4A_682/2024 20.05.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_682/2024
Arrêt du 20 mai 2025
I
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Kiss, juge présidant, Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Yvan Henzer, avocat,
recourant,
contre
Union Internationale de Biathlon,
représentée par Mes Nicolas Zbinden et
Riccardo Coppa, avocats,
intimée.
Objet
arbitrage international en matière de sport,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 18 novembre 2024 par le Tribunal Arbitral du Sport (CAS 2020/A/7509).
Faits :
A.
A.a. A.________ (ci-après: l'athlète) est un ancien biathlète russe de niveau international. Il a remporté plusieurs médailles olympiques aux Jeux Olympiques de Vancouver 2010 et de Sotchi 2014. Il a mis un terme à sa carrière sportive en 2014.
L'Union Internationale de Biathlon (IBU) est l'instance dirigeante du biathlon au niveau mondial; son siège se trouve en Autriche.
A.b. Un groupe de trois experts (ci-après: le groupe d'experts) chargé d'examiner le passeport biologique de l'athlète, constitué de 17 échantillons sanguins prélevés entre le 24 janvier 2010 et le 14 février 2014, a estimé, dans un premier avis du 21 mars 2017, que la probabilité que les anomalies détectées dans le passeport biologique soient dues à une manipulation sanguine était élevée.
Le 5 mai 2017, l'IBU a informé l'athlète de l'ouverture d'une enquête en raison d'une potentielle infraction à la réglementation antidopage et l'a invité à s'expliquer.
Dans un nouvel avis formulé le 7 septembre 2017, le groupe d'experts a considéré que de nouvelles analyses devraient être menées aux fins d'apprécier les explications relatives à des variations génétiques fournies entre-temps par l'athlète.
À cette fin, l'IBU a demandé à l'athlète, le 2 octobre 2017, d'accepter de se soumettre à des contrôles inopinés pendant une période de six mois. L'athlète a donné son consentement le 10 octobre 2017 et s'est dit prêt à coopérer.
De nouveaux échantillons ont été prélevés sur l'athlète les 25 octobre et 6 décembre 2017.
En avril 2018, le laboratoire de Belfast a identifié l'existence d'une variation génétique chez l'athlète (mutation du gène EGLN2).
Le 16 juin 2018, le groupe d'experts a émis un troisième avis, au terme duquel il s'est déclaré incapable, sur la base des nouveaux éléments à sa disposition, de conclure qu'il était très probable que l'athlète ait utilisé des substances ou méthodes interdites. Il a préconisé d'effectuer des analyses complémentaires.
Le cas de l'athlète a été discuté, de manière anonyme, lors d'une séance organisée par l'Agence Mondiale Antidopage (AMA) en décembre 2019. À cette occasion, l'un des participants, le généticien B.________, a été interrogé sur le point de savoir si les anomalies hématologiques détectées dans le passeport biologique en question pouvaient s'expliquer par des variations génétiques. Le Prof. B.________ a répondu à cette question par la négative.
À la demande de l'AMA, le Prof. B.________ a établi un rapport le 9 janvier 2020 dans lequel il a indiqué, en substance, que la variation génétique présente chez l'athlète ne pouvait pas expliquer les valeurs constatées dans son passeport biologique.
Le 11 janvier 2020, le groupe d'experts, qui s'était vu remettre un exemplaire du rapport du Prof. B.________, a émis un quatrième avis, dans lequel il a notamment mentionné ce qui suit:
"In his Expert Opinion, Professor B.________ now affirms, on the basis of solid scientific evidence, that the observed mutation is observed among healthy subjects and has no 'functional consequences in humans of pathological, clinical or biological importance'. His statement confirms the comment of Dr C.________ to the analytical report from the Belfast laboratory (in which the mutation was found) that the variant detected in the gene EGLN2 is not-pathogenetic.
On the basis of the exclusion of any possible role of the gene mutation in erythropoiesis, it is our unanimous opinion that it is highly likely that the abnormalities observed in this passport and described by us in detail in our first Joint Expert Report were caused by the use of prohibited substances or prohibited methods, and that it is unlikely that they were the result of confounding factors.
