4A_163/2024 21.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_163/2024
Arrêt du 21 mars 2025
I
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Hurni, Président, Rüedi et May Canellas.
Greffière : Mme Fournier.
Participants à la procédure
A.________ AG,
représentée par Me Marie Moeschler, avocate,
recourante,
contre
B.________,
représentée par Me Raphaël Dessemontet, avocat,
intimée.
Objet
contrat de travail; paiement du solde de vacances (art. 329d al. 2 CO),
recours contre l'arrêt rendu le 7 février 2024 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT18.020616-220798 61).
Faits :
A.
A.a. A.________ AG (ci-après: l'employeuse) a pour but social la fourniture de services en rapport avec la gestion immobilière. B.________ (ci-après: l'employée) en était l'employée à tout le moins depuis le 1er avril 1991. Dès 2004, elle est devenue cheffe de la filiale de l'employeuse à Lausanne.
Selon les conditions d'engagement applicables à l'employée, le contrat de travail devait prendre automatiquement fin à l'âge de la retraite de l'employée, soit à 62 ans conformément au règlement de la caisse de pension, si bien que la relation contractuelle devait cesser au 30 juin 2015.
A.b. L'employée a été en incapacité de travail à 100% du 14 août 2014 au 15 janvier 2015 en raison d'un trouble anxio-dépressif, puis dès le 9 février 2015 jusqu'à la fin des rapports de travail.
À une date inconnue, le Dr C.________, médecin traitant de l'employée (ci-après: le médecin traitant), l'a référée à la Dre D.________ du Centre médical E.________.
Par décision du 5 janvier 2015, l'assureur perte de gain de l'employeuse, se fondant sur le dossier en sa possession et sur l'avis médical du 22 décembre 2014 du Dr F.________ - psychiatre que l'assureur avait mandaté pour établir un rapport sur l'état de santé de l'employée -, a considéré que cette dernière serait en mesure de profiter de ses vacances dès le 16 janvier 2015. L'assureur a arrêté le versement des indemnités journalières à compter de cette date. L'employée n'a pas recouru contre cette décision.
A.c. Le contrat de travail a pris fin le 30 juin 2015. À cette date, d'après les décomptes d'heures produits par l'employée, l'intéressée avait accumulé 73 heures et 42 minutes supplémentaires. En outre, elle présentait un solde de 259 jours de vacances non prises. Ces jours de vacances s'étaient accumulés au fil des années. Ils résultaient en partie d'heures supplémentaires effectuées par l'employée: conformément aux conditions d'engagement applicables au contrat, les cadres bénéficiaient d'un forfait de jours de vacances supplémentaires pour le temps de travail dépassant 40 heures hebdomadaires jusqu'à 45 heures; au-delà, le travail supplémentaire devait en règle générale être compensé par du temps libre de même durée.
L'employeuse a versé à l'employée un montant de 71'427 fr. pour les vacances non prises au 15 janvier 2015. Elle a précisé que le versement d'un éventuel solde, qui correspondrait aux vacances non prises dès le 16 janvier 2015 et jusqu'à la fin des rapports de travail, dépendrait de la décision de l'assureur perte de gain.
Le 23 juillet 2015, à la demande de l'assureur, le médecin traitant de l'employée a établi un rapport intermédiaire sur la situation de sa patiente qui exposait que celle-ci souffrait d'un état anxio-dépressif "type burn-out".
Dans un formulaire d'évaluation du 7 août 2015, le Dr G.________, médecin conseil mandaté par l'assureur, a répondu affirmativement à la question de savoir si la seconde incapacité de travail de l'employée, soit celle ayant débuté le 9 février 2015, était causée par la même pathologie que celle fondant la première incapacité. L'assureur a fait part de cette information à l'employeuse par e-mail du 7 août 2015.
B.
B.a. Le 7 mai 2018, l'employée a assigné l'employeuse devant le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne en vue d'obtenir le paiement des montants de 32'173 fr. à titre de solde pour les vacances non prises, 10'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral, 20'050 fr. et 28'125 fr. en rémunération des heures supplémentaires effectuées entre 2012 et 2014, le tout avec intérêts.
