le droit cantonal, pour autant toutefois que la personne concernée ait réellement fait usage des plaques ou de la voiture d'un tiers.
6.3.4. Dans cette lignée et sur le plan systématique, la notion d'"utilisateur effectif" de l'autorisation d'usage accru du domaine public de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE est également employée à l'alinéa 8 de cette même disposition, alinéa qui fixe le régime transitoire pour le titulaire de l'autorisation précédemment louée, soit le bailleur. Elle est également utilisée dans d'autres dispositions matérielles de la loi sur les taxis, et en particulier celle qui régit les autorisations d'usage accru du domaine public (cf. art. 13 LTVTC/GE). Dans le présent contexte, est plus particulièrement pertinent l'art. 13 al. 3 LTVTC/GE qui, comme on l'a vu (cf. supra consid. 5.2), interdit désormais la location des autorisations, son titulaire devant en faire "un usage personnel et effectif". L'art. 13 al. 4 LTVTC/GE prévoit ensuite que le Conseil d'État est compétent pour définir la notion d'usage effectif.
À ce titre, l'art. 17 RTVTC/GE met en oeuvre et précise l'art. 13 de la loi (cf. note marginale). Les alinéas 5 et 6 de cette disposition sont formulés comme suit: "Les titulaires d'une autorisation d'usage accru du domaine public sont tenus d'en faire un usage effectif sous peine de caducité. L'usage est effectif si l'autorisation est exploitée sur l'année pendant une durée hebdomadaire moyenne de 32 heures au moins, à l'exclusion de 2 mois de vacances" (art. 17 al. 5 RTVTC/GE). L'usage est personnel au sens de l'article 13 al. 3 LTVTC/GE "lorsque l'exploitation est faite par la personne titulaire elle-même ou par le personnel employé" (art. 17 al. 6 LTVTC/GE).
6.3.5. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt entrepris que le recourant a produit un document "compte commerçant", qui atteste d'une activité régulière jusqu'au 11 décembre 2021 à 14h39, l'activité reprenant le 10 mars 2022 à 2h27. Dès lors, le recourant n'a pas fait usage de l'autorisation durant près de trois mois, dont près de deux mois et demi en 2022. Il a en outre indiqué être parti en vacances à l'étranger "en janvier et février 2022" et s'être absenté, en raison du décès de sa mère. Toutefois, la Cour de justice a précisé qu'aucun document ne confirmait ces allégations.
6.3.6. Il en découle que l'autorisation n'a pas été exploitée pendant plus de deux mois durant l'année 2022. Cette période d'inactivité, qui va au-delà du minimum prévu à l'art. 17 al. 3 RTVIC/GE, comprend en outre la date pertinente selon le droit transitoire, à savoir le 28 janvier 2022. Le recourant n'a enfin pas prouvé les motifs justifiant cette absence d'activité.
Dans ces circonstances, il n'était pas insoutenable de conclure que le recourant ne remplissait pas la condition d'avoir été l'utilisateur effectif d'une autorisation au 28 janvier 2022 et de refuser de lui délivrer une telle autorisation, en application de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE. L'interprétation que fait la Cour de justice de cette disposition, bien que sommaire, ainsi que son application au cas d'espèce sont défendables.
6.3.7. À l'appui de son grief, le recourant se contente en réalité de démontrer qu'une autre interprétation que celle retenue par la Cour de justice serait possible, ce qui n'est pas suffisant. En effet et quoi qu'en dise le recourant, le fait que le but de protection des locataires d'autorisations d'usage du domaine public soit mentionné lors des discussions en commission (cf. supra consid. 6.3.2) ne suffit pas à conclure que, sous peine d'arbitraire, tout locataire d'une autorisation d'usage accru du domaine public doit se voir attribuer une telle autorisation sous le nouveau droit, même si en réalité il ne l'utilise pas durant suffisamment de temps. Si, comme le recourant l'invoque, la notion d'utilisateur effectif de l'autorisation d'usage accru du domaine public peut en effet être considérée comme étant liée à celle de locataire d'une telle autorisation, il est toutefois admissible de retenir que ces notions ne se recoupent pas entièrement, comme il vient d'être vu.
6.4. Ces considérations scellent le sort de la présente cause. Dès lors, le fait qu'un contrat de bail ait été conclu entre le recourant et B.________ en 2020, qu'il ait toujours été en vigueur durant l'absence du recourant à l'étranger ou encore que les loyers aient été payés ne sont pas des éléments déterminants (cf. supra consid. 3 et 4), quoi qu'en dise le recourant. Le grief d'arbitraire dans l'interprétation et l'application du droit cantonal doit être rejeté.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
Lausanne, le 13 mars 2025
Au nom de la II e Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : M. Joseph