1C_169/2023 20.10.2023
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_169/2023
Arrêt du 20 octobre 2023
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Müller.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________ et consorts,
tous représentés par Me Claire Bolsterli,
avocate,
recourants,
contre
B.________ SA,
C.________ SA,
D.________ SA,
E.________ SA,
représentées par Mes Philippe Cottier et Romaine Zürcher, avocats,
intimées,
Ville de Genève, rue de l'Hôtel de Ville 4, 1204 Genève,
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8.
Objet
Autorisation de construire,
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 28 février 2023 (ATA/193/2023 - A/2768/2021-LCI).
Faits :
A.
La Ville de Genève est propriétaire des parcelles n os 2'631 et 2'643 de la commune de Genève-Eaux-Vives en zone de développement 3. Ces parcelles, non bâties, se situent au pied des immeubles d'habitation édifiés sur les parcelles nos 2'636 et 2'637, dont sont notamment copropriétaires A.________ et consorts (ci-après, les copropriétaires ou A.________ et consorts).
Les sociétés immobilières B.________ SA, D.________ SA et C.________ SA sont respectivement propriétaires des parcelles nos 3'523, 3'526 et 3'527 situées en zone de développement 3, au nord des parcelles des copropriétaires et de la Ville de Genève.
Le 31 mars 1993, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a adopté le plan localisé de quartier n° 28400 situé au plateau de Frontenex. Ce plan prévoyait la création d'un parc accessible au public pouvant accueillir des constructions et installations d'utilité publique sur la parcelle n° 2'643, propriété de la Ville de Genève, et la parcelle no 2'631, propriété de la Commune de Cologny qui devait être cédée gratuitement à la Ville de Genève. Le plan localisé de quartier valant pour partie plan de site n° 29281 "Plateau de Frontenex" adopté par le Conseil d'Etat le 17 décembre 2014 a remplacé partiellement le plan localisé de quartier n° 28400. Il prévoit la construction de deux bâtiments de logements sur les parcelles des sociétés immobilières ainsi qu'une place de jeux figurée entre les immeubles, dont l'emplacement exact sera déterminé dans le cadre de l'autorisation de construire. Cette autorisation a été délivrée et les deux bâtiments ont été construits. Des rangées de bouleaux ont été plantées entre les deux immeubles à l'emplacement indiqué pour l'aménagement de la place de jeux.
Le 29 mars 2021, le Conseil municipal de la Ville de Genève a autorisé le Conseil administratif à inscrire une servitude à destination de parc public sur la parcelle n° 2'631 ainsi qu'une servitude de passage à pied et véhicules à charge de la parcelle n° 2'893, propriété de la Ville, au profit des parcelles des sociétés immobilières, à charge pour celles-ci de procéder au réaménagement des parcelles n°s 2'643 et 2'893.
Les 25 et 26 mai 2021, les sociétés immobilières ont conclu avec la Ville de Genève un acte de constitution d'une servitude foncière d'aménagements extérieurs de parc public portant sur les parcelles nos 2'631 et 2'643 leur permettant de procéder avec l'accord de la Ville à tous les aménagements hors-sols des fonds grevés qu'elles souhaiteraient y faire exécuter à l'avenir, à charge pour elles d'en supporter, à raison d'un tiers chacune, tous les frais de réalisation, d'entretien, d'éclairage et de nettoyage. Elles ont également constitué une charge foncière destinée à garantir leur obligation.
Le 10 mai 2021, F.________, agissant notamment pour le compte des sociétés immobilières et de la Ville de Genève, a déposé une requête en autorisation de construire en procédure accélérée ayant pour objet la réalisation de cheminements et d'aménagements extérieurs ainsi que l'installation et la suppression de clôtures sur les parcelles nos 2'631 et 2'643. Le cheminement prévu se présente sous la forme d'un Y dont l'une des branches traverse la parcelle n° 2'643 et l'autre la parcelle n° 2'631. Deux embranchements de 1,5 mètre de large et d'une longueur respective de 10 et 7 mètres viennent le compléter. Le projet prévoyait également la plantation de nouveaux arbres.
Par décision du 23 juin 2021, le Département du territoire de la République et canton de Genève a délivré l'autorisation de construire sollicitée après avoir recueilli les préavis des offices cantonaux concernés par le projet, dont celui de l'Office cantonal de l'agriculture et de la nature.
Le Tribunal administratif de première instance a rejeté le recours déposé contre cette décision par les copropriétaires qui contestaient la nécessité du second cheminement prévu sur la parcelle n° 2'643 au terme d'un jugement rendu le 16 juin 2022.