Sur requête de l'employée, une expertise judiciaire a été mise en oeuvre pour établir la cause de la seconde incapacité de travail. Il en ressort que cette seconde incapacité a été provoquée par une exacerbation des lombalgies chroniques à la suite d'un déconditionnement musculaire, soit une cause sans rapport avec celle à la base de la première incapacité, qui consistait en un trouble anxio-dépressif lié aux conditions de travail de l'employée. Ces lombalgies chroniques étaient apparues en décembre 2011 déjà, mais n'avaient guère affecté la capacité de travail de l'employée avant le 9 février 2015. D'après l'expert, c'était donc de manière erronée que le Dr G.________, médecin conseil mandaté par l'assureur, avait retenu que les deux incapacités étaient rattachées à une même cause. Cette erreur s'expliquait par le fait que ce médecin ne disposait pas, à l'époque, des données relatives aux lombalgies chroniques ( supra let. A.c).
Par jugement du 27 septembre 2021, le tribunal de première instance a rejeté la demande de l'employée. En substance, il a retenu que cette dernière n'était pas parvenue à établir une atteinte à sa personnalité causée par l'employeuse et a estimé que les heures supplémentaires alléguées n'étaient pas démontrées. S'agissant des prétentions relatives aux vacances non prises, les premiers juges ont relevé la divergence manifeste entre, d'une part, l'avis des médecins de l'assureur et, d'autre part, l'avis de l'expert. Considérant que l'expertise ne présentait pas une force probante suffisante, ils se sont éloignés de ses conclusions au profit de celles de l'assureur, en jugeant que les deux incapacités découlaient de la même cause et que l'employée était apte à bénéficier de ses vacances dès le 16 janvier 2015. L'employeuse était ainsi en droit de compenser le solde de vacances de l'employée avec le salaire qui lui avait été versé entre cette date et la fin de la relation contractuelle.
B.b. Statuant le 7 février 2024, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel de l'employée. En bref, elle a condamné l'employeuse à payer à l'employée la somme de 32'173 fr. (indemnité pour les vacances non prises) et a confirmé le rejet des autres prétentions de cette dernière.
Les motifs de l'arrêt attaqué seront évoqués de manière plus détaillée dans les considérants en droit du présent arrêt, dans la mesure utile à la discussion des griefs.
C.
L'employeuse (ci-après: la recourante) forme un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt. À titre principal, elle conclut à l'annulation partielle de l'arrêt attaqué, en tant qu'il la condamne au paiement de la somme de 32'173 fr. avec intérêts, ainsi qu'à ce que la cour de céans "statue à nouveau" sur ce point. Subsidiairement, elle requiert l'annulation partielle de l'arrêt attaqué, ainsi que la confirmation du jugement de première instance. Encore plus subsidiairement, elle conclut à l'annulation partielle de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Invitée à répondre au recours, l'employée (ci-après: l'intimée) conclut à son rejet.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
1.1. Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), à la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF).
1.2. Selon la jurisprudence relative à l'art. 42 al. 1 LTF, le mémoire de recours adressé au Tribunal fédéral doit comporter des conclusions sur le sort des prétentions en cause, à allouer ou à rejeter par le tribunal (ATF 134 III 379 consid. 1.3; 133 III 489 consid. 3). De plus, le recourant doit indiquer sur quels points il demande la modification de la décision attaquée. Les conclusions doivent en principe être libellées de telle manière que le Tribunal fédéral puisse, s'il y a lieu, les incorporer sans modification au dispositif de sa propre décision (arrêts 5A_560/2024 du 8 novembre 2024 consid. 1.2; 5A_985/2022 du 28 septembre 2023 consid. 4.3.2.1).
Dans ses conclusions principales, la recourante ne s'exprime pas sur le sort des prétentions en cause. Elle se limite en effet à requérir du Tribunal fédéral qu'il "statue à nouveau" sur le point litigieux, sans préciser en quoi la décision attaquée doit être modifiée. Ainsi formulées, les conclusions principales sont irrecevables.
Cela étant, on comprend des conclusions subsidiaires de la recourante que celle-ci requiert le rejet de toutes les prétentions de l'intimée. Il est dès lors possible d'entrer en matière.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3).
Le complètement de l'état de fait ne relève pas de l'arbitraire; un fait non constaté ne peut pas être arbitraire, c'est-à-dire constaté de manière insoutenable. En revanche, si un fait omis est juridiquement pertinent, le recourant peut obtenir qu'il soit constaté s'il démontre qu'en vertu des règles de la procédure civile, l'autorité précédente aurait objectivement pu en tenir compte et s'il désigne précisément les allégués et les offres de preuves qu'il lui avait présentés, avec référence aux pièces du dossier (ATF 140 III 86 consid. 2).
