1B_509/2022 02.03.2023
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1B_509/2022
Arrêt du 2 mars 2023
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix, Müller, Merz et Kölz.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________ SA, représentée par Me Clara Poglia, avocate,
recourante,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Procédure pénale; levée de scellés,
recours contre l'ordonnance du Tribunal des mesures
de contrainte de la République et canton de Genève
du 24 août 2022 (P/11842/2017 - 15 STMC/20/2022).
Faits :
A.
Le 7 juin 2017, le Ministère public de la République et canton de Genève a ouvert une procédure P/11842/2017 contre A.________ SA (ci-après: A.________ ou la banque), pour une éventuelle responsabilité pénale de la banque fondée sur les art. 305bis et 102 al. 2 CP en lien avec les détournements reprochés à son conseiller clientèle B.________, poursuivi dans le cadre de la procédure P/24473/2015 disjointe le même jour.
Dans un rapport d'enquête du 6 avril 2017, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a fait état de manquements dans le dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent, ainsi que dans le système de contrôle et dans la gestion des risques de la banque. Ce rapport a été remis sous scellés au Ministère public en octobre 2019, et il s'en est suivi une procédure de levée des scellés, jusqu'au Tribunal fédéral qui a rejeté le recours de A.________ (arrêt 1B_59/2020 du 19 juin 2020).
B.
Le 9 novembre 2021, le Ministère public a requis de la banque divers documents dont: a) tous les rapports internes ou externes (à l'exception de celui de la FINMA) relatifs à la gestion de différents avoirs par B.________; b) tous les rapports d'audits internes portant sur le département dans lequel travaillait B.________ pour la période de 2006 à 2015; c) les directives internes de la banque portant sur la lutte contre le blanchiment pour la période de 2006 à 2015.
Le 1er février 2022, la banque a déposé deux clés USB; la première, librement accessible, contenait des rapports internes (à propos de la gestion, par B.________, des avoirs des clients impactés), des rapports d'audits internes (portant sur le département où travaillait B.________ de 2008 à 2015), les directives internes de la banque sur la lutte anti-blanchiment, les audits et revues selon les exigences de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (loi sur le blanchiment d'argent, LBA, RS 955.0) pour les comptes concernés, et les documents sur les revenus générés par les activités de B.________; la seconde clé USB contenait des documents visés sous a) ainsi que les documents requis sous b) et c) antérieurs à 2008 et la banque sollicitait sa mise sous scellés en raison de l'existence de secrets professionnels et de l'absence de pertinence.
Le Ministère public a saisi le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève (Tmc) d'une demande de levée des scellés à laquelle la banque s'est opposée.
C.
Par ordonnance du 24 août 2022, le Tmc a partiellement admis la demande de levée des scellés. L'existence de soupçons suffisants avait été confirmée dans l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_59/2020 ainsi que dans le rapport de la FINMA. S'agissant du premier groupe de documents, inventoriés de 1.1 à 1.5, le Tmc a considéré que le n° 1.1 (rapports d'enquête établis par la banque pour ses conseils et ses auxiliaires) procédait de tâches incombant à la banque en vertu de la réglementation sur le blanchiment d'argent; il en allait de même des documents 1.4 et 1.5 (documents réalisés par un cabinet d'audit et une agence d'investigations); les documents 1.2 avaient été établis par une première étude d'avocats (Etude C.________) chargée d'analyser la situation ensuite des actes reprochés à B.________; ils relevaient de la surveillance à charge de la banque ou de la gestion interne, mais devaient être caviardés de leur composante juridique; les documents 1.3 avaient été établis par une seconde étude d'avocats (Etude D.________) mais ne contenaient pas d'éléments de conseil juridique. Le document 2 (audit interne) couvrait la période de juin à août 2006, et le document 3 (directives sur la lutte contre le blanchiment) datait du 1er janvier 2007 au plus tard, alors que la période pénale retenue à charge de B.________ ne commençait qu'en 2007; dans la perspective d'une application de l'art. 102 al. 2 CP, une légère extension de la période pénale était pertinente: B.________ était déjà employé par la banque plusieurs années avant les faits et il s'agissait de définir les éventuelles carences organisationnelles de la banque.
