4A_515/2024 03.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_515/2024
Arrêt du 3 mars 2025
Ire Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Hurni, Président,
Denys et May Canellas.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Daniel Kinzer, avocat,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Romolo Molo, avocat,
intimé.
Objet
augmentation de loyer; travaux à plus-value,
recours contre l'arrêt rendu le 23 août 2024 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/159/2021, ACJC/1033/2024).
Faits :
A.
A.a. B.________ (ci-après: le locataire ou l'intimé) loue depuis 1981 un appartement de quatre pièces au 15ème étage de l'immeuble sis (...). Le bâtiment date des années 1960.
Le contrat a été conclu pour une durée initiale de deux ans et trois mois, du 1 er septembre 1981 au 31 décembre 1983 et se renouvelait ensuite tacitement de six mois en six mois, sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.
A.b. Par courrier du 19 juin 2018, la régie de l'époque a annoncé un changement d'échéance du bail, fixée au 30 septembre 2018, le contrat se renouvelant ensuite de trois mois en trois mois, sauf résiliation respectant un préavis de trois mois pour chaque échéance trimestrielle. Le courrier précise que l'avis officiel est joint, mais celui-ci n'a pas été produit en procédure.
A.c. Le loyer annuel hors charges, initialement fixé à 6'768 fr., a été porté à 10'164 fr. par avis du 8 septembre 1993, en raison de la baisse du taux hypothécaire, de l'évolution des frais d'entretien et d'exploitation, de la compensation du renchérissement du capital exposé aux risques et de la prestation complémentaire liée à la loggia. Le taux hypothécaire était alors de 6 % et l'indice suisse des prix à la consommation (ISPC) de 138.3 points. Par avis du 4 septembre 1997, le loyer a finalement été fixé à 10'260 fr. par an (soit 855 fr. par mois) à compter du 1 er janvier 1998, en raison de la rénovation de la sous-station de chauffage et de la pose de vannes thermostatiques.
A.d. A.________ (ci-après: la bailleresse ou la recourante) est devenue propriétaire de l'immeuble en 1989. Elle en a confié la gestion à une nouvelle régie.
A.e. Entre 2016 et février 2020, des travaux ont été effectués dans les parties communes de l'immeuble ainsi que dans tous les appartements, ce dont les locataires ont été informés par courrier du 22 décembre 2015 avec la précision que leur loyer serait probablement augmenté en conséquence.
La bailleresse entendait se conformer à la loi sur l'énergie car l'immeuble était en-dessous des normes, en réduisant l'indice de dépense de chaleur.
Elle a effectué une série de travaux, parmi lesquels le remplacement des fenêtres (précédemment composées de deux simples vitrages), des travaux d'étanchéité et d'isolation des coursives et des balcons, d'isolation intérieure des appartements (étanchéité à l'air, à l'eau et thermique), de peinture des façades, de l'intérieur des toilettes et dans les espaces communs, de maçonnerie (pour l'essentiel les gaines techniques derrière les toilettes), de construction légère (sous-construction de la façade), d'électricité (démontage des luminaires), de sanitaires (colonnes montantes sanitaires, intérieur des appartements, changement des toilettes et pose d'un lave-mains), de chauffage (démontage et montage des radiateurs fixés à la façade pour réaliser les travaux en façade), de joints de façades et de changement des portes palières de tous les appartements afin d'installer des portes coupe-feu.
Le coût total des travaux (y compris les coûts annexes) s'est élevé à 2'244'304 fr.
A.f. Au 30 juin 2021, l'état locatif annuel représentait 49'553 fr. (loyers, charges, parking et dépôts compris).