C'est le lieu de relever que les éléments de fait qui ressortent du mémoire de recours et divergent de ceux retenus par la cour cantonale, sans que l'arbitraire ou le complètement de l'état de fait ne soit invoqué dans le formes prescrites, ne seront pas pris en considération.
2.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4).
3.
À ce stade, seul est litigieux le point de savoir si la recourante doit payer à l'intimée la somme de 32'173 fr. à titre d'indemnité pour vacances non prises. Cette question suppose de déterminer tout d'abord quelle était la cause de la seconde incapacité de travail de l'intimée ( infra consid. 4), puis de rechercher si celle-ci empêchait l'intimée de bénéficier de ses vacances ( infra consid. 5).
4.
Est disputé le point de savoir si la seconde incapacité de travail découlait de la même cause que la première incapacité (qui, d'après la décision de l'assureur du 5 janvier 2015, n'empêchait pas l'intimée de profiter de ses vacances), comme le soutient la recourante, ou d'une cause nouvelle, comme l'a retenu la cour cantonale.
4.1. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a retenu que la seconde incapacité de travail de l'intimée avait été causée par des lombalgies chroniques. Pour retenir cette cause d'incapacité, les juges cantonaux se sont fondés sur les conclusions de l'expertise judiciaire.
D'après eux, le tribunal de première instance avait écarté cette expertise pour des motifs non convaincants. En particulier, le fait que l'expert se soit prononcé cinq ans après sur l'état de santé de l'intimée et que celui-ci avait évolué depuis les faits litigieux n'était pas propre à fonder des doutes sur le caractère probant de l'expertise. En outre, c'était à tort que les premiers juges avaient retenu que l'expert s'était exclusivement fondé sur les déclarations de l'intimée et les certificats médicaux de son médecin traitant. Il ressortait en effet du rapport d'expertise que celui-ci avait été établi sur la base du dossier médical complet, qui comprenait de nombreuses pièces qui n'émanaient pas du médecin traitant, notamment l'expertise du Dr F.________, mandaté par l'assureur. Par ailleurs, aux yeux de la cour cantonale, les conclusions de l'expertise étaient motivées et convaincantes. En tout état, si les premiers juges estimaient que l'expertise n'était pas suffisamment probante, ils auraient dû mettre en oeuvre des preuves supplémentaires pour dissiper leurs doutes, ce qu'ils n'avaient pas fait, refusant les requêtes de compléments d'expertise présentées par les parties et n'en ordonnant pas de nouvelle.
Enfin, la cour cantonale a considéré que les avis médicaux des médecins mandatés par l'assureur devaient être assimilés à de simples déclarations de partie tant l'assureur avait un intérêt à l'issue de la cause; cela impliquait une certaine retenue dans leur appréciation et ne justifiait pas de s'écarter des conclusions contraires de l'expertise.
4.2. Selon la recourante, en retenant que la cause de la seconde incapacité était liée à des lombalgies chroniques, la cour cantonale aurait violé l'art. 157 CPC et apprécié de manière arbitraire les moyens de preuve versés à la procédure. En particulier, elle se serait basée sur l'expertise judiciaire alors que divers éléments attesteraient que celle-ci serait dépourvue de force probante. Si l'on saisit bien le mémoire de recours, trois points principaux en ressortent:
-- Premièrement, d'après la recourante, plusieurs éléments permettraient de douter de l'existence des lombalgies chroniques de l'intimée: cette dernière n'avait pas évoqué de telles douleurs avant la mise en oeuvre de l'expertise judiciaire, bien qu'elle en aurait eu l'obligation légale conformément à la Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA; RS 830.1); son médecin traitant avait lui-même précisé dans son rapport du 23 juillet 2015 que les causes des deux incapacités étaient identiques et aurait ensuite changé de version en 2020, une fois que l'expert aurait été nommé; l'intimée n'aurait pas manqué de réagir à l'e-mail du 7 août 2015 de l'assureur qui confirmait l'identité des causes des deux incapacités, si cette information avait été erronée; l'intimée n'aurait pas consulté de médecin pour des problèmes de dos entre le 7 novembre 2014 et le 3 juin 2015, ce qui rendait peu crédible leur existence.
