2C_159/2025 10.04.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_159/2025
Arrêt du 10 avril 2025
IIe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux
Donzallaz, Juge présidant, Hänni et Ryter.
Greffier : M. de Chambrier.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
tous les deux représentés par
Me Christophe Schaffter, avocat,
recourants,
contre
Direction de la sécurité du canton de Berne DSE,
Kramgasse 20, 3011 Berne.
Objet
Refus d'octroi d'autorisations de séjour au titre du regroupement familial,
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 13 février 2025 (100.2024.69).
Considérant en fait et en droit :
1.
1.1. B.________, ressortissant tunisien né en 1976, est entré en Suisse en 2005, afin de vivre auprès de son épouse, une citoyenne suisse. Il a de ce fait été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. Le couple s'est séparé en 2009 et son divorce a été prononcé le 10 mars 2010. Par la suite, l'autorisation de séjour de l'intéressé a été régulièrement renouvelée, nonobstant deux avertissements signifiés à l'intéressé en 2013 et 2017 par le Service des migrations du canton de Berne (ci-après: le Service des migrations), essentiellement en raison de dettes et de dépendance à l'aide sociale. Le 14 juillet 2011, B.________, toujours domicilié en Suisse, a épousé une compatriote en Tunisie, A.________, née en 1981. Deux enfants sont nés de cette union, en 2014 et 2015. Les deux enfants et leur mère vivent dans leur pays d'origine.
1.2. Le 15 décembre 2021, A.________ a déposé une demande de regroupement familial pour elle et pour ses deux enfants, afin de vivre auprès de B.________. Par décision du 5 juillet 2022, le Service des migrations a refusé de délivrer les autorisations de séjour demandées.
Le 1er février 2024, la Direction de la sécurité du canton de Berne (ci-après: la Direction de la sécurité) a rejeté le recours formé par A.________ et B.________ contre cette décision.
Par arrêt du 13 février 2025, la Cour des affaires de langue française du Tribunal administratif du canton de Berne (ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours interjeté par A.________ et B.________ contre la décision sur recours précitée du 1er février 2024.
2.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt susmentionné du 13 février 2025 et de dire que les conditions à la demande de regroupement familial sont réunies.
Les recourants ont ultérieurement spontanément déposé diverses pièces venant compléter leur recours.
Il n'a pas été ordonné d'échanges d'écritures.
3.
Compte tenu de la longue durée du séjour légal du recourant en Suisse (cf. ATF 144 I 266 consid. 3), le couple invoque, de manière défendable, un droit découlant de l'art. 8 CEDH, leur permettant de vivre leur vie de famille en Suisse (cf. ATF 146 I 185 consid. 6.1). Il en découle que le présent recours échappe à la clause d'irrecevabilité de l'art. 83 let. c ch. 2 LTF et que le recours en matière de droit public est ouvert (cf. ATF 146 I 185 consid. 2; 139 I 330 consid. 1.1).
Au surplus, le recours remplit les conditions des art. 42 et 82 ss LTF. Il convient dès lors d'entrer en matière.
4.
4.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 149 I 105 consid. 2.1). Il procède à cet examen sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits et critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (cf. ATF 148 I 160 consid. 3). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF).
Il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 148 I 127 consid. 4.3; 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 241 consid. 2.3.1).
4.2. En l'occurrence, les recourants reprochent tout d'abord à l'autorité précédente d'avoir retenu qu'ils se seraient accommodés de vivre séparément, sans toutefois expliquer en quoi les faits auraient été retenus de façon arbitraire sur ce point par le Tribunal administratif. Ce grief doit partant être écarté.
4.3.
4.3.1. Invoquant cette fois l'arbitraire, ils font également valoir que l'autorité précédente n'aurait pas suffisamment pris en considération les documents médicaux figurant au dossier, ne se référant à ceux-ci que pour affirmer que la présence en Suisse de l'enfant n'était pas gage d'amélioration de son état de santé. Cette appréciation est selon eux en totale contradiction avec les certificats médicaux présentés. Ils relèvent sur ce point que la médecin-psychiatre traitante mentionnait clairement que l'absence du père était à l'origine des troubles de santé de l'enfant.
