1B_635/2022 15.06.2023
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1B_635/2022, 1B_636/2022
Arrêt du 15 juin 2023
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Müller, Juge présidant,
Merz et Kölz.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Maîtres Carlo Lombardini et Alain Macaluso,
recourante,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Procédure pénale; levée de scellés,
recours contre les décisions du Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève des 1er et 8 décembre 2022 (P/9702/2015 14 AIL DMLSC [1B_635/2022]), ainsi que des 1er, 5 et 8 décembre 2022 (P/9702/2015 16 ESP DMLSC [1B_636/2022]).
Faits :
A.
Le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après : le Ministère public) instruit une procédure pénale pour abus de confiance, escroquerie, gestion déloyale et faux dans les titres à l'encontre d'employés - actuels ou anciens - de la banque A.________ SA (cause P/9702/2015).
Dans ce cadre, une perquisition a été effectuée le 28 juin 2022 dans les locaux de l'établissement bancaire précité. A notamment été saisi l'intégralité des courriers se trouvant sur les messageries électroniques professionnelles de B.________ et C.________ - prévenus (ci-après : les deux prévenus; cause P/9702/2015 14 AIL DMLSC) -, ainsi que de D.________, E.________, F.________, G.________ et H.________ (ci-après : les autres intéressés; cause P/9702/2015 16 ESP DMLSC).
Le 18 août 2022 pour les deux prévenus, respectivement le 27 septembre 2022 pour les autres intéressés, la banque A.________ SA a remis au Ministère public deux clés USB cryptées contenant les courriers électroniques issus de leur boîte de messagerie électronique professionnelle; elle a également requis leur mise sous scellés.
Par requêtes du 7 septembre (cause P/9702/2015 14 AIL DMLSC) et du 17 octobre 2022(cause P/9702/2015 16 ESP DMLSC), le Ministère public a requis auprès du Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (ci-après : Tmc) la levée des scellés.
Par courriers du 1er décembre 2022, les deux Juges du Tmc en charge de ces demandes ont informé la banque A.________ SA que les données - extraites des fichiers cryptés remis - avaient été indexées et enregistrées sur de nouvelles clés USB, lesquelles lui seraient remises contre quittance; un délai lui était imparti pour qu'elle indique en substance pour chaque document/groupe de documents le secret les couvrant et en quoi celui-ci primerait l'intérêt public à la recherche de la vérité. Dans le courrier précité relatif à la cause P/9702/2015 16 ESP DMLSC, il a été indiqué que les autres intéressés avaient été interpellés.
Le 2 décembre 2022, la banque A.________ SA a requis du Tmc à ce que les autres personnes concernées par le tri des données sous scellés ne puissent obtenir une copie de la clé USB en raison des éléments confidentiels qu'elle contenait; une possibilité de consultation pour ces personnes devait être mise en place dans les locaux du Tmc.
Par courriers des 5 (cause P/9702/2015 16 ESP DMLSC) et 8 décembre 2022 (P/9702/2015 14 AIL DMLSC et P/9702/2015 16 ESP DMLSC), les Juges du Tmc ont précisé que les prévenus et les autres intéressés n'avaient accès qu'à leur propre messagerie, dont ils connaissaient a priori le contenu, et qu'il leur avait également été fait interdiction de copier ou de conserver des données remises sous la menace des peines de l'art. 292 CP; ces modalités sauvegardaient les intérêts de la banque A.________ SA; cette dernière demeurait libre de contacter les prévenus et/ou les autres intéressés afin de se concerter; les autres intéressés avaient en outre été autorisés à s'en remettre pour le tri à la banque et à ses conseils.
B.
