1B_206/2017 12.07.2017
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
Arrêt du 12 juillet 2017
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Chaix et Kneubühler.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Vincent Kleiner, avocat,
recourant,
contre
Ministère public du canton de Berne, Région Jura bernois-Seeland, rue du Château 13, 2740 Moutier,
Ministère public des mineurs, Région Jura bernois-Seeland, Rüschlistrasse 16, 2502 Bienne.
Objet
Procédure pénale; conflit de compétence entre la juridiction pour mineurs et pour adultes,
recours contre la décision du Parquet général du Ministère public du canton de Berne du 19 avril 2017.
Faits :
A.
Lors de son arrivée en Suisse le 15 décembre 2015, A.________ (alias B.A.________) s'est présenté au Centre d'enregistrement et de procédure de Vallorbe, où il a déposé une demande d'asile, indiquant être né le 10 avril 2000; il n'a cependant présenté aucun papier d'identité à l'appui de sa requête et a donné peu d'informations, notamment sur ses parents, ainsi que sur son parcours pour arriver en Suisse. Les autorités administratives ont dès lors considéré qu'il n'était pas crédible et lui ont attribué une date de naissance, soit le 1er janvier 1997.
Cette date a été enregistrée dans le système d'information central sur la migration (SYMIC).
B.
Le 19 février 2017, A.________ a été interpellé par la police alors qu'il tentait de s'enfuir par la fenêtre de sa chambre, étant soupçonné d'avoir commis des vols par effraction dans le village de Sonvilier. Le Ministère public des mineurs de la Région Jura bernois-Seeland a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour vols.
Entendu le lendemain par le Procureur des mineurs, le prévenu a confirmé que sa date de naissance était le 10 avril 2000, ce dont il était sûr. Il a été placé en détention provisoire pour sept jours (art. 27 al. 1 DPMin [RS 311.1]) et un avocat d'office lui a été désigné. La détention provisoire a été prolongée d'un mois le 24 février 2017 par le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc), respectivement pour la même durée le 29 mars 2017.
Le Ministère public des mineurs a informé, le 9 mars 2017, A.________ qu'il entendait se dessaisir de la procédure en faveur du Ministère public de la Région Jura bernois-Seeland. Le Procureur des mineurs se fondait sur l'instruction pénale ouverte le 16 février 2016 par les autorités soleuroises contre A.________, notamment pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile. Le magistrat bernois a relevé, que, dans le cadre de l'enquête soleuroise, le prévenu - assisté par un mandataire d'office - avait aussi prétendu être né le 10 avril 2000; les autorités soleuroises avaient dès lors mandaté l'Institut de médecine légale de l'Université de Bâle pour procéder à une estimation de son âge. Selon le rapport d'expertise du 15 mars 2016, l'âge allégué par A.________ ne coïncidait pas avec les analyses effectuées et pouvait être estimé à environ 19 ans. Le Procureur bernois a constaté que ces conclusions n'avaient pas été remises en cause; le prévenu avait par conséquent été jugé en tant que majeur par les autorités soleuroises. Ces dernières l'avaient condamné, le 2 août 2016, à une peine privative de liberté de douze mois sans sursis; ce jugement n'avait pas été contesté et la peine avait été intégralement purgée.
Le prévenu a contesté, le 14 mars 2017, être majeur, s'opposant en conséquence au transfert de son dossier au Ministère public bernois ordinaire; si A.________ reconnaissait avoir eu connaissance de l'expertise, il soutenait avoir compris, à la suite des informations données par son précédent mandataire, que l'expertise constatait qu'il aurait eu entre 16 et 20 ans.
Par ordonnance du 16 mars 2017, le Ministère public des mineurs de la Région Jura bernois-Seeland s'est dessaisi en faveur du Ministère public de la Région Jura bernois-Seeland. Le 19 avril 2017, le Parquet général du Ministère public du canton de Berne - agissant par le Procureur général suppléant - a rejeté le recours intenté par A.________ contre cette décision.
C.
Par acte daté du 22 mai 2017, A.________ forme un recours en matière pénale contre cette ordonnance, concluant à son annulation, ainsi qu'à la constatation qu'il est mineur, que le droit pénal des mineurs est applicable et que le Ministère public des mineurs de la Région Jura bernois-Seeland est compétent; il requiert également, le cas échéant, la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise médicale de "détermination de l'âge". A titre subsidiaire, le recourant demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente afin qu'elle statue sur la compétence de la juridiction pour adultes après instruction complémentaire, notamment l'établissement d'une expertise telle que susmentionnée. Le recourant sollicite l'effet suspensif au recours, ainsi que l'octroi de l'assistance judiciaire.