A.g. Par avis officiel du 16 décembre 2020, la bailleresse a notifié au locataire un avis de majoration portant le loyer à 13'714 fr. par an (soit 1'142 fr. par mois) dès le 1 er avril 2021. L'avis était motivé comme suit:
"Adaptation du loyer pour la période du 01.01.1998 au 31.03.2021, selon les critères de référence suivants:
- Taux hypothécaire = - Fr. 148.43/mois
- ISPC = + 34.27/mois
- Charges d'entretien = + 94.05/mois
- Travaux à plus-value = + 406.00/mois
Le loyer potentiel, selon les critères de référence se monte à Fr. 1'241.00/mois. Par respect de la LDTR, définissant le loyer après travaux de rénovation, le loyer est fixé à Fr. 1'142.00/mois et la somme de Fr. 99.00/mois est portée en réserve de hausse au sens de l'art. 18 OBLF".
B.
B.a. Par requête du 6 janvier 2021 adressée à la Commission de conciliation en matière de baux, le locataire a contesté la hausse et sollicité une baisse de loyer. A l'issue de cette procédure, demeurée infructueuse, la bailleresse a saisi le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève d'une demande tendant à la validation de la hausse de loyer, à ce qu'il soit dit que le loyer annuel était de 13'714 fr. dès le 1 er avril 2021 et à ce que le locataire soit condamné à lui verser la différence de loyer de 287 fr. 80 par mois depuis avril 2021 jusqu'à l'entrée en force du jugement, avec intérêts à 5 % dès le 1 er avril 2021.
Elle a produit le "Tableau LDTR-Len" - reprenant le coût des travaux et le calcul des hausses théoriques de loyer en application de l'art. 9 al. 6 de la loi genevoise du 25 janvier 1996 sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR; rs/Ge L 5 20) - qu'elle avait remis au Département du territoire avec la demande d'autorisation, sur la base de l'art. 5 al. 1 du règlement genevois d'application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations des maisons d'habitation du 29 avril 1996 (RDTR; rs/GE L 5 20.01). Dans ledit tableau, la part des travaux d'amélioration énergétique constituant des prestations supplémentaires au sens de l'art. 14 al. 3 OBLF était arrêtée à 25 % du coût total des travaux de remplacement des fenêtres, à 50 % du coût total des travaux de l'isolement et de la couverture du toit et à 50 % du coût total des travaux d'isolement et de finition des façades (cf. art. 5 al. 2 RDTR).
Dans sa réponse, le locataire a conclu, principalement, au déboutement de la bailleresse de ses conclusions et, subsidiairement, au report de toute augmentation au 1 er juillet 2021.
B.b. Le 21 février 2022, le locataire a porté devant le tribunal une demande de baisse de loyer tendant à ce que celui-ci soit fixé à 741 fr. par mois dès le 1 er avril 2021 (734 fr. 15 par mois dès le 1 er juillet 2021 selon ses plaidoiries finales) et à ce que la bailleresse soit condamnée à lui rembourser le trop-perçu de 114 fr. par mois dès le 1 er avril 2021 (120 fr. 85 dès le 1 er juillet 2021 selon ses plaidoiries finales). Subsidiairement, il a conclu à ce que toute augmentation de loyer soit reportée au 1 er juillet 2021.
La bailleresse a conclu au rejet de cette demande.
B.c. Par jugement du 2 octobre 2023, le Tribunal des baux et loyers a fixé à 9'408 fr. par an (soit 784 fr. par mois), charges non comprises, dès le 1 er juillet 2021, le loyer de l'appartement loué par le locataire et condamné la bailleresse à rembourser à celui-ci le trop-perçu de loyer en découlant.
B.d. Par arrêt du 23 août 2024, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel de la bailleresse, admis partiellement l'appel joint du locataire et fixé à 9'240 fr. par an (soit 770 fr. par mois), charges non comprises, le loyer de l'appartement en cause. Les considérants sur lesquels repose cette décision seront évoqués dans la partie en droit du présent arrêt, dans la mesure utile à la discussion des griefs dont elle est la cible.
C.