Par deux actes du 14 décembre 2022 (causes 1B_635/2022 [P/9702/2015 2015 14 AIL DLMLSC] et 1B_636/2022 [P/9702/2015 16 ESP DMLSC]), la banque A.________ SA forme des recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre les courriers du Tmc des 1er, 5 et 8 décembre 2022, concluant à leur annulation, au renvoi de la cause aux autorités précédentes en leur enjoignant de ne pas remettre de données sous scellés dans la procédure P/9702/2015 à qui que ce soit, à l'exception (i) d'un éventuel expert à désigner par le Tmc, (ii) d'elle-même ou (iii) de ses conseils; de récupérer toute éventuelle donnée sous scellés dans la procédure précitée d'ores et déjà remise; et d'autoriser toute personne concernée par la procédure de levée des scellés à consulter les données les concernant exclusivement au greffe du Tmc ou, alternativement dans les locaux sécurisés et sur les machines sécurisées de l'éventuel expert à désigner par le Tmc ou à l'étude de ses conseils. Subsidiairement, la recourante demande le renvoi des causes à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. A titre superprovisionnel, la recourante demande qu'aucune donnée sous scellés ne soit remise à qui ce que soit, à l'exception d'elle-même ou de ses conseils, jusqu'à droit jugé sur l'effet suspensif; elle requiert également, à titre superprovisionnel et provisionnel, qu'ordre soit donné au Tmc de récupérer immédiatement toute clé USB contenant les données sous scellés qui aurait d'ores et déjà été remise à toute personne ou entité autre qu'elle-même ou ses conseils et que l'effet suspensif soit ensuite accordé à ses recours.
Le Tmc s'en est remis à justice s'agissant des requêtes d'effet suspensif, ainsi que de la recevabilité des recours, concluant pour le surplus au rejet des recours; il a en particulier indiqué qu'il avait obtenu la restitution des clés USB remises aux conseils des deux prévenus. Le Ministère public ne s'est pas opposé à la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles; il a conclu au rejet des recours. Le 30 janvier 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.
Par ordonnances du 9 janvier 2023, le Juge présidant de la Ire Cour de droit public a admis les requêtes d'effet suspensif et de mesures provisionnelles dans la mesure où elles n'étaient pas sans objet.
Considérant en droit :
1.
Les recours dans les causes 1B_635/2022 et 1B_636/2022 sont dirigés contre des décisions rendues formellement dans des procédures de levée des scellés menées séparément et par deux Juges différents du Tmc. Cela étant, le contenu de ces prononcés tend, dans les deux causes, à autoriser la transmission pour détermination d'une clé USB contenant les données relatives à des boîtes électroniques de messageries aux prévenus (1B_635/2022; P/9702/2015 14 AIL DMLSC), respectivement aux autres intéressés (1B_636/2022; P/9702/2015 16 ESP DMLSC); les modalités pour ce faire sont en outre en substance similaires (cf. notamment l'interdiction de copie et de conservation sous menace des peines prévues à l'art. 292 CP). Les deux mémoires de recours formés par la recourante sont enfin identiques.
Partant et pour des raisons d'économie de procédure, il se justifie de joindre ces deux causes et de statuer dans un seul arrêt (art. 24 al. 3 PCF applicable par analogie vu le renvoi de l'art. 71 LTF).
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1 p. 335).
2.1. Conformément à l'art. 393 al. 1 let. c CPP, un recours n'est ouvert contre les décisions du Tmc que dans les cas prévus par ledit code (cf. art. 380 CPP). Aux termes de l'art. 248 al. 3 let. a CPP, cette juridiction statue définitivement sur la demande de levée des scellés au stade de la procédure préliminaire. Le code ne prévoit pas de recours cantonal contre les autres décisions rendues par le Tmc dans le cadre de la procédure de levée des scellés. La voie du recours en matière pénale au Tribunal fédéral est ainsi en principe directement ouverte contre de tels prononcés (art. 80 al. 2 in fine LTF; ATF 143 IV 462 consid. 1 p. 465).
2.2. S'agissant de l'objet du litige, les décisions attaquées permettent en substance aux deux prévenus et autres intéressés d'obtenir, par le biais de la transmission d'une clé USB, une copie des éléments sous scellés à des fins de consultation. Il s'agit donc de prononcés en lien avec l'exercice du droit d'accès au dossier relatif à la procédure de levée des scellés, parmi lequel figurent les éléments sous scellés (voir sur cette problématique arrêt 1B_279/2021 du 4 février 2022 consid. 2.3.1 et les arrêts cités).
La recourante ne conteste pas le droit de ces autres intervenants à consulter l'intégralité des données sous scellés les concernant, mais uniquement les modalités retenues par le Tmc pour permettre cet exercice, à savoir la transmission en mains propres des éléments copiés sur une clé USB. A cet égard, la question d'un mot de passe pour avoir accès au contenu des clés USB en cause n'est plus litigieuse vu l'accord du Tmc sur ce point manifesté au cours de la procédure fédérale (cf. ad ch. 9 p. 2 de ses déterminations du 22 décembre 2022).