Le Parquet général s'est opposé à l'octroi de l'effet suspensif et, pour le surplus, a renvoyé aux considérants de sa décision. Le Ministère public des mineurs s'y est également référé.
Par ordonnance du 12 juin 2017, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 142 V 551 consid. 1 p. 555; 140 IV 57 consid. 2 p. 59).
1.1. La décision attaquée confirme le dessaisissement du Ministère public des mineurs en faveur du Ministère public ordinaire. S'agissant d'une question de compétence, le recours en matière pénale est ouvert au Tribunal fédéral en application des art. 78 et 92 al. 1 LTF.
1.2. La jurisprudence a confirmé que la compétence donnée à un premier procureur ou à un procureur général par l'art. 40 al. 1 CPP en cas de conflit de for dans un même canton était également applicable en cas de conflit de compétence matérielle (ATF 138 IV 214 consid. 3.1 p. 218 s.; arrêts 1B_433/2013 du 23 avril 2014 consid. 3.2; 1B_30/2013 du 3 avril 2013 consid. 1 relatif à un conflit de compétence entre la juridiction bernoise ordinaire et celle des mineurs). En application des art. 53 et 83 al. 3 de la loi bernoise du 11 juin 2009 portant introduction du code de procédure civile, du code de procédure pénale et de la loi sur la procédure pénale applicable aux mineurs (LiCPM; RS/BE 271.1), c'est le Parquet général du Ministère public bernois qui est compétent lors de tels conflits.
S'il ne s'agit pas d'une autorité judiciaire au sens de l'art. 80 al. 2 LTF, le recours direct au Tribunal fédéral est cependant ouvert (ATF 138 IV 214 consid. 1 p. 216 ss.).
1.3. Le recourant - prévenu alléguant être mineur - a un intérêt juridique à la modification ou à l'annulation de la décision attaquée et la qualité pour recourir doit lui être reconnue (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Le Tribunal fédéral dispose des dossiers des procédures pénales bernoises et soleuroises. Dans le second, figurent notamment certaines pièces du dossier de la procédure d'asile (cf. les pièces 282 ss). Partant, le Tribunal fédéral s'estime suffisamment renseigné pour statuer, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la production des autres pièces requises, notamment le dossier relatif à la détention administrative du recourant dans le canton de Vaud.
3.
Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir considéré qu'il ne serait plus mineur.
3.1. Le recours en matière pénale est recevable pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); il peut toutefois compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (art. 105 al. 2 LTF; ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375, 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).
Des constatations de fait sont arbitraires lorsque, sans aucune raison sérieuse, l'autorité a omis de prendre en considération un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle en a manifestement méconnu le sens et la portée, ou encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle est parvenue à des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il lui incombe alors d'indiquer de façon précise en quoi les constatations critiquées sont entachées d'une erreur ou d'une lacune indiscutable; les critiques dites appellatoires, tendant simplement à une nouvelle appréciation des preuves, sont irrecevables (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).
Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence à la présomption d'innocence (art. 6 par. 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP), le principe "in dubio pro reo" n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 81 s.; arrêt 6B_814/2016 du 22 juin 2017 consid. 1.1).
3.2. Dans son ordonnance, le Parquet général a tout d'abord considéré que la date de naissance retenue en matière d'asile (le 1er janvier 1997) avait été fixée péremptoirement par les autorités administratives, faute d'informations probantes; elle pouvait ainsi ne pas être le reflet exact de la réalité. Pour l'autorité précédente, cette date ne suffisait donc pas à elle seule pour établir la majorité du recourant.