D.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ SA demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance du Tmc et d'ordonner le maintien des scellés sur la clé USB n° 2, subsidiairement de renvoyer la cause au Tmc pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle demande l'effet suspensif, qui a été accordé par ordonnance du 18 octobre 2022.
Le Tmc persiste dans les termes de sa décision et conclut au rejet du recours. Le Ministère public conclut au rejet du recours en se référant à l'ordonnance attaquée. Dans ses dernières observations, la recourante persiste dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Conformément aux art. 78, 80 al. 2 in fine LTF, 248 al. 3 let. a, 380 et 393 al. 1 let. c CPP, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions en matière de levée des scellés rendues par le Tmc (ATF 143 IV 462 consid. 1). La condition du préjudice irréparable posée à l'art. 93 al. 1 let. a LTF est réalisée dans la mesure où la recourante se prévaut, d'une manière suffisamment motivée, d'une atteinte au secret professionnel de l'avocat au sens de l'art. 248 al. 1 CPP (ATF 144 IV 74 consid. 2.2; 143 IV 462 consid. 1; arrêt 1B_321/2022 du 30 novembre 2022 consid. 1; 1B_295/2016 du 10 novembre 2016 consid. 1). La recourante dispose d'un intérêt à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 81 al. 1 LTF). Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité sont réunies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Dans un premier grief, la recourante se plaint d'établissement inexact des faits et d'un déni de justice. Elle reproche au Tmc de ne pas avoir tenu compte des documents spontanément produits le 31 janvier 2022 au Ministère public en sus des pièces concernées par la procédure de scellés, et librement accessibles car concernant les obligations de la banque découlant de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (loi sur le blanchiment d'argent, LBA, RS 955.0; rapports internes, rapports d'audits, directives de la banque en matière de blanchiment, audits et revues LBA des comptes concernés, documents relatifs aux revenus des activités de B.________). Le Tmc ne pouvait par conséquent considérer qu'il ne connaissait pas les documents déjà remis au Ministère public et aurait dû tenir compte du fait que ces documents, relatifs aux obligations LBA, étaient distincts de ceux établis dans le cadre des mandats d'avocats. Il serait par ailleurs erroné de retenir que la banque était représentée par une seule étude d'avocats (soit celle qui la représente céans) et que les deux autres études ne seraient intervenues que dans le cadre de l'exécution des obligations découlant de la LBA: les documents produits feraient en effet ressortir que ces deux études seraient successivement intervenues en vue de conseils juridiques d'ordre civil et pénal à la suite des agissements de B.________.
2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le grief doit être soulevé et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1), et les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).
2.2. Le Tmc a relevé dans son ordonnance qu'il n'avait pas pleine connaissance des éléments (et de leurs intitulés) qui avaient été remis au Ministère public depuis le début de la procédure, si bien qu'il lui était impossible d'opérer une comparaison ou un rapprochement avec ceux qui faisaient l'objet de la demande de levée des scellés. S'il n'a, dans cette appréciation, pas tenu compte des pièces transmises au Ministère public le 31 janvier 2022, à côté de celles pour lesquelles les scellés ont été requis, cela n'est toutefois pas pertinent. Comme le relève la recourante, la question de l'existence d'un secret professionnel protégé doit en effet être examinée in concreto au regard des seules pièces concernées par la demande de levée de scellés (arrêts 1B_85/2016 du 20 septembre 2016 consid. 4.2; 1B_433/2017 du 21 mars 2018 consid 4.3), sans qu'il se justifie d'opérer des comparaisons ou des rapprochements avec les pièces figurant déjà au dossier et accessibles sans restriction. Si la recourante estime avoir déjà remis les documents relatifs à l'exécution de ses obligations découlant de la LBA, il n'est pas exclu, comme on le verra (consid. 3.2), que les pièces remises sous scellés relèvent en partie des mêmes obligations. L'analyse de ces pièces doit être effectuée au regard de leur contenu concret et du but poursuivi par les auteurs de ces documents; la teneur des mandats généraux conclus avec les différentes études d'avocats n'apparaît donc pas non plus déterminante dans ce cadre. Seule l'est l'activité effectivement déployée, le mandat tel qu'il est défini à l'origine pouvant au surplus évoluer avec le temps. La mention du secret professionnel de l'avocat, dans le contrat de mandat ou sur les documents saisis, ne suffit pas non plus pour admettre l'existence d'un tel secret.
