2C_536/2024 13.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_536/2024
Arrêt du 13 mars 2025
II
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Kradolfer.
Greffière : Mme Joseph.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat,
recourant,
contre
Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève,
rue de Bandol 1, 1213 Onex,
intimée.
Objet
Loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC); délivrance d'une autorisation d'usage accru du domaine public,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 24 septembre 2024 (ATA/1115/2024).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1967, chauffeur de taxi, est titulaire d'une carte professionnelle de chauffeur de taxi depuis le 12 décembre 2017.
A.________ a été locataire des deux autorisations d'usage accru du domaine public liées aux plaques d'immatriculation suivantes:
- GE xxx, louée à B.________ du 1er septembre 2018 au 31 mars 2020;
- GE yyy, Iouée à C.________ à compter du 1er juillet 2022.
A.b. Le 1er novembre 2022 est entrée en vigueur la loi genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (ci-après: loi sur les taxis ou LTVTC/GE; RSGE H 1 31), adoptée le 28 janvier 2022 par le Grand Conseil du canton de Genève (ci-après: le Grand Conseil). Celle-ci a interdit la location des autorisations d'usage accru du domaine public, le droit transitoire prévoyant toutefois l'attribution d'autorisations en faveur des personnes qui étaient utilisateurs effectifs de l'autorisation d'un tiers au moment de l'adoption de la loi par le Grand Conseil le 28 janvier 2022 notamment.
A.c.
Le 15 novembre 2022, A.________ a déposé auprès du Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève, devenu la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après: le Service cantonal), une requête en délivrance d'une autorisation d'usage accru du domaine public en se fondant sur les dispositions transitoires de la loi sur les taxis.
Par décision du 7 février 2023, le Service cantonal a rejeté la requête et a refusé d'attribuer à A.________ l'autorisation sollicitée, au motif qu'il n'avait pas été l'utilisateur effectif d'une autorisation d'usage accru du domaine public à la date pertinente du 28 janvier 2022 prévue par le droit transitoire.
Le recours interjeté par ce dernier auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre cette décision a été rejeté le 27 juin 2023.
Le 8 septembre 2023, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours déposé contre l'arrêt cantonal du 27 juin 2023 (cause 2C_394/2023).
B.
Le 30 octobre 2023, A.________ a formé auprès du Service cantonal une nouvelle requête d'autorisation d'usage accru du domaine public fondée principalement sur les mêmes éléments de fait que la précédente. En revanche, il invoquait nouvellement l'existence d'un "cas de rigueur", en raison de la période marquée par la crise sanitaire liée au Covid-19, permettant selon lui de déroger à l'exigence légale d'avoir été l'utilisateur effectif d'une autorisation d'usage accru du domaine public le 28 janvier 2022 pour se voir attribuer une telle autorisation.
Par décision du 5 avril 2024, la Service cantonal a rejeté cette requête.
Par arrêt du 24 septembre 2024, la Cour de justice a rejeté le recours que A.________ avait interjeté contre la décision de refus précitée. Elle a considéré en substance qu'au moment déterminant de l'adoption de la loi, soit le 28 janvier 2022, ce dernier n'était pas l'utilisateur de l'autorisation d'usage accru du domaine public. Il ne remplissait partant pas une des conditions posées par le droit transitoire, à laquelle il n'était pas possible de déroger, et ne pouvait pas se voir attribuer l'autorisation sollicitée sur cette base. La Cour de justice a enfin rejeté le grief de la violation de la liberté économique invoqué par le recourant.
C.
A.________ dépose un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt cantonal du 24 septembre 2024 et à ce qu'une autorisation d'usage accru du domaine public pour l'exercice de l'activité de chauffeur de taxi indépendant lui soit délivrée. Subsidiairement, il demande qu'il soit dit qu'il a le droit de se voir délivrer une autorisation d'usage accru du domaine public pour cas de rigueur et, plus subsidiairement, à être inscrit sur la liste d'attente avant toute autre personne physique ou morale bénéficiant déjà d'une autorisation d'usage accru du domaine public. Encore plus subsidiairement, il conclut à ce que la cause soit renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite par ailleurs l'octroi de l'assistance judiciaire.