4.3.2. Dans l'arrêt attaqué, les juges cantonaux relèvent qu'il ressort des certificats médicaux des 16 août 2022, 19 février et 8 mars 2024, établis par la psychiatre traitante du fils aîné des recourants, que celui-ci souffrait d'une affection psychiatrique très sévère, avec baisse très importante du rendement scolaire, apparue à la suite de l'absence du père. Il y était aussi précisé que cette absence était vécue de plus en plus péniblement, et que l'état actuel de cet enfant nécessitait absolument le rapprochement de son père et de toute la famille. Les juges cantonaux ont toutefois également constaté que ces certificats n'établissaient pas que la santé de cet enfant se serait récemment dégradée au point que son amélioration dépendrait d'un déménagement en Suisse de toute sa famille. En outre, ils relèvent aussi que rien n'empêchait les recourants de se réunir dans leur pays d'origine à des intervalles plus réguliers, voire définitivement, pour rapprocher le fils de son père et ainsi aller dans le sens des prescriptions de sa thérapeute. Ils ont estimé que la prise en charge éducative et médicale du fils aîné des recourants semblait pérennisée à son lieu de domicile. En outre, une venue en Suisse aurait pour effet de rompre les liens sociaux et éducatifs que les enfants des recourants ont noués dans leur pays et leur imposerait le défi non négligeable de devoir se réintégrer dans un nouveau pays. Les juges précédents ont également retenu qu'un changement important des circonstances, pouvant justifier un regroupement familial différé en Suisse, n'était pas perceptible.
4.3.3. En l'espèce, les recourants n'expliquent pas en quoi l'appréciation qui précède reposerait sur une constatation arbitraire des faits ou une appréciation arbitraire des preuves par les premiers juges. Ceux-ci n'ont en particulier pas négligé le lien existant entre les troubles affectant le fils aîné des recourant et l'éloignement de son père. Les recourants ne précisent pas quels éléments déterminants ressortant des certificats médicaux le Tribunal administratif aurait omis. Ils ne démontrent pas non plus pour quel motif il était insoutenable de retenir que le rapprochement entre le recourant et son fils aîné était aussi possible hors de Suisse.
Le grief tiré d'un établissement arbitraire des faits est dès lors infondé.
4.3.4. Les pièces produites par les recourants à l'appui de leur recours sont nouvelles et partant irrecevables (art. 99 al. 1 LTF).
5.
Le litige porte sur le refus d'accorder une autorisation de séjour par regroupement familial à la recourante et aux deux fils des recourants. Il s'agit essentiellement de savoir si le Tribunal administratif a, à bon droit, nié l'existence de raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI (RS 142.20), y compris sous l'angle de l'art. 8 CEDH.
6.
Le non-respect des délais prévus à l'art. 47 al. 1 LEI n'est, à juste titre, pas contesté par les recourants. En revanche, ceux-ci font valoir que la condition des raisons personnelles majeures prévue à l'art. 47 al. 4 LEI serait remplie car le fils aîné du recourant, malade psychiatrique, souffre de l'absence de son père.
6.1. Le Tribunal administratif a correctement exposé le droit applicable
en matière de regroupement familial différé (cf. art. 75 OASA [RS 142.201] et art. 8 CEDH), ainsi que la jurisprudence relative à la condition des raisons familiales majeures prévues à l'art. 47 al. 4 LEI (cf. en particulier ATF 146 I 185 consid. 7.1.1; arrêts 2C_215/2023 du 6 février 2024 consid. 5.3.1; 2C_281/2023 du 11 octobre 2023 consid. 4.3; également ATF 133 II 6 consid. 3.1.2; arrêt 2C_641/2023 du 26 mars 2024 consid. 4.1), si bien qu'il peut être renvoyé à l'arrêt attaqué sur ces aspects (art. 109 al. 3 LTF). Il en va de même concernant la prise en compte de l'intérêt de l'enfant (cf. art. 3 par. 1 de la CDE [RS 0.107]; ATF 139 | 315 c. 2.4; arrêt 2C_200/2021 du 17 août 2021 consid. 4.1). En particulier, l'instance précédente a rappelé que les raisons familiales majeures pour le regroupement familial hors délai devaient être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 Cst. et 8 CEDH; cf. ATF 146 I 185 consid. 7.1.1). Elle rappelle aussi à juste titre que lorsque le regroupement familial est demandé en raison de changements importants des circonstances à l'étranger, il convient néanmoins d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester où il vit. De telles solutions correspondent en principe mieux au bien-être de l'enfant, parce qu'elles permettent d'éviter que celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance. Les jeunes qui ont jusqu'alors toujours vécu dans leur pays d'origine ne doivent être arrachés à leur environnement et à leur réseau relationnel familier qu'avec retenue (arrêts 2C_215/2023 du 6 février 2024 consid. 5.3.1, 2C_281/2023 du 11 octobre 2023 consid. 4.3).
