4A_544/2024 20.05.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_544/2024
Arrêt du 20 mai 2025
I
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Kiss, juge présidant, Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Yvan Henzer, avocat,
recourante,
contre
Union Internationale de Biathlon,
représentée par Me Stephan Netzle, avocat,
intimée.
Objet
arbitrage international en matière de sport,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 9 septembre 2024 par le Tribunal Arbitral du Sport (CAS 2020/A/6834).
Faits :
A.
A.a. A.________ (ci-après: l'athlète) est une ancienne biathlète russe de niveau international. Elle a remporté plusieurs médailles, notamment lors de deux éditions des championnats du monde de biathlon et des Jeux Olympiques de Vancouver 2010. Elle a mis un terme à sa carrière sportive en 2017.
L'Union Internationale de Biathlon (IBU) est l'instance dirigeante du biathlon au niveau mondial; son siège se trouve en Autriche.
A.b. À la suite de la diffusion sur une chaîne de télévision d'un documentaire concernant l'existence alléguée d'un programme de dopage étendu au sein de l'athlétisme russe, l'Agence Mondiale Antidopage (AMA) a nommé, en date du 16 décembre 2014, une commission indépendante de trois membres pour enquêter sur cette allégation. Dans son rapport du 9 novembre 2015, la commission indépendante a notamment identifié des manquements systémiques imputables aux autorités russes ayant eu pour effet d'entraver la lutte antidopage.
Le 12 mai 2016, le New York Times a publié un article intitulé "Russian Insider Says State-Run Doping Fueled Olympic Gold". L'auteur de ces révélations était le Dr Grigory Rodchenkov, qui dirigeait alors le laboratoire antidopage de Moscou.
Le 19 mai 2016, l'AMA a chargé le Professeur Richard McLaren de mener une enquête indépendante sur les allégations du Dr Rodchenkov. Dans un premier rapport, daté du 18 juillet 2016, le Prof. McLaren est arrivé à la conclusion qu'il existait un système de dissimulation et de manipulation des contrôles antidopage en Russie.
Le 9 décembre 2016, le Prof. McLaren a publié un second rapport dans lequel il a identifié une série d'athlètes suspectés d'avoir bénéficié du programme de dopage et de dissimulation mis en place.
A.c. En octobre 2017, l'AMA a reçu un extrait du système de gestion des informations du laboratoire de Moscou ("Laboratory Information Management System"; ci-après: LIMS). L'extrait de cette base de données, utilisée par le laboratoire pour stocker les résultats des analyses des échantillons, concernait ceux qui avaient été prélevés sur les athlètes entre janvier 2012 et août 2015 (ci-après: LIMS 2015). Il a révélé l'existence de résultats analytiques présumés anormaux obtenus lors de contrôles initiaux des échantillons qui n'avaient pas été signalés en tant que tels dans le système d'administration et de gestion antidopage de l'AMA (le système ADAMS).
En janvier 2019, un groupe d'experts de l'AMA a reçu l'autorisation de pénétrer dans le laboratoire de Moscou et d'effectuer des copies de la base de données LIMS (ci-après: LIMS 2019). En avril 2019, les autorités russes ont envoyé à l'AMA un grand nombre d'échantillons qui avaient été stockés dans le laboratoire de Moscou.
A.d. Le 16 septembre 2018, l'IBU a accusé l'athlète d'avoir commis une infraction à la réglementation antidopage. Selon elle, l'analyse des données du LIMS 2015 avait notamment permis d'établir que l'athlète avait fait usage d'une substance interdite (l'ostarine). Les données en question indiquaient en effet que la première analyse et la procédure de confirmation réalisées sur un échantillon d'urine fourni par l'athlète le 22 mars 2013 (ci-après: l'échantillon litigieux), lors d'un contrôle antidopage en compétition, avaient révélé la présence de ladite substance. Ce résultat d'analyse anormal ("Adverse Analytical Finding" [AAF]) avait toutefois été faussement enregistré en tant que résultat négatif dans le système ADAMS.
Le 11 février 2020, la Commission disciplinaire de l'IBU a considéré que l'athlète avait enfreint la réglementation antidopage, l'a suspendue pendant une durée de deux ans à compter de sa décision et a annulé tous les résultats obtenus par l'intéressée lors des épreuves de l'IBU auxquelles elle avait pris part depuis le 22 mars 2013 jusqu'à sa retraite sportive, sanction impliquant notamment le retrait de l'ensemble des médailles, points et prix gagnés par la sportive au cours de cette période.
B.
Le 4 mars 2020, l'athlète a saisi le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) d'un appel dirigé contre la décision rendue par la Commission disciplinaire de l'IBU.
La Formation désignée par le TAS, composée de trois arbitres, a tenu une audience à Lausanne le 31 août 2022.