-- Deuxièmement, à en croire la recourante, les déclarations du médecin traitant de l'intimée ne seraient pas fiables. Il aurait non seulement changé de diagnostic entre 2015 et 2020, mais aussi refusé de témoigner dans la procédure et répondu aux question de l'expert à travers son secrétariat, sans signer les informations qu'il transmettait. Il n'était donc pas admissible que l'expert s'y réfère.
-- Enfin, le rapport d'expertise ne serait pas suffisamment motivé et la cour cantonale n'aurait, pour cette raison également, pas dû s'y fier. L'expert se serait basé uniquement sur les déclarations de l'intimée et du médecin traitant pour répondre aux questions qui lui étaient soumises. Dans ce contexte, l'expert n'aurait pas explicité pour quelles raisons l'avis du médecin traitant aurait été plus probant que ceux des autres médecins impliqués.
Par conséquent, d'après la recourante, la cour cantonale aurait dû, à l'instar du tribunal de première instance, écarter l'expertise et se rallier aux conclusions des premiers juges qui considéraient, conformément à l'avis du médecin conseil de l'assureur, que la seconde incapacité découlait d'un trouble anxio-dépressif, comme la première.
4.3.
4.3.1. Lorsque la juridiction cantonale se rallie au résultat d'une expertise, le Tribunal fédéral n'admet le grief d'appréciation arbitraire des preuves que si l'expert n'a pas répondu aux questions, si ses conclusions sont contradictoires ou si, de quelque autre manière, l'expertise est entachée de défauts à ce point évidents et reconnaissables, même en l'absence de connaissances ad hoc, qu'il n'était tout simplement pas possible de les ignorer. L'autorité cantonale n'est pas tenue de contrôler à l'aide d'ouvrages spécialisés l'exactitude scientifique des avis de l'expert. Il n'appartient pas non plus au Tribunal fédéral de vérifier que toutes les affirmations de l'expert sont exemptes d'arbitraire; sa tâche se limite à examiner si l'autorité cantonale pouvait, sans arbitraire, faire siennes les conclusions de l'expertise (ATF 133 II 384 consid. 4.2.3; 132 II 257 consid. 4.4.1; arrêts 4A_82/2023 du 8 août 2023 consid. 4.2; 4A_558/2020 du 18 mai 2021 consid. 4.1).
4.3.2. En présence de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. Ce qui compte à cet égard, c'est que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et, enfin, que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3a; arrêts 4A_218/2023 du 22 juin 2023 consid. 3.1.2; 4A_424/2019 du 31 octobre 2019 consid. 3.1; 4A_172/2013 du 1er octobre 2013 consid. 3.3). En ce qui concerne les rapports établis par le médecin traitant de l'assuré, le juge doit avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci; cela ne justifie cependant pas en soi d'évincer tous les avis émanant des médecins traitants. Il faut effectuer une appréciation globale de la valeur probante du rapport du médecin traitant au regard des autres pièces médicales (arrêts 4A_218/2023 précité consid. 3.1.2; 4A_424/2019 précité consid. 3.1). Selon les cas, il est aussi possible de tirer certains enseignements du rapport d'un médecin conseil de l'assurance, en dépit du fait qu'il ne s'agit en principe pas d'un moyen de preuve au sens de l'art. 168 al. 1 CPC (ATF 141 III 433 consid. 2.6; 140 III 24 consid. 3.3.3; arrêt 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.3.2); la preuve peut en effet être déduite d'autres éléments avec lesquels il entre en résonance (cf. ATF 141 III 433 consid. 2.6; arrêts 4A_85/2017 du 4 septembre 2017 consid. 2.1; 4A_558/2015 du 25 février 2016 consid. 4; sur cette thématique, Stephan Hartmann, Arztzeugnisse und medizinische Gutachten im Zivilprozess, in PJA 11/2018, p. 1339 ss, p. 1348). Le Code de procédure civile a été révisé sur ce point - en ce sens que l'art. 177 CPC prévoit désormais que les expertises privées des parties représentent des titres (arrêt 4A_207/2024 du 5 février 2025 consid. 5.2.3) - mais cette modification, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, n'a pas d'impact sur la présente affaire.
4.4. En l'espèce, sous couvert d'appréciation arbitraire des preuves, la recourante ne présente qu'une critique appellatoire de l'arrêt cantonal qui s'avère irrecevable. En tout état, elle ne parvient pas à démontrer que le rapport d'expertise serait entaché de défauts évidents et reconnaissables, ni en quoi il aurait été arbitraire pour l'autorité précédente de suivre ses conclusions, pas plus qu'elle ne démontre en quoi l'art. 157 CPC aurait été violé.
En effet, contrairement à ce que la recourante relève, l'expert n'a négligé aucune circonstance pertinente dans la rédaction de son rapport. Il s'est basé sur le dossier médical complet de l'intéressée, notamment sur des IRM, les rapports établis par la Dre D.________, ainsi que sur les avis des Dr F.________ et Dr G.________, médecins conseils mandatés par l'assureur (cf. le rapport d'expertise, p. 4 à 16 ainsi que la liste de ses annexes). L'expert a en outre exposé de manière circonstanciée pour quelle raison il fallait d'après lui s'écarter des conclusions du Dr G.________, qui avait, dans son formulaire d'évaluation du 7 août 2015, considéré que la seconde incapacité découlait de la même cause que la première: au moment de la rédaction de son rapport, aucune mention du deuxième diagnostic ne figurait dans le dossier de l'assureur; le Dr G.________ n'avait ainsi pas en main les éléments liés aux douleurs dorsales de l'intimée (en particulier les documents du Centre médical E.________ [rapport d'expertise, p. 54]). Par ailleurs, l'expert a motivé ses conclusions, en déterminant l'origine des douleurs de dos (rapport d'expertise, p. 45 et p. 58). Il a non seulement procédé à son propre examen médical sur l'intimée, mais il a également relevé que la Dre D.________ avait rendu des rapports médicaux entre le 27 avril 2012 et le 12 août 2016. Celui du 3 juin 2015 notamment évoquait des lombalgies et l'arrêt de travail (rapport d'expertise, p. 54 et p. 57 entre autres). L'expert s'est également appuyé sur les rapports du médecin traitant du 26 août 2020 et du 11 septembre 2020, qui mentionnaient les lombalgies comme étant la cause de l'incapacité (rapport d'expertise, p. 53 et p. 57 s.). C'est ainsi à juste titre que la cour cantonale n'a pas écarté l'expertise des moyens de preuve.
C'est également sans arbitraire que l'instance précédente a établi que la seconde incapacité de travail de l'intimée avait été causée par des lombalgies chroniques. Dans ce cadre, il n'y a rien d'insoutenable dans le fait d'avoir donné la préférence à l'avis de l'expert plutôt qu'à celui du Dr G.________ (pièce 60), non seulement car l'expertise présentait une force probante suffisante, mais aussi car le rapport du Dr G.________ - qui du reste a été rédigé sans que son auteur soit en possession de toutes les informations concernant l'état de santé de l'intimée - est extrêmement sommaire et non motivé. Il revêt la forme d'un formulaire dans lequel le médecin conseil indique, sans explication aucune, que la cause de la seconde incapacité est identique à la première. Le rapport ne présentait ainsi pas de force probante suffisante. Certes, le rapport du 23 juillet 2015 du médecin traitant interpelle (pièce 7), dans la mesure où il fait état d'une incapacité causée par un burn-out alors que le même médecin a ultérieurement déclaré, au moment où l'affaire avait pris un tour judiciaire, que l'incapacité découlait de douleurs dorsales. Bien qu'il faille avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci, ce rapport médical ne suffit pas pour admettre que la juridiction cantonale aurait versé dans l'arbitraire en retenant une incapacité liée aux lombalgies chroniques, puisque l'expertise judiciaire le démontrait. Enfin, le fait que l'intimée n'ait pas évoqué souffrir de lombalgies chroniques avant la mise en oeuvre de l'expertise n'apparaît pas déterminant; il n'y a également rien à tirer de l'argument selon lequel l'intimée n'aurait pas consulté de médecin pour des problèmes de dos entre le 7 novembre 2014 et le 3 juin 2015: les deux consultations qui ont eu lieu à ces dates démontrent bien qu'un suivi médical était en cours (rapport d'expertise, p. 23).
Partant, le grief de l'arbitraire doit être rejeté dans la mesure où il est recevable et celui tiré d'une violation de l'art. 157 CPC doit lui aussi être rejeté.
5.