6.2. En l'occurrence, contrairement à ce que soutiennent les recourants, le Tribunal administratif n'a négligé aucun élément essentiel dans son appréciation. Il a examiné en détail et de façon convaincante la raison familiale majeure invoquée par les recourants, à savoir l'état de santé de leur fils aîné. Il a en particulier retenu, sans arbitraire, qu'il n'existait pas de modification significative des circonstances. Sans omettre l'importance pour un enfant de vivre auprès de ses deux parents (cf. art. 9 CDE), le Tribunal administratif a constaté que le fils aîné des intéressés pouvait compter dans son pays d'origine sur le soutien de sa mère, qui avait toujours été présente, sur celui de sa thérapeute, ainsi que sur la présence de son frère. Il disposait ainsi en Tunisie d'une prise en charge éducative et médicale. Selon l'autorité précédente, rien n'indiquait qu'un regroupement familial en Suisse, avec le déracinement que cela comporte, préserverait les intérêts de cet enfant, ni que cela serait le seul moyen de les garantir. À cet égard, l'autorité précédente relève à juste titre que la présence de son père auprès de lui, comme le recommandent les certificats médicaux produits, pourrait aussi être obtenue par des visites plus fréquentes, voire par la résidence du recourant en Tunisie.
L'autorité précédente a retenu qu'il n'existait pas dans le cas présent d'autres raisons familiales majeures que celle traitée précédemment. Les recourants ne le contestent pas. Par ailleurs, sur ce point, le Tribunal administratif relève à juste titre que le fait de ne pas réussir dans les délais à remplir les conditions pour le regroupement familial, notamment sur le plan financier, ne constitue en principe pas une raison majeure au sens de l'art. 47 al. 4 LEI (arrêt 2C_281/2023 du 11 octobre 2023 consid. 4.3 et les références). En outre, on peine à comprendre l'argumentation des recourants qui voudrait que l'instabilité politique et les tensions qui régnaient en Tunisie auraient pu justifier l'absence de démarches de regroupement familial. Une instabilité dans un pays devrait au contraire encourager la volonté d'un tel regroupement.
Sur la base de ces éléments, l'instance précédente a considéré, à bon droit, qu'il n'existait pas de raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI justifiant un regroupement familial malgré le non-respect du délai prévu à l'art. 47 al. 1 LEI. Une telle conclusion est en outre conforme à l'art. 8 CEDH (cf. ATF 146 I 185 consid. 7.1.1).
Enfin, les recourants listent un certain nombre de droits fondamentaux sans expliquer précisément en quoi l'arrêt attaqué y serait contraire. Les éventuels griefs liés à ces droits doivent partant être écartés faute de motivation conforme à l'art. 106 al. 2 LTF.
6.3. Il découle de ce qui précède que le Tribunal administratif n'a nullement violé l'art. 8 CEDH, en lien avec l'art. 47 LEI, en confirmant le refus d'octroyer un permis de séjour au titre du regroupement familial à l'épouse et aux enfants du recourant.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, manifestement infondé, en application de la procédure simplifiée de l'art. 109 LTF.
Succombant, les recourants doivent supporter solidairement entre eux les frais de justice, réduits, devant le Tribunal fédéral (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à la Direction de la sécurité et à la Cour des affaires de langue française du Tribunal administratif du canton de Berne, ainsi qu'au Secrétariat d'État aux migrations.
Lausanne, le 10 avril 2025
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Y. Donzallaz
Le Greffier : A. de Chambrier