In particular, even if a mild effect of anabolic steroids on erythropoiesis has been described in the scientific literature, it is our unanimous opinion that the timing, the type and the amplitude of the abnormalities in this passport fully exclude any role of anabolic steroids in their genesis".
Le 21 janvier 2020, l'IBU a accusé l'athlète d'avoir enfreint la réglementation antidopage entre 2010 et 2014.
Le 7 février 2020, l'athlète a réfuté les accusations de dopage portées à son encontre.
B.
B.a. Le 25 février 2020, l'IBU a assigné l'athlète devant la Chambre antidopage du Tribunal Arbitral du Sport (CAD TAS).
Statuant le 27 octobre 2020, la CAD TAS s'est déclarée compétente et a admis la requête déposée par l'IBU. Elle a constaté l'existence d'une infraction à la réglementation antidopage applicable, prononcé la suspension de l'athlète pour une durée de quatre ans à compter de la décision et ordonné la disqualification de tous les résultats obtenus par ce dernier entre le 24 janvier 2010 et la fin de la saison 2013/2014, sanction impliquant notamment le retrait de l'ensemble des médailles, points et prix gagnés par l'athlète.
B.b. Le 13 novembre 2020, l'athlète a appelé de cette décision auprès de la Chambre arbitrale d'appel du TAS (CAA TAS).
Le 23 novembre 2020, l'intéressé a également formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de la décision rendue par la CAD TAS.
Le 25 mars 2021, la Formation de la CAA TAS, composée de trois arbitres, a décidé de suspendre la procédure jusqu'à droit connu sur le recours pendant devant le Tribunal fédéral.
Statuant le 18 juin 2021, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par l'athlète (arrêt 4A_612/2020 partiellement publié aux ATF 147 III 500).
Après avoir ordonné la reprise de la procédure, la Formation a décidé de scinder la procédure et d'examiner préliminairement les questions relatives à la compétence et à la composition de la CAD TAS.
Par sentence du 8 avril 2022, la Formation s'est déclarée compétente pour connaître de l'appel formé par l'athlète à l'encontre de la décision rendue le 27 octobre 2020 par la CAD TAS.
Statuant le 22 décembre 2022, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté par l'athlète à l'encontre de ladite sentence (arrêt 4A_232/2022 partiellement publié aux ATF 148 III 427).
La Formation a tenu une audience à Lausanne le 13 juillet 2023.
Par sentence du 18 novembre 2024, la Formation a rejeté l'appel formé par l'athlète et confirmé la décision rendue le 27 octobre 2020 par la CAD TAS.
B.c. Les motifs qui étayent cette sentence peuvent être résumés comme il suit.
Dans la décision attaquée, la Formation précise, à titre liminaire, que les dix-sept échantillons récoltés aux fins de constituer le passeport biologique de l'athlète sont valides, raison pour laquelle ils peuvent être pris en considération pour apprécier l'existence d'une éventuelle infraction à la réglementation antidopage. Elle estime, par ailleurs, que le rapport établi par le Prof. B.________ ne constitue pas une preuve obtenue illégalement, puisque l'athlète a consenti, le 10 octobre 2017, à ce que son matériel génétique puisse être examiné par l'IBU, laquelle était en droit de faire appel à des experts du domaine génétique afin d'apprécier le bien-fondé des explications fournies par l'athlète. En tout état de cause, le rapport du Prof. B.________, même s'il avait été établi sur la base de données transmises illégalement, pourrait de toute manière être pris en compte selon les arbitres, car des intérêts privés et publics l'emportent en l'occurrence sur ceux de l'athlète.
Après avoir résumé le contenu des rapports ainsi que des témoignages des experts respectifs des parties, la Formation constate qu'il existe des anomalies dans le passeport biologique de l'athlète. Selon les résultats fournis par le logiciel utilisé dans le cadre du système du passeport biologique, les probabilités de dopage sont supérieures à 99,9 % s'agissant des taux d'hémoglobine constatés. Quatre échantillons de sang présentent en particulier des taux d'hémoglobine anormaux.