Il faut à présent rechercher si c'est à bon droit que la cour cantonale a jugé que les lombalgies chroniques dont souffrait l'intimée l'ont empêchée de bénéficier des vacances.
5.1. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a retenu qu'entre le 9 février 2015 et la fin des rapports de travail (seconde incapacité de travail), l'intimée n'avait pas pu bénéficier de ses vacances. Selon les juges cantonaux, l'expertise judiciaire le démontrait, puisqu'elle faisait état de douleurs suffisamment intenses pour empêcher toute récupération physique ou psychique, même avec des activités de détente. Il s'ensuivait que la recourante n'était pas en droit de compenser le solde de vacances de l'intimée avec le salaire versé pendant cette période. Partant, la recourante devait à l'intimée une indemnité de 32'173 fr. (259 jours de vacances accumulés, représentant un montant de salaire de 103'600 fr. duquel il fallait déduire la somme de 71'427 fr. déjà versée par la recourante).
5.2. La recourante reproche à la cour cantonale de s'être basée sur l'expertise judiciaire pour retenir que l'intimée n'était pas apte à bénéficier de ses vacances. L'expert n'aurait pas suffisamment étayé ce point; il se serait d'ailleurs prononcé seulement sur l'incapacité de travail de l'intimée et non sur son incapacité de bénéficier des vacances. De manière contradictoire, l'expert aurait précisé que les maux de dos n'avaient pas d'impact sur la vie de l'intimée, sauf pour porter des choses lourdes. En outre, l'intimée aurait, entre 2011 et 2014, souffert de douleurs dorsales similaires sans que celles-ci n'aient de répercussion sur sa capacité de travail; il ne serait pas convaincant qu'il en soit différemment à partir de février 2015. Enfin, aucun (autre) moyen de preuve ne démontrerait que l'intimée n'était pas apte à bénéficier de vacances.
5.3. Le but des vacances étant de permettre au travailleur de se reposer, l'art. 329d al. 2 CO consacre l'interdiction de remplacer les vacances par des prestations en argent tant que durent les rapports de travail. En principe, cette interdiction demeure valable une fois le contrat dénoncé par l'une ou l'autre des parties, mais des exceptions sont possibles en fonction des circonstances concrètes. La compensation par une indemnité est admise lorsque les vacances ne peuvent pas être prises avant la fin des rapports de travail ou qu'on ne peut pas attendre qu'elles le soient (ATF 128 III 271 consid. 4a/aa et les références citées; arrêts 4C.193/2005 du 30 septembre 2005 consid. 3.2, non publié in ATF 131 III 623; 4A_283/2022 du 15 mars 2023 consid. 6.1; 4A_526/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.2.1).
Une incapacité de travail suffisamment sérieuse, au point d'entraver la récupération physique ou psychique du travailleur, empêche en principe la réalisation du but des vacances (arrêt 4A_117/2007 du 13 septembre 2007 consid. 6.3; cf. Eric Cerottini, Le droit aux vacances, Étude des articles 329a à d CO, thèse Lausanne 2001, p. 264 s.).
5.4. En l'espèce, bien que l'expert ne se soit pas expressément prononcé sur l'aptitude de l'intimée à jouir de ses vacances durant la seconde incapacité, il n'était pas insoutenable, pour la cour cantonale, de tirer les déductions utiles du rapport d'expertise, qui évoquait des douleurs dorsales quantifiées "entre 8 et 9/10 sur l'échelle visuelle analogique de la douleur" et la nécessité de la prise en charge par la Dre D.________. Quoi qu'en dise la recourante, le fait que l'intimée ait souffert de lombalgies par le passé, sans que son état n'ait impliqué d'incapacité, ne démontre aucunement qu'elle était apte à bénéficier de ses vacances au printemps 2015, son état de santé s'étant aggravé entre-temps. Enfin, la prétendue contradiction dans l'expertise que pointe la recourante n'est qu'apparente: dans l'extrait qu'elle cite, l'expert se réfère à l'état de santé actuel de l'intimée et non à son état au moment des faits litigieux.
C'est ainsi sans enfreindre le droit fédéral que la cour cantonale a admis que l'intimée avait droit au paiement de son solde de vacances en espèces, soit 32'173 fr., le calcul effectué par les juges cantonaux, pour parvenir à ce montant, ne faisant l'objet d'aucune critique.
6.
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 21 mars 2025
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Hurni
La Greffière : Fournier