La Chambre administrative de la Cour de justice a rejeté le recours interjeté par les copropriétaires contre ce jugement par arrêt du 28 février 2023.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt ainsi que l'autorisation de construire en procédure accélérée délivrée le 23 juin 2021 par le Département du territoire à F.________. Ils concluent subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour complément d'instruction concernant notamment la question de la dimension allergène de l'essence des arbres choisie au regard de l'art. 14 de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; rsGE L 5 05).
La Ville de Genève, le Département du territoire ainsi que les intimées concluent au rejet du recours.
Les recourants ont répliqué.
C.
Par ordonnance incidente du 9 mai 2023, le Président de la Cour de céans a admis la requête d'effet suspensif assortie au recours en tant qu'elle portait sur la plantation des bouleaux prévue dans l'autorisation de construire litigieuse et l'a rejetée pour le surplus.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants sont copropriétaires de parcelles directement voisines du cheminement litigieux et de la plantation de bouleaux projetée. Ils ont qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité sont réunies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Les recourants soutiennent que le projet querellé ne serait pas conforme au plan localisé de quartier du 17 décembre 2014 et qu'il ne pouvait de ce fait être autorisé. Le cheminement prévu sur la parcelle n° 2'643, en tant qu'il est destiné à desservir une aire de jeux, aurait pour conséquence d'étendre le périmètre du plan à la parcelle n° 2'643 qui n'en ferait pas partie. Il ne s'agirait pas d'une modification mineure du plan qui pourrait être autorisée. Ils dénoncent à ce propos une violation arbitraire de l'art. 3 al. 5 de la loi cantonale générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD; rsGE L 1 35), à teneur duquel les projets de construction établis selon les normes d'une zone de développement doivent être conformes aux plans localisés de quartier en vigueur.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application faite du droit cantonal sous l'angle de l'arbitraire (ATF 144 I 170 consid. 7.3). Une décision ne peut être qualifiée de telle que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 148 II 106 consid. 4.6.1).
Les recourants ne contestent pas ne pas être intervenus dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire portant sur les immeubles des intimées pour se plaindre du fait que la place de jeux prévue par le plan localisé de quartier n'a pas été réalisée. Les arrêts qu'ils citent en référence à l'art. 3 al. 5 LGZD concernent tous des projets de construction inclus dans le périmètre du plan localisé de quartier auxquels ils dérogeaient. Or, tant le cheminement litigieux que la forêt de bouleaux prendraient place en dehors du périmètre du plan localisé de quartier valant plan de site du 17 décembre 2014. Au demeurant, ce n'est pas tant le cheminement prévu sur la parcelle n° 2'643 qui consacrerait selon eux une extension du périmètre et une modification inadmissible dudit plan mais la place de jeux à laquelle devrait mener l'un des embranchements projetés. Or, l'autorisation de construire litigieuse ne porte pas sur un tel ouvrage. L'aménagement d'une place de jeux devra faire l'objet d'une procédure d'autorisation de construire ultérieure. Les recourants pourront, le cas échéant, s'y opposer en reprenant leur argumentation.
La Chambre administrative a certes constaté que l'hypothèse de l'éventuelle future création d'une place de jeux était conforme aux pièces du dossier mais elle a considéré qu'elle n'était pas pertinente dès lors qu'elle ne serait pas construite exclusivement pour l'usage des deux immeubles prévus dans le plan localisé de quartier du 17 décembre 2014 mais qu'elle serait intégrée dans un parc public ouvert au public. On cherche en vain dans le mémoire de recours une argumentation qui permettrait de tenir cette appréciation pour arbitraire. La parcelle n° 2'643 est vouée à un parc accessible au public pouvant accueillir des constructions et des installations d'utilité publique selon le plan localisé de quartier du 31 mars 2013 toujours en vigueur sur ce point. Il n'est pas contestable qu'une place de jeux compte au nombre des installations d'utilité publique susceptibles d'être aménagée dans un parc public. Le fait qu'elle puisse également être utilisée par les occupants des deux bâtiments de logements érigés par les intimées en exécution du plan localisé de quartier du 17 décembre 2014 n'en ferait pas pour autant une place de jeux privée.
Le grief tiré d'une violation de l'art. 3 al. 5 LGZD est dès lors infondé.
3.
Les recourants soutiennent que la plantation d'un bois de bouleaux à vingt mètres des fenêtres de leurs chambres à coucher aurait un grave impact sur leur santé en raison du caractère allergène notoire de cette essence et qu'elle constituerait un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI. L'instance précédente aurait retenu au terme d'un examen insoutenable du dossier que le Service des espaces verts de la Ville de Genève et le Département du territoire avaient examiné le projet en connaissance de cause alors que la dimension allergène des bouleaux et de son impact sur la santé des habitants n'a pas été examinée, et violé arbitrairement cette disposition en niant l'existence d'un tel inconvénient.
La Chambre administrative a constaté à ce propos que le projet en cause était porté par la Ville de Genève, notamment par le Service des espaces verts, spécialisé dans le domaine. Les questions relatives aux essences avaient été posées devant le Conseil municipal, sans que celui-ci n'estime nécessaire qu'une suite y soit donnée. En outre, l'Office cantonal de l'agriculture et de la nature, service spécialisé pour l'agriculture et la nature, avait délivré un préavis détaillé sur plusieurs pages, favorable au projet, après avoir demandé une modification de celui-ci. Enfin, le plan d'aménagement qui accompagnait la demande de permis de construire avait été validé par la personne en charge du dossier dont les coordonnées avaient été données pour les arbres hors forêts. Ces pièces témoignaient du soin apporté par ledit service à l'examen du dossier.
Comme l'a relevé la Cour de justice, la Ville de Genève est propriétaire des parcelles n os 2'631 et 2'643, destinées à accueillir un parc public, sur lesquelles le projet litigieux prendrait place. Il a été élaboré par les intimées, respectivement le bureau mandaté par celles-ci, en étroite collaboration avec les différents services techniques de la ville, dont le Service des espaces verts. Elle ne pouvait ignorer que des bouleaux allaient être plantés. La question de la dimension allergène des bouleaux a d'ailleurs été évoquée et discutée devant la Commission de l'aménagement et de l'environnement du Conseil municipal de la Ville de Genève comme cela ressort du rapport de cette commission du 22 février 2021. Le fait que le Conseil municipal n'ait apparemment pas donné suite aux interrogations de la Commission et à la demande d'interpellation du Service des espaces verts à ce propos ne signifie pas que cette question n'aurait pas été abordée et prise en considération par la Ville de Genève et ses services avant de contresigner la demande d'autorisation de construire déposée par les intimées. Les recourants échouent à démontrer que l'Office cantonal de l'agriculture et de la nature aurait rendu son préavis en méconnaissance de cet élément. Ainsi, en tant qu'il dénonce un examen lacunaire de la question des essences et de leur dimension allergène, le recours est infondé.
Les recourants estiment que les juges précédents auraient dû retenir que l'implantation d'une forêt de bouleaux à une vingtaine de mètres des fenêtres de leurs chambres à coucher était susceptible de constituer un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI. L'arrêt attaqué ne se prononce pas sur cette question. Pour des raisons d'économie de la procédure, il se justifie de ne pas renvoyer la cause à l'instance précédente et de trancher cette question.
L'art. 14 LCI permet au Département de refuser les autorisations prévues à l'art. 1 LCI lorsqu'une construction ou une installation peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a) ou qu'elle ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l'égard des voisins ou du public (let. c).
L'allergie au bouleau se manifeste par des symptômes tels que le larmoiement et le gonflement des yeux, l'écoulement nasal, respectivement dans les cas les plus graves, par des crises d'asthme. Elle est essentiellement due au pollen. Or, la période de floraison se situe de fin mars à fin avril, soit sur une période relativement courte de l'année. La charge pollinique varie d'une année à l'autre en fonction des conditions météorologiques. La sensibilité au pollen du bouleau ne concerne au demeurant qu'une partie de la population. Aucun des recourants n'a allégué être particulièrement sensible à cette essence ou souffrir d'allergies sous une forme aiguë. Cela étant, les conditions requises pour admettre que l'art. 14 LCI ferait obstacle à la plantation de bouleaux ne sont pas réunies.
A tout le moins, sur ce point, l'arrêt attaqué n'est pas insoutenable dans son résultat.
4.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais des recourants qui succombent (art. 65 et 66 al. 1 LTF). La Ville de Genève qui a procédé seule ne saurait prétendre à des dépens. Les intimées, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat, ont droit à une indemnité à titre de dépens à la charge solidaire des recourants (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3.
Les recourants verseront solidairement une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens aux intimées, créancières solidaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Ville de Genève, ainsi qu'au Département du territoire et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 20 octobre 2023
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Parmelin