6B_138/2025 30.04.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_138/2025
Arrêt du 30 avril 2025
Ire Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Muschietti, Juge présidant,
Wohlhauser et Guidon.
Greffière : Mme Rettby.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représenté par Me Marine Pralong, avocate,
recourante,
contre
Commune de U.________,
intimée.
Objet
Contravention au droit des constructions,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
du Valais, Juge unique de la Cour de droit public,
du 27 décembre 2024 (A3 24 4).
Faits :
A.
Par décision du 18 janvier 2024, le Conseil municipal de la commune de U.________ a reconnu A.________ SA coupable de contravention aux art. 61 ss de la loi du 15 décembre 2016 sur les constructions (RS/VS 705.1; LC) et l'a condamnée à une amende de 15'500 francs.
B.
Par arrêt du 27 décembre 2024, le Juge unique de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du Valais (ci-après: le Juge unique de la cour cantonale) a partiellement admis l'appel formé par A.________ SA et l'a condamnée à une amende de 8'000 francs.
C.
A.________ SA forme un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à son acquittement et, subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2; 146 IV 185 consid. 2).
L'arrêt attaqué a trait à une condamnation à une amende prononcée en vertu de la loi valaisanne sur les constructions. La voie du recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ainsi ouverte (cf. arrêts 6B_416/2023 du 4 mars 2024 consid. 1.1; 6B_1263/2022 du 30 juin 2023 consid. 1; 6B_162/2021 du 10 février 2021 consid. 3; 6B_598/2020 du 3 septembre 2020 consid. 1 et les arrêts cités). Le recours constitutionnel subsidiaire qu'entend également déposer la recourante est par conséquent exclu (cf. art. 113 LTF).
L'arrêt querellé émane en outre d'une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF). Le recours est dès lors recevable quant à son objet. La recourante, qui a pris part à la procédure en tant que prévenue, respectivement accusée, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF). Il y a par conséquent lieu d'entrer en matière.
2.
La recourante invoque l'arbitraire dans l'établissement des faits.
2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 150 IV 360 consid. 3.2.1; 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 150 IV 360 consid. 3.2.1; 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 150 I 50 consid. 3.3.1; 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2). Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence à la présomption d'innocence (art. 14 par. 2 Pacte ONU II, 6 par. 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP), le principe in dubio pro reo n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 500 consid. 1.1).
2.2. Le Juge unique de la cour cantonale a relevé que la recourante ne niait pas que les travaux qu'elle avait fait exécuter en 2021 sur la parcelle n° xxx n'étaient couverts par aucune autorisation. Il a relevé que les éléments suivants ressortaient des courriels échangés du 3 au 10 mai 2021 entre B.________, administrateur de la recourante, et C.________, employé de D.________. Le 3 mai 2021, celui-ci avait écrit à B.________ avoir questionné la commune pour savoir si le projet avait été autorisé, sur quoi on lui avait dit qu'une autorisation avait été délivrée à la recourante le 18 décembre 2019. L'interlocuteur de B.________ lui avait indiqué, le 10 mai 2021, que les travaux pouvaient commencer. Selon le Juge unique de la cour cantonale, ces pièces n'exculpaient pas la recourante. Le prononcé du Conseil d'État du 16 septembre 2020 annulant l'autorisation de bâtir du 18 décembre 2019 avait, en effet, été notifié à B.________, qui administrait cette société anonyme conjointement avec un tiers disposant aussi de la signature collective à deux. Le Juge unique de la cour cantonale voyait donc mal comment le prénommé pouvait croire, à la lecture des courriels de mai 2021, que cette autorisation était encore valable. De plus, le dossier contenait des courriels et des lettres dans lesquels B.________ s'était exprimé dans un français compréhensible, ce qui démentait son assertion d'une connaissance insuffisante de cette langue dont il s'était servi notamment pour solliciter, le 8 février 2019, une remise de l'amende de 1'000 fr. décidée contre la recourante le 26 avril 2018 en se plaignant que les travaux interrompus sur la parcelle n° xxx étaient "bloqué (s) par une opposition". Cette remarque dénotait qu'elle " savait en 2019 que l'autorisation du 18 décembre 2018" [ recte : 2019] était contestée par un recours ". Elle dissuadait le Juge unique de la cour cantonale d'admettre que B.________ ignorait, en mai 2021, que le permis de bâtir du 18 décembre 2019 ne conférait plus aucun droit parce qu'il avait été annulé entre-temps.