L'instance précédente a ensuite relevé que le recourant reconnaissait avoir eu connaissance de l'expertise médico-légale le concernant; il contestait en revanche avoir pu se déterminer sur celle-ci. Selon l'autorité précédente, le recourant bénéficiait cependant de l'assistance d'un mandataire d'office au cours de la procédure soleuroise; celui-ci était en mesure, le cas échéant, de soulever, en particulier devant le tribunal de première instance de Soleure-Lebern, la problématique de l'âge du recourant, ce qui n'avait pas été fait. Le Parquet général a considéré que l'expertise, basée sur une radiographie de la main gauche du recourant et sur une estimation de son âge dentaire, donnait une réponse suffisamment précise sur cette question au regard des connaissances médicales actuelles; une nouvelle expertise ne se justifiait ainsi pas. L'autorité précédente a ensuite fait état des conclusions du rapport d'expertise, à savoir que l'âge allégué par le recourant ne coïncidait pas avec les analyses effectuées; sur la base de celles-ci, les autorités soleuroises l'avaient donc jugé en tant qu'adulte. Dès lors que les faits examinés par les autorités bernoises étaient ultérieurs, le Parquet général a considéré qu'il n'y avait pas lieu de s'éloigner des conclusions prises par les autorités soleuroises quant à l'âge du recourant.
3.3. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et le recourant ne développe aucun argument propre à le remettre en cause. En particulier, il ne soutient pas qu'il serait impossible ou arbitraire de déduire du contenu de l'expertise qu'il serait majeur. En effet, l'argumentation du recourant - au demeurant quasi similaire à celle soulevée devant l'instance précédente - tend essentiellement à soutenir qu'il n'aurait pas eu les moyens de remettre en cause les constatations liées à son âge, faute notamment de décision administrative attaquable et d'information sur le délai imparti par les autorités pénales pour se déterminer sur l'expertise.
S'agissant du premier grief, peu importe qu'une décision des autorités administratives ait été rendue ou pas. En effet, l'autorité précédente n'a pas donné de caractère déterminant à la date de naissance fixée lors de la procédure d'asile. Le Parquet général a au contraire relevé la façon péremptoire de son établissement et a ainsi tout au plus considéré cet élément comme un indice que la minorité alléguée par le recourant pouvait être remise en doute.
En ce qui concerne ensuite l'expertise médico-légale, elle a été ordonnée au cours de la procédure pénale soleuroise. La nature du moyen de preuve utilisé démontre que les autorités soleuroises ont considéré que la question de l'âge du recourant se posait sérieusement dans le cas d'espèce. Vu dès lors le caractère central de cette problématique, il paraît peu crédible que le recourant - qui a accepté de se soumettre à cet examen - n'ait pas été informé sur les éventuelles conséquences pouvant en découler. Le recourant était alors assisté par un avocat d'office dont personne ne prétend qu'il n'aurait pas été en mesure d'assurer une défense efficace (cf. art. 134 al. 2 CPP) ou qu'il n'aurait pas exercé son mandat avec soin et diligence (cf. art. 12 let. a de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats [LLCA; RS 935.61]). Les actes de procédure valablement entrepris par ce conseil étaient ainsi imputables au recourant lui-même. Il en va tout particulièrement du courrier de l'avocat du 19 mars 2016 à l'adresse du Ministère public soleurois par lequel le conseil - agissant au nom de son mandant - déclarait renoncer expressément à déposer des observations relatives aux résultats de l'expertise d'âge.
En tout état, le recourant ne prétend pas qu'il aurait été empêché de soulever des éventuels griefs contre l'expertise devant le tribunal de première instance, que ce soit par le biais de son avocat ou en s'adressant directement à la cour appelée à juger sa cause; la compétence ordinaire des autorités soleuroises n'a pas non plus été remise en cause devant la juridiction d'appel. L'instance précédente pouvait donc retenir à juste titre que le recourant avait - implicitement - accepté la compétence des autorités pénales ordinaires.
Dans la mesure où le recourant ne fait valoir aucune circonstance qui permettrait de se distancer de l'appréciation des autorités pénales soleuroises et que les faits examinés par le Ministère public bernois à son encontre sont postérieurs, le Parquet général ne viole pas le droit fédéral, ni a fortiori la garantie contre l'arbitraire, en confirmant la décision de dessaisissement rendue par le Ministère public des mineurs.
3.4. Il découle également de ces considérations que la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise est dénuée de pertinence. Cette requête peut donc être écartée.
4.
Il s'ensuit que le recours est rejeté.
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire. Comme les conclusions du recours étaient dépourvues de chance de succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant supporte donc en principe les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF); il se justifie cependant exceptionnellement d'y renoncer. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Berne, Région Jura bernois-Seeland, au Ministère public des mineurs, Région Jura bernois-Seeland, et au Parquet général du Ministère public du canton de Berne.
Lausanne, le 12 juillet 2017
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
La Greffière : Kropf