Par sentence du 9 septembre 2024, la Formation a rejeté l'appel interjeté par l'athlète et confirmé la décision entreprise. Elle a souligné que les données relatives à l'échantillon litigieux enregistrées dans le LIMS 2015 étaient authentiques, tandis que celles figurant dans le LIMS 2019 avaient été intentionnellement manipulées aux fins de dissimuler le résultat positif du contrôle antidopage en question. Après avoir analysé les données du LIMS relatives à l'échantillon litigieux ainsi que les enquêtes conduites par les experts sur lesdites données, la Formation a considéré que les preuves recueillies établissaient, dans le contexte avéré d'un système de dopage organisé en Russie, que l'athlète avait utilisé une substance interdite.
C.
Le 10 octobre 2024, l'athlète (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de ladite sentence.
L'IBU (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Le TAS a indiqué se référer à la sentence entreprise.
La recourante a répliqué spontanément, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), il utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le TAS, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles se sont servies qui du français (la recourante), qui de l'allemand (l'intimée). Dès lors, le présent arrêt sera rendu dans la langue du recours, conformément à l'usage.
2.
Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. Aucune des parties n'avait son domicile respectivement son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir ou encore du délai de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure toutefois réservé l'examen de la recevabilité des griefs invoqués par la recourante et des critiques formulées au soutien de ceux-ci.
4.
4.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation ( Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (ATF 150 III 280 consid. 4.1 et les références citées). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2).
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées).
5.
Dans un premier moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, dénonce une violation de son droit d'être entendue.
5.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3; arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2.1). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêts 4A_618/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.2; 4A_478/2017, précité, consid. 3.2.1). Cependant, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêt 4A_692/2016 du 20 avril 2017 consid. 5.2).
C'est le lieu de rappeler que le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2).
5.2. La recourante fait valoir que les données du LIMS récupérées par l'AMA au sein du laboratoire de Moscou n'étaient pas fiables, raison pour laquelle elles ne pouvaient pas être utilisées pour conclure à l'existence d'une infraction à la réglementation antidopage. Pour elle, les arbitres auraient omis de tenir compte de ce que, selon les chiffres communiqués par l'intimée le 24 août 2021, plus de 95 % des échantillons considérés comme suspects d'après les données du LIMS s'étaient révélés négatifs après avoir fait l'objet d'une nouvelle analyse. Ils n'auraient ainsi pas pris en compte cet élément décisif. La recourante reproche en outre à la Formation d'avoir écarté les nombreuses critiques qu'elle avait émises aux fins de démontrer que le laboratoire de Moscou n'avait pas pu procéder à une analyse conforme aux règles de l'art lors de l'examen de l'échantillon litigieux.
5.3. Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer.
Bien qu'elle prétende le contraire, la recourante, sous le couvert d'une prétendue atteinte à son droit d'être entendue, s'en prend, en réalité, à l'appréciation des preuves, telle qu'elle a été faite par la Formation, ce qui n'est pas admissible. Quoi qu'il en soit, le moyen de preuve dont fait grand cas l'intéressée, c'est-à-dire la lettre du 24 août 2021, n'a visiblement pas échappé aux arbitres puisque ceux-ci y ont fait référence, comme on peut s'en convaincre à la lecture de la sentence attaquée:
"56. On 17 August 2021, the Panel invited the Respondent to answer the following questions raised by the Appellant:
"1. Is it possible to conduct further testing on the sample... ?
2. How many samples appearing as positive findings in the LIMS, but reported as negative in ADAMS, could have been reanalysed?
3. Out of these samples, how many were ultimately found to be negative further to the reanalysis procedure?"
57. On 24 August 2021, the Respondent provided his answer to the above questions."
Lors de l'examen des mérites de l'appel, la Formation a examiné, par le menu, sur plus d'une dizaine de pages, la fiabilité des données du LIMS en général et singulièrement de celles relatives à l'échantillon litigieux, ainsi que le fonctionnement du laboratoire de Moscou et les vices allégués qui auraient prétendument affecté la validité des analyses effectuées par celui-ci. Au terme de cet examen détaillé, elle a conclu que les données relatives à l'échantillon litigieux étaient authentiques et fiables et qu'elles établissaient que l'athlète avait utilisé une substance interdite. Il appert de la motivation retenue par les arbitres que ceux-ci n'ont visiblement pas jugé décisifs les éléments avancés par la recourante au soutien de sa thèse selon laquelle les données du LIMS n'étaient pas fiables et ne pouvaient pas être retenues contre elle pour conclure à l'existence d'une infraction à la réglementation antidopage. C'est le lieu de préciser ici que la recourante ne saurait obtenir des explications sur chaque détail du raisonnement tenu par la Formation. Force est ainsi d'admettre que la Formation a bel et bien rejeté, ne serait-ce que de manière implicite, l'argument prétendument décisif auquel fait référence la recourante. Le moyen considéré ne peut dès lors qu'être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
6.
Dans un second moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. e LDIP et l'art. 6 par. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH; RS 0.101), soutient que la sentence querellée viole le principe de la présomption d'innocence et aboutit à un résultat contraire au sentiment de justice et d'équité. Selon elle, l'existence d'une infraction à la réglementation antidopage a été retenue sur la base de preuves manquant de fiabilité, raison pour laquelle le doute aurait dû lui profiter.