La bailleresse forme un recours en matière civile en concluant principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal, à ce que le loyer annuel de l'appartement en cause soit fixé à 10'704 fr. 72 (soit 892 fr. par mois), charges non comprises, dès le 1 er juillet 2021 et à ce que le locataire soit condamné à lui verser la différence de 37 fr. 06 par mois depuis avril 2021 jusqu'à l'entrée en force du jugement, avec intérêts à 5 % dès le 1 er juillet 2021.
Dans sa réponse, le locataire conclut à l'admission partielle du recours pour tenir compte de la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral relative au taux d'intérêt du capital créateur de plus-value (arrêt 4A_75/2022 du 30 juillet 2024). En conséquence, il propose que le loyer annuel soit fixé à 9'576 fr. 60 (soit 798 fr. 05 par mois) dès le 1 er juillet 2021 et que le bailleresse soit condamnée à lui restituer le trop-perçu de 56 fr. 95 par mois, multiplié par les mois écoulés entre le 1 er juillet 2021 et le jour de l'arrêt définitif, avec intérêts à 5 % l'an dès la date de l'arrêt à venir.
La bailleresse a déposé une réplique spontanée.
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
1.1. Dans le domaine du droit du bail à loyer, le recours en matière civile n'est en principe ouvert que si la valeur litigieuse atteint au moins 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF). Dans le cas présent, la bailleresse a conclu, devant l'autorité précédente, à ce que le loyer soit fixé à 13'714 fr. par an, tandis que le locataire soutenait que le loyer devait se monter à 8'976 fr. par an. La différence entre ces deux conclusions - qui constituait l'objet du litige - représente 4'738 fr. par an. Si l'on multiplie ce chiffre par vingt (art. 51 al. 4 LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.1; 121 III 397 consid. 1; 118 II 422 consid. 1), le total obtenu dépasse largement le seuil de l'art. 74 al. 1 let. a LTF. Il n'y a dès lors pas d'obstacle sur ce point à l'entrée en matière.
1.2. Par ailleurs, interjeté par la bailleresse qui a succombé dans ses conclusions portant sur la hausse de loyer et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance statuant sur recours (art. 75 LTF), le recours en matière civile est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traitera toutefois que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). Dès lors qu'une question est discutée, il n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 140 III 86 consid. 2; 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1).
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les constatations de l'autorité précédente ne peuvent être rectifiées ou complétées que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). « Manifestement inexactes » signifie ici « arbitraires » au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
3.
Le litige porte sur le loyer dû par le locataire. La bailleresse a saisi le tribunal d'une demande tendant à la validation d'une hausse de loyer consécutive aux travaux qu'elle a entrepris, alors que le locataire a formulé une demande de baisse de loyer pour tenir compte de la diminution du taux hypothécaire de référence.
Reprenant implicitement plusieurs pans du jugement de première instance, la cour cantonale a constaté que la bailleresse avait indiqué au locataire, par avis de majoration du 16 décembre 2020, que le nouveau loyer tenait compte de quatre éléments: la baisse du taux hypothécaire; l'augmentation de l'ISPC; l'augmentation des charges d'entretien; des travaux à plus-value; le reliquat faisant l'objet d'une réserve de hausse au sens de l'art. 18 OBLF. Après examen, ces différents éléments ne permettaient pas d'augmenter le loyer, mais en commandaient plutôt la réduction, comme le locataire le demandait. Les juges cantonaux les ont appréciés de la manière suivante:
a) Baisse du taux hypothécaire
Le loyer avait été porté à 10'260 fr. par an ( supra let. A.c) à une époque où le taux hypothécaire de référence était de 6 % (avis de majoration du 8 septembre 1993), étant précisé qu'il n'était pas possible de se référer au dernier avis de majoration, daté du 4 septembre 1997, dès lors qu'il ne prenait pas en compte l'évolution du taux hypothécaire. Comme en 2020 ce taux n'était que de 1,25 %, le loyer devait être réduit de 35,48 % (art. 13 al. 1 OBLF), soit d'un montant mensuel de 303 fr. 35.
