ATF 147 III 65 (f)

2021-2022

(Yang c. Agence Mondiale Antidopage (AMA), Fédération Internationale de Natation (FINA)). Demande de révision contre la sentence rendue le 28 février 2020 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Suspension de huit ans à l’encontre d’un nageur chinois (Sun Yang) pour violation des règles anti-dopage de la Fédération Internationale de Natation (FINA). Le recourant demandait la révision de la sentence en invoquant la partialité du Président de la Formation arbitrale. Le TF devait ainsi déterminer si le requérant avait satisfait à son devoir de curiosité quant aux motifs susceptibles de remettre en cause l’indépendance ou l’impartialité de l’arbitre en question et, cas échéant, si les motifs découverts étaient suffisants pour reconnaître son défaut d’indépendance et/ou d’impartialité. En premier lieu, le TF estime qu’il n’est pas établi que le requérant ait eu connaissance des éléments fondant sa demande de récusation, à savoir des tweets rédigés par l’arbitre contenant des commentaires inacceptables à l’égard des ressortissants chinois, que ce soit avant la parution d’un article mentionnant les tweets en question, avant la publication de la sentence litigieuse ou avant l’échéance du délai pour faire recours contre ladite sentence devant le TF. En second lieu, le TF a rappelé l’exigence tirée de sa jurisprudence selon laquelle les parties doivent satisfaire à un certain devoir de curiosité quant à l’existence de motifs susceptibles d’affecter la composition régulière du tribunal arbitral. Cette exigence requiert notamment de ne pas se contenter uniquement de la déclaration d’indépendance faite par chaque arbitre, mais plutôt de procéder à certaines investigations de son propre chef pour s’assurer que l’arbitre offre des garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité. Ce devoir de curiosité dépend des circonstances de chaque cas concret mais n’est pas illimité, car on ne saurait attendre d’une partie un dépouillement systématique et approfondi de toutes les sources se rapportant à un arbitre déterminé : à ce propos, le simple fait qu’une information relative à un arbitre soit librement accessible ne signifie pas pour autant que la partie recourante aurait dû en avoir connaissance. Appliquées dans le cadre des réseaux sociaux, ces considérations ne sauraient mener à la conclusion que le requérant aurait failli à son devoir de curiosité en ne décelant pas la présence de tweets publiés près de dix mois avant la nomination de l’arbitre, par ailleurs noyés dans une masse de messages se trouvant sur son compte sur Twitter. On ne saurait pas non plus exiger qu’une partie poursuive des recherches approfondies tout au long de la procédure arbitrale, que ce soit sur internet ou sur les réseaux sociaux. En l’espèce, le recourant a satisfait à son devoir de curiosité et les motifs étaient manifestement propres à remettre en cause l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre. Demande de révision admise (sentence annulée).