6B_952/2024 04.06.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_952/2024
Arrêt du 4 juin 2025
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Muschietti et von Felten.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Didier Nobs, avocat,
recourant,
contre
Parquet général du canton de Berne,
intimé.
Objet
Expulsion (art. 66a al. 2 CP),
recours contre le jugement de la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale, du 9 octobre 2024 (SK 23 255).
Faits :
A.
Par jugement du 20 janvier 2023, le Tribunal régional Jura bernois-Seeland a reconnu A.________ coupable d'infraction qualifiée et d'infraction simple à la LStup et l'a condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, sous déduction de la détention provisoire et pour des motifs de sûreté, ainsi qu'à une amende contraventionnelle de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution ayant été fixée à cinq jours en cas de non-paiement fautif. En outre, il a ordonné l'expulsion de l'intéressé du territoire suisse pour une durée de sept ans et l'inscription de celle-ci dans le système d'information Schengen.
B.
Par jugement du 9 octobre 2024, la 2e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a rejeté l'appel de A.________ et admis partiellement l'appel joint du Parquet général du canton de Berne. En conséquence, elle a réformé le jugement attaqué en ce sens qu'elle a prononcé une peine privative de liberté de 34 mois et 20 jours, en tant que peine d'ensemble au sens de l'art. 89 al. 6 CPP, comprenant le solde de peine pour lequel la réintégration avait été ordonnée. Elle a confirmé le jugement attaqué pour le surplus.
En résumé, la cour cantonale a retenu les faits suivants:
A.________ s'est adonné au trafic de marijuana du 24 juillet 2019 au 29 novembre 2021 (à savoir durant 860 jours), en vendant à tout le moins 24,77 kg de cette substance, réalisant ainsi un chiffre d'affaires de 352'972 fr. 50 et un bénéfice de 167'197 fr. 50. Ce faisant, il a agi en étroite collaboration avec d'autres personnes, qui étaient présentes dans son appartement pour conditionner et vendre le cannabis, dont notamment B.________ et C.________, mais aussi avec d'autres personnes non identifiées.
C.
Contre ce dernier jugement, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme du jugement attaqué en ce sens que l'expulsion n'est pas ordonnée. À titre subsidiaire, il requiert l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. En outre, il sollicite l'effet suspensif au recours.
Considérant en droit :
1.
Le recourant produit une pièce nouvelle, à savoir une décision de préorientation de l'Office AI du canton de Berne qui lui a été notifiée le 23 novembre 2024 et d'où il ressort qu'il présente un degré d'invalidité de 100 % et a droit à une rente entière de l'AI dès le 1er novembre 2019. Pour le recourant, le Tribunal fédéral devrait tenir compte de cette pièce nouvelle, dès lors que c'est le jugement attaqué qui justifierait de l'invoquer. Le recourant explique en effet que la cour cantonale s'est référée pour la première fois à une expertise pluridisciplinaire ordonnée par l'AI pour mettre en doute son état de santé précaire, cette expertise constatant que tous les problèmes de santé antérieurs à 2022 avaient été traités et qu'il avait une capacité de travail de 100 % moyennant la cessation de sa consommation de stupéfiants. Or la décision de préorientation de l'AI établirait que ces constatations seraient erronées.
1.1. Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. L'exclusion des faits et moyens de preuve nouveaux est la règle. Aussi bien, le Tribunal fédéral est juge du droit, et non du fait. Cette règle connaît une exception lorsque c'est la décision de l'autorité précédente qui, pour la première fois, a rendu pertinents ces faits ou moyens de preuve. Il peut s'agir, notamment, de faits et moyens de preuve qui se rapportent à la régularité de la procédure conduite devant l'instance précédente qui ne pouvaient être invoqués avant, telle une prétendue irrégularité affectant la composition de l'autorité ayant rendu la décision querellée (arrêts 6B_352/2024 du 30 août 2024 consid. 1.1; 4A_18/2010 du 15 mars 2010 consid. 2.1). En revanche, le Tribunal fédéral ne peut pas tenir compte de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement au prononcé de la décision entreprise, c'est-à-dire de véritables nova (ATF 148 V 174 consid. 2.2.; 139 III 120 consid. 3.1.2; 133 IV 342 consid. 2.1 et les arrêts cités). Il appartient au recourant qui entend se prévaloir de l'admissibilité exceptionnelle de fait nouveau ou de preuve nouvelle de démontrer que les conditions en sont remplies (ATF 143 V 19 consid. 1.2; 133 III 393 consid. 3).
1.2. En l'espèce, la décision de préorientation de l'office AI qui concerne l'état de santé du recourant est irrecevable. Il s'agit d'un moyen de preuve nouveau au sens de l'art. 99 al. 1 LTF, postérieur au jugement attaqué. Contrairement à ce que soutient le recourant, ce n'est pas la décision de la cour cantonale qui justifie, pour la première fois, de produire cette pièce nouvelle, puisque le recourant avait déjà allégué ses problèmes de santé devant la juridiction d'appel.
2.
Le recourant conteste son expulsion du territoire suisse.
2.1. Aux termes de l'art. 66a al. 1 let. o CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné notamment pour infraction à l'art. 19 al. 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.
En l'espèce, le recourant de nationalité tunisienne, qui a été reconnu coupable d'infraction qualifiée à la LStup, commise par métier et en bande, remplit a priori les conditions d'une expulsion, sous la réserve d'une application de l'art. 66a al. 2 CP, voire également des normes de droit international.
2.2.
2.2.1. Selon l'art. 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.
Cette clause dite de rigueur permet de garantir le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.; ATF 149 IV 231 consid. 2.1.1; 146 IV 105 consid. 3.4.2; 144 IV 332 consid. 3.3.1). Elle doit être appliquée de manière restrictive (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.2; 144 IV 332 consid. 3.3.1). Il convient de s'inspirer des critères énoncés à l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA; RS 142.201) et de la jurisprudence y relative, dans le cadre de l'application de l'art. 66a al. 2 CP. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. L'autorité doit tenir compte notamment de l'intégration du requérant selon les critères définis à l'art. 58a al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20), à savoir, le respect de la sécurité et de l'ordre publics, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation. Elle doit également tenir compte de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.2; 144 IV 332 consid. 3.3.2).
En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (ATF 149 IV 231 consid. 2.1.1; 147 IV 453 consid. 1.4.5; arrêt 6B_886/2024 du 3 février 2025 consid. 3.1.2).
2.2.2. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH (et de l'art. 13 Cst.), qui garantit notamment le droit au respect de la vie familiale, pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille, pour autant qu'il entretienne une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1). Les relations familiales visées par l'art. 8 par. 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 144 II 1 consid. 6.1; 135 I 143 consid. 1.3.2). Il n'y a pas atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des personnes concernées qu'elles réalisent leur vie de famille à l'étranger; l'art. 8 CEDH n'est pas a priori violé si le membre de la famille jouissant d'un droit de présence en Suisse peut quitter ce pays sans difficultés avec l'étranger auquel a été refusée une autorisation de séjour. En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d'emblée être exigé sans autres difficultés, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l'art. 8 par. 2 CEDH (ATF 144 I 91 consid. 4.2; 140 I 145 consid. 3.1).
Il convient également de tenir compte de l'intérêt fondamental de l'enfant (art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 [CDE; RS 0.107]) à pouvoir grandir en jouissant d'un contact étroit avec ses deux parents (ATF 144 I 91 consid. 5.2 et les références), étant précisé que, sous l'angle du droit des étrangers, cet élément n'est pas prépondérant par rapport aux autres et que l'art. 3 CDE ne saurait fonder une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (ATF 144 I 91 consid. 5.2; 140 I 145 consid. 3.2; arrêts 2C_484/2023 du 23 janvier 2024 consid. 2; 6B_1461/2022 du 22 mars 2023 consid. 1.4.2).
2.2.3. Selon l'état de santé du condamné et les prestations de soins disponibles dans l'État d'origine, l'expulsion du territoire suisse peut le placer dans une situation personnelle grave au sens de l'art. 66a CP ou être disproportionnée sous l'angle de l'art. 8 par. 2 CEDH. Il convient d'examiner le niveau d'atteinte à la santé, les prestations médicales qui sont à disposition dans le pays d'origine ainsi que les conséquences négatives susceptibles de survenir pour le prévenu lorsqu'il se prévaut d'une maladie ou d'une infirmité (ATF 145 IV 455 consid. 9.1). Il appartient à l'autorité d'examiner la proportionnalité de l'expulsion au moment où elle rend une telle décision, même si cela ne dispense pas les autorités chargées de l'exécution du renvoi de vérifier que l'intéressé remplit toujours les conditions propres à son retour sur le plan médical (ATF 145 IV 55 consid. 9.4; 135 II 110 consid. 4.2; arrêt 6B_53/2025 précité consid. 4.1.4).
