8C_168/2025 05.06.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_168/2025
Arrêt du 5 juin 2025
IVe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Viscione, Présidente, Scherrer Reber et Métral.
Greffière : Mme Barman Ionta.
Participants à la procédure
A.A.________,
recourante,
contre
Caisse cantonale valaisanne de chômage, Service juridique, place du Midi 40, 1950 Sion,
intimée.
Objet
Assurance-chômage (période de cotisation),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du Valais du 26 février 2025 (S1 24 158 - S3 24 62).
Faits :
A.
A.a. A.A.________ et son époux B.A.________, tous deux de nationalité canadienne, ont fondé en septembre 2010 la société C.________ SA (avec siège dans le canton de Genève), laquelle a été radiée d'office par suite de faillite en 2021. Les époux ont quitté la Suisse le 27 janvier 2020 et ont voyagé entre la France, l'Italie, la Grèce, la Turquie, le Panama, la Croatie, l'Île Maurice, le Canada et l'Espagne. Le Service de la population a accepté de maintenir leur autorisation d'établissement (permis C) du 27 janvier 2020 au 26 janvier 2024. A.A.________ et B.A.________ ont fondé une nouvelle société, D.________ LLC, dont le siège était à Miami (USA) de 2020 à 2023, puis à E.________ (Panama) dès 2024.
Le 19 juin 2023, A.A.________ et B.A.________ ont déposé une convention de divorce auprès d'un notaire parisien. Le divorce a été transcrit sur les registres de l'état civil français le 26 septembre 2023.
A.b. A.A.________ s'est établie en Suisse le 9 janvier 2024. Elle s'est inscrite le 29 mai 2024 à l'Office régional de placement de Martigny afin d'obtenir des prestations de l'assurance-chômage dès cette date. Par décision du 27 juin 2024, confirmée sur opposition le 12 juillet 2024, la Caisse cantonale de chômage lui a nié le droit à l'indemnité de chômage. L'assurée ne remplissait pas les conditions relatives à la période de cotisation dès lors qu'elle avait exercé depuis janvier 2020 une activité indépendante à l'étranger. Elle ne satisfaisait pas non plus aux exigences d'exercice d'une activité salariée de 12 mois au moins dans un État tiers (pays non-membre de la Communauté européenne ou de l'Association européenne de libre-échange [AELE]) durant le délai-cadre de cotisation et d'une période de cotisation d'au moins six mois en Suisse durant cette période.
A.c. Le 2 août 2024, A.A.________ a invoqué la libération des conditions relatives à la période de cotisation en lien avec son divorce prononcé le 26 septembre 2023. Elle estimait en outre avoir maintenu sa résidence habituelle en Suisse depuis 2010. Par décision du 20 août 2024, confirmée sur opposition le 18 septembre 2024, la Caisse cantonale de chômage a relevé que l'assurée n'avait pas mentionné son divorce dans sa demande du 29 mai 2024 et avait reconnu, dans un courriel du 19 juin 2024, qu'elle ne résidait pas en Suisse au moment du divorce. En toute hypothèse, ce n'était pas en raison de son mariage que l'assurée n'avait pas pu exercer une activité salariée jusqu'à son divorce mais parce qu'elle avait choisi de déployer une activité indépendante à plein temps aux côtés de son mari, ce qui ne constituait pas un motif de libération de la période de cotisation. En conséquence, le droit à l'indemnité de chômage lui était refusé.
B.
L'assurée a déféré la décision sur opposition du 18 septembre 2024 devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais, laquelle a rejeté le recours par arrêt du 26 février 2025.
C.
A.A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de la reconnaissance de son droit aux indemnités de chômage.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est limité ni par les arguments de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées; à défaut, un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2).
3.
3.1. Le litige porte sur le droit de la recourante à l'indemnité de chômage, singulièrement sur le point de savoir si la recourante peut prétendre à la libération des conditions relatives à la période de cotisation eu égard à son divorce, au sens de l'art. 14 al. 2 LACI.