6.1. Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêt 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1).
6.2. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, une partie ne peut pas se plaindre directement, dans le cadre d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral formé contre une sentence arbitrale internationale, de ce que les arbitres auraient violé l'art. 6 par. 1 CEDH, même si les principes découlant de cette disposition peuvent servir, le cas échéant, à concrétiser les garanties invoquées sur la base de l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 147 III 586 consid. 5.2.1; 146 III 358 consid. 4.1; 142 III 360 consid. 4.1.2; arrêt 4A_268/2019 du 17 octobre 2019 consid. 3.4.3).
Eu égard aux exigences strictes de motivation applicables en matière d'arbitrage (art. 77 al. 3 LTF), il appartient ainsi à la partie recourante de démontrer en quoi la prétendue violation d'une garantie conventionnelle constitue une atteinte à l'ordre public visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (ATF 147 III 586 consid. 5.2.1; 146 III 358 consid. 4.1).
6.3. Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a souligné que l'application automatique de notions telles que la présomption d'innocence et le principe in dubio pro reo, ainsi que des garanties correspondantes figurant dans la CEDH, ne va pas de soi en matière de sanctions disciplinaires prononcées par des associations de droit privé, telles les fédérations sportives (arrêts 4A_10/2022 du 17 mai 2022 consid. 5.4.2; 4A_644/2020 du 23 août 2021 consid. 6.3; 4A_462/2019 du 29 juillet 2020 consid. 7.1; 4A_178/2014 du 11 juin 2014 consid. 5.2 et les références citées). Si la mise en oeuvre du principe in dubio pro reo ne prête pas à discussion dans une procédure disciplinaire ou pénale ordinaire, en raison des pouvoirs d'investigation et de coercition étendus dont dispose l'État, l'application stricte du même principe dans le cas de procédures disciplinaires conduites par des organismes privés ne pouvant pas s'appuyer sur un tel rapport de puissance vis-à-vis des sportifs soupçonnés de pratiques interdites pourrait en effet empêcher le système mis en place pour lutter contre le fléau que constitue le dopage sportif de fonctionner correctement (arrêt 4A_488/2011 du 18 juin 2012 consid. 6.2). Dans un arrêt rendu le 6 février 2025 (cause 4A_474/2024), le Tribunal fédéral a considéré que la présomption d'innocence et le principe in dubio pro reo, tels qu'ils sont garantis par la CEDH, ne sont pas applicables dans les procédures disciplinaires des organisations de droit privé telles que les fédérations sportives (consid. 6).
6.4. Se fondant en particulier sur les considérations émises par la Section III de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: la CourEDH) dans son arrêt rendu le 11 juillet 2023 dans l'affaire Semenya contre la Suis se, la recourante soutient qu'elle devrait pouvoir invoquer directement les garanties reconnues par la CEDH dans le cadre d'un recours dirigé contre une sentence internationale, sans qu'il existe la moindre limitation du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral à cet égard. Ce faisant, elle méconnaît le fait que l'arrêt en question n'est pas définitif, puisque l'affaire Semenya est toujours pendante devant la Grande Chambre de la CourEDH. Cette circonstance a du reste conduit le Tribunal fédéral à confirmer récemment que la partie recourante ne peut pas invoquer directement les garanties de la CEDH dans un recours formé en matière d'arbitrage international (arrêt 4A_488/2023 du 23 janvier 2024 consid. 3). Il ne saurait en être autrement ici. Aussi est-ce en vain que l'intéressée prétend que la Cour de céans devrait en l'occurrence examiner avec une pleine cognition toute violation éventuelle des garanties conventionnelles.
Au vu de ce qui précède, la recourante s'emploie, en pure perte, à démontrer que la Formation aurait enfreint l'art. 6 par. 2 CEDH. Les éléments avancés par la recourante dans ses écritures ne commandent pas davantage de s'écarter de la jurisprudence bien établie du Tribunal fédéral selon laquelle la présomption d'innocence et le principe in dubio pro reo, tels qu'ils sont garantis par la CEDH, ne sont pas applicables dans les procédures disciplinaires sportives.
Pour le reste, sous le couvert d'une prétendue violation de l'ordre public matériel, la recourante critique de manière inadmissible l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la Formation pour en tirer la conclusion que les éléments à sa disposition permettaient de conclure à l'existence d'une infraction à la réglementation antidopage. Elle cherche, en réalité, à refaire le procès arbitral, en exposant une nouvelle fois le point de vue juridique qu'elle a défendu devant la Formation et qui n'a pas trouvé grâce aux yeux des arbitres. Il va sans dire que pareille démarche est vaine. En tout état de cause, la Cour de céans ne considère pas que le résultat auquel a abouti la Formation est contraire à l'ordre public, c'est-à-dire aux valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique.
Il suit de là que le moyen pris d'une violation de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP doit être écarté.
7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 8'000 fr. à titre dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS).
Lausanne, le 20 mai 2025
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo