5A_803/2022 18.10.2023
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_803/2022
Arrêt du 18 octobre 2023
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, Bovey et De Rossa.
Greffière : Mme Dolivo.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Manuela Ryter Godel, avocate,
recourante,
contre
Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud,
route du Signal 8, 1014 Lausanne Adm cant VD,
intimée.
Objet
refus d'assistance judiciaire (mesures provisionnelles, modification des droits parentaux sur un enfant de parents non mariés),
recours contre l'arrêt de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 septembre 2022 (LR14.003718-220888 156).
Faits :
A.
Par arrêt du 13 septembre 2022, la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance rendue le 19 mai 2022 par le Juge de paix du district du Jura-Nord vaudois rejetant sa requête de mesures provisionnelles tendant à la modification des droits parentaux sur l'enfant B.________. Elle a aussi refusé à la recourante le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure cantonale, faute de chances de succès du recours.
B.
Par acte du 17 octobre 2022, A.________ exerce un recours au Tribunal fédéral contre cet arrêt, dont elle conclut à la réforme en ce sens que l'assistance judiciaire lui est accordée et, principalement, qu'une indemnité de 1'299 fr. 95 est allouée à son conseil d'office pour la procédure de recours cantonale, subsidiairement, que la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour fixation de cette indemnité. Plus subsidiairement, elle sollicite l'annulation de l'arrêt cantonal en tant qu'il concerne le refus d'assistance judiciaire et le renvoi de la cause à la juridiction précédente pour nouvelle décision. Elle sollicite aussi le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Considérant en droit :
1.
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), le recours est dirigé contre une décision rendue sur recours par une autorité supérieure statuant, en dernière instance cantonale (art. 75 LTF), sur une requête de mesures provisionnelles tendant à la modification des droits parentaux sur un enfant né hors mariage (à savoir une affaire civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF) et refusant l'assistance judiciaire pour la procédure de recours cantonale.
De jurisprudence constante, une décision de mesures provisionnelles portant sur la modification des droits parentaux sur un enfant de parent non mariés est de nature incidente (arrêts 5A_280/2022 du 18 août 2022 consid. 1; 5A_640/2020 du 25 mars 2021 consid. 1.2). Cela étant, l'autorité précédente a mis un terme à la procédure en ce qui concerne l'octroi de l'assistance judiciaire pour l'instance de recours cantonale. Dans une telle constellation, la décision sur l'assistance judiciaire ne participe pas du caractère incident de la décision de mesures provisoires. Cette question, qui constitue l'unique objet du présent recours, apparaît matériellement finale au sens de l'art. 90 LTF (arrêts 5A_847/2022 du 18 janvier 2023 consid. 1.1; 5D_37/2021 du 2 février 2022 consid. 1.2 [refus de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, dans le cadre d'une décision incidente renvoyant la cause au fond à l'autorité de première instance]). La recourante, dont la requête d'assistance judiciaire a été rejetée par la juridiction précédente, a qualité pour recourir (art. 76 LTF).
2.
S'agissant d'une procédure soumise à l'art. 98 LTF, la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant (" principe d'allégation "; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition, notamment en se contentant d'opposer sa thèse à celle de l'autorité précédente; les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et la référence).
En particulier, une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 141 III 564 consid. 4.1); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7.1, 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3).
3.
En l'espèce, après avoir jugé le recours de A.________ comme manifestement infondé, la Chambre des curatelles lui a refusé le bénéfice de l'assistance judiciaire pour le motif que son acte était " d'emblée dénué de chances de succès à partir du moment où l'intérêt de l'enfant, supérieur à la demande de la mère, ne pouvait que conduire à son rejet ".
La recourante soutient que cette décision consacre une violation des art. 117 CPC et 29 al. 3 Cst.
4.
Dès lors qu'en l'espèce, le refus de l'assistance judiciaire ne peut être critiqué que sous l'angle de la violation des droits constitutionnels (cf. supra consid. 2), la recourante n'est pas admise à faire valoir une violation de l'art. 117 CPC. Ce grief paraît de surcroît irrecevable pour un second motif. L'autorité cantonale a considéré qu'il s'agissait d'une procédure de mesures provisionnelles en matière de protection de l'enfant, au sens de l'art. 445 CC, partant, a appliqué l'art. 117 CPC uniquement à titre de droit cantonal supplétif (art. 12 LVPAE [Loi vaudoise d'application du droit fédéral de la protection de l'adulte et de l'enfant du 29 mai 2012; BLV 211.255]; arrêt 5A_405/2023 du 17 août 2023 consid. 2.1 et 3.4.1), ce que la recourante ne remet pas en cause. Il lui appartenait donc, si elle entendait se plaindre de l'application de l'art. 117 CPC, de le faire en invoquant que celle-ci fût arbitraire et en motivant son grief dans le respect des exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (arrêts 5D_20/2023 du 1er mars 2023 consid. 2; 5A_417/2022 du 5 octobre 2022 consid. 2.1.1).
5.
Le droit à l'assistance judiciaire gratui te est cependant aussi garanti par l'art. 29 al 3 Cst., disposition dont la violation est également invoquée par la recourante, et dont le Tribunal fédéral examine librement si elle a été respectée (ATF 134 I 12 consid. 2.3; 130 I 180 consid. 2.1; arrêts 5D_20/2023 du 1er mars 2023 consid. 2; 5A_417/2022 du 5 octobre 2022 consid. 2.1.1).
5.1. A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.
Selon la jurisprudence, un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre; il n'est en revanche pas dénué de chances de succès lorsque celles-ci et les risques d'échec sont à peu près égaux, ou lorsque les premières ne sont guère inférieures aux seconds. Est déterminante la question de savoir si une partie disposant des ressources financières nécessaires se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Il s'agit d'éviter qu'une partie mène un procès qu'elle ne conduirait pas à ses propres frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 475 consid. 2.2; 138 III 217 consid. 2.2.4).
