Droit de la famille

Lorsque, en cas de recours à une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger – en l’espèce, en Géorgie –, l’absence de lien de filiation de la mère porteuse n’est pas constatée par décision d’une autorité, mais intervient ex lege, la filiation de l’enfant vis-à-vis de la mère porteuse n’est pas réglée par l’art. 70 LDIP (cf. ATF 148 III 245/JdT 2022 II 268). Si les parents d’intention n’ont pas constitué leur résidence habituelle dans l’Etat de naissance de l’enfant, qu’ils s’occupent de l’enfant pratiquement dès sa naissance et ont prévu de rentrer dans l’Etat où se situe leur propre centre de vie, la résidence habituelle de l’enfant se situe dans ce même Etat, qui fondera en principe le droit applicable (art. 68 al. 1 et 69 al. 1 LDIP), en l’occurrence le droit suisse. En vertu de ce droit, une reconnaissance par la mère d’intention n’est pas envisageable (art. 260 CC) et le principe mater semper certa est prévaut (art. 252 al. 1 CC). Par ailleurs, s’agissant du père d’intention, il n’y a pas eu de reconnaissance de l’enfant, à proprement parler, en Géorgie, mais des liens de filiation qui se créent ex lege dès la naissance. Le TF examine si une reconnaissance de l’enfant valable selon le droit suisse pourrait découler directement du contrat de GPA conclu en Géorgie, conformément à l’art. 73 LDIP. En l’espèce, ledit contrat a été conclu par le biais d’une représentation et la reconnaissance n’a pas été faite en Suisse, ce qui contrevient à deux principes suisses d’une reconnaissance strictement personnelle non sujette à représentation et faite devant l’officier d’état civil. Le contrat ne peut d’emblée pas constituer une reconnaissance de paternité valable en droit suisse, mais le père d’intention peut effectuer une reconnaissance en Suisse.

Droit au respect de la vie privée et familiale ; non-reconnaissance prolongée du lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui à l’étranger et le père d’intention partenaire enregistré du père génétique. L’absence en droit suisse, jusqu’au 1er janvier 2018, de modes alternatifs de reconnaissance de l’enfant né d’une gestation pour autrui a violé le droit à la vie privée de l’enfant concerné. Violation de l’art. 8 CEDH niée pour les parents.

Droit au respect de la vie privée et familiale. Le refus d’autoriser l’épouse du père génétique d’adopter des enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui, malgré l’absence d’autres possibilités de faire reconnaître une relation de filiation légale, a entraîné une violation du droit au respect de la vie privée des enfants, mais non de celle de la mère d’intention. En revanche, compte tenu de l’absence d’obstacle à la jouissance de la vie familiale des enfants avec l’épouse de leur père génétique, qui avait obtenu l’autorité parentale conjointe mais pas l’adoption, une violation du droit au respect de la vie familiale a été niée.

Droit au respect de la vie privée ; rejet de la demande d’une veuve tendant à ce qu’elle soit fécondée à l’aide du sperme congelé de son époux décédé, au motif que le droit interne n’autorise ce mode d’insémination que pour les couples et entre vifs. En l’absence de consensus européen clair, l’Etat défendeur disposait d’une large marge d’appréciation. Les droits découlant de l’art. 8 CEDH n’obligent pas les Etats contractants à autoriser la fécondation artificielle post-mortem. Violation de l’art. 8 CEDH niée.

Pour qu’une reconnaissance de paternité étrangère soit valablement reconnue en Suisse, il suffit que celle-ci soit valable quant au fond et à la forme selon l’ordre juridique de la résidence habituelle, du domicile ou de la nationalité de l’enfant, ou selon l’ordre juridique national de la mère ou du père (art. 72 al. 1 et 73 al. 1 LDIP). La reconnaissance de paternité ne peut pas être reconnue – et donc inscrite à l’état civil en vertu de l’art. 32 LDIP – si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public suisse. Pour retenir une violation de l’ordre public, il ne suffit pas que la solution adoptée à l’étranger diffère de celle prévue par le droit suisse ou qu’elle soit inconnue en Suisse. Cette clause d’exception s’applique uniquement au regard de la validité de la reconnaissance de paternité, respectivement au regard du droit étranger la rendant valide. Sous réserve des cas où un lien de paternité existe déjà, les possibilités élargies de reconnaître la paternité ne contreviennent généralement pas à l’ordre public suisse, car celui-ci poursuit l’objectif de conférer aux enfants né·es hors mariage le même statut qu’aux enfants né·es de parents mariés.