Le 31 octobre 2023, le Tribunal de céans a renoncé provisoirement à exiger une avance de frais et dit qu'il sera statué ultérieurement sur l'octroi de l'assistance judiciaire.
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Office cantonal conclut au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 II 66 consid. 1.3).
1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par un tribunal cantonal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) qui confirme le refus d'octroi d'une autorisation donnant droit à un usage accru du domaine public en tant que chauffeur de taxi. Elle concerne donc une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF) qui n'entre pas dans le catalogue des exceptions prévues par l'art. 83 LTF. Le recours a en outre été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, par le recourant qui est atteint par la décision entreprise et qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Le recours en matière de droit public est donc recevable, sous réserve de ce qui suit.
1.2. Devant le Tribunal fédéral, le recourant conclut, à titre plus subsidiaire, à être inscrit en tête de liste d'attente, alors qu'il avait uniquement conclu, devant la Cour de justice, à l'octroi d'une autorisation d'usage accru du domaine public.
1.2.1. Aux termes de l'art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable. Il est ainsi exclu de demander davantage ou autre chose que ce qui figure dans les dernières conclusions devant l'autorité précédente (cf. ATF 143 V 19 consid. 1.1; 142 I 155 consid. 4.4.2; arrêt 2C_527/2023 du 15 octobre 2024 consid. 1.3.1).
1.2.2. En l'espèce, le recourant remet en cause le système-même de la tenue de la liste d'attente et la place qui lui aurait été attribuée sur cette liste, au regard des dispositions matérielles spéciales régissant cette question (cf. en particulier les art. 17 et 18 du Règlement d'exécution de la loi genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 19 octobre 2022; RTVTC/GE; RSGE H 1 31.01, en lien avec l'art. 13 LTVTC/GE). En substance, il invoque qu'une application stricte de l'art. 18 RTVTC/GE, qui prévoit une inscription par ordre chronologique sur la liste d'attente, violerait sa liberté économique, l'égalité de traitement entre concurrents économiques, le principe de la proportionnalité et serait en outre arbitraire. Ces griefs ne relèvent ainsi pas de l'interprétation de la norme de droit transitoire appliquée en l'espèce par le Tribunal cantonal (soit l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE) à la demande d'autorisation déposée par le recourant. Savoir si le recourant peut être inscrit en tête de liste constitue ainsi une autre problématique que celle de l'application du droit transitoire et de l'octroi d'une autorisation d'usage accru du domaine public. Le recourant aurait ainsi dû prendre une conclusion en ce sens devant les instances précédentes.
Dès lors, la nouvelle conclusion en inscription en tête de liste d'attente est irrecevable, comme le relève l'Office cantonal dans ses déterminations. Partant, les griefs précités, formulés en lien avec l'art. 18 RTVTC/GE et la place qui aurait été attribuée au recourant sur la liste d'attente, ne seront pas examinés.
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est uniquement possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un autre droit constitutionnel (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1). Le Tribunal fédéral n'examine le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé de façon précise par le recourant (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 329 consid. 2.3; 146 IV 297 consid. 1.2).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été constatés de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2).
En l'espèce, dans une partie "En fait" de son recours et à l'appui de son raisonnement juridique, le recourant présente sa propre vision des faits qui diverge en partie de l'état de fait retenu par la Cour de justice. En tant que les faits ainsi allégués ne sont pas constatés dans l'arrêt attaqué, sans que le recourant ne s'en plaigne de manière circonstanciée, il n'en sera pas tenu compte. Seuls les griefs suffisamment motivés en lien avec l'établissement des faits par la Cour de justice seront donc examinés (cf. infra consid. 4).
