ATF 139 II 121

2012-2013

Un ressortissant portugais ayant séjourné près d’une vingtaine d’années en Suisse se voit notifier une interdiction d’entrée en Suisse d’une durée de dix ans, à la suite de ses différentes condamnations. L’interdiction d’entrée n’est pas régie par l’ALCP, il faut donc appliquer l’art. 67 LEtr, tout en tenant compte des particularités de l’Accord, notamment des droits qu’il confère aux personnes qui en bénéficient. L’interdiction d’entrée destinée à une personne pouvant se prévaloir de l’ALCP doit être conforme à l’art. 5 Annexe I-ALCP (ordre et sécurité publics). Les limites à la libre circulation des personnes doivent s’interpréter de manière restrictive, il faut une menace grave, actuelle et réelle à l’ordre et la sécurité publics. Un ressortissant d’un État tiers n’a en revanche pas besoin d’avoir atteint de manière grave l’ordre et la sécurité publics pour qu’une interdiction d’entrée en Suisse basée sur l’art. 67 LEtr soit justifiée.

En l’espèce, l’ensemble des infractions (étendues sur une période de sept ans) pris en compte laisse penser aux juges qu’il y a une délinquance chronique, et une propension à transgresser la loi. Il constitue donc une menace d’une certaine gravité, réelle et actuelle pour l’ordre et la sécurité publics, justifiant une interdiction d’entrée au sens des art. 67 al. 2 LEtr et 5 Annexe I-ALCP. Pour ce qui est de la durée de la peine, l’art. 67 al. 3 LEtr prévoit que la durée de l’interdiction d’entrée peut être supérieure à cinq ans si la personne constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics. Ce système est repris de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Les juges différencient trois paliers d’intensité dans l’interprétation de l’art. 67 al. 3 LEtr, une « mise en danger ou atteinte », une « menace d’une certaine gravité » ou une « menace grave ». Cette dernière doit revêtir un degré de gravité particulier et son application doit être exceptionnelle, s’examiner au cas par cas et prendre en compte tous les éléments en cause.

En l’espèce, les circonstances du cas ne permettent pas de limiter à plus de cinq ans le droit à la libre circulation de l’intéressé, même si ses agissements constituent une menace réelle et actuelle pour l’ordre et la sécurité publics ; il ne s’agit pas ici d’une « menace grave » au sens de l’art. 67 al. 3, seconde phrase, LEtr. Une mesure d’interdiction d’entrée de cinq ans apparaît toutefois comme nécessaire, adéquate et proportionnée au vu de la gravité des actes reprochés au recourant, de l’importance du risque de récidive, de sa non-prise en compte des avertissements reçus et de sa situation personnelle précaire.