7B_946/2024 18.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_946/2024
Arrêt 18 mars 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Kölz et Hofmann.
Greffière: Mme Schwab Eggs.
Participants à la procédure
A.________ AG,
représentée par Me Isabelle Romy, avocate,
recourante,
contre
Ministère public de la Confédération, Guisanplatz 1, 3003 Berne,
intimé.
Objet
Refus de classement de la procédure et de disjonction,
recours contre la décision de la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral du 19 août 2024 (CN.2024.18).
Faits :
A.
A.a. Le 1 er février 2008, le Ministère public de la Confédération (ci-après: le MPC) a ouvert une procédure pénale contre plusieurs individus, notamment pour blanchiment d'argent et appartenance à une organisation criminelle.
Par ordonnance du 12 novembre 2013, le MPC a étendu la procédure à la société B.________ AG pour soupçons de blanchiment d'argent aggravé (art. 305 bis CP en relation avec l'art. 102 al. 2 CP).
A.b.
A.b.a. Par acte d'accusation du 15 décembre 2020, le MPC a renvoyé la société B.________ AG, en sus de plusieurs prévenus, en jugement devant la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour des affaires pénales).
A.b.b. Par jugement du 27 juin 2022, dont le dispositif a été communiqué en audience le jour même, la Cour des affaires pénales a reconnu la violation du principe de la célérité et, en ce qui concerne notamment B.________ AG, a classé la procédure pour les faits antérieurs au 26 juin 2007 et l'a reconnue coupable de violation de l'art. 102 al. 2 CP, en lien avec l'infraction de blanchiment d'argent aggravé (art. 305 bis ch. 1 et 2 CP), pour les faits qui se sont déroulés durant la période du 2 juillet 2007 au 4 décembre 2008, sauf pour un virement de 111'149,75 EUR effectué le 21 août 2007. L'autorité a condamné la prénommée à une amende de 2 millions CHF et a prononcé une créance compensatrice de 18'663'589,90 EUR à son préjudice.
A.b.c. Le 29 juin 2022, B.________ AG a annoncé faire appel de ce jugement. Ses coprévenus ont fait de même.
A.b.d. Le 16 octobre 2023, la Cour des affaires pénales a notifié la motivation du jugement du 27 juin 2022 aux parties concernées.
A.c.
A.c.a. Le 3 novembre 2023, B.________ AG, par l'entremise de son conseil Me Isabelle Romy, a fait parvenir à la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour d'appel) une déclaration d'appel contre le jugement du 27 juin 2022 de la Cour des affaires pénales. La société concluait principalement au classement immédiat de la procédure à son égard, subsidiairement à son acquittement - vu le décès de son ancienne employée et coprévenue survenu dans l'intervalle - et, partant, à l'annulation des chiffres du dispositif concernant les culpabilité, peine, créance compensatrice, confiscation, frais de procédure et indemnités.
À l'issue d'un échange d'écritures portant notamment sur la question du classement de la procédure, la Cour d'appel a rejeté la demande de classement par décision du 13 mars 2021.
A.c.b. Par courrier du 7 juin 2024, Me Isabelle Romy, intervenant pour le compte de la société A.________ AG, a informé la Cour d'appel de l'inscription au Registre du commerce, le (...), de la fusion par absorption entre A.________ AG et B.________ AG, la seconde ayant simultanément été dissoute et radiée dudit registre; elle a sollicité la disjonction et le classement de la procédure pénale ouverte contre B.________ AG, ainsi que la renonciation au prononcé d'une créance compensatrice et la levée d'un séquestre.
Les parties se sont déterminées sur cette requête.
B.
Par décision du 19 août 2024, la Cour d'appel a dit qu' A.________ AG avait succédé à B.________ AG en qualité de prévenue le (...), a invité A.________ AG à communiquer l'identité de son représentant à la direction de la procédure et a rejeté les demandes de disjonction de la procédure et de classement formées par A.________ AG.
C.
C.a. A.________ AG interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre la décision du 19 août 2024. Elle conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'il soit constaté que l'action pénale contre B.________ AG dans la procédure CA.2023.20 a pris fin le jour de la dissolution et radiation de la société au Registre du commerce le (...), qu'elle ne se poursuit pas contre A.________ AG et, par conséquent, que la procédure pénale soit classée. À titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif, respectivement le prononcé de mesures provisionnelles.
C.b. Invités à se déterminer, la Cour d'appel et le MPC ont conclu au rejet de la requête d'effet suspensif.
Par ordonnance du 24 septembre 2024, le Président de la IIe Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif, respectivement de mesures provisionnelles.
C.c. Le 17 octobre 2024, le MPC a déposé des déterminations et a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La Cour d'appel a renoncé à se déterminer.
Le 29 novembre 2024, A.________ AG a déposé des observations sur ces écritures.
C.d. Par avis du 29 novembre 2024 faisant suite à la réception du dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel du 26 novembre 2024 (CA.2023.20), les parties ont été interpellées sur la question de savoir si le recours conservait un objet vu le classement de la procédure pour les faits antérieurs au 26 juin 2007, respectivement l'acquittement d' A.________ AG du chef d'accusation de violation de l'art. 102 al. 2 CP.
A.________ AG s'est déterminée les 3 et 10 décembre 2024.
C.e. Par avis du 6 février 2025, la Cour d'appel a transmis une copie de la motivation de l'arrêt du 26 novembre 2024 (CA.2023.20).
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 II 476 consid. 1).
1.1. Le recours est dirigé contre une décision en matière pénale émanant de la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral (cf. art. 80 LTF), de sorte que le recours en matière pénale (art. 78 ss LTF) est en principe ouvert.
1.2. La recourante fait valoir que la décision querellée serait une décision partielle.
1.2.1. Aux termes de l'art. 91 LTF, traitant des décisions partielles, le recours est recevable contre toute décision qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (let. a) ou qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (let. b). La décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF est une variante de la décision finale visée par l'art. 90 LTF. La jurisprudence la définit comme la décision par laquelle le juge statue de manière définitive sur une partie de ce qui est demandé, qui aurait pu être jugée indépendamment des autres prétentions formulées. Cette indépendance implique donc d'une part que la prétention tranchée ait pu faire l'objet d'un procès séparé, d'autre part que la décision attaquée tranche de manière définitive une partie du litige (ATF 141 III 395 consid. 2.4; 135 III 212 consid. 1.2; arrêt 6B_411/2019 du 13 mai 2019 consid. 1.1.2).
1.2.2. En l'espèce, préalablement à l'examen des requêtes de disjonction et de classement - fondé sur un empêchement de procéder -, la décision querellée s'est prononcée sur la qualité de partie à la procédure pénale d' A.________ AG ensuite de la fusion par absorption survenue entre cette société et B.________ AG. Au terme de son raisonnement sur le premier point, l'autorité précédente a pris acte de la dissolution de la seconde société et du fait qu' A.________ AG lui succède en qualité de partie à la procédure (cf. décision querellée consid. 3.4). Autrement dit, cette décision se contente de constater le maintien d'une des parties prévenues dans la procédure. Une telle décision ne présente dès lors pas un caractère final, mais revêt les caractéristiques d'une décision incidente. Elle a en effet pour objet une question de procédure devant être réglée avant de pouvoir statuer sur le fond du litige, marquant ainsi une étape vers la décision finale (cf. ATF 135 III 566 consid. 1.1). La recourante admet au demeurant que si elle devait obtenir gain de cause sur l'absence de qualité de partie, l'autorité précédente devrait encore se prononcer sur les conclusions formées par B.________ AG dans sa déclaration d'appel. On souligne encore que la décision querellée a par ailleurs statué sur la disjonction demandée par la recourante; or les prononcés en lien avec une disjonction de procédure ne mettent en principe pas un terme à la procédure pénale (cf. ATF 147 IV 188 consid. 1.2; arrêt 7B_489/2024 du 6 janvier 2025 consid. 2.2.1).
Pour ces motifs, ne mettant pas un terme à la procédure pénale ouverte contre la recourante, la décision entreprise est une décision incidente.
1.3. Dans une motivation subsidiaire, la recourante prétend qu'il conviendrait d'entrer en matière sur son recours dans la mesure où les conditions de l'art. 93 al. 1 LTF seraient remplies.
1.3.1. Vu le caractère incident de la décision attaquée, le recours au Tribunal fédéral n'est recevable que si les conditions de l'art. 93 LTF sont réalisées, à savoir en présence d'un risque de préjudice irréparable (cf. art. 93 al. 1 let. a LTF; sur cette notion, ATF 148 IV 155 consid. 1.1; 144 IV 127 consid. 1.3.1) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (cf. art. 93 al. 1 let. b LTF; voir, sur cette disposition, ATF 133 IV 288 consid. 3.2; arrêt 7B_40/2024 du 11 octobre 2024 consid. 1.2 et les arrêts cités).
L'art. 93 al. 1 let. a LTF suppose que le recourant soit exposé à un dommage de nature juridique, qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision qui lui serait favorable (ATF 150 IV 103 consid. 1.2.1; 144 IV 127 consid. 1.3.1; arrêts 7B_1291/2024 du 27 janvier 2025 consid. 1.1.2; 7B_6/2024 du 6 mai 2024 consid. 1.4 non publié in ATF 150 IV 308). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois (ATF 141 III 80 consid. 1.2; arrêt 7B_401/2024 du 10 janvier 2025 consid. 2.2.2). Un dommage de pur fait, comme la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré comme irréparable (ATF 136 IV 92 consid. 4). En particulier, si la question qui a fait l'objet de la décision incidente peut être soulevée à l'appui d'un recours au Tribunal fédéral contre la décision finale (art. 93 al. 3 LTF), il n'y a pas de préjudice irréparable (ATF 141 III 80 consid. 1.2).
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice irréparable lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 144 III 475 consid. 1.2; cf. 141 IV 284 consid. 2.3).
1.3.2. La recourante affirme d'abord que le statut de prévenue entraînerait des conséquences prudentielles incisives, l'exposant en particulier à une surveillance accrue et à d'éventuelles mesures prudentielles; elle subirait en outre un préjudice réputationnel qui ne pourrait pas être réparé. Ces atteintes alléguées constituent toutefois un préjudice de fait, de nature économique, et non un dommage d'ordre juridique (cf. arrêts 7B_194/2023 du 17 janvier 2024 consid. 3.3.1; 1B_187/2021 du 18 mai 2021 consid. 3.3; 1B_347/2009 du 25 janvier 2010 consid. 2), de sorte que la recourante ne subit pas de préjudice irréparable. Au demeurant, à l'instar de tout prévenu, la recourante bénéficie de la présomption d'innocence tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 1 CPP); ce principe constitutionnel est suffisamment connu des autorités pénales et de la presse pour éviter tout amalgame fâcheux. En ce sens, la recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle assure de manière péremptoire que, même en cas d'acquittement, il ne serait plus possible d'effacer l'opprobre qui découlerait du statut de prévenue.
La recourante prétend ensuite que la participation à une procédure longue, complexe et coûteuse lui causerait également un préjudice irréparable. En général, un tel inconvénient ne constitue cependant pas un tel préjudice. Il ressort certes de la décision attaquée que la procédure pénale a été initiée en 2008 contre plusieurs prévenus et que dans le jugement du 27 juin 2022, la Cour des affaires pénales a considéré que le MPC avait violé le principe de la célérité. Il n'en demeure pas moins que la cause a déjà fait l'objet d'un jugement de première instance et qu'une procédure d'appel a été initiée, de sorte que la procédure est bien avancée; bien plus, alors que la recourante soutient que plusieurs mois seront nécessaires au prononcé et à la motivation de l'arrêt sur appel, un arrêt motivé prononçant son acquittement a dans l'intervalle été notifié aux parties (fait nouveau recevable s'agissant de la recevabilité du recours; cf. art. 99 al. 1 LTF; cf. ATF 145 I 227 consid. 2). Enfin, si la procédure est certes complexe, force est cependant de souligner que les défenseurs de la recourante sont les mêmes que ceux qui ont assuré la défense de B.________ AG, ce que la recourante relève elle-même. Pour ces motifs, on ne se trouve pas dans un cas exceptionnel où il se justifierait d'admettre un préjudice irréparable de ce chef.
1.3.3. La recourante invoque encore l'art. 93 al. 1 let. b LTF. Pour autant que cette disposition doive trouver application dans le cas d'espèce (cf., sur l'interprétation restrictive de cette disposition en matière pénale, ATF 133 IV 288 consid. 3.2), on relève que l'admission du présent recours n'est pas susceptible de mettre définitivement fin à la procédure (cf. consid. 1.2 supra). En outre, dans la mesure où la motivation de l'arrêt final a déjà été notifiée aux parties, l'entrée en matière sur le présent recours n'est pas susceptible d'empêcher une procédure longue et coûteuse.
1.3.4. En tout état, la recourante pourra faire valoir ses griefs quant au défaut de qualité de partie, voire à l'empêchement de procéder, à l'occasion d'un recours contre la décision finale. Ces questions devront en effet être soumises au juge du fond. En effet, depuis le dépôt du recours contre la décision querellée, l'autorité précédente a statué par un arrêt au fond; il n'est par conséquent plus envisageable de statuer sur la décision incidente alors qu'un arrêt final prononçant notamment l'acquittement de la recourante a d'ores et déjà été rendu. La recourante souligne d'ailleurs dans ses déterminations du 10 décembre 2024 qu'elle soulèverait les mêmes griefs dans un éventuel recours contre l'arrêt final; au vu des circonstances particulières du cas d'espèce, on ne décèle pas que cela serait contraire aux principes d'économie de la procédure et de la célérité, ni au droit à un recours effectif invoqués par la recourante.
1.4. Dans ces circonstances, les conditions de l'art. 93 al. 1 LTF ne sont pas réalisées. Les autres conditions de recevabilité, en particulier l'intérêt actuel au recours (art. 81 LTF), n'ont dès lors pas à être examinées.
2.
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral, à C.________, à D.________, à E.________, à F.F.________ et G.F.________ ainsi qu'à l' Hoirie H.F.________.
Lausanne, le 18 mars 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Schwab Eggs