b) Augmentation de l'ISPC
L'augmentation de l'ISPC n'était pas contestée si bien qu'une hausse de loyer de 34 fr. 27 par mois s'avérait justifiée.
c) Augmentation des charges d'entretien
La bailleresse prétendait que les coûts d'entretien augmentaient forfaitairement de 0,5 % par année - soit un facteur de hausse de 11 % au total d'après elle - mais n'expliquait pas les motifs qui l'auraient empêchée de produire des chiffres précis; elle se contentait d'affirmer qu'il serait notoire que les coûts d'entretien d'un immeuble avaient augmenté en trente ans, notamment en raison du renchérissement des travaux et du besoin accru de travaux dû au vieillissement de l'immeuble, et que de toute manière les pièces relatives aux coûts d'entretien effectifs qu'on exigeait d'elle n'auraient pas permis d'aboutir à un résultat cohérent. Partant, la cour cantonale n'a pas retenu d'augmentation des charges d'entretien justifiant une quelconque hausse de loyer.
d) Travaux à plus-value
La bailleresse avait exécuté une série de travaux, parmi lesquels il fallait distinguer:
(a) D'une part, les travaux qui apportaient des améliorations énergétiques au sens de l'art. 14 al. 1 OBLF.
La bailleresse avait posé des fenêtres à double vitrage destinées pour partie à apporter une amélioration énergétique. Cela étant, compte tenu de l'époque de construction de l'immeuble, du fait que la bailleresse ne démontrait pas que ces fenêtres avaient fait l'objet de rénovations depuis lors et du pourcentage qu'elle avait elle-même indiqué au Département cantonal du territoire (cf. supra let. B.a), seuls 25 % du coût de ces travaux seraient retenus au titre d'amélioration énergétique (115'021 fr. 50 [460'086 fr. : 4] sous déduction de la subvention accordée de 24'040 fr., soit 90'981 fr. 50). S'y ajoutaient les travaux d'isolement et couverture du toit ainsi que d'isolement et de finition des façades, lesquels étaient aussi - en partie - destinés à réduire les pertes énergétiques de l'enveloppe du bâtiment et donc de nature à induire une réduction des charges. En équité, il y avait lieu de se fonder sur les indications figurant sur le "Tableau LDTR-Len" (cf. supra let. B.a); partant, 50 % du coût global de 309'772 fr. représentaient des améliorations énergétiques, soit 154'886 fr.
La composante énergétique des travaux entrepris totalisait ainsi 245'867 fr. 50 (90'981 fr. 50 + 154'886 fr.).
(b) D'autre part, le solde des travaux, soit 2'028'396 fr. 50, qui recouvraient d'importantes réparations au sens de l'art. 14 al. 1 in fine OBLF.
Comme il était malaisé de distinguer la part correspondant à des travaux d'entretien de celle qui représentait une plus-value, les juges cantonaux ont estimé que seuls 50 % des travaux en question avaient généré une plus-value (soit 1'014'198 fr. 25); ce pourcentage, représentant le bas de la fourchette de l'art. 14 al. 1 OBLF, s'expliquait par le fait que la bailleresse n'avait pas entrepris de travaux dans l'immeuble depuis de nombreuses années.
Tous travaux confondus, la plus-value totale s'élevait ainsi à 1'260'065 fr. 75 (1'014'198 fr. 25 + 245'867 fr. 50). Elle pouvait être répercutée sur les loyers de la manière suivante:
Intérêts du capital 1'260'065 fr. 75 x 1,75 % / 2 = 11'025 fr. 60
Amortissement 1'260'065 fr. 75 : 30 = 42'002 fr. 20
Entretien à venir 1'260'065 fr. 75 x 1 % = 12'600 fr. 65
Total de hausse 65'628 fr. 45
Cette hausse devait finalement être ventilée par appartements, ce qui se traduisait pour le locataire par un ratio de 4 (nombre de pièces de son appartement) sur 118 (nombre de pièces total de l'immeuble). D'où le calcul suivant qui aboutissait à l'augmentation potentielle du loyer de l'appartement en cause: 65'628 fr. 45 / 118 x 4 = 2'224 fr. 90 par an (ou 185 fr. 40 par mois).
En résumé, le loyer pouvait être augmenté de 185 fr. 40 par mois pour tenir compte des travaux à plus-value/rénovations énergétiques et de 34 fr. 27 en raison de la variation de l'ISPC. Parallèlement, il devait être réduit de 303 fr. 35 par mois en raison de la baisse du taux hypothécaire de référence. En définitive, le loyer devait être ramené de 855 fr. à 770 fr. par mois (ou 9'240 fr. par an) dès le 1 er juillet 2021.
4.
Dans un premier grief, la recourante fait valoir que la cour cantonale a enfreint l'art. 269a let. b CO en n'admettant pas de hausse de loyer à raison de l'augmentation des frais d'entretien.
4.1.
4.1.1. Selon l'art. 269a let. b CO, ne sont en règle générale pas abusifs les loyers qui sont justifiés par une hausse de coûts. Les coûts en cause sont évoqués de manière non exhaustive à l'art. 12 al. 1 OBLF. Il s'agit de coûts - non facturés comme frais accessoires - tels que les taxes, les impôts sur les immeubles, les rentes de droit de superficie, les primes d'assurance liées à l'immeuble ainsi que les frais d'entretien. Ces derniers sont des dépenses que le bailleur consacre au maintien de l'état de la chose louée pour l'usage qui a été convenu; ces frais ne permettent en principe pas au bailleur d'augmenter le loyer (ATF 110 II 404 consid. 3a; arrêts 4A_88/2013 du 17 juillet 2013 consid. 4.1; 4A_530/2012 du 17 décembre 2012 consid. 3.1). Cela étant, une hausse durable de ces dépenses est de nature à justifier une augmentation de loyer, comme l'exprime l'art. 269a CO (cf. arrêts précités 4A_88/2013 précité 2013 consid. 4.1; 4A_530/2012 consid. 3.1).
D'après l'art. 20 al. 1, première phrase, OBLF, lorsque des hausses de loyer sont causées par des augmentations des coûts, le locataire peut exiger que le bailleur motive l'augmentation du loyer en fournissant des chiffres précis.
4.1.2. Pour calculer l'évolution des coûts au sens de l'art. 269a let. b CO, il faut comparer au travers de moyennes la situation entre deux périodes différentes (ATF 111 II 378 consid. 2; 106 II 356 consid. 5b; arrêt 4C.157/2001 du 1er octobre 2001 consid. 2a). Le juge doit comparer la moyenne des charges antérieures à la dernière fixation de loyer avec la moyenne des charges antérieures à la demande de majoration de loyer litigieuse. Si cinq ans sont généralement requis, trois ans peuvent s'avérer suffisants pour dégager une moyenne fiable (ATF 140 III 433 consid. 3.5.1; 117 II 77 cons. 3c/bb; 111 II 380 consid. 2; 106 II 362 consid. 5b; arrêt 4A_530/2012 du 17 décembre 2012 consid. 3.1).
Une appréciation forfaitaire des coûts d'entretien ne peut intervenir qu'exceptionnellement, c'est-à-dire lorsque les comptes d'un exercice comportent des chiffres anormalement bas ou hauts, reflétant imparfaitement les coûts d'entretien moyens; il en va de même en cas de forte hausse conjoncturelle des coûts concernés (ATF 111 II 378 consid. 2; arrêts 4A_530/2012 précité consid. 3.1; 4A_484/2011 du 2 novembre 2011 consid. 4; 4C.157/2001 du 1er octobre 2001 consid. 2a). Si le juge, sur la base des comptes qui lui sont présentés, parvient à la conclusion que, compte tenu de circonstances particulières, des forfaits fondés sur des chiffres d'expérience reflètent mieux l'évolution des coûts que la comparaison à l'aide de moyennes, il peut alors se fonder sur ces forfaits. Le recours à un forfait peut ainsi se révéler approprié dans certains cas, tant que ce procédé ne conduit pas à une augmentation exagérée des coûts et pour autant qu'une autre méthode ne donne pas un résultat plus précis. En revanche, l'application systématique de forfaits sans égard aux particularités du cas n'est pas admissible (arrêts précités 4A_88/2013 consid. 4.1; 4C.157/2001 consid. 2c).