Il n'y a dès lors ni établissement inexact des faits pertinents, ni déni de justice sur ces différents points.
3.
Sur le fond, la recourante se plaint d'une violation des art. 248 al. 1 et 264 al. 1 let. a CPP. Elle expose que suite à la découverte des agissements de B.________, elle a mis sur pied le projet "Y.________", destiné à évaluer l'étendue des malversations et les risques juridiques encourus par la banque, et à arrêter la manière de procéder au civil et au pénal. La recourante estime que ses obligations d'investigations en vertu de la LBA se limiteraient à celles qui sont nécessaires au respect de son obligation de communiquer en cas de soupçons de blanchiment. Elle aurait déjà effectué ce travail de manière autonome et les documents y relatifs auraient été remis sans scellés. En revanche, les mesures d'enquête visant à définir les risques prudentiels, civils ou pénaux, iraient au-delà du cadre fixé à l'art. 7 LBA. Lorsque l'intermédiaire financier dispose déjà de documents lui permettant de s'acquitter de ses obligations, l'intervention de l'avocat ne devrait pas être considérée comme une délégation des obligations LBA, en particulier lorsque son intervention tend à établir a posteriori les faits en lien avec les infractions commises par un employé.
3.1. Selon l'art. 248 al. 1 CPP, les documents, enregistrements et autres objets qui ne peuvent être ni perquisitionnés ni séquestrés parce que l'intéressé fait valoir son droit de refuser de déposer ou de témoigner ou pour d'autres motifs sont mis sous scellés et ne peuvent être ni examinés, ni exploités par les autorités pénales. A teneur de l'art. 264 al. 1 let. d CPP, quels que soient l'endroit où ils se trouvent et le moment où ils ont été conçus, ne peuvent être séquestrés les objets et les documents concernant des contacts entre une autre personne et son avocat, si celui-ci est autorisé à pratiquer la représentation en justice en vertu de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA; RS 935.61) et n'a pas le statut de prévenu dans la même affaire. En présence d'un secret professionnel avéré, notamment celui de l'avocat au sens de l'art. 171 CPP, l'autorité de levée des scellés élimine les pièces couvertes par ce secret. Il en va de même lorsque des pièces et/ou objets bénéficient de la protection conférée par l'art. 264 al. 1 CPP (ATF 143 IV 462 consid. 2.1 et les références).
Selon l'art. 13 al. 1 LLCA, l'avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice de sa profession; cette obligation n'est pas limitée dans le temps et est applicable à l'égard des tiers; le fait d'être délié du secret professionnel n'oblige pas l'avocat à divulguer des faits qui lui ont été confiés. Le secret professionnel de l'avocat jouit d'une protection particulière dans l'ordre juridique, parce qu'il est indispensable à l'exercice de la profession d'avocat et, partant, à une administration saine de la justice. Le secret professionnel de l'avocat protège non seulement l'intérêt du client, qui doit pouvoir librement se confier afin d'obtenir une appréciation complète de sa situation sans crainte de divulgation des faits ou des documents confiés, mais revêt aussi un intérêt public, qui consiste en la protection de l'ordre juridique, au sein duquel l'avocat joue un rôle particulier, et de l'accès à la justice (ATF 145 II 229 consid. 7.1; 144 II 147 consid. 5.3.3).