3.2. Aux termes de l'art. 14 al. 2 LACI, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, par suite de séparation de corps ou de divorce, d'invalidité (art. 8 LPGA) ou de mort de leur conjoint ou pour des raisons semblables ou pour cause de suppression de leur rente d'invalidité, sont contraintes d'exercer une activité salariée ou de l'étendre; cette disposition n'est applicable que si l'événement en question ne remonte pas à plus d'une année et si la personne concernée était domiciliée en Suisse au moment où il s'est produit. Selon la jurisprudence, une libération des conditions relatives à la période de cotisation n'est possible que s'il existe un lien de causalité entre le motif invoqué et la nécessité de prendre ou d'augmenter une activité lucrative (ATF 138 V 434 consid. 9.4; 131 V 279 consid. 2.4).
3.3. Seuls peuvent bénéficier d'une libération les personnes qui étaient domiciliées en Suisse (au sens de l'art. 8 al. 1 let. c LACI) lors de la survenance du motif de libération invoqué (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n° 37 ad art. 14). La notion de domicile, fondée sur le principe de l'interdiction d'exportation des prestations en droit de l'assurance-chômage (THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Soziale Sicherheit, SBVR Vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2319 n° 180), s'entend comme le lieu de résidence habituelle d'une personne. Selon l'art. 8 al. 1 let. c LACI, le droit à l'indemnité de chômage suppose la résidence effective en Suisse, ainsi que l'intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d'en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 148 V 209 consid. 4.3; 125 V 465 consid. 2a; 115 V 448 consid. 1). Cette condition implique la présence physique de l'assuré en Suisse (dans le sens d'un séjour habituel), ainsi que l'intention de s'y établir et d'y créer son centre de vie. Sont déterminants les critères objectifs, tels que le lieu du logement et celui des activités professionnelles, alors que les critères subjectifs, tels que l'intention de s'établir et de créer un centre de vie, passent au second plan car ils sont difficiles à vérifier (BORIS RUBIN, op. cit., n° 8 ss ad art. 8). Il ne suffit pas, pour reconnaître la résidence habituelle, que le lien avec la Suisse se limite au retour régulier dans le but de satisfaire aux prescriptions de contrôle (ATF 148 V 209 consid. 4.3). On ajoutera que selon une pratique constante, le juge est fondé à retenir les premières déclarations, qui correspondent généralement à celles que la personne a faites alors qu'elle n'était peut-être pas encore consciente des conséquences juridiques qu'elles auraient, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 142 V 590 consid. 5.2 et l'arrêt cité).
4.
Les juges cantonaux ont constaté que la recourante avait quitté la Suisse durant quatre ans, situation qui ne pouvait être assimilée à un séjour de durée déterminée de quelques mois à l'étranger. Les ex-époux avaient déposé leur convention de divorce le 19 juin 2023 auprès d'un notaire à Paris, ce qui impliquait qu'au moins l'un d'entre eux était alors domicilié en France, ce qui ne paraissait pas être le cas de B.A.________, réputé être domicilié à Miami jusqu'à fin 2023. La recourante avait obtenu un visa D lui permettant de séjourner 90 jours en Espagne du 4 août 2023 au 16 novembre 2023. Son contrat de bail à loyer en Suisse avait été signé le 17 janvier 2024 et sa police d'assurance-maladie avait pris effet au 1 er avril 2024. Selon les premiers juges, ces éléments plaidaient en faveur d'une résidence en Suisse au plus tôt en janvier 2024. L'exigence de domicile prévue à l'art. 14 al. 2 LACI n'était dès lors pas réalisée lorsque la convention de divorce avait été signée en juin 2023, ou même transcrite dans les registres de l'état civil français le 26 septembre 2023. Ce seul motif justifiait le refus du droit à l'indemnité de chômage.