Poursuivant le fil de son raisonnement, la Formation estime qu'il n'est pas établi que la condition génétique alléguée par l'athlète pourrait expliquer les anomalies détectées dans son passeport biologique. L'intéressé n'a en effet pas réussi à démontrer qu'il présentait continuellement un taux d'hémoglobine élevé. La Formation n'est pas convaincue que les variations génétiques invoquées par l'athlète puissent être à l'origine des taux d'hémoglobine élevés détectés dans son passeport biologique. À cet égard, elle souligne que les preuves scientifiques présentées par l'athlète reposent essentiellement sur des déductions et des hypothèses. Selon les arbitres, il n'appartient pas à l'IBU d'exclure toutes les variations génétiques éventuelles susceptibles d'expliquer les valeurs élevées d'hémoglobine constatées dans le passeport biologique. L'athlète ne peut dès lors pas se contenter d'affirmer qu'il n'existe pas suffisamment d'études à ce sujet.
Même si elle devait admettre que l'athlète souffrait d'une affection génétique se traduisant par des taux d'hémoglobine élevés ( quod non), la Formation estime qu'il n'existe aucune raison à même d'expliquer les fluctuations importantes des taux d'hémoglobine constatés dans le passeport biologique de l'athlète. À son avis, ces fluctuations significatives demeurent inexpliquées.
La Formation écarte, par ailleurs, la thèse d'une éventuelle contamination de l'un des échantillons prélevés. Quant aux échantillons prélevés en 2017, elle considère qu'ils présentent une valeur probante limitée, dans la mesure où l'athlète avait été averti qu'il pourrait faire l'objet de contrôles inopinés dans les mois à venir. Quoi qu'il en soit, lesdits échantillons n'expliquent pas les fluctuations du taux d'hémoglobine constatées au cours de la période comprise entre 2010 et 2014.
La Formation souligne que d'autres éléments corroborent en l'occurrence l'existence d'une infraction à la réglementation antidopage. Premièrement, elle observe que les pics d'hémoglobine coïncident avec les compétitions majeures auxquelles a participé l'athlète. En effet, le taux d'hémoglobine a sensiblement augmenté chez l'athlète peu avant les Jeux Olympiques de Vancouver et ceux de Sotchi, sans que l'intéressé fournisse la moindre explication à cet égard. La Formation estime qu'il est statistiquement très improbable qu'un athlète présente des pics d'hémoglobine aussi élevés juste avant les deux compétitions les plus importantes dans la carrière d'un biathlète. Secondement, elle relève que l'appelant était l'un des "athlètes protégés" ("protected athletes") dans le système de dopage russe mis en place en particulier lors des Jeux Olympiques de Sotchi.
Au terme de son analyse, la Formation aboutit à la conclusion suivante:
"202. After carefully assessing the Parties' arguments and experts' testimony, the Panel finds that the Respondent has proven to the Panel's comfortable satisfaction that the Athlete committed an ADRV [anti-doping rule violation] between January 2010 and April 2014... Indeed, there are abnormalities in the Athlete's ABP [Athlete Biological Passport] and these abnormalities - in particular, the significant fluctuations in the levels of HGB [hemoglobin concentration] - are not explained by the Athlete's alleged hereditary erythrocytosis or by an alleged infection. Further, the circumstantial evidence - specifically, the facts that the peaks of HGB levels coincide with major competitions and that the Athlete was a "protected athlete"... prior to and during the 2014 Sochi Olympics- strongly and decisively supports this finding of an ADRV."
C.
Le 23 décembre 2024, l'athlète (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de cette sentence.
L'IBU (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Le TAS a indiqué se référer à la sentence entreprise.
Le recourant a répliqué spontanément, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), il utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le TAS, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis qu'elles ont employé le français dans les mémoires quelles ont adressés au Tribunal fédéral, respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.; RS 101; ATF 142 III 521 consid. 1). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. Aucune des parties n'avait son domicile respectivement son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir ou encore du délai de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure toutefois réservé l'examen de la recevabilité de l'unique grief invoqué par le recourant et des critiques formulées au soutien de ce moyen.
4.
4.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation ( Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (ATF 150 III 280 consid. 4.1 et les références citées). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2).
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées).
5.
