5A_806/2024 03.04.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_806/2024
Arrêt du 3 avril 2025
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Bovey, Président,
Herrmann et De Rossa.
Greffier : M. Piccinin.
Participants à la procédure
A.A.________,
représentée par Me Manuel Bolivar, avocat,
recourante,
contre
B.A.________,
représenté par Me Jean-Pierre Wavre, avocat,
intimé.
Objet
divorce (détermination de la date du mariage, reconnaissance d'un divorce prononcé à l'étranger),
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 15 octobre 2024 (C/8242/2019 ACJC/1301/2024).
Faits :
A.
A.a. A.A.________, née en 1956, et B.A.________, né en 1950, ont contracté un mariage célébré par l'église orthodoxe (...) le 12 novembre 1976 à U.________ (alors à V.________, actuellement à W.________).
A.b. B.A.________ a quitté V.________ pour la Suisse en tant que requérant d'asile en 1982.
à teneur d'un document intitulé "Attestation de divorce" et daté du 17 décembre 1988, des "Sages" mandatés par les deux époux ont prononcé leur divorce en date du 31 mai 1982 et statué sur les effets accessoires de celui-ci. Ce document a été signé par B.A.________ le 5 octobre 1989, signature légalisée par un notaire genevois. Il n'est plus contesté en appel que la procédure de divorce s'est déroulée en l'absence des deux intéressés.
Dès 1987, B.A.________ a entrepris des démarches auprès de l'état civil suisse afin de se marier avec C.________, se prévalant notamment de l'attestation de divorce du 17 décembre 1988. Le mariage des précités a été célébré le 30 novembre 1989. Le couple a divorcé le 14 mai 1992.
A.c. A.A.________ est arrivée en Suisse durant l'été 1991. Elle s'est mariée une seconde fois avec B.A.________ le 5 juin 1993.
A.d. Par acte du 19 juillet 2012, A.A.________ a requis le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale; celles-ci ont été ordonnées par jugement du Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après: Tribunal) le 28 janvier 2013.
B.
B.a. Le 9 avril 2019, B.A.________ a saisi le Tribunal d'une demande unilatérale de divorce, concluant notamment à la dissolution du mariage contracté le 5 juin 1993. Il a en particulier allégué que les parties s'étaient mariées une première fois à W.________ le 12 novembre 1976, puis une seconde fois à X.________ (GE) le 5 juin 1993.
Dans sa réponse, A.A.________ a conclu à la dissolution du mariage contracté par les parties, sans mentionner de date. Elle a notamment allégué que le mariage célébré le 12 novembre 1976 était valable et que B.A.________ avait acquis en 1988 un immeuble à X.________, qui devait être partagé dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Elle a précisé ignorer le divorce prononcé à V.________ et le mariage contracté en Suisse par B.A.________ avec C.________.
B.b. Par ordonnance du 19 février 2020, le Tribunal a limité la procédure à la question de la détermination de la date du mariage des parties. Après instruction de la cause, le Tribunal a, par ordonnance du 1er février 2021, en substance considéré que le mariage de 1976 avait été dissous par le prononcé de divorce de 1982.
Statuant par arrêt du 24 septembre 2021, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice) a annulé l'ordonnance précitée et renvoyé la cause au Tribunal pour complément d'instruction et nouvelle décision.
B.c. Par ordonnance du 20 avril 2022, le Tribunal a notamment (à nouveau) limité la procédure à la question de la détermination de la date du mariage des parties. Il a complété l'instruction de la cause. Au terme de celle-ci, B.A.________ a conclu au constat que les parties étaient mariées depuis le 5 juin 1993, alors que A.A.________ a conclu à ce qu'il soit dit que les parties étaient mariées depuis le 12 novembre 1976 et qu'elles n'avaient jamais été divorcées, le "divorce" prononcé le 31 mai 1982, respectivement le 17 décembre 1988, ne pouvant être reconnu en Suisse car il était contraire à l'ordre public, et à ce que les rectifications nécessaires auprès du registre de l'état civil soient ordonnées. Le Tribunal a alors gardé la cause à juger sur la question de la date du mariage des parties.
Par jugement du 12 janvier 2024, le Tribunal a dit que les parties étaient mariées depuis le 5 juin 1993, leur mariage antérieur de 1976 ayant été préalablement dissous par le divorce.
Statuant par arrêt du 15 octobre 2024 sur appel de A.A.________, la Cour de justice a confirmé le jugement du Tribunal.