Dans des cas exceptionnels, l'expulsion peut également se heurter à l'art. 3 CEDH si elle induit un danger concret de dégradation sérieuse, rapide et irréversible de l'état de santé impliquant des souffrances intenses ou une diminution notable de l'espérance de vie, ceci en raison d'un défaut d'accès aux soins ou de possibilités de traitement (ATF 146 IV 297 consid. 2.2.3). Toutefois, les étrangers qui sont sous le coup d'un arrêté d'expulsion ne peuvent en principe revendiquer le droit de rester sur le territoire d'un État contractant afin de continuer à y bénéficier de l'assistance médicale: il faut des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, s'il est expulsé vers le pays de destination, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH, un seuil de gravité élevé étant exigé pour que l'état de santé d'une personne lui permette de s'opposer à son expulsion (arrêt du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.3 et les références citées).
2.3.
2.3.1. La cour cantonale a examiné, dans une première étape, si la première condition de l'art. 66a al. 2 CP était réalisée, à savoir si une expulsion placerait le recourant dans une situation personnelle grave.
Elle a retenu que le recourant est né et a grandi en Tunisie et qu'il était arrivé en Suisse en 1998 à l'âge de 23 ans. Après avoir été marié une première fois, il s'était remarié le 20 octobre 2011 et était père de deux enfants, D.________ (né en 2016) et E.________ (née en 2011). Son épouse était de nationalité marocaine et détentrice d'un permis C. Leur fils commun était de nationalité tunisienne et également détenteur d'un permis C, alors que E.________ était naturalisée suisse. Avant d'être placé en détention, le recourant vivait séparément de sa famille depuis 2006. Peu après sa sortie de prison, il est allé vivre avec son épouse et ses deux enfants à leur domicile de U.________. La cour cantonale a relevé que son épouse était allée très régulièrement rendre visite au recourant pendant sa détention et qu'elle attendait un troisième enfant. Elle a, dans ces conditions, admis le caractère effectif et étroit de la vie de famille du recourant, mais seulement depuis récemment, à savoir depuis sa sortie de prison.
Concernant la santé du recourant, la cour cantonale a retenu qu'un cancer de l'estomac lui avait été diagnostiqué en 2018, mais que, selon un pet-scan effectué le 23 octobre 2019, le recourant était en rémission totale et aucun symptôme ni effet secondaire n'était à traiter. Le recourant a déposé plusieurs rapports médicaux, faisant état d'un trouble douloureux chronique avec composantes psychiques et physiques, survenu progressivement après le traitement de son cancer. La cour cantonale a toutefois retenu, conformément au rapport du Secrétariat d'État aux migrations (SEM), que celui-ci pouvait être traité en Tunisie, de sorte que l'expulsion du recourant dans son pays d'origine ne le mettrait pas en danger au sens de l'art. 3 CEDH. La cour cantonale a ajouté que le recourant n'avait pas un droit à bénéficier de soins équivalents à ceux qu'il pourrait obtenir en Suisse, dans la mesure où celui-ci ne serait pas en danger de mort ou mis dans une situation où son état de santé se dégraderait de manière importante et rapide en cas d'expulsion vers la Tunisie.
La cour cantonale a retenu que le recourant avait conservé un fort ancrage familial en Tunisie, où il se rendait régulièrement. Il avait suivi sa scolarité dans ce pays et était arrivé en Suisse à l'âge adulte. La cour cantonale a relevé que le recourant n'avait pas vraiment eu d'emploi ces dix dernières années en Suisse et a admis qu'il ne s'était pas intégré dans le monde professionnel helvétique. Sa situation financière était catastrophique; il ne pouvait nullement participer à l'entretien de sa famille, qui émargeait aux services sociaux depuis de nombreuses années. Enfin, le recourant n'était absolument pas intégré en Suisse, où il passait une grande partie de ses journées - avant sa mise en détention - à fumer et vendre des stupéfiants. Il n'était affilié à aucune association et ne cultivait guère d'amitiés ou de connaissances en dehors de sa communauté, respectivement en dehors des personnes impliquées dans son trafic de stupéfiants.
La cour cantonale a conclu son analyse en admettant que l'expulsion mettrait le recourant dans une situation personnelle grave au motif que celui-ci disposait de sa famille nucléaire en Suisse. Elle a toutefois relativisé très fortement la conclusion portant sur la réalisation in casu de la situation personnelle grave dans la mesure où le caractère effectif et étroit de la vie de famille du recourant n'était réalisé que depuis très peu de temps.
2.3.2. Dans une deuxième étape, la cour cantonale a examiné si la seconde condition posée à l'art. 66a al. 2 CP était réalisée, à savoir si les intérêts publics à l'expulsion l'emportaient sur l'intérêt privé du recourant à rester en Suisse.
Dans cet examen, la cour cantonale a insisté sur la gravité des faits reprochés au recourant. Celui-ci avait réalisé deux circonstances aggravantes de l'infraction qualifiée à la LStup. Son trafic avait porté sur une quantité importante de stupéfiants (24,77 kg de cannabis) et le chiffre d'affaires (352'972 fr. 50) ainsi que le bénéfice (167'197 fr. 50) étaient considérables. Le recourant avait un rôle déterminant de chef de bande et son activité délictuelle s'était étendue sur plus de deux ans. La cour cantonale a constaté que le recourant avait récidivé en procédure. Il avait persisté de manière crasse dans son comportement criminel, sans tenir compte des nombreuses mises en garde des autorités pénales, faisant preuve d'un mépris le plus total pour l'ordre juridique suisse. Enfin, la cour cantonale a relevé que la peine prononcée (34 mois et 20 jours) dépassait largement celle qui justifiait, en droit des étrangers, une révocation de l'autorisation de séjour au sens de l'art. 62 al. 1 let. b LEI (cf. ATF 139 I 16 consid. 2.1).
Pour le surplus, la cour cantonale a rappelé que, malgré la durée du séjour en Suisse, le recourant n'était pas intégré dans notre pays et qu'il avait conservé des liens étroits (y compris familiaux) avec son pays d'origine. Il avait certes son épouse et ses deux enfants en Suisse, mais l'on pouvait attendre des personnes concernées qu'elles réalisent leur vie de famille à l'étranger et que le troisième enfant avait été conçu en toute connaissance du statut précaire du recourant en Suisse vu notamment l'expulsion prononcée en première instance; dans tous les cas, l'épouse pourrait se rendre en Tunisie avec les enfants pendant les périodes scolaires. Du fait du statut de l'épouse en Suisse et du fait qu'elle avait l'autorité parentale commune sur ses deux enfants, le renvoi du recourant n'entrait pas en conflit avec les droits que ces derniers pouvaient tirer de leur nationalité ou autorisation d'établissement. Enfin, la cour cantonale a rappelé que le suivi médical et thérapeutique du recourant pouvait se poursuivre en Tunisie.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour cantonale a conclu que les intérêts publics au renvoi du recourant primaient clairement sur les intérêts privés du recourant à demeurer en Suisse et qu'il convenait en conséquence d'expulser le recourant en application de l'art. 66a al. 1 let. o CP.
3.
Le recourant critique la pesée des intérêts effectuée par la cour cantonale. Il soutient que la seconde condition prévue à l'art. 66a al. 2 CP est également réalisée, de sorte que son expulsion serait exclue.
3.1. Dans le cas où - comme en l'espèce - une situation personnelle grave est admise, il convient de déterminer si l'intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse pourrait l'emporter sur les intérêts publics présidant à son expulsion. Cet examen implique en particulier d'apprécier si la mesure litigieuse respecte le principe de la proportionnalité découlant des art. 5 al. 2 Cst. et 8 par. 2 CEDH.
Selon la jurisprudence de la CourEDH, dans la mesure où elle porte atteinte à un droit protégé par le paragraphe 1 de l'art. 8 CEDH, la décision d'expulsion doit se révéler nécessaire dans une société démocratique, c'est-à-dire être justifiée par un besoin social impérieux et, notamment, proportionnée au but légitime poursuivi. S'agissant d'un étranger arrivé en Suisse à l'âge adulte, l'examen de la proportionnalité suppose une prise en compte de la nature et de la gravité de la faute, du temps écoulé depuis la commission de l'infraction, du comportement de l'auteur durant cette période, de la durée de son séjour en Suisse et de la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination (arrêts de la CourEDH E.V. c. Suisse du 18 mai 2021 [requête n° 77220/16], § 34; M.M. c. Suisse du 8 décembre 2020 [requête n° 59006/18], § 49; avec de nombreuses références; cf. ATF 139 I 145 consid. 2.4; 139 I 31 consid. 2.3.3).
La question de savoir si l'atteinte à la garantie de la vie familiale est "nécessaire" au sens de l'art. 8 par. 2 CEDH implique en outre de prendre en considération les critères suivants: la nationalité des diverses personnes concernées; la situation familiale de l'intéressé, notamment, le cas échéant, la durée de son mariage, et d'autres facteurs témoignant de l'effectivité d'une vie familiale au sein d'un couple; la question de savoir si le conjoint avait connaissance de l'infraction à l'époque de la création de la relation familiale; la question de savoir si des enfants sont issus du mariage et, dans ce cas, leur âge, ainsi que la gravité des difficultés que le conjoint et les enfants risquent de rencontrer dans le pays vers lequel l'intéressé doit être expulsé (cf. arrêts de la CourEDH Z. c. Suisse du 22 décembre 2020 [requête n° 6325/15, § 57]; I.M. c. Suisse du 9 avril 2019 [requête n° 23887/16], § 69; Kissiwa Koffi c. Suisse du 15 novembre 2012 [requête n° 38005/07], § 63; Üner c. Pays-Bas du 18 octobre 2006, [requête n° 46410/99], § 57 s.; Sezen c. Pays-Bas du 31 janvier 2006 [requête n° 50252/99], § 42).
3.2. Le recourant critique d'abord l'établissement des faits, faisant valoir que la cour cantonale a établi ceux-ci de manière manifestement inexacte en lien avec l'intensité de ses liens familiaux et son état de santé.
3.2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 500 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire voir ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF); les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).
3.2.2. Le recourant soutient que la cour cantonale a retenu, de manière manifestement inexacte, que la vie commune avec son épouse serait très récente, ce qui ne serait pas sans conséquence sur la balance des intérêts en présence. Il explique que les relations avec sa famille ont toujours été très étroites, quotidiennes, même lorsque le couple avait deux appartements. La cour cantonale a du reste noté que le recourant et son épouse voyageaient régulièrement en Tunisie et au Maroc et que l'épouse aurait été au courant des activités de son mari et aurait envoyé des sommes importantes à l'étranger, qui proviendraient du recourant.
La cour cantonale a constaté que le recourant vivait séparément de sa famille, à savoir dans un appartement à V.________ depuis 2006. Elle a relevé que, s'agissant de ses enfants, le recourant avait indiqué aller "souvent les voir chez eux", sans qu'un droit de visite n'ait été fixé dans le cadre d'une procédure de séparation; il avait expliqué, sur question de son avocat, voir ses enfants "tous les jours" et aller dormir chez son épouse "de temps à autre". La cour cantonale a également noté que le psychiatre du recourant a relevé que ce dernier n'avait "aucune activité en dehors de la maison" et "très peu d'investissement dans la famille".
En concluant sur la base de ces éléments que le recourant était très peu impliqué dans la vie familiale qui était très ténue, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire. Lorsque le recourant soutient que les relations familiales étaient quotidiennes, il présente sa propre version des faits, de manière purement appellatoire, de sorte que son argumentation est irrecevable. Pour le surplus, c'est en vain que le recourant fait valoir qu'il a voyagé régulièrement en Tunisie et au Maroc avec son épouse et que celle-ci a envoyé au Maroc des sommes d'argent importantes provenant du trafic illicite de son mari. Ces éléments ne permettent en effet pas encore de conclure que les relations familiales du recourant étaient étroites et effectives. On peut relever que la cour cantonale a noté que l'épouse avait envoyé de l'argent au Maroc en relation avec l'art. 8 CEDH pour démontrer qu'elle était au courant des activités illégales de son mari et qu'elle devait en conséquence s'attendre depuis longtemps à ce que le recourant soit expulsé (jugement attaqué p. 70). Mal fondés, les griefs du recourant doivent être rejetés.
3.2.3. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir relativisé ses problèmes de santé, en se référant à l'expertise pluridisciplinaire de l'AI. À l'appui de ce grief, il produit la décision de préorientation de l'office AI, non datée, qui lui a été notifiée le 23 novembre 2024 et d'où il ressort qu'il a droit à une rente entière de l'AI dès le 1er novembre 2019.
Comme vu ci-dessus, l'art. 99 al. 1 LTF interdit la production de moyen de preuve nouveau. La décision de préorientation de l'office AI est donc irrecevable.
3.3. Le recourant reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir violé le droit fédéral en retenant que l'intérêt public à son expulsion prévalait sur son intérêt privé à rester en Suisse.
Il tente d'abord de relativiser la gravité des faits pour lesquels il a été condamné, au motif qu'il n'a vendu que des produits cannabiques. La gravité des faits qui lui sont reprochés est toutefois incontestable. En effet, les produits tirés du cannabis ne sont pas inoffensifs pour la santé; ils demeurent des stupéfiants, dont le trafic est illicite (ATF 120 IV 256 consid. 2c p. 259; cf. arrêt 6B_339/2023 du 13 septembre 2023 consid. 3.5.3). Son trafic a été d'une grande ampleur: il a porté sur 24,77 kg, il a duré plus de deux ans, le chiffre d'affaires (352'972 fr. 50) et le bénéfice (167'197 fr. 50) étaient importants et le recourant a joué un rôle de chef. Les circonstances aggravantes du métier et de la bande ont été retenues et une peine privative de liberté de 34 mois et 20 jours a été prononcée, peine qui dépasse largement une année, ce qui pourrait permettre une révocation de son autorisation de séjour sur la base de l'art. 62 al. 1 let. b LEI (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.1, selon lequel constitue une "peine privative de liberté de longue durée" au sens de l'art. 62 al. 1 let. b LEtr [depuis le 1er janvier 2019: LEI] toute peine dépassant un an d'emprisonnement; arrêts 2C_1049/2021 du 18 mars 2022 consid. 4.3; 6B_330/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.4.2; 6B_627/2021 du 27 août 2021 consid. 4.3.3).
Le recourant considère que le séjour en prison saura le détourner définitivement de la délinquance. Selon le jugement cantonal, le recourant avait déjà fait l'objet de trois condamnations préalables en lien avec des crimes et des délits à la LStup (une condamnation à une peine privative de liberté de 15 mois avec sursis et à une amende de 200 fr. prononcée le 27 août 2013 par le Tribunal régional Jura bernois-Seeland, pour des crimes et des contraventions à la LStup; une condamnation à une peine privative de liberté de 60 jours (ferme) prononcée le 30 juin 2015 par le Ministère public du canton de Berne, pour un délit et une contravention à la LStup; une condamnation à une peine privative de liberté de 120 jours (ferme) et à une amende de 100 fr. prononcée le 23 juillet 2019 par le Ministère public du canton de Berne, pour des délits et une contravention à la LStup ainsi que pour une infraction à la LEtr). En outre, il a récidivé en cours de procédure, continuant son trafic comme si de rien n'était après la perquisition du 1er juillet 2020, et ceci même encore après que le procureur l'ait rendu attentif à la perspective d'une expulsion le 24 juin 2021. Il a même exécuté un travail d'intérêt général pendant trois mois durant la présente procédure, à l'issue duquel il a encore une fois trompé la confiance accordée par les autorités pénales lors de sa libération conditionnelle. Dans ces conditions, on ne peut que conclure que le risque de récidive est important et douter sérieusement que le séjour en prison saura détourner le recourant de la délinquance, comme celui-ci tente de le soutenir.
Il convient encore de relever, avec la cour cantonale, que le recourant n'est pas intégré en Suisse, qu'il a gardé un ancrage en Tunisie et que rien n'indique que sa réinsertion y serait plus compliquée qu'en Suisse. En définitive, seule la présence de son épouse et de ses enfants sur le territoire suisse le relie à la Suisse. Toutefois, comme l'a retenu sans arbitraire la cour cantonale (cf. ci-dessus), la vie commune avec son épouse et ses enfants n'est que récente. En outre, l'épouse, de nationalité marocaine, détentrice d'un permis C, mais sans véritable intégration professionnelle en Suisse depuis avril 2019 (cf. jugement attaqué p. 69), pourra suivre son époux en Tunisie avec ses enfants, de sorte que la vie de famille pourra se poursuivre à l'étranger; lors de la conception du troisième enfant, elle était du reste au courant de la grande précarité du statut du recourant en Suisse vu notamment l'expulsion prononcée en première instance. Il peut du reste encore être relevé qu'en droit des étrangers, il est admis que lorsque l'étranger est condamné - comme en l'espèce - à une peine privative de liberté de deux ans et plus, il peut être renvoyé même lorsqu'on ne peut pas - ou difficilement - exiger de l'épouse suisse qu'elle quitte son pays (ATF 139 I 145 consid. 3). Lorsque le recourant fait valoir qu'il pourra dorénavant entretenir sa famille grâce à sa rente AI, il invoque un fait nouveau, qui n'est pas recevable et qui, au demeurant, n'apparaît pas pertinent dans la pesée des intérêts.
Le recourant fait valoir l'intérêt fondamental de ses enfants à pouvoir grandir en jouissant d'un contact étroit avec ses deux parents, relevant que ni des contacts téléphoniques ni un ou deux séjours par année en Tunisie ne sauraient suffire. Il est vrai que, selon la jurisprudence, dans le cas d'un enfant de nationalité suisse, l'expulsion du parent qui en a la garde exclusive et l'autorité parentale entraîne de facto l'obligation pour l'enfant de quitter la Suisse; dans ce cas, le renvoi du parent entre en conflit avec les droits que l'enfant peut tirer de sa nationalité, comme la liberté d'établissement, l'interdiction du refoulement ou le droit de revenir ultérieurement en Suisse, de sorte que, dans la pesée des intérêts de l'art. 8 par. 2 CEDH, seule une atteinte d'une certaine gravité à l'ordre et à la sécurité publics peut l'emporter sur le droit de l'enfant suisse à pouvoir grandir en Suisse (cf. ATF 144 I 91 consid. 5.2.4; 140 I 145 consid. 3.3 p. 148; 135 I 153 consid. 2.2.2 p. 157; voir aussi l'arrêt 2C_1009/2018 du 30 janvier 2019 consid. 3.4.2; arrêt 6B_379/2021 du 30 juin 2021 consid. 2.2.3).
En l'occurrence, un des enfants du recourant est suisse et l'autre possède un permis C. Toutefois, contrairement à la jurisprudence précitée, le recourant n'a pas la garde exclusive et l'autorité parentale; la cour cantonale a retenu que l'épouse du recourant avait l'autorité parentale commune sur ses deux enfants. Il s'ensuit que le départ du recourant n'entraînera pas ipso facto le départ des enfants et que la mesure d'expulsion n'entrera pas en conflit avec les droits que les enfants peuvent tirer de leur nationalité suisse ou autorisation d'établissement. Comme vu ci-dessus, l'épouse et les enfants pourront du reste suivre le recourant en Tunisie, de sorte que l'expulsion de celui-ci n'entraînera pas l'éclatement de la vie familiale. Si l'épouse ne souhaite pas partir en Tunisie, elle pourra, comme le relève la cour cantonale, se rendre dans ce pays avec les enfants pendant les périodes de vacances scolaires. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'expulsion du recourant mettrait en cause les intérêts de ses enfants dans une mesure incompatible avec la Convention relative aux droits de l'enfant.
Enfin, il convient encore de noter que le suivi médical et thérapeutique du recourant peut se poursuive en Tunisie, comme cela a été attesté par le SEM.
3.4. En définitive, compte tenu de la gravité des infractions commises, des antécédents, du risque de récidive, du défaut d'intégration en Suisse, ainsi que des possibilités de réinsertion en Tunisie, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant que l'intérêt public à l'expulsion du recourant l'emportait sur son intérêt privé à demeurer en Suisse et en ordonnant son expulsion du territoire suisse. Pour le surplus, le recourant ne remet pas en cause la durée de l'expulsion prononcée à son encontre (art. 42 al. 2 LTF). On se limitera à relever que fixée à sept ans, celle-ci n'apparaît, au vu des circonstances, pas disproportionnée.
4.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
La cause étant ainsi jugée, la demande d'effet suspensif est sans objet. Au demeurant, le recours en matière pénale interjeté contre un prononcé d'expulsion déploie de plein droit un effet suspensif (arrêts 6B_945/2024 précité consid. 3; 6B_2/2024 du 26 juillet 2024 consid. 3).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale.
Lausanne, le 4 juin 2025
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Kistler Vianin