Le secret professionnel des avocats ne couvre toutefois que leur activité professionnelle spécifique et ne s'étend pas à une activité notamment commerciale sortant de ce cadre (ATF 143 IV 462 consid. 2.2). Entrent dans la notion d'activité typique de l'avocat, couverte par le secret professionnel, la rédaction de projets d'actes juridiques, l'assistance et la représentation d'une personne devant des autorités administratives ou judiciaires, ainsi que les conseils juridiques et la rédaction de projets d'actes juridiques (ATF 143 IV 462 consid. 2.2; 135 III 410 consid. 3.3 et les références; arrêts 1B_486/2017 du 10 avril 2018 consid. 3.2; 2C_461/2014 du 10 novembre 2014 consid. 4.1). L'activité accessoire en revanche, en tant qu'elle ne relève pas du mandat typique, n'est pas couverte par le secret professionnel; tel est notamment le cas en matière de compliance bancaire (ATF 143 IV 462 consid. 2.2 et les références). Lorsqu'au sein d'un même mandat, l'avocat mélange les activités typiques et l'activité commerciale accessoire, la question de l'étendue du secret professionnel doit être résolue par un examen concret de ces différentes activités (ATF 115 Ia 197 consid. 3d).
3.1.1. Dans son arrêt du 20 septembre 2016 (1B_85/2016), le Tribunal fédéral a considéré que lorsqu'une banque charge une étude d'avocats d'une enquête interne suite à des actes notamment de blanchiment commis par l'un de ses employés, le secret professionnel peut être invoqué, en dehors d'un mandat de défense, lorsqu'il s'agit d'activités de conseil sur des points juridiques concernant la compliance en matière de blanchiment d'argent (consid. 6.1). En revanche, lorsque la banque délègue à l'avocat l'exécution de ses propres obligations en matière de compliance et de contrôle, qui relèvent de ses tâches essentielles, elle ne peut invoquer le secret professionnel. Selon l'art. 7 LBA, l'intermédiaire financier doit établir des documents relatifs aux transactions effectuées ainsi qu'aux clarifications requises en vertu de la présente loi de manière à ce que des tiers experts en la matière puissent se faire une idée objective sur les transactions et les relations d'affaires ainsi que sur le respect des dispositions de la présente loi (al. 1). Il vérifie périodiquement si les documents requis sont actuels et les met à jour si nécessaire. La périodicité, l'étendue et la méthode de vérification et de mise à jour sont fonction du risque que représente le cocontractant (al. 1bis). Il conserve les documents de manière à pouvoir satisfaire, dans un délai raisonnable, aux éventuelles demandes d'informations ou de séquestre présentées par les autorités de poursuite pénale (al. 2). Cette obligation de documenter est un devoir propre de la banque qui persiste tout au long de la relation d'affaire et que celle-ci peut faire réaliser par ses propres services, ou déléguer à des entreprises spécialisées. Lorsqu'elle choisit de recourir aux services d'un cabinet d'avocats, elle ne peut donc pas invoquer intégralement le secret professionnel (consid. 6.6 et 7.1) puisque cela reviendrait à se soustraire à sa propre obligation de documenter. La réalisation par un avocat d'une enquête interne destinée à mettre en oeuvre les devoirs de diligence imposés à la banque (analyse et surveillance des transactions, y compris les entretiens avec les collaborateurs) n'est ainsi pas soumise au secret professionnel.