2.3. Les décisions entreprises ne mettent pas un terme à la procédure pénale, respectivement à celles relatives à la levée des scellés menées par le Tmc. Elles ont donc un caractère incident. Dans une telle situation, le recours au Tribunal fédéral n'est ouvert qu'en présence d'un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF; sur cette notion, ATF 147 IV 188 consid. 1.3.2 p. 191; 144 IV 127 consid. 1.3.1 p. 130). Une décision de levée des scellés est en principe susceptible de causer un tel préjudice lorsque, selon le recourant, la levée des scellés porterait atteinte à des secrets protégés (ATF 143 IV 462 consid. 1 p. 465; 140 IV 28 consid. 4.3.6. p. 37). Tel n'est en revanche pas le cas de décisions relatives à la procédure de tri (cf. en particulier la désignation d'un expert) car la question de la levée des scellés, ainsi que de son ampleur n'est pas encore tranchée et ne le sera qu'ultérieurement (arrêts 1B_401/2021 du 19 avril 2022 consid. 1.3; 1B_428/2020 du 3 février 2021 consid. 1.4 et les arrêts cités). Un préjudice irréparable a cependant été reconnu lorsque les modalités du tri envisagé - soit la désignation d'un membre de la police en tant qu'expert - pouvaient permettre aux autorités de poursuite pénale de prendre connaissance du contenu des pièces sous scellés avant la décision relative à cette mesure (arrêt 1B_90/2016 du 8 septembre 2016 consid. 1.4 publié in Pra 2017 76 754).
En l'occurrence, la recourante ne prétend pas que les décisions attaquées permettraient au Ministère public ou à d'autres autorités de poursuite pénale de prendre connaissance, préalablement à une décision sur le fond du Tmc, du contenu des éléments sous scellés. Elle soutient en revanche que leur transmission à des tiers, par le biais de clés USB, induirait des risques de destruction et/ou de divulgation; dans cette seconde situation, il pourrait en découler une violation du secret des affaires (cf. art. 162 CP) ou de celui bancaire (cf. art. 47 de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne [LB; RS 952]), dont elle serait la garante eu égard notamment à ses clients.
S'agissant d'une éventuelle détérioration des données par les autres participants à la procédure de levée des scellés, cela ne saurait en l'espèce constituer un préjudice irréparable. La recourante ne prétend en effet pas que le Tmc n'aurait pas conservé une copie de l'ensemble des données et/ou qu'il ne disposerait plus des clés USB cryptées originales qu'elle lui avait remises.
En ce qui concerne ensuite l'éventualité d'une divulgation des données, le mode choisi par les Juges du Tmc induit que les éléments prétendument protégés par les secrets invoqués par la recourante ne se trouveront plus sous la maîtrise des Juges du Tmc. Au stade de la recevabilité, tout risque de révélation de ces données à des tiers à la procédure de scellés - à l'encontre de qui en outre les secrets invoqués pourraient être applicables - ne peut être ainsi d'emblée exclu. Une telle hypothèse ne peut pas non plus être écartée du seul fait que certains des autres intéressés pourraient être encore soumis au secret bancaire, puisque la divulgation pourrait également résulter d'une manipulation informatique involontaire, d'une perte de la clé USB et/ou d'un vol de celle-ci. Aucune décision ultérieure - y compris celle qui maintiendrait, le cas échéant, les scellés - ne pourrait faire disparaître le dommage alors éventuellement causé. Il y a donc lieu d'admettre en l'espèce l'existence d'un préjudice irréparable (cf. art. 93 al. 1 al. let. a LTF).
2.4. Pour le surplus, la recourante, en tant que détentrice des éléments saisis qui seraient notamment protégés par le secret bancaire ou le secret commercial invoqués, dispose d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification des décisions entreprises (cf. art. 81 al. 1 let. a et b LTF) et les autres conditions de recevabilité (cf. notamment les art 100 al. 1 et 107 al. 2 LTF) sont réunies.
Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
3.
La recourante reproche en substance à l'autorité précédente d'avoir autorisé la transmission aux deux prévenus et aux autres intéressés des données sous scellés par le biais de clés USB. Selon la recourante, ce mode de procéder ne permettrait pas de garantir que ces éléments - contenant des informations confidentielles soumises en particulier au secret bancaire - ne seraient pas ensuite transmis à des tiers, que ce soit de manière volontaire ou indépendante en raison d'un manque de sécurité informatique, d'un vol ou d'une perte.
3.1. Concrétisant le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), ainsi que les garanties relatives à un procès équitable et aux droits de la défense (art. 6 par. 3 CEDH et 32 al. 2 Cst.), les art. 101 al. 1 et 107 al. 1 let. a CPP permettent aux parties - dont fait partie le prévenu (cf. art. 104 al. 1 let. a CPP) - de consulter le dossier de la procédure pénale (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1 p. 221 s.; arrêt 1B_601/2021 du 6 septembre 2022 consid. 3.2), respectivement celui relatif à une procédure de levée des scellés (actes de la procédure proprement dits et, selon les circonstances et vu le devoir de collaboration, les éléments sous scellés; arrêt 1B_279/2021 du 4 février 2022 consid. 2.3.1). Les autres participants à la procédure au sens de l'art. 105 al. 1 CPP disposent également des droits de partie - dont l'accès au dossier - dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts (cf. art. 105 al. 2 CPP; arrêts 1B_321/2021 du 29 octobre 2021 consid. 1.3; 1B_612/2019 du 13 mai 2020 consid. 4.3).
Le droit à l'accès au dossier comprend celui de consulter les pièces au siège de l'autorité (cf. art. 102 al. 2 1ère phrase CPP; voir ATF 131 V 35 consid. 4.2 p. 41; arrêt 2C_764/2022 du 16 février 2023 consid. 4.1; BRÜSCHWEILER / GRÜNDIG, in DONATSCH/LIEBER/SUMMERS/WOHLERS [édit.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], Art. 1-195, 3e éd. 2020, n° 4 ad art. 102 CPP; JOËLLE FONTANA, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 2 ad art. 102 CPP; MARKUS SCHMUTZ, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 1-195 StPO, 2e éd. 2014, n° 4 ad art. 102 CPP). Il ne confère en revanche pas le droit de se voir notifier les pièces du dossier à domicile ou des copies de celui-ci (ATF 122 I 109 consid. 2b p. 112; arrêts 6B_871/2022 du 15 février 2023 consid. 3.1.1; 6B_382/2022 du 12 septembre 2022 consid. 2.2). En règle générale, les dossiers sont remis à d'autres autorités, ainsi qu'aux conseils juridiques des parties (art. 102 al. 2 2ème phrase CPP). Rien n'empêche cependant l'autorité pénale en cause de limiter le droit des avocats à recevoir le dossier (cf. arrêt 1B_275/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.2 in fine et les arrêts cités; voir également BRÜSCHWEILER / GRÜNDIG, op. cit., n° 4 ad art. 102 CPP; FONTANA, op. cit., n° 2 ad art. 102 CPP; SCHMID/JOSITSCH, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 3e éd. 2018, n° 7 ad art. 102 CPP) ou d'adresser le dossier aux parties elles-mêmes ou aux autres participants à la procédure, ainsi qu'à des tiers et les conseils de ces deux derniers (FONTANA, op. cit., n° 2 ad art. 102 CPP; SCHMUTZ, op. cit., n° 4 ad art. 102 CPP).
3.2. Le droit à la consultation du dossier n'est toutefois pas absolu, l'art. 101 al. 1 CPP réservant expressément l'art. 108 CPP (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.2 p. 222). Cette disposition prévoit notamment que les autorités pénales peuvent restreindre le droit d'une partie à être entendue, et partant à consulter le dossier, lorsqu'il y a de bonnes raisons de soupçonner que cette partie abuse de ses droits (art. 108 al. 1 let. a CPP) ou lorsque cela est nécessaire pour assurer la sécurité de personnes ou pour protéger des intérêts publics ou privés au maintien du secret (art. 108 al. 1 let. b CPP). Les restrictions sont limitées temporairement ou à des actes de procédure déterminés (art. 108 al. 3 CPP) et, tant que le motif qui a justifié la restriction subsiste, les autorités pénales ne peuvent fonder leurs décisions sur des pièces auxquelles une partie n'a pas eu accès que si celle-ci a été informée de leur contenu essentiel (art. 108 al. 4 CPP). Lorsque le motif qui a justifié la restriction disparaît, le droit d'être entendu doit être accordé sous une forme adéquate (art. 108 al. 5 CPP).
Si les autorités pénales disposent d'une certaine marge d'appréciation pour le type de restrictions à ordonner - dont font par exemple partie l'interdiction d'enregistrer et/ou d'utiliser des données dans le cadre d'une procédure étrangère préalablement à une décision en matière d'entraide -, le principe de proportionnalité doit être respecté (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.2 p. 222; arrêts 1B_601/2021 du 6 septembre 2022 consid. 3.2.1; 1B_350/2020 du 28 mai 2021 consid. 6.3).
3.3. En vertu de l'art. 108 al. 2 CPP, il n'est licite de frapper de restrictions les conseils juridiques des parties qu'en raison de motifs tenant à leur comportement. Il n'est à cet égard pas exclu que le conseil juridique puisse avoir accès à certains documents alors même que son client n'est pas autorisé à en prendre directement connaissance (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.3 p. 222; Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale [FF 2006 1057 1143]). Ce statut privilégié repose sur la considération qu'en tant qu'auxiliaire de la justice, l'avocat doit exercer son mandat avec diligence, ainsi qu'en toute indépendance (art. 12 let. a et b de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats [LLCA; RS 935.61]) et doit s'abstenir de tout procédé allant au-delà de ce qu'exige la défense de son client. Sur ce point, l'avocat bénéficie d'une présomption qui permet notamment de recevoir en mains propres et sous sa propre responsabilité les éléments du dossier, indépendamment des doutes qui pourraient exister à l'égard de son client (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.3 p. 222 s.).
En particulier, un enregistrement vidéo de la déposition d'une victime peut lui être transmis, avec interdiction de le laisser à la seule disposition de son mandant, ainsi que d'en effectuer des copies et à sa charge de prendre toutes les précautions afin d'empêcher que le contenu ne soit repris ou divulgué de quelque manière que ce soit (arrêts 1B_601/2021 du 6 septembre 2022 consid. 3.2.2 et les références citées). En revanche, interdire à un avocat de communiquer à son mandant le contenu d'un élément figurant au dossier pénal est de nature à empêcher une défense efficace des intérêts du mandant (ATF 146 IV 218 consid. 3.2.2 p. 223 s.; 139 IV 294 consid. 4.5 p. 300 s.). En outre, l'obligation de garder le silence prévue par l'art. 73 al. 2 CPP ne saurait concerner les communications internes entre le conseil juridique et son mandant, qu'il soit prévenu ou autre participant à la procédure, mais vise avant tout à empêcher les communications externes de faits secrets à des personnes étrangères à la procédure pénale (ATF 146 IV 218 consid. 3.2.3 p. 224 s.).
3.4. En l'occurrence, la procédure de scellés tend avant tout à soustraire des données potentiellement protégées par un secret de la connaissance des autorités pénales (ATF 148 IV 221 consid. 2.1 p. 224 s.; 142 IV 372 consid. 3.1 p. 374; arrêt 1B_426/2022 du 29 novembre 2022 consid. 1.2). Cette procédure particulière ne doit cependant pas non plus permettre l'accès de tiers à des données éventuellement confidentielles; cela vaut a fortiori si, à l'égard de ces derniers, les secrets ou les intérêts privés invoqués par le détenteur et/ou les autres ayant droits s'appliqueraient. Si un tel risque de divulgation existe, il appartient en conséquence à la direction de la procédure du Tmc (cf. art. 61 let. c ou d CPP) de prendre les mesures nécessaires pour ce faire (cf. art. 102 al. 1 CPP), notamment en fonction des circonstances du cas d'espèce (volume des pièces sous scellés, supports sur lesquelles elles se trouvent, secrets et intérêts à protéger, principe de célérité, etc).
Lors de cet examen, la direction de la procédure peut en particulier tenir compte du fait que les personnes concernées par la procédure de scellés sont représentées par un mandataire professionnel, à qui - sous réserve d'un cas au sens de l'art. 108 al. 2 CPP - peut en principe être remis le dossier pénal sans que cela n'appelle de considération particulière. On ne saurait écarter une telle possibilité du seul fait que ces personnes ne sont pas des parties proprement dites (cf. art. 104 al. 1 CPP), mais des autres participants à la procédure (cf. en particulier art. 105 al. 1 let. f CPP); en effet, dans ce cadre, ils bénéficient des droits de partie nécessaires à la défense de leurs intérêts, donc celui d'être assisté par un mandataire professionnel (cf. art. 107 al. 1 let. c et 127 al. 1 CPP; arrêts 1B_528/2022 du 3 avril 2023 consid. 5.3; 1B_565/2018 du 12 mars 2019 consid. 2.2 et l'arrêt cité). Dans la mesure où les données sous scellés ont été remises par le détenteur sur un support informatique que l'autorité peut conserver et copier sans difficulté, la remise d'une de ces copies sur une clé USB protégée par un mot de passe contre quittance pour consultation à l'avocat n'apparaît pas d'emblée exclue. Au regard de la nature particulière de la procédure de scellés et du caractère encore confidentiel des données en cause, une telle transmission à l'avocat peut être assortie de certaines obligations sous peine de l'amende prévue à l'art. 292 CP, à savoir en particulier (a) que la consultation par son mandant n'intervienne qu'en sa présence, (b) qu'il soit fait interdiction à ce dernier et son avocat (b.a) d'effectuer des copies, sous quelque forme que ce soit, des éléments consultés, ainsi que (b.b) de les transmettre à qui que ce soit et (c) qu'il doive restituer le support à l'issue de la consultation (cf. pour des exemples, arrêt 1B_601/2021 du 6 septembre 2022 consid. 3.5 et 4).
S'agissant en revanche des personnes qui ne seraient pas assistées par un mandataire professionnel, il ne saurait en aller de même, faute de pouvoir mettre en oeuvre un contrôle efficace de l'usage qui pourrait être fait des données sous scellés. L'hypothèse d'une sanction en application de l'art. 292 CP n'apparaît pas suffisante pour écarter tout risque de divulgation, notamment involontaire, pouvant résulter de la transmission, de l'utilisation et/ou de la conservation d'un support informatique en dehors d'un environnement pouvant apporter certaines garanties de confidentialité. Le fait que plusieurs des personnes concernées soient peut-être également soumises au secret bancaire et/ou à des obligations de discrétion au vu de leur emploi - passé ou présent - auprès de la recourante n'y change rien; en effet, si cela peut amener quelques assurances quant à la confidentialité du contenu, il n'en résulte aucune garantie s'agissant de manipulations suffisamment sécurisées du support en cause. Partant, la nature particulière de la procédure de scellés impose à l'égard de ces personnes que la règle générale s'applique, à savoir que la consultation soit mise en oeuvre au siège de l'autorité.
Au vu de ces considérations, le Tmc ne pouvait pas ordonner la remise des clés USB contenant les données aux deux prévenus et aux autres intéressés uniquement sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP et ce grief doit être admis.
3.5. Le Tribunal fédéral ne dispose toutefois pas des informations nécessaires pour statuer sur les mesures adéquates à prendre dans le présent cas afin d'assurer le droit de consultation des deux prévenus et des autres intéressés des données sous scellés.
Il appartient dès lors aux deux Juges du Tmc, lesquels ont au demeurant une meilleure connaissance des circonstances d'espèce, de déterminer qui est assisté par un mandataire professionnel, quelle (s) serai (en) t la/les mesure (s) particulière (s) à ordonner en cas de transmission d'un support - protégé par un mot de passe et remis en mains propres contre quittance - comportant les messageries relatives à leurs mandants et de mettre en oeuvre le droit de consultation des personnes qui ne bénéficieraient pas d'une telle assistance dans leurs locaux ou éventuellement par le biais d'un expert qu'ils auraient désigné.
4.
Il s'ensuit que les recours sont admis. Les décisions entreprises sont annulées et les causes sont renvoyées aux deux Juges du Tmc en charge des procédures de levée des scellés P/9702/2015 14 AIL DMLSC et P/9702/2015 16 ESP DMLSC pour nouvelles décisions au sens des considérants.
La recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance de mandataires professionnels, a droit à des dépens à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF); ce montant sera fixé en tenant compte de la jonction des causes et du fait que les recours déposés étaient identiques. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les causes 1B_635/2022 et 1B_636/2022 sont jointes.
2.
Les recours dans les causes 1B_635/2022 et 1B_636/2022 sont admis. Les décisions des directions de la procédure du Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève des 1er et 8 décembre 2022 (P/9702/2015 14 AIL DMLSC [1B_635/2022]), ainsi que des 1er, 5 et 8 décembre 2022 (P79702/2015 16 ESP DMLSC [1B_636/2022]) sont annulées et les causes sont renvoyées à ces deux autorités pour nouvelles décisions au sens des considérants.
3.
Une indemnité de dépens, fixée à 2'500 fr., est allouée à la recourante à la charge de la République et canton de Genève.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève et au Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 15 juin 2023
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Müller
La Greffière : Kropf