Les premiers juges ont encore constaté que pendant la période de cotisation, la recourante s'était volontairement consacrée au développement et à l'exercice de l'activité indépendante menée avec son ex-époux. Si, après le divorce, elle s'était vue dans la nécessité de trouver un nouvelle activité professionnelle, c'était parce qu'elle avait estimé que son activité indépendante au sein de D.________ LLC serait peu rentable si elle la poursuivait seule, son ex-époux ayant, selon ses dires, choisi de se réorienter. En outre, de son propre aveu, le projet de se lancer avec son ex-époux dans une nouvelle activité indépendante commune après leur divorce, projet perdurant en septembre 2023, n'avait ultérieurement pas abouti, ce qui justifiait d'autant plus d'exclure l'existence d'un lien de causalité entre le divorce et la nécessité de reprendre une activité lucrative salariée, respectivement l'absence de durée minimale de cotisation. De l'avis des juges cantonaux, admettre en l'espèce une libération des conditions relatives à la période de cotisation reviendrait à ouvrir un droit aux chômage à une personne de condition indépendante, ce que la LACI ne prévoyait précisément pas. Par conséquent, la recourante ne pouvait pas se prévaloir d'un motif de libération au sens de l'art. 14 al. 2 LACI et ne pouvait donc prétendre à l'indemnité de chômage.
5.
5.1. En référence à ses premières déclarations, la recourante fait remarquer que sa demande de prestations du 29 mai 2024 a été déposée sans mention de son divorce parce qu'au moment de cet événement, elle ne disposait pas d'une attestation de domicile en Suisse et ne s'y trouvait pas physiquement. Elle reproche à la juridiction cantonale de ne pas avoir pris en considération ses écritures, notamment celles du 2 août 2024 et du 1 er octobre 2024 (acte de recours au Tribunal cantonal), dans lesquelles elle aurait énoncé en détail les éléments déterminants pour la reconnaissance de son domicile en Suisse. À cet égard, elle rappelle le maintien des relations professionnelles (activité indépendante entre février 2020 et septembre 2023 avec d'anciens clients de C.________ SA), l'intention de maintenir le domicile et d'y revenir (dépôt temporaire du permis C, stockage des principales affaires en vu du retour), le centre de relations personnelles (amitiés profondes et durables en Suisse), la nature du travail (télétravail), le but de l'absence (création de l'entreprise, voyage et travail) et l'absence de centre d'intérêts dans un autre pays. Elle fait valoir également que dans ses écritures figurait la liste chronologique de ses déplacements et qu'il n'en ressortait pas - ni dans son passeport dont une copie avait été produite - qu'elle était en France au moment de son divorce. Le divorce avait été prononcé sans qu'elle ne réside en France ni qu'elle ne s'y rende. Pour le reste, elle soutient avoir quitté la Suisse avec son ex-mari pour fonder une entreprise dans laquelle elle avait travaillé, leur objectif étant de télétravailler tout en voyageant jusqu'à leur retour. Sa résidence habituelle serait toujours restée en Suisse pendant toutes ces années d'activités et de voyages et les séjours dans les différents pays auraient toujours été de courte durée. Elle estime avoir apporté sa contribution dans la société de son ex-conjoint, au sens de l'art. 163 al. 2 CC, ce qui constituerait selon elle un motif de libération. Son divorce aurait entraîné la fin de son activité indépendante et motivé sa décision d'exercer une activité salariée en raison d'une nécessité financière, établissant ainsi l'existence d'un lien de causalité. Dès novembre 2023, alors qu'elle était en Espagne, elle aurait entrepris des recherches d'emploi en Suisse. Contrairement à ce que retenaient les premiers juges, elle n'avait pas eu l'intention de se lancer dans une nouvelle activité indépendante avec son ex-époux après leur divorce; ils avaient simplement honoré les contrats en cours et mené à bien les projets, lesquels ont été terminés en septembre 2023, les paiements y relatifs ayant été perçus en décembre 2023.
5.2. Le point de vue de la recourante relatif au lien de causalité ne peut être suivi. Selon la jurisprudence, une libération des conditions relatives à la période de cotisation n'est possible que s'il existe un lien de causalité non seulement entre le motif invoqué (en l'occurrence le divorce) et la nécessité d'exercer une activité salariée ou de l'étendre, mais aussi entre ce motif et l'absence de durée minimale de cotisation (ATF 138 V 434 consid. 9.4; 131 V 279 consid. 2.4). S'il peut certes être considéré que la décision de la recourante d'exercer une activité salariée était motivée par le divorce, on ne saurait toutefois voir un lien entre la situation prévalant avant son divorce et l'absence de cotisation minimale. En effet, la recourante n'a pas exercé une activité salariée soumise à cotisation, mais a exercé une activité indépendante avec son ex-conjoint, qu'elle a encore poursuivie ensuite de son divorce, terminant des projets en cours jusqu'en septembre 2023. Or la personne qui exerçait une activité lucrative indépendante à plein temps avant le divorce ou la séparation ne peut être libérée des conditions relatives à la période de cotisation. En pareille situation, ce n'est pas le mariage qui l'a empêchée d'exercer une activité salariée générant des périodes de cotisation (ATF 125 V 123 consid. 2c; BORIS RUBIN, op. cit., n° 35 ad art. 14). Partant, les premiers juges ont considéré, à juste titre, que le motif tiré du divorce ne permettait pas à la recourante d'être libérée des conditions relatives à la période de cotisation.
5.3. On ajoutera, par surabondance, que l'argumentation de la recourante n'est pas susceptible de démontrer son domicile en Suisse au sens de l'art. 14 al. 2 LACI. Il est admis que la recourante n'était pas en Suisse au moment de son divorce (juin 2023 et/ou septembre 2023) ni lorsqu'elle a commencé à rechercher un emploi salarié dès novembre 2023 d'après ses allégations. Selon la liste de ses déplacements, elle se trouvait au Panama en juin 2023 (cela ressort également de la convention de divorce: "demeurant à F.________ (Panama) ", avant de séjourner en Espagne dès août 2023, et cela jusqu'à son arrivée en Suisse le 9 janvier 2024. Les circonstances qu'elle invoque ne permettent pas d'établir une résidence en Suisse durant cette période. Le fait que ses séjours dans les différents pays ont été de durée limitée, sans lui permettre de tisser de véritables liens, ou que son permis C a été déposé temporairement dans le but de revenir en Suisse, n'y change rien. Quant au maintien des relations professionnelles avec la plupart des clients de C.________ SA ou à ses "amitiés profondes et durables [...] restées en Suisse", sans autre précision, on soulignera que les liens professionnels et personnels ne sauraient, à eux seuls, être décisifs. On relèvera que la recourante a quitté la Suisse à la fin du mois de janvier 2020 et que sur une période de près de quatre ans, elle n'a passé, selon sa liste, que 84 jours au total sur le territoire suisse (du 19 au 30 août 2022 et du 10 septembre au 20 novembre 2022). Les premiers juges n'ont pas méconnu les circonstances relevées par la recourante. À juste titre, ils ont constaté l'absence de résidence habituelle en Suisse avant janvier 2024 au plus tôt et ont considéré que l'exigence du domicile en Suisse au moment du divorce - au sens de l'art. 14 al. 2 LACI - n'était pas satisfaite. La recourante ne pouvait ainsi être libérée des conditions relatives à la période de cotisation, ce qui entraînait le refus de son droit à l'indemnité de chômage (art. 8 al. 1 let. e LACI).
6.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, et au Secrétariat d'État à l'économie (SECO).
Lucerne, le 5 juin 2025
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Viscione
La Greffière : Barman Ionta