2.3. La recourante invoque l'arbitraire dans l'établissement des faits. Pour l'essentiel, elle se contente de citer des passages entiers de l'arrêt attaqué et d'invoquer de nombreux faits dont elle dénonce l'établissement arbitraire, sans toutefois démontrer que le Juge unique de la cour cantonale aurait établi ceux-ci de manière insoutenable. Il en va notamment ainsi lorsqu'elle soutient qu'elle n'aurait pas débuté les travaux de rénovation du local faisant l'objet de la demande du 2 juillet 2017, mais que seule une installation électrique provisoire aurait été mise en place, ou encore que le mandat de répression du 26 avril 2018 ne lui aurait jamais été notifié. La recourante ne démontre pas plus que le Juge unique de la cour cantonale aurait arbitrairement omis certains faits (art. 106 al. 2 LTF). Appellatoires, ces critiques sont irrecevables.
Au demeurant, la motivation cantonale n'est pas insoutenable et ne peut donc être qualifiée d'arbitraire, pour les motifs qui suivent.
Le Juge unique de la cour cantonale a résumé la teneur des courriels échangés entre B.________ et C.________ au mois de mai 2021 et les a bien pris en compte ( supra, consid. 2.2). Cependant, il a retenu, sous l'angle de l'appréciation des preuves, que ceux-ci ne suffisaient pas à considérer que la recourante ne savait pas, en mai 2021, que l'autorisation de construire du 18 décembre 2019 n'était plus valable. D'une part, le Juge unique de la cour cantonale a souligné que la recourante, soit pour elle son administrateur, avait sollicité l'annulation de l'amende de 1'000 fr. prononcée le 26 avril 2018 (cf. pièce 62 du dossier cantonal) dans un courrier daté du 8 février 2019 et rédigé en français, dans lequel celui-ci évoquait le fait que la rénovation était bloquée par une opposition. On comprend ainsi de la motivation cantonale que l'autorité précédente a considéré que la recourante savait, à ce moment-là, que sa demande d'autorisation de construire du 6 septembre 2018 était contestée, puisque celle-ci avait fait l'objet d'une opposition le 6 décembre 2018 de la part de E.________ (cf. art. 105 al. 2 LTF). D'autre part, le Juge unique de la cour cantonale a observé que le prononcé du Conseil d'État du 16 septembre 2020 - annulant l'autorisation de construire du 18 décembre 2019, à la suite du recours déposé le 16 janvier 2020 par E.________ contre la décision du 18 décembre 2019 - avait été notifié le 18 septembre 2020 à B.________, pour la recourante (cf. pièce 175 du dossier cantonal), qui administrait la société conjointement avec un tiers disposant aussi de la signature collective à deux. Aussi, il n'était pas arbitraire d'en déduire que la recourante, soit pour elle son administrateur, ne pouvait pas, malgré les propos de l'architecte selon lesquels les travaux pouvaient commencer, supposer que ladite autorisation conférait encore des droits en mai 2021. Cela ne nécessitait d'ailleurs pas de connaissances techniques particulières. On comprend en outre de l'ensemble des pièces du dossier que la validation évoquée par le bureau d'architecture dans les courriels du mois de mai 2021 semble se rapporter au budget alloué par le propriétaire pour les travaux de remise en état, plutôt qu'à l'autorisation en tant que telle (cf. pièce 204 du dossier cantonal). Le grief est ainsi rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
3.
L a recourante invoque l'arbitraire dans l'application du droit cantonal en lien avec la notion de "responsable" figurant à l'art. 61 al. 1 let. a LC.
3.1.
3.1.1. Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), l'on ne peut invoquer la violation du droit cantonal ou communal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 et 96 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d'autres droits constitutionnels (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 142 III 153 consid. 2.5; 140 III 385 consid. 2.3; 138 V 67 consid. 2.2).
Appelé à revoir l'interprétation d'une norme sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Il peut notamment s'avérer arbitraire d'interpréter une notion juridique de manière contraire à la doctrine et à la jurisprudence dominantes et de s'écarter en même temps, sans motivation objective, d'une jurisprudence cantonale bien établie en relation avec cette notion (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 117 Ia 135 consid. 2). En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 144 IV 136 consid. 5.8; 132 I 175 consid. 1.2).
3.1.2. Selon l'art. 61 al. 1 lit. a LC, est puni d'une amende de 1'000 à 100'000 fr. celui qui en tant que responsable (notamment le propriétaire, le requérant, le responsable du projet, le maître d'ouvrage, l'architecte, l'ingénieur, le chef de chantier, l'entrepreneur) exécute ou fait exécuter des travaux sans autorisation ou avec autorisation non entrée en force, ne signale pas à l'autorité compétente le début et la fin des travaux, ne respecte pas les conditions et charges de l'autorisation octroyée, requiert une autorisation sur la base d'informations inexactes, habite, met en location ou utilise une construction ou installation sans avoir obtenu le permis d'habiter ou d'utiliser, ne se soumet pas à des ordres de police des constructions qui lui ont été adressés. L'amende peut être réduite dans les cas de peu de gravité.
À teneur de l'art. 63 al. 2 LC, lorsqu'une infraction est commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite, d'une entreprise individuelle ou d'une collectivité sans personnalité juridique ou de quelque autre manière dans l'exercice d'une activité pour un tiers, l'autorité peut la condamner au paiement de l'amende et lui confisquer le gain illicite.
3.2. La recourante a été condamnée pour avoir réactivé, en 2021, les travaux pour lesquels l'autorisation de construire relative au chantier avait été annulée le 16 septembre 2020.
3.3. L a recourante soutient qu'il ressortirait des courriels du mois de mai 2021 que la recourante avait demandé à trois reprises la confirmation du "bien-fondé juridique" des travaux avant de les commencer, de sorte qu'elle avait été suffisamment diligente. Elle soutient en outre qu'elle ne pourrait pas être considérée comme responsable dès lors qu'elle avait "passé le flambeau" à des professionnels de la construction en 2019, respectivement mandaté un premier (Bureau d'architecture F.________) puis un second (D.________) bureau d'architecture qui disposaient des connaissances techniques et assumaient la réalisation globale du projet, et à qui elle avait fait confiance, tandis qu'elle-même était intervenue comme simple entrepreneure, sans gérer la partie administrative des travaux. Depuis ses correspondances datant du début 2019, elle n'aurait ainsi plus jamais eu d'échanges avec la commune concernant la mise à l'enquête et les travaux. À l'appui, elle cite un courrier de la commune de U.________ adressé le 27 novembre 2019 au Bureau d'architecture F.________ lui impartissant un délai pour déposer un nouveau jeu de plans. Elle reproche en outre au Juge unique de la cour cantonale de ne pas avoir suffisamment examiné cette question.
Sur la base des faits retenus ( supra, consid. 2.3), il n'était pas arbitraire de retenir, de manière implicite mais néanmoins claire, que la recourante était responsable, au sens de l'art. 61 al. 1 let. a LC, des travaux entrepris en 2021 sur la parcelle n° xxx sans autorisation. La recourante n'établit pas non plus qu'elle n'était pas responsable au sens de cette disposition, se contentant d'alléguer, sans le démontrer, qu'elle était une simple exécutante depuis 2019. En effet, il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que le prononcé du 16 septembre 2020 aurait été notifié, outre à la recourante, à l'un des bureaux d'architecture précités. Il en va de même de la notification de la décision du 18 décembre 2019, dans laquelle la recourante revêtait d'ailleurs bien la qualité de "requérante" de l'autorisation de construire (cf. pièce 113 du dossier cantonal). La recourante se qualifie en outre elle-même d'entrepreneure, qualité qui est expressément citée comme exemple dans la disposition cantonale. Le courrier de la commune de U.________ du 27 novembre 2019 n'est à cet égard pas suffisant pour démontrer une appréciation arbitraire de la cour cantonale, d'autant plus que figurent au dossier des courriers que la recourante a adressés le 19 mai 2020 à la Chancellerie d'État du canton du Valais et le 4 août 2020 au Service valaisan des affaires intérieures et communales (signé par la recourante et F.________), au sujet de la parcelle n° xxx (cf. pièces nos 164 et 172 du dossier cantonal).
Au vu de ce qui précède, la solution retenue par le Juge unique de la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de l'art. 61 al. 1 let. a LC. C'est donc en vain que la recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir arbitrairement retenu à son encontre qu'elle était "responsable" au sens de la disposition précitée, étant rappelé que l'arbitraire n'existe pas du simple fait qu'une autre solution eût été possible voire serait apparue plus justifiée. Ses griefs, mal fondés, doivent par conséquent être rejetés, dans la mesure de leur recevabilité.
4.
Le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public.
Lausanne, le 30 avril 2025
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Muschietti
La Greffière : Rettby