La doctrine est partagée sur la question. Pour certains, le recours systématique aux forfaits serait difficile à justifier. Contraire au principe d'un loyer fondé sur les coûts, il contreviendrait à la règle selon laquelle le bailleur doit prouver l'évolution des coûts en fournissant des chiffres précis. Ces auteurs concèdent, certes, que ce procédé faciliterait la résolution des litiges et contribuerait à la simplification du droit, mais notent qu'il devrait être réglementé sur des bases précises, suffisamment différenciées et issues des pourparlers entre associations de locataires et de bailleurs (DAVID LACHAT/PIERRE STASTNY, Le bail à loyer, 2019, p. 595, spéc. note de pied 176). Plusieurs relèvent également le manque d'équité qui entacherait le recours systématique aux forfaits, dans la mesure où le bailleur n'aurait alors plus d'intérêt à entretenir son immeuble (cf. ROGER WEBER, in Basler Kommentar, 7 e éd. 2020, n° 8 in fine ad art. 269a CO; LACHAT/STASTNY, op. cit., p. 595; FRANÇOIS BOHNET/JULIEN BROQUET, in CPra Bail, 2 e éd. 2017, n° 54 ad art. 269a CO). En revanche, d'autres auteurs y sont favorables, notamment dans l'optique d'assurer une procédure simple et rapide (cf. BEAT ROHRER, S VIT-Kommentar, 5 e éd. 2025, n° 26 ad remarques préliminaires aux art. 269-270e CO et n° 38 ad art. 269a CO; PETER HIGI/CHRISTOPH WILDISEN, Zürcher Kommentar, 5 e éd. 2022, n° 216 ad art. 269a CO; ANDREAS MAAG, in MRA 4/05, p. 149 ss; ROBERT SIEGRIST, Der missbräuchliche Mietzins - Regel und Ausnahmen (Art. 269 und 269a OR), 1997, p. 84).
La révision de l'OBLF, que le Conseil fédéral envisage de mettre en oeuvre afin d'atténuer les hausses de loyer, va dans un sens diamétralement différent. Dans son rapport explicatif relatif à l'ouverture d'une procédure de consultation qui s'est déroulée à l'automne 2024, le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche explique qu'une partie des autorités de conciliation de différents cantons - essentiellement suisse alémaniques - appliquent, nonobstant la jurisprudence fédérale, le système de la hausse générale des prix, ce qui correspond suivant l'inflation à une augmentation forfaitaire des loyers de 0,5 % à 1 % par année, sans production d'une preuve particulière (cf. à ce sujet, les références in ROHRER, op. cit., n° 38 ad art. 269a CO; WEBER, op. cit., n° 8 ad art. 269a CO). D'où le projet - pour l'heure suspendu aux résultats de la procédure de consultation, lesquels n'ont pas encore été consolidés dans un rapport et rendus publics - de modifier l'art. 12 OBLF par l'adjonction d'un alinéa 1bis, lequel proscrirait la prise en compte forfaitaire des hausses de coûts et contraindrait le bailleur à déterminer l'ampleur d'une hausse de coût éventuelle sur la base de son évolution effective, s'il veut pouvoir la répercuter sur les loyers.