3.1.2. Dans son arrêt du 21 mars 2018 (1B_433/2017), le Tribunal fédéral a confirmé que, dans le cadre d'un mandat mixte, les éléments de conseils juridiques donnés par l'avocat devaient être distingués des éléments relevant de la compliance proprement dite et du contrôle et de l'obligation correspondante de documenter incombant à la banque (consid. 4.13). Il a rappelé que le devoir d'établir et de conserver les documents résulte de l'art. 22 de l'ordonnance de la FINMA sur le blanchiment d'argent (OBA-FINMA, RS 955.033.0), qui impose à l'intermédiaire financier d'établir, d'organiser et de conserver sa documentation de manière à pouvoir donner suite dans un délai raisonnable, documents à l'appui, aux demandes d'information et de séquestre des autorités de poursuites pénales ou d'autres autorités habilitées (al. 2). Une enquête interne ou un audit complexe impliquant l'examen de nombreux documents et des communications internes, ainsi que l'interrogatoire de collaborateurs, peuvent être confiés à l'organe de contrôle de la banque ou à des sociétés de révision ou d'audit et ne constituent pas des activités typiques de l'avocat (consid. 4.16).
Le détenteur de documents qui s'oppose à la levée des scellés doit apporter des indications suffisantes quant à l'existence d'un secret professionnel. Ainsi, après renvoi de la cause à l'instance précédente, le Tribunal fédéral a, lors d'un second examen, considéré que l'objection tirée de l'existence d'un secret professionnel devait être suffisamment explicitée; l'indication selon laquelle tous les documents examinés par des avocats seraient automatiquement soumis au secret, était insuffisante (arrêt 1B_453/2018 du 6 février 2019).
3.1.3. La recourante s'appuie sur les divers avis de doctrine exprimés au sujet de cette jurisprudence. Elle relève en particulier que l'exigence d'un mandat de défense proprement dit - lié à une procédure dirigée contre la banque - n'est pas nécessaire à la reconnaissance d'un secret professionnel; l'activité de conseil juridique, notamment sur les suites à donner à une éventuelle irrégularité interne ou à des soupçons de blanchiment, serait couverte par le secret (RAEDLER/CHAPPUIS, Les enquêtes internes et le secret professionnel de l'avocat: la fin d'une époque? Anwaltsrecht/Droit de l'avocat 6/7/2018 p. 297 ss, 302; CSOPORT/GEHRIG, Zum Anwaltsgeheimnis bei internen Untersuchungen im Finanz-marktbereich, in: Jusletter 10 avril 2017 p. 30; GROTH/ FERRARI-VISCA, Höchsrichterlicher Angriff auf das Anwaltsgeheimnis, GesKR - Gesellschafts- und Kapitalmarktrecht 2016 p. 493 ss, 502; ROMAN, Interne Untersuchungen und Anwaltsgeheimnis, GesKR 2019 p. 65 ss, 77). L'existence d'une tâche relevant exclusivement du monopole des avocats ne serait pas non plus une condition pour reconnaître l'existence d'un secret professionnel (GROTH/FERRARI-VISCA, op. cit., p. 502; CSOPORT/GEHRIG, op. cit., p. 32). Enfin, la doctrine relève que l'établissement des faits fait naturellement partie de l'activité typique de l'avocat, puisqu'il s'agit du préalable nécessaire à l'appréciation juridique de la situation (GROTH/FERRARI-VISCA, op. cit., p. 501; CSOPORT/GEHRIG, op. cit., p. 31; BENOÎT CHAPPUIS, Enquête interne et secret professionnel, Anwaltsrecht/Droit de l'avocat 1/2017 p. 40 ss, 43).
3.1.4. Il n'est toutefois nullement contestable que lorsque l'avocat se substitue à la banque ou assiste cette dernière dans l'exécution de tâches qui lui incombent de par la réglementation anti-blanchiment, le secret professionnel n'est pas applicable. La difficulté provient du fait qu'il est difficile, au sein d'un même mandat, de distinguer clairement les deux types d'activité. Lorsque l'avocat effectue un mandat mixte, comprenant aussi bien des conseils juridiques que des tâches de contrôle et d'audit en lien avec le respect des obligations anti-blanchiment, il lui appartient de prendre les mesures nécessaires pour permettre de distinguer ses activités typiques des autres. Cela peut impliquer la tenue de dossiers différents, voire même la constitution d'équipes séparées, de façon que les rôles des intervenants soient clairement définis en fonction de leurs missions respectives et que leur production puisse ainsi être soumise, sans contestation possible, au régime juridique qui lui est propre. L'étude d'avocat qui accepte un tel mandat mixte doit être consciente de cette problématique et prendre les mesures adéquates pour que les informations couvertes par le secret restent isolées des autres (CHAPPUIS, op. cit. in Anwaltsrecht/Droit de l'avocat 1/2017 p. 40 ss, 44-45). En particulier, le client et son avocat doivent mettre sur pied un mode de travail et de communication respectant strictement cette séparation, de sorte que les mémos, e-mails, rapports d'entretiens et tous autres documents ne concernent que l'une des catégories, sans comporter aucun mélange (CHAPPUIS, Les conflits d'intérêts et le secret professionnel de l'avocat, La jurisprudence récente, in Bernasconi/Passucci (éd.) Professione Avvocato, 2021, p. 21 ss, 29); la documentation concernant les obligations découlant de la LBA devrait être conservée parallèlement afin de pouvoir être mise à disposition de l'autorité (RAEDLER/CHAPPUIS, op. cit., p. 302). En outre, en présence d'un document qui pourrait apparemment relever des deux types d'activité de l'avocat, il appartient à la banque d'apporter des éclaircissements nécessaires afin de démontrer l'existence d'un secret protégé.
3.2. Sur le vu de ces principes, la recourante relève à juste titre que ce sont les circonstances concrètes du cas d'espèce, soit l'objet et le but véritable de l'activité déployée par l'avocat, qui permettent de déterminer si l'on se trouve dans le cadre d'une activité typique ou accessoire de celui-ci (arrêt 1B_433/2017 précité consid. 4.3; TEICHMANN/CAMPRUBI, Neueste Praxis des Bundesgerichts zum Siegelprivileg von Anwälten im Kontext des GwG, forumpoenale 1/2021 p. 37-43, 40). En revanche, si l'absence de documents établis par l'établissement financier en exécution de ses propres obligations peut permettre de présumer que l'avocat est intervenu à la place de celui-ci, à l'inverse l'existence et la production de tels documents n'empêchent pas que l'intervention de l'avocat puisse également empiéter sur les obligations de la banque. Le fait que l'avocat soit intervenu après les infractions commises par l'employé ne suffit pas non plus pour y voir une activité typique, pas plus que le fait que l'avocat ait dû - comme c'est le cas pour toute enquête interne - établir les faits: assurément, la clarification des faits et les conseils donnés à la banque pour déterminer les conséquences juridiques des détournements opérés par son employé relèvent de l'activité typique de l'avocat, mais il n'en va pas de même des constatations opérées indépendamment, afin notamment de déceler les éventuels manquements de la banque elle-même.
4.
A la lumière de ces principes, il y a lieu d'examiner les arguments de la recourante en rapport avec les différentes pièces remises sous scellés.
4.1. Le sous-dossier n° 1.1 comprend quatre documents établis par la banque à l'attention de ses avocats. Selon le Tmc, les deux premiers documents (160317 [...] et 160318 [...]) ne comportaient aucune mention de destination aux avocats de la banque. L'un d'eux apparaissait en pièce jointe à un e-mail destiné notamment à un avocat, mais le contenu des deux documents était le reflet des tâches de la banque. Le troisième document (160323 [...] portait un nom différent de celui figurant dans la pièce remise par la recourante. Le quatrième (190129 [...]), estampillé comme adressé à un avocat, n'était que la reprise d'une partie des éléments sous enquête et qui entraient dans le devoir de surveillance de la banque.
La recourante affirme que les quatre documents ont été établis dans le but exclusif d'être utilisés par ses conseils; pour les trois premiers, elle avait produit en instance cantonale des échanges entre l'auteur des rapports et l'étude d'avocats, mentionnant ou joignant les documents en question. Le quatrième indique explicitement qu'il a été préparé pour l'étude d'avocats.
Le premier et le troisième documents ne comportent ni auteur, ni desti-nataire. Le second mentionne son auteur, mais pas de destinataire particulier; il est daté de mars 2016. Ces trois documents sont certes mentionnés ou annexés à des e-mails adressés notamment à l'étude d'avocats. Cependant, rien n'indique qu'ils auraient été préparés d'emblée par la banque dans le but exclusif de permettre à son mandataire de la conseiller ou de la défendre. Un document préexistant ne saurait bénéficier du secret professionnel du simple fait qu'il aurait par la suite été remis à un avocat (ATF 143 IV 462 consid. 2.3). Le quatrième document est certes explicitement destiné à un avocat; toutefois, pas plus son contenu que les explications de la recourante ne permettent d'affirmer qu'il aurait été établi dans le cadre du mandat de conseil ou de défense proprement dit. L'existence d'un secret protégé n'est dès lors pas démontré.
4.2. Le sous-dossier n° 1.2 comprend quatre rapports d'enquête établis par l'étude C.________. Le Tmc a considéré qu'il s'agissait de la première des deux études chargées d'analyser la situation suite aux agissements de B.________ et que les documents étaient de nature mixte puisqu'ils consistaient en une compilation des résultats des recherches du cabinet d'audit ou en un support de la gestion disciplinaire de la banque et, d'autre part, du conseil légal au regard de la situation générée par les agissements de B.________. Assimilant ce travail à celui d'une société d'audit, le Tmc a considéré qu'il ne pouvait bénéficier du secret professionnel.
4.2.1. Le premier document (151006 [...] (Privileged and Confidential), daté du 6 octobre 2015, comporte 29 pages. Une grande part de ce document est consacrée à l'établissement des faits relatifs aux malversations de B.________, à l'égard des clients concernés; il s'agit d'une première évaluation des risques encourus par l'établissement. Un chapitre de ce document est consacré aux risques potentiels encourus par la banque et le chapitre suivant expose les recommandations pour les démarches ultérieures. Ce document, qui porte la mention "Privileged and Confidential Attorney Work Product", précise qu'il a été réalisé dans le cadre d'une relation avocat-client en vue d'éventuelles procédures (chapitre I ch. 6). Force est de constater qu'il relève typiquement de l'activité de conseil d'un bureau d'avocats et que, dans ce cadre, l'établissement des faits qui y figure - même s'il a été réalisé sur la base du travail d'un consultant externe et comporte certains aspects relevant des obligations de la banque - doit aussi demeurer couvert par le secret professionnel. C'est dès lors l'intégralité de ce document - et non seulement la partie considérée comme une composante juridique par le Tmc - qui doit demeurer secrète.
4.2.2. Il en va de même du document 151016, soit un Memorandum du 16 octobre 2015 consistant en une actualisation du document précédent, de nature juridique identique.
4.2.3. Le document 151130 ([...]), du 30 novembre 2015, porte comme l'indique son titre sur les éventuelles mesures disciplinaires à prendre à l'encontre des employés potentiellement impliqués. Après les interrogatoires de ces employés, le rapport recommande de renoncer à des mesures disciplinaires pour certains d'entre eux, et propose diverses mesures à l'encontre de certains autres. Contrairement à ce que retient le Tmc, l'étude d'avocat ne s'est pas substituée à l'employeur en matière de sanctions disciplinaires, mais a prodigué divers conseils, fondés en particulier sur la réglementation de l'établissement. Il s'agit d'une activité typique d'avocat (conseils juridiques en faveur d'un employeur), et l'ordonnance attaquée doit être également réformée sur ce point.
4.2.4. Les documents suivants (151208, 151209 et 151210) sont intitulés [...]. Il s'agit de présentations Powerpoint destinées au comité d'audit de la banque sur les investigations menées à propos des agissements de B.________. Contrairement à ce que retient le Tmc, le simple fait que ces documents soient destinés au comité d'audit de la banque ne suffit pas pour retenir qu'ils procéderaient des obligations découlant de la LBA. Ces documents contiennent, comme les précédents, des éléments de conseils sur les démarches juridiques, et doivent, au même titre que ceux-ci, demeurer secrets, tout comme les faits sur lesquels ils sont fondés.
4.3. Les documents figurant sous n° 1.3 ont été établis par la deuxième étude (Etude D.________) chargée par la banque d'analyser la situation suite aux événements reprochés à B.________.
4.3.1. Le document n° 171017 est un mémorandum daté du 17 octobre 2017 au sujet de l'origine de certains fonds en rapport avec l'un des comptes concernés par les malversations. Force est de reconnaître, avec le Tmc, que ce document ne contient que des constatations factuelles, sans aucun conseil d'ordre juridique sur les risques encourus ou les suites à donner. Il s'agit d'une pure activité de controlling relative notamment à l'origine des fonds et au suivi des transactions, à la charge de la banque. Le secret professionnel de l'avocat n'est pas opposable.
4.3.2. Le document n° T-021 ([...]), du 10 avril 2016, est lui aussi purement descriptif. La recourante prétend qu'il aurait été établi "dans le but de procéder à un examen juridique de la situation", mais il ne contient pas pour autant d'éléments de conseil propres à l'activité d'avocat.
4.3.3. Le document n° T-033 contient lui aussi une description de la relation avec un client particulier. La recourante relève que ce document, provisoire, aurait été établi dans le but d'évaluer les risques encourus par la banque, en particulier ceux liés à un éventuel procès contre le client concerné, ainsi que la responsabilité des employés. De telles considérations juridiques font toutefois défaut, de sorte que le document en question se limite lui aussi à un exposé des faits. La levée des scellés apparaît également justifiée en ce qui le concerne.
4.4. Le dossier 1.4 comprend quatorze sous-dossiers, soit au total vingt-trois documents. Le dossier 1.5 comprend sept documents. La recourante admet, comme l'expose le Tmc, qu'il s'agit de rapports d'enquête portant sur l'arrière-plan factuel relatif aux agissements illicites de B.________. Ces rapports ont été établis par les sociétés E.________ et F.________, soit des sociétés d'audit, de consulting et d'analyse de données de masse, sur mandat des deux études d'avocats précitées. La recourante affirme qu'il s'agirait d'auxiliaires, dont le travail serait lui aussi soumis au secret de l'avocat. Les documents en question se sont toutefois trouvés directement en possession de la banque et ont été produits par celle-ci dans le cadre de la procédure connexe dirigée contre B.________. Dans la mesure où ces documents ne font qu'établir des faits, notamment les actions effectuées dans le cadre de la gestion des comptes des parties plaignantes, ils relèvent de l'obligation de contrôle et de compliance et sont eux aussi soustraits au secret professionnel.
5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis. L'ordonnance du Tmc doit être réformée (ch. 2, 3 et 4 du dispositif) en ce sens que les scellés ne sont pas levés en ce qui concerne les documents 151006, 151016, 151130, 151208, 151209 et 151210. L'ordonnance est confirmée pour le surplus. La recourante, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à des dépens réduits, à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 2 LTF). Les frais judiciaires, également réduits, sont mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 et 4 LTF). La cause est renvoyée au Tmc pour nouvelle décision sur les frais et indemnités de la procédure cantonale.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'ordonnance du Tmc du 24 août 2022 est réformée (ch. 2, 3 et 4 du dispositif) en ce sens que les scellés ne sont pas levés en ce qui concerne les documents 151006, 151016, 151130, 151208, 151209 et 151210. L'ordonnance est confirmée pour le surplus. La cause est renvoyée au Tmc pour nouvelle décision sur les frais et indemnités de la procédure cantonale.
2.
Une indemnité de dépens réduite de 2'000 fr. est allouée à la recourante, à la charge du canton de Genève.
3.
Les frais judiciaires réduits, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève et au Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 2 mars 2023
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz