8C_598/2024 19.05.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_598/2024
Arrêt du 19 mai 2025
IVe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Viscione, Présidente, Heine et Métral.
Greffière : Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
A.________ SA, représentée par Me Marine Panariello, avocate,
recourante,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne,
intimée,
B.________,
Objet
Assurance-accidents (violation du droit d'être entendu),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 4 septembre 2024 (A/4202/2023 - ATAS/679/2024).
Faits :
A.
A.a. B.________ a informé la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) qu'il avait créé le 1 er novembre 2019, à Genève, une nouvelle entreprise dont la raison sociale était C.________, laquelle avait pour activité l'agencement et la menuiserie. L'intéressé a rempli un formulaire, reçu par la CNA le 15 novembre 2021, destiné à déterminer sa situation pour l'assurance-accidents et l'assurance-vieillesse et survivants. Le 9 novembre 2022, la CNA a été informée que la société A.________ SA (ci-après: la société) avait un sous-traitant en attente de validation de statut. Le 1 er décembre 2022, la CNA a informé l'intéressé qu'il remplissait les conditions requises pour que son activité puisse être considérée comme indépendante et qu'il n'était dès lors pas assuré à titre obligatoire contre les accidents. Le 7 février 2023, la CNA a informé l'intéressé qu'après réexamen, elle considérait qu'il avait un double statut, soit un statut d'indépendant pour les travaux adjugés en son propre nom et pour son compte, et un statut de dépendant s'il travaillait comme sous-traitant ou pour le compte d'une entreprise de prêt de personnel.
A.b. Le 1 er mars 2023, la CNA a informé A.________ SA qu'elle considérait que B.________ avait une activité lucrative dépendante en ce qui la concernait. Elle lui demandait de lui annoncer les honoraires versés à l'intéressé pour les années 2020, 2021 et 2022. Le 2 mars 2023, la société a transmis à la CNA une liste des factures que lui avait adressée B.________, soit 9 en 2020, 34 en 2021 et 34 en 2022, pour un montant total de 255'020 fr. Le 12 mai 2023, la CNA a adressé à la société des factures de primes définitives pour la période courant du 1 er janvier 2020 au 31 décembre 2022.
A.c. Le 17 mai 2023, A.________ SA a formé opposition contre la décision du 12 mai 2023. Le 18 juillet 2023, la société a répondu à des questions de la CNA relatives à sa collaboration avec B.________. Par décision sur opposition du 13 novembre 2023, la CNA a rejeté l'opposition de la société, considérant que l'intéressé ne remplissait pas les critères pour une activité lucrative indépendante en ce qui concernait son activité de menuiserie pour elle.
B.
B.a. Le 14 décembre 2023, A.________ SA a recouru contre la décision sur opposition de la CNA du 13 novembre 2023 devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Elle a préalablement demandé l'appel en cause de B.________.
B.b. Par courrier du 18 décembre 2023, la juridiction cantonale a adressé une copie du recours de A.________ SA à la CNA en priant cette dernière de lui faire parvenir sa réponse et le dossier en version papier et en version électronique (CD/USB) d'ici au 15 janvier 2024.
Par réponse du 15 janvier 2024, la CNA a conclu au rejet du recours. A l'appui de son écriture, elle a remis le dossier de A.________ SA (n° yyy) ainsi que le dossier de C.________ (n° xxx). Par lettre du 16 janvier 2024, la cour cantonale a invité la recourante à lui faire parvenir sa réplique d'ici au 7 février 2024 et l'a informée de la possibilité de venir consulter le dossier au greffe de la cour ou de demander l'envoi d'une version sous forme de CD-Rom. Le 18 janvier 2024, la cour cantonale a envoyé à la recourante "le CD-Rom des pièces de la partie intimée" en la priant de le lui retourner dans les meilleurs délais sous pli recommandé. Le 19 janvier 2024, A.________ SA a renvoyé à la Chambre des assurances sociales le CD-Rom original en retour. Dans sa réplique du 7 février 2024, A.________ SA a notamment réitéré sa demande d'appeler en cause B.________ et elle a demandé à ce qu'il soit ordonné à la CNA de produire les pièces du dossier n° xxx.
Après avoir appelé en cause B.________ en lui donnant un délai au 1 er mars 2024 pour se prononcer - ce que ce dernier n'a pas fait - la cour cantonale a rejeté le recours par arrêt du 4 septembre 2024.
