Art. 309e et 314 de la loi tessinoise des contributions publiques du 24 juin 1994 (LT/RS TI 10.2.1.1) ; 53a, 56, 57b LHID ; 8 al. 1, 49, 127 al. 2 Cst.

Simplification du rappel d’impôt en cas de succession ; dénonciation spontanée non punissable ; principe de la force dérogatoire du droit fédéral ; principes d’universalité, d’égalité de traitement et d’imposition selon la capacité économique.

Suite à une initiative parlementaire, le Grand Conseil du canton du Tessin a adopté, le 25 novembre 2013, deux dispositions transitoires à la loi cantonale sur les contributions, permettant tant aux personnes physiques que morales opérant une dénonciation spontanée entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année suivant l’entrée en vigueur de la modification législative, d’être non seulement exonérées de poursuite, conformément aux art. 53a, 56 et 57b LHID, mais également de se voir octroyer un rabais de 70% du taux de l’imposition. Les recourants considèrent que ces deux dispositions violent le principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 Cst.), car les prescriptions de la LHID régissant la dénonciation spontanée ne font aucunement mention d’un possible rabais sur le taux d’imposition lors du rappel d’impôt.

Sachant que pour introduire une dénonciation spontanée, selon les art. 56 al. 1bis et 57b al. 1 LHID, le contribuable doit s’efforcer de « s’acquitter du rappel d’impôt dû » et que l’art. 72i LHID impose une application directe de ces mêmes dispositions, le TF conclut donc que, malgré la large latitude laissée aux cantons dans l’établissement des barèmes d’imposition, la LHID ne donne, dans ce cas, aucune marge de manœuvre qui permettrait au droit cantonal d’introduire un tel rabais.

D’autre part, les recourants arguent que ces normes contreviennent aux principes d’universalité, d’égalité de traitement et d’imposition selon la capacité économique (art. 127 al. 2 et 8 al. 1 Cst.). Le TF rappelle que l’art. 127 Cst. est une objectivation de l’art. 8 Cst. auquel les cantons ne peuvent déroger lorsqu’ils prélèvent l’impôt. Ainsi, dès lors que la loi cantonale accepte que des personnes dont la situation est semblable soient imposées de manières différentes, en tolérant que l’une d’elles se voit imposée aux taux ordinaires alors que l’autre bénéficie d’une réduction de 70% de ce même taux, elle enfreint, de fait, le principe d’égalité de traitement en ayant introduit une inégalité systématique à l’égard d’une certaine catégorie de contribuables.

Enfin, lorsque la législation cantonale force l’assujetti faisant face à des difficultés économiques à s’acquitter de la totalité de l’impôt dû, tandis que celui qui se trouve dans une situation financière confortable, en s’étant soustrait à ses obligations fiscales, peut lui bénéficier, en plus de l’abandon des poursuites, d’une réduction de taux alors les principes d’universalité et d’imposition selon la capacité économique, sont transgressés. C’est donc pour l’ensemble de ces violations des principes constitutionnels que le TF décide d’annuler les modifications faites à la loi cantonale tessinoise sur les contributions publiques.