3.
Dans un grief d'ordre formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint d'un déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.). La Cour de justice n'aurait pas analysé son grief concernant la violation du "principe de la dérogation pour cas de rigueur", selon lequel il serait possible d'accorder une dérogation qui n'est pas prévue par une loi, en l'occurrence par l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE, en présence d'une "circonstance exceptionnelle".
3.1. Il y a déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. lorsqu'une autorité n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit. L'autorité qui se refuse à statuer, ou ne le fait que partiellement, viole l'art. 29 al. 1 Cst. (cf. ATF 144 II 184 consid. 3.1; 141 I 172 consid. 5; arrêt 2C_307/2024 du 2 octobre 2024 consid. 6.1).
3.2. En l'espèce, l'arrêt cantonal mentionne le grief du recourant selon lequel sa situation constituerait un "cas de rigueur", justifiant une dérogation au régime transitoire prévu par l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE. La Cour de justice retient en substance qu'aucune dérogation n'est possible et que seul le point de savoir si le chauffeur était l'utilisateur effectif d'une autorisation à la date de l'adoption de la loi était déterminant, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Le grief a ainsi été traité. Savoir si c'est à juste titre que la Cour de justice l'a rejeté relève du droit et sera examiné ci-après (cf. infra consid. 6). Le grief de la violation de l'art. 29 al. 1 Cst. doit être rejeté.
4.
Le recourant invoque l'arbitraire dans l'établissement des faits. C'est selon lui à tort que la Cour de justice aurait admis que le législateur genevois avait tenu compte de la situation économique des chauffeurs de taxi en raison de la pandémie, lorsqu'il a rédigé les dispositions transitoires de la LTVTC/GE adoptée le 28 janvier 2022.
En réalité, le grief, tel que formulé, ne relève pas de l'établissement des faits mais de l'interprétation et de l'application d'une norme de droit cantonal, soit de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE, ce qui sera examiné ci-dessous (cf. infra consid. 6).
5.
5.1. Au fond, le litige porte sur le refus d'attribution d'une autorisation d'usage accru du domaine public en faveur du recourant lui permettant d'exercer en qualité de chauffeur de taxi, en application de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE. Il relève donc exclusivement du droit cantonal. Avant d'examiner les griefs de fond soulevés, il convient de présenter le cadre légal applicable.
5.2. La nouvelle loi genevoise sur les taxis, entrée en vigueur le 1er novembre 2022, a supprimé la possibilité qu'avait un chauffeur de taxi titulaire d'une autorisation d'usage accru du domaine public de mettre celle-ci à disposition d'un chauffeur tiers, en recourant à la location ou au bail à ferme. L'art. 13 al. 3 LTVTC/GE prévoit ainsi que les autorisations et les plaques d'immatriculation correspondantes sont strictement personnelles et intransmissibles; elles ne peuvent être mises à la disposition d'entreprises ou de chauffeurs tiers. Le titulaire de l'autorisation doit en faire un usage personnel et effectif en tant que chauffeur indépendant ou entreprise.
Un régime transitoire a toutefois été prévu (cf. art. 46 al. 8 à 13 LTVTC/GE) et une disposition traitant de la situation des chauffeurs de taxi qui louaient l'autorisation d'un tiers, comme le permettait l'ancien droit, a été adoptée. L'art. 46 al. 13 LTVTC/GE a la teneur suivante:
Art. 46 Dispositions transitoires
(...)
Attribution des autorisations restituées ou caduques
13 Le département peut attribuer l'autorisation d'usage accru du domaine public à la personne physique ou morale qui en était l'utilisateur effectif au moment du dépôt de la présente loi, s'il en est toujours l'utilisateur au moment de l'adoption de la loi, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l'article 13, alinéa 5, de la présente loi.