Dans un unique moyen, le recourant soutient que la sentence attaquée est incompatible avec l'ordre public matériel (art. 190 al. 2 let. e LDIP), motif pris de ce qu'il n'a, selon lui, pas bénéficié d'un procès équitable au sens de l'art. 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH; RS 0.101). À cet égard, il fait valoir que la Formation a violé le principe de la présomption d'innocence, d'une part, et prétend que la sentence attaquée serait contraire à la "sécurité juridique", d'autre part.
5.1. Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêt 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1).
5.2. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, une partie ne peut pas se plaindre directement, dans le cadre d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral formé contre une sentence arbitrale internationale, de ce que les arbitres auraient violé l'art. 6 par. 1 CEDH, même si les principes découlant de cette disposition peuvent servir, le cas échéant, à concrétiser les garanties invoquées sur la base de l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 147 III 586 consid. 5.2.1; 146 III 358 consid. 4.1; 142 III 360 consid. 4.1.2; arrêt 4A_268/2019 du 17 octobre 2019 consid. 3.4.3).
Eu égard aux exigences strictes de motivation applicables en matière d'arbitrage (art. 77 al. 3 LTF), il appartient ainsi à la partie recourante de démontrer en quoi la prétendue violation d'une garantie conventionnelle constitue une atteinte à l'ordre public visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (ATF 147 III 586 consid. 5.2.1; 146 III 358 consid. 4.1).
5.3. Se fondant en particulier sur les considérations émises par la Section III de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: la CourEDH) dans son arrêt rendu le 11 juillet 2023 dans l'affaire Semenya contre la Suis se, le recourant soutient qu'il devrait pouvoir invoquer directement les garanties reconnues par la CEDH dans le cadre d'un recours dirigé contre une sentence internationale, sans qu'il existe la moindre limitation du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral à cet égard. Ce faisant, il méconnaît le fait que l'arrêt en question n'est pas définitif, puisque l'affaire Semenyaest toujours pendante devant la Grande Chambre de la CourEDH. Cette circonstance a du reste conduit le Tribunal fédéral à confirmer récemment que la partie recourante ne peut pas invoquer directement les garanties de la CEDH dans un recours formé en matière d'arbitrage international (arrêt 4A_488/2023 du 23 janvier 2024 consid. 3). Il ne saurait en être autrement ici. Aussi est-ce en vain que l'intéressé prétend que la Cour de céans devrait en l'occurrence examiner avec une pleine cognition toute violation éventuelle des garanties conventionnelles.
5.4.
5.4.1. Dans la première branche du moyen examiné, le recourant soutient que la Formation aurait violé le principe de la présomption d'innocence en confirmant la sanction prononcée à son encontre car les arbitres ne pouvaient pas acquérir la certitude qu'il avait enfreint la réglementation antidopage. À cet égard, il insiste sur le fait que tous les contrôles antidopage qu'il a subis se sont révélés négatifs. Il souligne également que plusieurs experts ont indiqué, au cours de la procédure d'arbitrage, que les anomalies détectées dans son passeport biologique pouvaient s'expliquer par des variations génétiques. Selon le recourant, la Formation aurait considéré, à tort, que c'était à lui de prouver son innocence en établissant l'origine de telles anomalies. Elle aurait aussi dû appliquer le standard de l'intime conviction. Si elle l'avait fait, la Formation aurait dû retenir qu'il existait des doutes insurmontables quant à l'existence d'une infraction à la réglementation antidopage. Le recourant reproche en outre aux arbitres de n'avoir pas pris en considération tous les éléments de preuve censés démontrer que son profil génétique pouvait expliquer les taux d'hémoglobine élevés observés dans son passeport biologique. Il fait enfin valoir qu'il présente constamment, à l'instar de ses parents, un taux d'hémoglobine élevé et que les variations de celui-ci, identifiées dans son passeport biologique, sont naturelles.
5.4.2. Tel qu'il est présenté, le grief examiné ne saurait prospérer.
Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a souligné que l'application automatique de notions telles que la présomption d'innocence et le principe in dubio pro reo, ainsi que des garanties correspondantes figurant dans la CEDH, ne va pas de soi en matière de sanctions disciplinaires prononcées par des associations de droit privé, telles les fédérations sportives (arrêts 4A_10/2022 du 17 mai 2022 consid. 5.4.2; 4A_644/2020 du 23 août 2021 consid. 6.3; 4A_462/2019 du 29 juillet 2020 consid. 7.1; 4A_178/2014 du 11 juin 2014 consid. 5.2 et les références citées). Si la mise en oeuvre du principe in dubio pro reo ne prête pas à discussion dans une procédure disciplinaire ou pénale ordinaire, en raison des pouvoirs d'investigation et de coercition étendus dont dispose l'État, l'application stricte du même principe dans le cas de procédures disciplinaires conduites par des organismes privés ne pouvant pas s'appuyer sur un tel rapport de puissance vis-à-vis des sportifs soupçonnés de pratiques interdites pourrait en effet empêcher le système mis en place pour lutter contre le fléau que constitue le dopage sportif de fonctionner correctement (arrêt 4A_488/2011 du 18 juin 2012 consid. 6.2). Dans un arrêt rendu le 6 février 2025 (cause 4A_474/2024), le Tribunal fédéral a considéré que la présomption d'innocence et le principe in dubio pro reo, tels qu'ils sont garantis par la CEDH, ne sont pas applicables dans les procédures disciplinaires des organisations de droit privé telles que les fédérations sportives (consid. 6).
Au vu de ce qui précède, le recourant s'emploie, en pure perte, à démontrer que la Formation aurait enfreint l'art. 6 par. 2 CEDH. Les éléments avancés par le recourant dans ses écritures ne commandent pas davantage de s'écarter de la jurisprudence bien établie du Tribunal fédéral selon laquelle la présomption d'innocence et le principe in dubio pro reo, tels qu'ils sont garantis par la CEDH, ne sont pas applicables dans les procédures disciplinaires sportives.
En tout état de cause, la Cour de céans estime, à l'instar de l'intimée (cf. réponse, n. 35), que la lecture de la sentence entreprise permet de constater que la Formation, après avoir examiné minutieusement l'ensemble des preuves à sa disposition, ne nourrissait visiblement aucun doute raisonnable quant au fait que le recourant avait enfreint la réglementation antidopage.
5.5.
5.5.1. Dans la seconde branche du moyen considéré, le recourant prétend que la sentence querellée porterait atteinte à la "sécurité juridique". À cet égard, il fait valoir que la procédure disciplinaire le visant a été ouverte en janvier 2020 et qu'il a dû s'expliquer sur des faits remontant à l'année 2010, ce qui serait incompatible avec la sécurité du droit.
5.5.2. La recevabilité du grief soumis à l'examen de la Cour de céans apparaît des plus douteuses. On peut en effet d'emblée s'interroger sur le point de savoir si un principe aux contours aussi vagues que celui de la "sécurité juridique" entre dans la notion d'ordre public visée par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.
Quoi qu'il en soit, l'argumentation développée par le recourant au soutien de ce grief n'emporte nullement la conviction de la Cour de céans. L'intéressé prétend, de façon inexacte, que c'est seulement à partir de janvier 2020 qu'il a dû fournir des explications au sujet des anomalies observées dans son passeport biologique, constitué d'échantillons prélevés entre janvier 2010 et février 2014. Selon les constatations factuelles figurant dans la sentence attaquée qui lient le Tribunal fédéral, le recourant a en effet été informé, en mai 2017 déjà, de l'ouverture d'une enquête en raison d'une potentielle infraction à la réglementation antidopage. À cette occasion, il a été invité à s'expliquer à propos des anomalies détectées dans son passeport biologique, ce qu'il a fait après avoir consulté un généticien. Aussi est-ce à tort que le recourant affirme n'avoir pu se déterminer qu'en 2020 sur des faits remontant à plus de dix ans.
En tout état de cause, la Cour de céans considère que, sous le couvert d'une prétendue violation du principe de la "sécurité juridique", le recourant tente de contourner, de manière inadmissible, l'obstacle dirimant selon lequel le délai de prescription de dix ans, applicable dans la présente cause, n'était en l'occurrence pas échu, ce que ne conteste au demeurant pas l'intéressé. À le supposer recevable, le grief considéré ne pourrait dès lors qu'être rejeté.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 8'000 fr. à titre dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS).
Lausanne, le 20 mai 2025
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo