1C_643/2023 27.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_643/2023
Arrêt du 27 mars 2025
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Haag, Président,
Chaix et Merz.
Greffier : M. Alvarez.
Participants à la procédure
A.A.________ et B.A.________,
A.________ AG,
tous les trois représentés par
Me Jean-Rodolphe Fiechter, avocat,
recourants,
contre
C.C.________ et D.C.________,
tous les deux représentés par Me Philippe Reymond, avocat,
Helvetia Nostra,
intimés,
Municipalité de Rougemont,
route de la Croisette 16, 1659 Rougemont,
représentée par Me Benoît Bovay, avocat,
Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud,
Service juridique, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne.
Objet
Permis de construire,
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 30 octobre 2023 (AC.2021.0388, AC.2021.0390).
Faits :
A.
B.A.________, A.A.________ et la société A.________ AG sont propriétaires, respectivement propriétaires en commun des actuelles parcelles n os 522, 2204, 2298 et 2299 du Registre foncier de la commune de Rougemont. Ces parcelles, libres de construction, sont situées le long, de part et d'autre, de la route du Pra Lieu, un chemin privé s'étendant d'est en ouest. Ces biens-fonds sont compris dans le périmètre du plan partiel d'affectation "Pra Lieu" approuvé le 24 mai 2007, en vigueur depuis le 3 juillet 2007, et son règlement de la même date (ci-après: PPA, respectivement RPPA). Ils sont colloqués en zone d'habitation de très faible densité (zone de chalet).
Le périmètre nord-est du PPA a été modifié le 30 août 2017, en lien avec les parcelles n os 1072, 1107 et 1108, dont l'affectation est en grande partie passée d'aire constructible à zone agricole ou secteur naturel à protéger (cf. plan de modification du PPA "Pra Lieu" approuvé préalablement par le département compétent le 31 août 2017 [pièce 108 du dossier cantonal]). Selon le rapport 47 OAT [RS 700.1], cette modification visait à "déterminer les terrains les moins propices à l'urbanisation" et à "répondre à une première étape de redimensionnement". Il était indiqué dans ce rapport que les parcelles en question étaient "situées hors du territoire urbanisé, dans un secteur contraint par les dangers naturels et dont les besoins à 15 ans n'étaient plus avérés (PPA destiné à la construction de chalets qui peuvent faire office de résidence principale et secondaire) ".
B.
Les 19 mars, 8 mai et 5 juillet 2012, A.A.________, B.A.________ ainsi que A.________ AG ont requis plusieurs autorisations de construire sur les actuelles parcelles n os 522, 2204, 2298 et 2299. Le projet I, prévu sur l'actuelle parcelle n o 522, portait sur la réalisation d'un "chalet familial", d'un unique logement, sur six niveaux, dont trois en sous-sol et trois hors sol. Le projet II, sur l'actuelle parcelle n o 2204, portait quant à lui sur la création de deux chalets d'habitations, de trois logements chacun, répartis sur quatre niveaux, dont un parking souterrain. Enfin, le projet III, sur les actuelles parcelles n os 2298 et 2299, consistait en un chalet d'habitation, d'un seul logement, ainsi que d'un garage souterrain, sur cinq niveaux. Ces projets concernaient alors des résidences secondaires.
Les projets I et II ont suscité les oppositions de C.C.________ et D.C.________, propriétaires de la parcelle n o 2275, située directement à l'ouest de la parcelle n o 522 et qui supporte un bâtiment d'habitation ainsi qu'un garage souterrain. Helvetia Nostra a pour sa part contesté l'ensemble des projets jusqu'au Tribunal fédéral qui, par arrêts du 28 octobre 2013 (causes 1C_332/2013, 1C_156/2013 et 1C_157/2013), a annulé les autorisations de construire délivrées par la Municipalité de Rougemont; la cause lui a été renvoyée pour nouvelle décision au motif, notamment, que la question de la conformité de ces autorisations à l'art. 75b Cst. n'avait pas été examinée.
C.
Désireux de relancer leurs projets, les constructeurs ont, le 27 octobre 2020, déposé de nouvelles demandes d'autorisation. Les projets I à III n'avaient pas changé et les plans déposés étaient identiques à ceux initialement produits, sous réserve de la pose de panneaux solaires. Cependant, les trois projets concernaient dorénavant des résidences principales. Le 16 novembre 2020, la municipalité a dispensé les projets d'enquête publique. Les 23 juin et 22 juillet 2021, les autorités cantonales compétentes ont délivré les autorisations spéciales requises, assorties de conditions impératives. Par décisions séparées du 11 novembre 2021, la municipalité a informé les opposants de la réactivation des projets I à III; elle a par ailleurs levé leurs oppositions et délivré les permis de construire demandés.
Le 9 décembre 2021, C.C.________ et D.C.________ ont recouru contre les décisions municipales les concernant à la Cour de droit administratif et public du Tribunal du canton de Vaud. Le 15 décembre 2021, Helvetia Nostra s'est également pourvue au Tribunal cantonal, contestant à nouveau l'ensemble des projets autorisés.
Par arrêt du 30 octobre 2023, après avoir joint les causes et s'être rendue sur les lieux, la cour cantonale a admis les recours et annulé les décisions municipales du 11 novembre 2021. Le Tribunal cantonal a estimé qu'en raison du surdimensionnement de la zone à bâtir communale et de la situation des parcelles litigieuses au sein du territoire communal, un contrôle incident de la planification s'imposait; sur cette base, elle a considéré que les autorisations de construire ne pouvaient être confirmées. Par ailleurs, la cour cantonale a retenu une violation de la loi fédérale sur les résidences secondaires du 20 mars 2015 (LRS; RS 702), admettant l'existence d'un abus de droit, aucune assurance ne pouvant être retenue quant à une utilisation des constructions en tant que résidences principales.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.A.________, A.A.________ et la société A.________ AG demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le Tribunal cantonal renvoie intégralement aux considérants de son arrêt. La Direction cantonale générale du territoire et du logement (ci-après: DGTL; anciennement, Service cantonal du développement territorial [SDT]) renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. La commune de Rougemont conclut à l'admission du recours. C.C.________ et D.C.________ en demandent le rejet, dans la mesure de sa recevabilité; ils confirment leurs conclusions aux termes de leurs observations spontanées du 28 février 2024 et de leurs déterminations du 3 juin 2024. Helvetia Nostra propose aussi le rejet. Également invité à se déterminer, l'Office fédéral du développement territorial (ARE) estime que l'arrêt attaqué ne prête pas le flanc à la critique, ni sous l'angle de la question du contrôle incident ni s'agissant de l'application de la LRS, et conclut au rejet du recours. Aux termes d'un échange ultérieur d'écritures, les parties persistent dans leurs conclusions respectives. Les intimés se sont encore exprimés par acte du 9 septembre 2024, sans susciter de réponse des autres parties à la procédure.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF) et déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont participé à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. En tant que propriétaires des parcelles concernées par le projet litigieux et requérants des autorisations de construire annulées par le Tribunal cantonal, ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué et peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de protection à son annulation. Les recourants s'en prennent par ailleurs aux deux motivations indépendantes développées dans cet arrêt, dont chacune suffit à sceller le sort de la cause, répondant, dans cette mesure, aux exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF (cf. ATF 142 III 364 consid. 2.4; arrêt 1C_36/2023 du 11 octobre 2023 consid. 2 et les arrêts cités). Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière.
2.
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 I 26 consid. 1.3; 142 III 364 consid. 2.4; 139 II 404 consid. 10.1).
Bien qu'ils reconnaissent que "les faits sont, pour l'essentiel, rappelés correctement" dans l'arrêt attaqué, les recourants articulent une série d'éléments factuels, en lien notamment avec la révision de la planification communale en cours ou encore avec la conformité de leur projet au RPPA. Dans la mesure où ils s'écartent des constatations de l'instance précédente ou les complètent, sans qu'il soit indiqué que celles-ci seraient manifestement inexactes ou arbitraires (cf. art. 97 et 105 LTF), les faits ainsi exposés sont irrecevables, le Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 140 III 115 consid. 2). Est également irrecevable, pour les mêmes motifs, la demande de rectification d'office des faits demandées par les recourants s'agissant de la question des besoins en logements touristiques ou en résidences principales qui justifieraient le maintien du secteur Pra Lieu en zone constructible (cf. recours, p. 8 in initio); cet aspect n'est quoi qu'il en soit pas pertinent pour l'issue du litige (cf. consid. 3.1.6 ci-dessous).
3.
Les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 21 al. 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700). Ils reprochent à l'instance précédente d'avoir jugé, au terme d'un contrôle incident de la planification, que les autorisations de construire délivrées par la municipalité ne pouvaient être confirmées.
3.1. Selon la jurisprudence, les plans d'affectation sont, d'un point de vue procédural, traités comme des décisions. Ils doivent être contestés lors de leur adoption, à défaut, il deviennent en principe définitifs et ne peuvent plus faire l'objet d'un examen préjudiciel dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire. Exceptionnellement, le contrôle incident d'un plan d'affectation est admissible lorsque l'intéressé ne pouvait pas encore se rendre compte des restrictions qui lui étaient imposées au moment de son adoption, qu'il n'avait alors aucune possibilité de défendre ses intérêts (ATF 148 II 417 consid. 3.3; 123 II 337 consid. 3a; arrêts 1C_283/2016 du 11 janvier 2017 consid. 4.3; 1C_507/2015 du 18 mai 2016 consid. 3.2), ou lorsque les circonstances ou les conditions légales se sont sensiblement modifiées depuis l'adoption du plan au point que celui-ci pourrait être devenu illégal et que l'intérêt à son réexamen ou à son adaptation l'emporte sur les intérêts contraires à la sécurité du droit et à la stabilité du plan (cf. art. 21 al. 2 LAT; ATF 148 II 417 consid. 3.3; cf. ATF 145 II 83 consid. 5.1; 144 II 41 consid. 5.1).
L'entrée en vigueur le 1 er mai 2014 du nouvel art. 15 LAT - en particulier l'obligation de réduire les zones à bâtir ancrée à son al. 2 - ne constitue à elle seule pas une modification sensible des circonstances justifiant d'entrer en matière sur une demande de contrôle préjudiciel d'un plan d'affectation dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire. Il faut, selon la jurisprudence, que s'y ajoutent d'autres circonstances. Parmi celles-ci se trouvent notamment la localisation de la parcelle par rapport à la zone à bâtir existante, son niveau d'équipement, ou encore l'ancienneté du plan (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.3 et les arrêts cités; 144 II 41 consid. 5.2).
3.1.1. Il ressort de l'arrêt attaqué que la zone à bâtir de la commune de Rougemont est largement surdimensionnée, à hauteur de 389 habitants dans et hors du centre (cf. rapport 47 OAT du 6 octobre 2020 relatif à la révision du plan général d'affectation [PACom] en cours, p. 18 s.; courrier de la DGTL du 17 avril 2023); selon un courrier de l'ancien Service cantonal du développement territorial [SDT] du 6 avril 2020, ce surdimensionnement se monterait même à 210 habitants dans le centre et 201 hors du centre. Les recourants ne le contestent d'ailleurs pas au stade du recours. En revanche, aux termes de leurs déterminations ultérieures du 21 août 2024, sans sur le principe remettre en cause le surdimensionnement, ils en discutent la quotité. Ces critiques, qui interviennent au-delà du délai de recours, à un stade ultérieur de la procédure, sont cependant et pour ce motif irrecevables (cf. ATF 143 II 283 consid. 1.2.3; arrêt 2C_/791/2022 du 22 mars 2024 consid. 1.2). Rien ne commande partant de revenir sur le surdimensionnement de la zone à bâtir communale.
Comme l'a rappelé le Tribunal cantonal, la révision de la LAT entrée en vigueur le 1 er mai 2014 commande en particulier de réduire les zones à bâtir surdimensionnées (cf. art. 15 al. 2 LAT). Postérieure à l'adoption - et à l'entrée en vigueur - du PPA "Pra Lieu", cette révision constitue un élément qui doit être considéré dans le cadre de l'examen du changement sensible des circonstances au sens de l'art. 21 al. 2 LAT; il est en particulier sans incidence sur la question du contrôle incident du PPA que ce dernier ait été révisé en 2017. En effet, comme l'a expliqué le Tribunal cantonal, cette révision du plan ne concernait pas les parcelles présentement en cause et ne constituait qu'une première étape dans le processus de redimensionnement conforme de la zone à bâtir communale, processus devant être finalisé dans le cadre de la révision ultérieure du plan général d'affectation de la commune (cf. rapport 47 OAT du 31 août 2016 relatif à la modification du PPA "Pra Lieu", p. 3). La révision de la planification générale est d'ailleurs actuellement en cours, ce qui témoigne du besoin d'adaptation, en particulier pour ce qui concerne le secteur "Pra Lieu" régi par un PPA ayant dépassé l'horizon de planification à 15 ans prévu à l'art. 15 al. 1 LAT (cf. ATF 145 II 83 consid. 5.4). Il est vrai cependant que cette révision du PPA "Pra Lieu" maintient les parcelles concernées par les projets litigieux en zone à bâtir. Cette ultime révision de la planification n'apporte cependant qu'une réponse très partielle au problème du surdimensionnement, comme l'a à juste titre relevé le Tribunal cantonal (surdimensionnement qualifié de "guère compressible" dans le rapport d'aménagement, cf. rapport 47 OAT du 6 octobre 2020, p. 19); il est d'ailleurs établi que la DGTL a, dans le cadre de cette révision, contesté le maintien de ces parcelles en zone à bâtir (cf. également courrier de la DGTL du 11 avril 2023, p. 1). Dans ces conditions, il apparaît qu'autoriser les projets litigieux, ce qui conduirait de fait au maintien des parcelles en zone constructible, est susceptible de compromettre un redimensionnement conforme (cf. arrêt 1C_297/2022 du 11 octobre 2023 consid. 2.2.2).
3.1.2. Cela étant et selon la jurisprudence, la révision de la LAT, à laquelle s'ajoute un constat de surdimensionnement de la zone à bâtir communale, ne constitue pas à elle seule un changement sensible des circonstances justifiant un tel contrôle préjudiciel (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.3). Cependant, en l'espèce la situation particulière des parcelles en cause - plus largement du secteur concerné - au sein du territoire communal joue un certain rôle. Sans que cela ne soit valablement discuté (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; voir également consid. 2 ci-dessus), l'instance précédente a constaté, après s'être rendue sur place, que les parcelles litigieuses sont situées dans un secteur entièrement entouré d'une vaste zone agricole, quasiment libre de construction, hormis les quelques chalets disséminés le long de la route du Pra Lieu et des constructions éparses, principalement rurales, isolées. La zone apparaît encore largement non bâtie, contrairement à ce qu'affirment appellatoirement les recourants. Le secteur, excentré, à 1,5 km et 20 minutes à pied du centre du village, n'est en outre pas desservi par les transports en commun, ce qui doit également être intégré dans l'appréciation (cf. art. 3 al. 3 let. a et art. 15 al. 4 let. a LAT; PIERRE TSCHANNEN, in Commentaire pratique LAT: Planification directrice et sectorielle, pesée des intérêts, 2019, n. 67 ad art. 3 LAT; AEMISEGGER/KISSLING, in Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, n. 92 ad art. 15 LAT). C'est au demeurant en raison de ces caractéristiques que la DGTL a - comme on l'a vu ci-dessus - contesté le maintien de ces différentes parcelles en zone à bâtir, dans le cadre de la révision de la planification générale en cours. L'ARE adhère du reste à cette appréciation, estimant céans que ces parcelles devraient "selon toute vraisemblance être exclues de la zone à bâtir".
Si, comme l'avancent les recourants, le caractère équipé du secteur doit certes être pris en compte en faveur de leur projet - respectivement du maintien en zone constructible -, cela ne suffit toutefois pas en soi à exclure un contrôle incident de la planification, tout particulièrement en présence de terrains excentrés, hors du territoire urbanisé et non desservis par les transports publics, le tout dans un contexte de surdimensionnement important. Enfin, s'agissant du poids à accorder aux constructions existantes - notamment le chalet des intimés - celui-ci doit être relativisé: comme le souligne le Tribunal cantonal et au regard des plans et cartes versés au dossier, les constructions actuelles situées en bordure de la route du Pra Lieu forment une excroissance incongrue s'avançant en pleine zone agricole. Dans un tel environnement, la réalisation de constructions supplémentaires n'apparaît guère compatible avec le principe cardinal de la séparation du territoire bâti et non bâti consacré à l'art. 75 al. 1 Cst. ni avec les objectifs de développement de l'urbanisation vers l'intérieur (art. 1 al. 2 let. a bis LAT), de création d'un milieu bâti compact (art. 1 al. 2 let. b LAT) ou encore d'une meilleure utilisation dans les zones à bâtir des possibilités de densification des surfaces de l'habitat (art. 3 al. 3 let. a LAT).
3.1.3. Par ailleurs, si la commune de Rougemont est recensée à l'ISOS depuis 1982, à teneur du dossier, c'est bien le relevé de 2013, postérieur au plan en vigueur, qui place le secteur concerné dans l'échappée dans l'environnement III (ci-après: EE III), dont la désignation est la suivante: "Espace préservé sur le versant adret de la vallée, compartimenté par le réseau hydrographique et composé d'un habitat rural traditionnel dispersé, avec prés et champs" (fiche ISOS, Commune de Rougemont, 2 e version, septembre 2013, p. 10). Cette EE III bénéficie d'une catégorie d'inventaire "a", qui indique qu'il s'agit d'une "partie indispensable du site construit, libre de constructions ou dont les constructions participent à l'état d'origine de l'environnement". L'objectif de sauvegarde "a" en outre attribué à l'EE III préconise la "sauvegarde de l'état existant en tant qu'espace agricole ou libre. Conservation de la végétation et des constructions anciennes essentielles pour l'image du site; suppression des altérations" (Explications relatives à ISOS, p. 4; disponible à l'adresse www.bak.admin.ch, consultée le 24 mars 2025). Or le maintien du caractère constructible du secteur, spécialement pour la réalisation de bâtiments d'habitation, n'apparaît de prime abord pas compatible avec cet objectif adopté postérieurement au plan, objectif qu'il appartient aux autorités communales de retranscrire dans la révision de leur planification d'affectation (cf. arrêt 1C_87/2019 du 11 juin 2020 consid. 1.2 et les arrêts cités).
Les recourants, avec l'appui de la commune, soutiennent certes que la révision du PPA "Pra Lieu" de 2017 embrasserait le recensement ISOS de 2013 et qu'un guide avait à cet égard été promulgué en annexe au plan. Toutefois, comme déjà exposé ci-dessus, cette révision ne concerne pas directement les parcelles litigieuses (cf. plan de modification du PPA "Pra Lieu" approuvé préalablement par le département compétent le 31 août 2017 [pièce 108 du dossier cantonal]). Quoi qu'il en soit, la commune a en outre été intégrée au parc Gruyère Pays-d'Enhaut, labélisé en 2012, puis en 2022, selon les versions successives du plan directeur cantonal vaudois (ci-après: PDCn) des 31 janvier 2018 et 11 novembre 2022 (cf. en particulier PDCn, 4 e adaptation quater, mesure E12, p. 241 ss, en particulier p. 243); celui-ci prévoit la protection des territoires ruraux d'un haut intérêt naturel, culturel et paysager, ainsi qu'un développement fondé sur la préservation, la revitalisation et la valorisation de ce patrimoine ( ibid.; voir également art. 3 let. b des statuts de l'association du Parc naturel régional Gruyère Pays-d'Enhaut; Charte du parc naturel régional Gruyère Pays-d'Enhaut [2022 - 2031], p. 127 ss, en particulier objectif stratégique 5.1, p. 127 s.). Outre le caractère postérieur au plan litigieux, cette dernière labellisation démontre encore une fois le caractère sensible et à protéger du secteur, si bien qu'on ne discerne pas en quoi il serait critiquable que le Tribunal cantonal en ait tenu compte dans le cadre de l'analyse de la question du contrôle incident de la planification (cf. arrêts 1C_87/2019 du 11 juin 2020 consid. 3.2; 1C_308/2017 du 4 juillet 2018 consid. 3.2.2; voir également arrêts 1C_349/2023 du 13 février 2025 consid. 2.1.1; 1C_182/2022 du 20 octobre 2023 consid. 4.3.2.1; AURÉLIEN WIEDLER, Plans d'affectation et objectifs de protection de l'ISOS, in DC 2020, p. 256 ss).
3.1.4. Finalement, au vu de ces éléments, en particulier des impératifs de réduction de la zone à bâtir (art. 15 LAT), de l'atteinte au principe de séparation du bâti et du non bâti (art. 1 et 3 LAT), et des enjeux de protection paysagère (art. 3 al. 2 LAT) de l'âge du plan qui a dépassé l'horizon de planification de l'art. 15 LAT, il faut concéder au Tribunal cantonal qu'il est douteux que la planification existante sur les parcelles litigieuses soit encore adaptée. Il existe dès lors un intérêt public prépondérant à maintenir les parcelles litigieuses libres de toute construction, qui doit prévaloir sur le principe de la stabilité des plans dont se prévalent les recourants, à tout le moins dans l'attente de l'issue de la modification de la planification déjà en cours; l'inverse pourrait en effet compromettre la réalisation des objectifs de cette planification. Comme l'a relevé la cour cantonale, une appréciation définitive à ce sujet relève des autorités de planification, en particulier de la commune (cf. ATF 140 II 25 consid. 3.1 et les arrêts cités; THIERRY TANQUEREL, in Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, n. 33 ss ad art. 21 al. 2 LAT); cette appréciation interviendra en outre dans une optique globale et non uniquement à l'échelle du secteur (cf. arrêts 1C_44/2024 du 12 février 2025 consid. 3.3.1; 1C_632/2018 du 16 avril 2020 consid. 9 non publié in ATF 146 II 289). Ces différents éléments justifient en l'espèce un contrôle incident de la planification, s'agissant de modifications sensibles des circonstances plaidant en faveur d'une modification de l'affectation des parcelles du projet. L'annulation des permis de construire litigieux par la cour cantonale doit sur cette base être confirmée.
3.2. Le grief est rejeté, ce qui suffit à confirmer l'arrêt attaqué, singulièrement l'annulation des permis de construire litigieux, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la question de la violation de la LRS également retenue par le Tribunal cantonal.
4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Ceux-ci verseront en outre des dépens à C.C.________ et D.C.________, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 4 LTF). Helvetia Nostra, qui a procédé sans mandataire, n'y a en revanche pas droit (art. 68 al. 1 LTF), elle n'en réclame au demeurant pas. Enfin, la commune de Rougemont, qui agit dans le cadre de ses attributions officielles, ne saurait prétendre à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée à C.C.________ et D.C.________, à la charge solidaire des recourants.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au mandataire de la Municipalité de Rougemont, à la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial.
Lausanne, le 27 mars 2025
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Haag
Le Greffier : Alvarez