C.
A.________ SA forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à son annulation, subsidiairement au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
La CNA conclut au rejet du recours. Elle demande qu'en cas d'admission du recours pour violation du droit d'être entendu, aucun dépens ne soit mis à sa charge. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas déterminé.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le litige porte sur la qualification - salariée ou indépendante - de l'activité exercée par B.________ à l'égard de A.________ SA entre le 1 er janvier 2020 et le 31 décembre 2022. La question litigieuse n'ayant pas comme telle pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral est lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF a contrario; art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF), à savoir arbitraire (ATF 149 II 337 consid. 2.3; 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2). Par ailleurs, à teneur de l'art. 99 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente.
3.
3.1. Dans un premier grief, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir constaté les faits pertinents de manière manifestement inexacte en retenant que l'intimée aurait spontanément produit le dossier de l'appelé en cause (dossier n° xxx concernant C.________) au stade de sa réponse au recours et qu'en conséquence, une éventuelle violation de son droit d'être entendu aurait été réparée devant la juridiction cantonale. Elle fait valoir que si la CNA avait bel et bien mentionné dans sa réponse du 15 janvier 2024 qu'elle produisait deux dossiers à l'appui de son mémoire, à savoir le dossier n° yyy et le dossier n° xxx, seul le dossier n° yyy concernant A.________ SA figurait en réalité sur le CD-Rom que lui avait remis la Chambre des assurances sociales le 19 janvier 2024. A l'appui de ses dires, la recourante produit en instance fédérale une clé USB sur laquelle se trouve une copie intégrale du CD-Rom transmis par la Chambre administrative. Or sur cette clé ne figurent que les 226 pièces du dossier n° yyy, à l'exclusion du dossier n° xxx. La CNA ayant cependant également fondé la décision litigieuse sur des pièces du dossier n° xxx auquel la recourante n'avait pas eu accès jusque-là, il y avait lieu de constater une violation de son droit d'être entendu dont elle s'était prévalue dans sa réplique.
3.2. La clé USB produite par la recourante constitue une pièce nouvelle que la recourante est exceptionnellement autorisée à produire pour la première fois devant le Tribunal fédéral dans la mesure où elle tend à prouver l'inexactitude d'un fait retenu dans l'arrêt attaqué et à établir la violation de son droit d'être entendu (cf. GRÉGORY BOVEY, in : Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, n° 26 ad art. 99 LTF). Dans sa réponse au recours en matière de droit public, la CNA fait valoir que le dossier concernant B.________ (dossier n° xxx) a bel et bien été versé au format papier et électronique. Il n'y a aucune raison de mettre en doute cette allégation, d'autant moins que dans les pièces transmises par la juridiction cantonale au Tribunal fédéral figurent deux dossiers de la CNA (n° yyy et n° xxx), tant au format papier qu'au format électronique. Il s'agit en réalité de deux classeurs distincts, contenant chacun un CD-Rom. Le dossier complet de la cause contenait par conséquent deux dossiers, respectivement deux CD-Rom, l'un ayant pour référence le n° yyy et l'autre le n° xxx. Or, pour une raison inexpliquée, la cour cantonale n'a transmis que le dossier n° yyy à la recourante, comme en atteste son courrier du 18 janvier 2024 adressé à la recourante, dans lequel elle indiquait lui remettre "le CD-Rom". Il ressort pourtant clairement de la réplique de la recourante, en procédure cantonale, que celle-ci n'avait pas pu consulter le dossier n° xxx. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, une éventuelle violation du droit d'être entendu de la recourante par l'intimée n'a pas pu être guérie par la production du dossier complet en procédure cantonale, une partie de ce dossier n'ayant pas été transmise à la recourante, en dépit de la demande présentée dans ce sens par celle-ci. En procédant ainsi, la juridiction cantonale a elle-même commis une violation du droit d'être entendu. Ce vice ne pouvant pas être réparé devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.8; 137 I 195 consid. 2.7), il entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 148 IV 22 consid. 5.5.2; 144 I 11 consid. 5.3).
4.
Le recours doit par conséquent être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Le canton de Genève est dispensé des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Il versera en revanche une indemnité de dépens à la recourante, qui a fait appel à un avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le canton de Genève versera une indemnité de 3'000 fr. à la recourante à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à B.________, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 19 mai 2025
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Viscione
La Greffière : Fretz Perrin