4.2. En l'espèce, la recourante soutient que les frais d'entretien ont connu une augmentation de 0,5 % par an, ce qui ferait 11 % au total entre 1997 et 2020 (cf. sa demande p. 11 in fine). Elle n'a toutefois produit aucun chiffre qui permettrait d'établir une moyenne de coûts d'entretien, que ce soit pour la période précédant la hausse de loyer voulue ou pour les années précédant 1997, sachant qu'elle a acquis l'immeuble en cause en 1989 et que nulle autre qu'elle n'est censée détenir les données en cause. Pour toute explication, elle s'est contentée d'affirmer qu'elle « ne (serait) pas (...) en mesure de fournir des pièces comptables », sans offrir la clé de déchiffrement de cette assertion. Certes, elle affirme également que les chiffres effectifs ne représenteraient pas une base de calcul fiable, mais là encore, elle ne présente pas le moindre élément qui accréditerait cette assertion, étant précisé que l'écoulement du temps n'en apporte pas, à lui seul, la démonstration. A-t-elle même entretenu l'immeuble au fil des années et de quelle manière? La cour cantonale n'a pas constaté ce fait - malgré ce que la recourante tente de lire en filigrane dans l'arrêt attaqué - et l'on ne sait même pas s'il a été régulièrement allégué en procédure. Certes encore, les travaux de rénovation que la bailleresse a entrepris entre 2016 et 2020 englobent des travaux d'entretien (puisque la cour cantonale a estimé que seuls 1'014'198 fr. 25 sur 2'028'396 fr. 50 avaient apporté une plus-value). Cela étant, non seulement la recourante ne s'exprime pas sur la manière dont il s'agirait de porter en compte ces frais d'entretien (cf. à ce sujet l'arrêt 4A_530/2012 précité consid. 3.2), mais il manque également un terme de comparaison, à savoir une moyenne qui remonterait aux années 1994 et suivantes. En définitive, la recourante - qui ne critique pas la jurisprudence du Tribunal fédéral, laquelle n'a de toute manière pas de raison d'être réexaminée (sur les conditions d'un changement de jurisprudence, cf. ATF 147 III 14 consid. 8.2; 144 III 175 consid. 2; 136 III 6 consid. 3) - croit discerner un champ de possibilités là où la porte est simplement entrouverte à l'application de forfaits, dans des circonstances bien précises.
Sur la foi de quelques affirmations de la recourante, la cour de céans n'a guère de raison de croire qu'un forfait appréhenderait mieux la réalité des frais d'entretien que les chiffres effectifs des trois ou cinq années précédant la dernière fixation du loyer, respectivement l'avis de hausse de loyer querellé.
Partant, c'est à bon droit que la cour cantonale a considéré que la recourante n'avait pas démontré l'augmentation des frais d'entretien susceptible de justifier une hausse de loyer. Ce premier grief doit être écarté.
5.
Dans un second grief, la recourante s'en prend au calcul auquel la cour cantonale s'est livrée pour chiffrer la répercussion sur le loyer des travaux d'amélioration énergétique, respectivement des travaux à plus-value; le taux de rendement des investissements ne serait pas conforme à l'arrêt 4A_75/2022 du 30 juillet 2024 (ATF 151 III 16), qui l'a fixé à 2 % en sus du taux hypothécaire de référence. En revanche, elle ne conteste aucun autre élément de ce calcul, notamment pas la quotité de travaux ayant apporté des améliorations énergétiques.
5.1. Dans sa réponse, l'intimé a conclu à l'admission du recours sur ce point. En effet, la question litigieuse a été tranchée sans l'ombre d'un doute dans l'ATF 151 III 16 (consid. 4.3.3).
Le nouveau calcul se présente dès lors comme suit:
Intérêts du capital 1'260'065 fr. 75 x 3.25 % / 2 = 20'476 fr. 05
Amortissement 1'260'065 fr. 75 : 30 = 42'002 fr. 20
Entretien à venir 1'260'065 fr. 75 x 1 % = 12'600 fr. 65
Total de hausse 75'078 fr. 90
Rapporté à l'appartement de l'intimé (4/118 pièces), ce résultat conduit à une augmentation de loyer de 212 fr. 10 par mois (ou 2'545 fr. par an). Partant, compte tenu de l'autre facteur de hausse (+ 34 fr. 30) et du facteur de baisse (- 303 fr. 35 en raison de la baisse du taux hypothécaire de référence), le loyer doit être ramené de 855 fr. à 798 fr. 05 par mois (ou 9'576 fr. 60 par année), hors charges, dès le 1 er juillet 2021. La décision attaquée sera réformée sur ce point.
5.2. Le premier jugement condamnait la recourante à rembourser à l'intimé le trop-perçu de loyer "en découlant" (différentiel qui se monte désormais à 56 fr. 95 par mois), sans articuler de montants ni une date de départ d'intérêts moratoires. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a confirmé ce point du dispositif (cf. arrêt attaqué p. 23 consid. 6 in fine), sans considération particulière.
Aucune des deux parties ne s'exprime dans ses écritures sur cet aspect, même si chacune formule désormais des conclusions chiffrées s'agissant du trop-perçu à rétrocéder avec intérêts moratoires à partir d'une date sur laquelle elles divergent.
Cela étant, à défaut d'un quelconque grief, la cour de céans n'a nulle raison de statuer dans un sens différent des juges cantonaux.
6.
En conclusion, le recours est partiellement admis et la décision attaquée doit être réformée en ce sens que le loyer est fixé à 798 fr. 05 par mois, hors charges, dès le 1er juillet 2021.
La recourante succombe sur le point de la hausse de loyer liée aux frais d'entretien, alors qu'elle obtient gain de cause sur celle consécutive aux travaux entrepris, qui représente toutefois un montant moindre du premier (dans les grandes lignes, 2/3 - 1/3).
L'intimé avait conclu à l'admission du recours sur le second point. Formellement parlant, il ne succombe pas. Cela étant, dans un cas de figure tel que celui-ci, où la décision attaquée est modifiée à l'avantage de la recourante dans le sens contraire des conclusions que l'intimé avait prises victorieusement devant l'autorité précédente, en raison d'une jurisprudence fédérale rendue publique ultérieurement, le Tribunal fédéral a déjà par le passé considéré qu'il s'agissait d'un cas particulier: en effet, le revirement de l'intimé est dû à un concours de circonstances, à savoir que la jurisprudence rendue entre l'arrêt attaqué et la réponse a permis à l'intimé de réaliser que la position défendue devant l'autorité précédente était clairement vouée à l'échec. Le Tribunal fédéral a estimé que, dans ce cas de figure, l'intimé succombait, malgré ses conclusions formelles, dès lors qu'il voyait la décision modifiée de façon contraire à la thèse qu'il avait soutenue jusqu'à ce que la jurisprudence mette fin à toute équivoque (cf. arrêt 4A_518/2012 du 8 janvier 2013 consid. 3.2). Il n'en va pas autrement en l'espèce. L'intimé supportera donc une partie des frais de la procédure, lors même qu'il a formellement conclu à l'admission du recours sur le point du calcul de rendement relatif aux rénovations entreprises.
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., seront mis à la charge de la recourante par 1'300 fr. et à la charge de l'intimé par 700 fr. (art. 66 al. 1 LTF). Après compensation des dépens qu'ils se doivent réciproquement (1'800 fr. ÷ 1'200 fr.), la recourante versera à l'intimé une somme de 600 fr. à ce titre (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis.
L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que le loyer de l'appartement de quatre pièces loué par B.________ dans l'immeuble sis (...) est fixé à 798 fr. 05 par mois, charges non comprises, dès le 1er juillet 2021. Il est confirmé pour le surplus.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à raison de 1'300 fr. à la charge de la recourante et de 700 fr. à la charge de l'intimé.
3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 600 fr. à titre de dépens réduits.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 3 mars 2025
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Hurni
La Greffière : Godat Zimmermann