C.
Par acte du 21 novembre 2024, A.A.________ exerce un recours en matière civile contre l'arrêt précité, dont elle conclut principalement à son annulation et à sa réforme en ce sens qu'il soit dit que les époux sont mariés depuis le 12 novembre 1976, qu'ils n'ont jamais divorcé et que le "divorce" prononcé le 31 mai 1982, respectivement le 17 décembre 1988, ne peut être reconnu en Suisse car contraire à l'ordre public et que les modifications nécessaires soient ordonnées auprès du registre de l'état civil. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Des déterminations n'ont pas été demandées.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, qui est particulièrement touchée par la décision attaquée et qui possède un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt déféré (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur ayant statué sur recours en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Il s'agit d'une cause de nature non pécuniaire, le principe du divorce n'ayant pas encore été tranché (cf. arrêts 5A_647/2021 du 19 novembre 2021 consid. 1; 5A_727/2016 du 28 novembre 2016 consid. 1.1; 5A_456/2012 du 16 août 2012 consid. 1.2; 5A_108/2007 du 11 mai 2007 consid. 1.2). Le recours en matière civile est en principe recevable au regard de ces dispositions.
1.2.
1.2.1. Le litige, qui intervient dans le cadre de la procédure de divorce opposant les parties, porte sur la date du mariage qui lie actuellement celles-ci, le Tribunal ayant limité la procédure à cette question. La Cour de justice qualifie le jugement du Tribunal de décision finale en tant qu'elle tranche définitivement "la question de savoir si le mariage célébré entre les parties en 1976 a été dissous ou si les parties sont au contraire liées par cette union". La recourante indique qu'à son avis, la décision litigieuse peut être considérée comme partielle car elle tranche une question relative à la rectification du registre de l'état civil, qui aurait pu faire l'objet d'une procédure indépendante, fondée sur l'art. 42 CC, respectivement qu'elle aurait pu intenter devant le Tribunal. Ayant appris que son premier mariage avait été dissous par le divorce uniquement au cours de la présente procédure, elle avait néanmoins été contrainte de discuter de cette question dans ce cadre. Elle relève que le Tribunal avait mené une procédure durant près de cinq ans, strictement limitée à la question de la détermination de la date du mariage. Vu la durée de la procédure et le "caractère indépendant de la détermination de l'ordre public suisse et de l'exactitude du registre de l'état civil", la décision querellée serait une décision partielle.
1.3. Le Tribunal fédéral contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 97 consid. 1; 147 I 268 consid. 1; 145 I 239 consid. 2).
1.3.1. En l'occurrence, la décision querellée n'est pas finale. Rendue dans le contexte d'une procédure de divorce, limitée initialement à la question de la "détermination de la date du mariage des parties" en application de l'art. 125 let. a CPC, elle ne met pas un terme définitif à la procédure (art. 90 LTF), la procédure de divorce suivant son cours. Il ne peut s'agir que d'une décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF ou une autre décision préjudicielle ou incidente au sens de l'art. 93 LTF, les hypothèses versées par les art. 91 let. b et 92 LTF n'entrant manifestement pas en considération.
