Recours contre la décision de l’OFROU d’interrompre la procédure de passation pour un marché de travaux dans le 2e tube du Gothard, en raison d’une modification importante du projet, après que le TAF ait annulé une première adjudication et renvoyé l’affaire pour nouvelle décision à l’OFROU. L’interruption de la procédure de passation, définitive ou provisoire (i.e. en vue du lancement d’une nouvelle procédure), ou la révocation d’une adjudication, sont possibles pour un motif important (sachlicher Grund) (art. 30 al. 3 aOMP du 11 décembre 1995) (consid. 7.1-7.5). Un motif important ne doit pas être admis facilement, de sorte qu’il est soumis à un standard de preuve élevé. Tel est le cas lorsque le pouvoir adjudicateur n’a plus besoin de l’objet du marché, lorsque la définition initiale de l’objet du marché ne permettrait pas d’acquérir le produit ou service dont l’adjudicateur a besoin, lorsqu’une adjudication conforme au droit s’avère impossible ou que la procédure de passation déboucherait sur un résultat inutilisable. L’interruption ne doit pas viser à discriminer de manière ciblée certains soumissionnaires, ni constituer une violation du principe de la bonne foi par le pouvoir adjudicateur (consid. 8.3). Si l’objet du marché est modifié de manière importante, les principes de transparence et de publicité imposent d’interrompre la procédure de passation et d’en lancer une nouvelle, afin que d’autres soumissionnaires potentiels aient la possibilité de soumettre une offre, voire d’obtenir l’adjudication (consid. 8.8). Le pouvoir adjudicateur doit mener ses procédures de passation de marché en respectant le principe de la bonne foi. Il découle de ce principe que le motif important justifiant l’interruption de la passation du marché ne doit pas être prévisible déjà au moment de l’appel d’offres pour le pouvoir adjudicateur, ni lorsque ce dernier aurait adressé des requêtes ultérieures aux soumissionnaires (consid. 9.2). Les soumissionnaires doivent pouvoir se fier à des négociations sérieuses et loyales. L’adjudicateur agit de manière contraire à la bonne foi s’il entreprend ou poursuit des négociations contractuelles alors qu’il sait ou devrait savoir que la conclusion du contrat n’entre plus en considération (consid. 9.3). En l’espèce, le pouvoir adjudicateur a lui-même à l’origine du motif important ayant nécessité l’interruption de la procédure de passation. En achetant une partie des prestations dans un autre lot, avec pour conséquence une baisse corrélative importante des prestations du lot initial, il savait ou devait savoir dès le 22 août 2021 que cela conduirait à l’interruption de la procédure de passation. Après l’annulation par le TAF d’une adjudication relative à ce même marché et le renvoi pour nouvelle décision à l’OFROU, le pouvoir adjudicateur a attendu 4 mois avant d’entreprendre des négociations avec la recourante, puis a demandé à celle-ci le 13 juillet 2022 de prolonger la validité de son offre jusqu’au 31 décembre 2022, et a enfin publié le 31 août 2022 une décision d’interruption de la procédure (consid. 9.6).
Evelyne Clerc, Antony Martelli