Les chauffeurs de taxi concernés avaient un délai d'un an depuis l'entrée en vigueur de la loi pour déposer leur demande en délivrance d'une autorisation (cf. art. 57 al. 11 et 12 RTVTC/GE).
5.3. Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a rappelé qu'elle avait déjà eu l'occasion de préciser dans sa jurisprudence que, malgré la lettre de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE, il n'était pas nécessaire d'avoir été l'utilisateur effectif d'une autorisation d'usage accru "au moment du dépôt de la loi" - à savoir le 26 février 2020 - pour requérir l'attribution d'une telle autorisation. Cette condition ne reflétait en effet pas la volonté du législateur. Il suffisait ainsi d'avoir été l'utilisateur effectif de l'autorisation au moment de l'adoption de la loi, soit le 28 janvier 2022 (cf. ATA/779/2023 du 18 juillet 2023 consid. 5.6.2; ATA/886/2023 du 22 août 2023 consid. 6.6; cf. aussi arrêt 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 3). Le recourant ne remet pas en cause l'arrêt attaqué sur cette interprétation de sorte qu'elle n'a pas à être revue (art. 106 al. 2 LTF).
6.
Dans un premier grief de fond, le recourant prétend, en substance, que la décision de la Cour de justice qui refuse de lui accorder une "dérogation pour cas de rigueur" serait arbitraire. Il conviendrait selon lui de renoncer à l'exigence d'avoir été l'utilisateur effectif d'une autorisation d'usage accru du domaine public au moment de l'adoption de la loi au sens de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE, en application "du principe constitutionnel de la dérogation pour cas de rigueur". En effet, il aurait résilié son bail à cause de la crise du Covid-19, à savoir en raison d'une circonstance exceptionnelle qui permettrait de déroger aux exigences posées par la loi.
Par sa critique, le recourant s'en prend à la manière dont la Cour de justice a interprété et appliqué l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE.
6.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (cf. ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 149 I 329 consid. 5.1; 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1).
6.2. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte se prête à plusieurs interprétations, s'il y a de sérieuses raisons de penser qu'il ne correspond pas à la volonté du législateur, il convient de rechercher sa véritable portée au regard notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique) (ATF 149 III 242 consid. 5.1 et les références).
L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune authentique (ou proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminé de la norme ne constitue un abus de droit ou ne viole la Constitution (ATF 150 I 80 consid. 3.1; 149 III 117 consid. 3.1; 148 V 84 consid. 7.1.2).
6.3. Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a procédé à l'interprétation de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE et a en substance conclu qu'il n'était pas possible d'invoquer la crise sanitaire comme motif d'empêchement à l'exigence d'avoir été l'utilisateur effectif d'une autorisation d'usage accru du domaine public à la date du 28 janvier 2022. Il convient de déterminer si cette interprétation était arbitraire.
6.3.1. À rigueur de texte, il faut retenir, avec l'autorité précédente, que la lettre de l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE ne prévoit pas la possibilité de déroger à la condition d'avoir été l'utilisateur effectif d'une autorisation d'usage accru du domaine public à la date pertinente.
6.3.2. Il ressort des travaux préparatoires, en particulier du projet de loi n° 12'649 (PL 12'649) sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur déposé par le Conseil d'État du 26 février 2020 ainsi que des rapports ultérieurs de la commission parlementaire des transports (PL 12'649-A du 16 août 2021; PL 12'649-B du 11 janvier 2022) qu'en raison du numerus clausus des autorisations d'usage accru du domaine public, le délai d'attente pour leur obtention pouvait atteindre plusieurs années, ce qui augmentait leur valeur économique et permettait à leurs titulaires de gagner de l'argent en vivant de la rente résultant de la location de leurs plaques pour un loyer dépassant parfois plus de dix fois le montant de la taxe annuelle (cf. PL 12'649, p. 26 s.; PL 12'649-A, p. 29 s. et 237 s.; PL 12'649-B, p. 8 et 76 s.). Le projet de loi prévoyait ainsi de supprimer la cession des plaques, en recourant à leur location ou au bail à ferme, solution discutée par la commission des transports qui l'a validée (PL 12'649 p. 26 s.; cf. aussi PL 12'649-A, p. 8, 29 s., 212 et 236; PL 12'649-B, p. 7, 20 ss et 76s.) et qui a été adoptée par le Parlement (cf. art. 13 al. 3, 37 al. 4 et 5 et 46 al. 8 à 13 LTVTC/GE).
Concernant le régime transitoire, il ressort encore des travaux préparatoires que l'idée était notamment de prévoir un système pour que celui qui ne pouvait plus louer d'autorisation puisse en obtenir une, et ce de manière prioritaire. L'objectif était de préserver le chauffeur en lui permettant de poursuivre son activité (cf. PL 12'649-B, p. 20). Il s'agissait également de prévoir un système permettant de clarifier rapidement la situation pour les chauffeurs qui louaient des autorisations, ce qui répondait à un but d'ordre social. Ces personnes dépendaient en effet de leur bailleur et payaient le montant de la location (cf. PL 12'649-B, p. 27); ils étaient ainsi dépendants de leur bailleur et économiquement vulnérables (cf. PL 12'649-B, p. 8). Une volonté de "remettre les plaques à ceux qui les utilisent vraiment" et de "protéger les actuels locataires" ont été évoquées en Commission (cf. PL 12'213-A, p. 212 et 214).
6.3.3. Il découle de ce qui précède que le but poursuivi par le nouveau droit est de permettre aux chauffeurs de taxi qui exerçaient leur profession à travers la location de plaques ou d'un bail à ferme de continuer leur activité, malgré l'abolition de ces pratiques par l'entrée en vigueur de la nouvelle LTVTC/GE, et de leur attribuer, pour autant que les conditions légales soient remplies, une autorisation d'usage accru du domaine public. Il s'agit ainsi de reconnaître leur statut, lequel était précédemment admis par le droit cantonal, pour autant toutefois que la personne concernée ait réellement fait usage des plaques ou de la voiture d'un tiers.
6.3.4. Dès lors, les résultats de l'interprétation littérale, historique, et téléologique de la norme litigieuse empêchent de qualifier d'arbitraire le raisonnement de la Cour de justice revenant à nier la possibilité de déroger au régime clair prévu à l'art. 46 al. 13 LVTVC dans l'hypothèse invoquée en l'espèce, à savoir celle d'un chauffeur indiquant avoir cessé de louer, et ainsi d'utiliser, une autorisation d'usage accru du domaine public avant le 28 janvier 2022 en raison de la crise sanitaire.
6.3.5. Quoi qu'en dise le recourant, il n'était pas non plus insoutenable de retenir, comme l'a fait la Cour de Justice, que le législateur n'avait pas pu ignorer les conséquences économiques de la crise sanitaire liée au Covid-19 sur les chauffeurs de taxi, puisque la nouvelle réglementation avait justement été élaborée en pleine pandémie et que, s'il avait voulu prévoir des dérogations au régime transitoire pour ce motif, le législateur l'aurait indiqué. À cela s'ajoute également que la crise sanitaire a affecté l'ensemble de la profession et que tous les chauffeurs de taxi qui louaient une autorisation, dont un tiers était détenteur, n'ont pas nécessairement résilié leur contrat de bail. Il est donc défendable de nier que ces circonstances - certes exceptionnelles - permettent de déroger à la loi. Ainsi et contrairement à ce que soutient le recourant, il n'était pas arbitraire de considérer que l'on n'était pas en présence d'une lacune qu'il convenait de combler (cf. supra consid. 6.2).
6.3.6. Dans ce contexte, on peine à voir ce que le recourant entend tirer de l'arrêt du Tribunal fédéral qu'il cite (ATF 147 V 423) et qui traite de l'allocation pour perte de gain telle que prévue par l'ordonnance du 20 mars 2020 sur les mesures en cas de perte de gain en lien avec le coronavirus, dans sa teneur en vigueur du 17 mars 2020 au 25 septembre 2020. Dans cette affaire, le Tribunal a interprété la disposition de l'ordonnance qui prévoit l'allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus pour les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante. Il a retenu que cette disposition réglait exhaustivement la matière et qu'il n'avait ainsi pas de lacune à combler. Il y avait ainsi précisément une base légale spéciale envisageant la situation liée au Covid-19, contrairement à la présente affaire. Au demeurant, celle-ci a été interprétée et le Tribunal fédéral a confirmé que la recourante ne remplissait en l'espèce pas les conditions pour obtenir une telle indemnité.
6.4. En conclusion, c'est sans arbitraire que la Cour de justice a interprété l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE et retenu qu'il n'était pas possible d'invoquer la crise sanitaire comme motifs d'empêchement à l'exigence d'avoir été titulaire d'une autorisation d'usage accru du domaine public à la date du 28 janvier 2022. Dès lors que le recourant n'a pas loué d'autorisation d'usage accru du domaine public entre le 31 janvier 2021 et le 30 juin 2022, la Cour de justice pouvait confirmer le refus d'octroyer l'autorisation sollicitée sans violer l'art. 9 Cst.
7.
Le recourant se plaint enfin d'une violation des art. 27 et 36 al. 2 et 3 Cst. En substance, le refus de lui octroyer une autorisation d'usage accru du domaine public serait disproportionné et violerait sa liberté économique.
7.1. Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1); elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2).
7.2. L'activité de chauffeur de taxi indépendant ou salarié est protégée par l'art. 27 Cst., même si l'exercice de cette activité implique un usage accru du domaine public (cf. ATF 150 I 120 consid. 4.1.1; 143 II 598 consid. 5; arrêt 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 7.1). De jurisprudence constante, la collectivité publique est toutefois habilitée à réglementer un tel usage accru du domaine public par les taxis (arrêts 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 7.1; 2C_394/2020 du 20 novembre 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités). Les restrictions cantonales à l'exercice de la profession de chauffeur de taxi qui portent ainsi atteinte à la liberté économique doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et respecter le principe de proportionnalité (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 150 I 120 consid. 4.1.1; 149 I 191 consid. 6 et 7.2; arrêt 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 7.1).
7.3. Le Tribunal fédéral a récemment retenu que l'art. 46 al. 13 LTVTC/GE ne restreint d'aucune manière la liberté économique. Il a précisé que le fait que cette disposition prévoie la possibilité de se voir attribuer en priorité une autorisation personnelle pour les chauffeurs qui en louaient une à leur titulaire au moment de l'adoption de la loi ne signifie pas que cette disposition consacre une violation "directe" de la liberté économique du chauffeur qui ne remplit pas cette condition. Il a rappelé que la jurisprudence admet que le droit cantonal puisse limiter l'utilisation du domaine public par les chauffeurs de taxi en soumettant celle-ci à autorisation et que le chauffeur locataire d'une autorisation d'usage accru du domaine public reste libre de déposer une demande d'inscription sur la liste d'attente afin d'obtenir une telle autorisation (cf. arrêt 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 7.2).
La situation est en l'occurrence similaire de sorte que l'on n'est pas non plus en présence d'une atteinte à la liberté économique. Dès lors, le point de savoir si cette atteinte respecte le principe de la proportionnalité ne se pose pas.
Le grief de la violation de l'art. 27 Cst. est rejeté.
8.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Celui-ci étant d'emblée dénué de chance de succès, la demande d'assistance judiciaire est rejetée (cf. art. 64 al. 1 LTF). Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires, qui seront toutefois réduits (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section.
Lausanne, le 13 mars 2025
Au nom de la II e Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : M. Joseph