1.3.2. La décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF est une variante de la décision finale visée par l'art. 90 LTF. La jurisprudence la définit comme la décision par laquelle le juge statue de manière définitive sur une partie de ce qui est demandé, qui aurait pu être jugée indépendamment des autres prétentions formulées. Cette indépendance implique d'une part que la prétention tranchée ait pu faire l'objet d'un procès séparé et d'autre part que la décision attaquée tranche de manière définitive une partie du litige (ATF 146 III 254 consid. 2.1.1 et les références; 141 III 395 consid. 2.2 et 2.4; 135 III 212 consid. 1.2.1 à 1.2.3); d'une manière générale, il n'y a pas de décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF s'il ne peut pas être statué sur certaines prétentions avant qu'une décision sur d'autres ait été rendue (ATF 146 III 254 consid. 2.1.4). Les décisions préjudicielles ou incidentes au sens de l'art. 93 LTF sont des décisions qui ne mettent pas fin à la procédure (art. 90 LTF a contrario), mais qui règlent simplement une question de procédure ou de droit matériel en vue du dénouement de la procédure; elles représentent ainsi une étape vers la décision finale (ATF 148 II 349 consid. 1.5.2; 136 V 131 consid. 1.1.2 et les références; 135 III 566 consid. 1.1; 133 III 629 consid. 2.2). Selon la systématique de la LTF, les décisions de principe qui répondent à un aspect partiel d'un litige, par exemple à l'une des conditions matérielles d'une demande, ne doivent pas être qualifiées de décisions partielles, mais de décisions incidentes au sens de l'art. 93 LTF (ATF 148 II 349 consid. 1.5.2; 135 II 30 consid. 1.3.1; 134 II 137 consid. 1.3.2; 133 V 477 consid. 4.1.3 avec les références). Ont notamment été qualifiées comme une décision incidente une décision de renvoi dans laquelle l'un des fondements juridiques possibles d'une prétention est écartée, sans qu'il soit encore définitivement statué sur le fond (ATF 136 II 165 consid. 1.1), une décision d'un tribunal (arbitral) qui, à la demande des parties, statue d'abord sur le principe de la responsabilité contractuelle de la partie recourante, réservant la quantification d'une éventuelle demande de dommages-intérêts pour la suite de la procédure (ATF 130 III 76 consid. 3.2.2, qui précise par ailleurs que le fait que le tribunal ait rejeté l'exception de nullité du contrat soulevée par la partie recourante ne changeait rien à cette qualification dès lors qu'il ne s'agissait que d'une question préalable, aucune prétention indépendante en constatation de la nullité du contrat n'ayant été soulevée), ou une décision limitée à la question de la somme due entre les parties dans le cadre d'un procès en paiement et en libération de dette (ATF 132 III 785 consid. 3.2).
Il résulte de ces développements que la décision entreprise ne saurait être qualifiée de partielle. En effet, elle ne statue pas sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause: il n'est pas question ici de trancher des prétentions indépendantes émises par les parties, mais de fixer l'objet même de la procédure de divorce. Contrairement à ce que soutient la recourante, le fait que l'action en rectification du registre de l'état civil aurait pu faire l'objet d'une procédure séparée ne saurait suffire à considérer que la décision entreprise statue, définitivement et de manière indépendante, sur des prétentions résultant de la procédure de divorce. En tant qu'elle règle une question préalable en vue du dénouement de la procédure, la décision entreprise représente une étape vers le jugement de divorce et revêt ainsi les caractéristiques d'une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF.
1.3.3. Selon l'art. 93 al. 1 LTF, une décision incidente ne peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral que si elle est susceptible de causer un préjudice irréparable au recourant (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). La condition d'un préjudice irréparable n'est remplie que si l'inconvénient est de nature juridique et qu'il ne peut être entièrement réparé par une décision finale favorable au recourant; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme irréparable (ATF 150 III 248 consid. 1.2; 149 II 170 consid. 1.3; 147 III 159 consid. 4.1).
Une exception, qui doit être interprétée de manière restrictive (ATF 150 III 248 consid. 1.2; 144 III 475 consid 1.2; 138 III 94 consid. 2.2; 134 III 188 consid. 2.2), doit être alléguée et établie par la partie recourante (ATF 150 III 248 consid. 1.2; 149 II 476 consid. 1.2.1; 148 IV 155 consid. 1.1 in fine; 147 III 159 consid. 4.1; 144 III 475 consid 1.2), à moins qu'elle ne fasse d'emblée aucun doute (art. 42 al. 2 LTF; ATF 150 III 248 consid. 1.2; 149 II 476 consid. 1.2.1; 144 III 475 consid 1.2; 141 III 80 consid. 1.2).
En l'occurrence, la recourante n'allègue pas, ni a fortiori n'établit, qu'il s'imposerait d'entrer exceptionnellement en matière sur son recours par référence aux cas réservés par l'art. 93 al. 1 LTF. Il n'apparaît au demeurant pas que la décision querellée serait susceptible de lui causer un préjudice irréparable; la question litigieuse pourra cas échéant aussi être soulevée par un recours contre la décision finale (art. 93 al. 3 LTF). Enfin et par ailleurs, il est patent que l'admission du recours ne saurait ici conduire immédiatement à une décision finale, indépendamment du fait que l'on ne discerne pas non plus en quoi une procédure longue et coûteuse pourrait être évitée.
2.
Au vu de ce qui précède, le recours est irrecevable. Les conclusions de la recourante étant d'emblée vouées à l'échec, sa demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 3 avril 2025
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Bovey
Le Greffier : Piccinin