L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance judiciaire sera ainsi refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés. Il en sera de même si, en droit, la démarche du requérant paraît d'emblée irrecevable, ou juridiquement infondée (arrêt 5A_583/2020 du 9 septembre 2020 consid. 3.1 et la référence). La perspective concrète du recourant d'obtenir entièrement gain de cause n'est pas déterminante; pour que la condition soit remplie, il suffit qu'il existe une chance d'admission même partielle des conclusions (arrêt 5A_858/2012 du 4 février 2013 consid. 3.3.1.2 et la référence). S'agissant plus particulièrement de l'examen des chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce que le contrôle d'une décision contestée soit rendu quasiment impossible. Ce n'est que lorsque le requérant n'oppose aucun argument substantiel à la décision de première instance que le recours peut être considéré comme dénué de chances de succès, en particulier si l'autorité de recours n'a qu'une cognition limitée ou que le recourant doit motiver ses griefs en respectant le principe d'allégation (arrêts 5A_881/2022 du 2 février 2023 consid. 7.1.2 non publié in ATF 149 III 193; 5D_171/2020 du 28 octobre 2020 consid. 3.1; 5A_118/2020 du 27 mai 2020 consid. 6.1.2; 5A_27/2020 du 11 mai 2020 consid. 4.2).
Le juge cantonal dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'examen des chances de succès. Le Tribunal fédéral ne revoit sa décision qu'avec retenue: il doit uniquement vérifier que le juge cantonal ne s'est pas écarté des principes juridiques reconnus en la matière, qu'il n'a pas tenu compte de circonstances qui ne jouent pas de rôle pour le pronostic dans le cas particulier ou, inversement, qu'il n'a pas méconnu des circonstances pertinentes dont il aurait dû tenir compte (parmi plusieurs, arrêt 5A_881/2022 du 2 février 2023 consid. 7.1.3 non publié in ATF 149 III 193).
5.2. La recourante soutient que son recours cantonal ne pouvait être considéré comme d'emblée dénué de chances de succès. Comme cela ressortait de l'arrêt cantonal, il s'agissait d'une affaire longue et complexe. Ses conclusions tendant à un élargissement du droit de visite, respectivement à l'octroi d'une garde partagée à titre provisionnel, n'étaient pas dépourvues de chances de succès, dès lors que, d'une part, dans son rapport du 12 novembre 2021, le curateur de surveillance des relations personnelles avait exposé qu'un essai de garde partagée sur l'enfant était envisageable (cf. arrêt cantonal consid. 26), position qu'il avait maintenue dans ses déterminations du 23 mars 2022, et que, d'autre part, dans un rapport du 15 décembre 2021, la DGEJ avait confirmé l'opportunité d'un tel essai (arrêt cantonal n. 27). Sa position, qui s'appuyait sur l'avis concordant des principaux tiers professionnels de référence, paraissait donc fondée sur des éléments solides. La longue discussion figurant dans l'arrêt cantonal confirmait qu'il était question d'une situation délicate, dans laquelle plusieurs points de vue pouvaient se défendre.
La recourante ajoute que dans la mesure où la Chambre des curatelles a expressément reconnu que l'autorité de première instance s'était rendue coupable d'un déni de justice formel en omettant de statuer sur certaines de ses conclusions, à savoir celles tendant à l'élargissement de son droit de visite, un refus de l'assistance judiciaire était contraire au droit, même si l'autorité précédente avait considéré que le vice dont souffrait la première décision pouvait exceptionnellement être réparé devant elle. En juger autrement impliquerait d'exiger du plaideur lésé par un déni de justice formel qu'il spécule sur le fait qu'une réparation du vice interviendra nécessairement au stade de la procédure de recours et qu'elle lui sera défavorable, de sorte qu'il devrait par anticipation renoncer à son droit fondamental d'obtenir une décision de l'autorité, ce qui ne ferait pas de sens.
5.3. En l'occurrence, si elle fournit des explications sur les raisons pour lesquelles elle estime que sa démarche tendant à obtenir l'élargissement de son droit de visite, voire au prononcé d'une garde alternée, présentait de "sérieuses" chances de succès, la recourante semble omettre que le prononcé de mesures provisionnelles suppose de surcroît toujours qu'il y ait urgence à statuer et qu'une mesure soit nécessaire pour sauvegarder des intérêts menacés (ATF 130 II 149 consid. 2.2; 127 II 132 consid. 3; arrêt 5A_531/2017 du 16 octobre 2017 consid. 5.2). Dans la mesure où dans son recours fédéral, elle n'indique nullement pour quelles raisons il y aurait eu, à première vue, urgence à prononcer des mesures provisionnelles dans le cas d'espèce, elle échoue à démontrer que la Chambre des curatelles a manifestement abusé du large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en considérant, dans le cadre d'un examen sommaire rétrospectif, que les chances de succès de son recours paraissaient notablement inférieures au risque d'échec.
Pour le surplus, contrairement à ce que soutient la recourante, le seul fait que la Chambre des curatelles a admis son grief tiré de la violation par l'autorité de première instance de l'interdiction du déni de justice formel - vice dont elle a considéré qu'il pouvait être réparé en instance cantonale, un renvoi en première instance constituant selon elle une vaine formalité - ne suffit pas à démontrer que cette autorité aurait abusé de son pouvoir d'appréciation, en tant qu'elle a considéré le recours comme dépourvu de chances de succès. L'examen de la requête d'assistance judiciaire nécessitait en effet de déterminer prima facie, au terme d'un examen sommaire, s'il existait une chance d'admission (même partielle) des conclusions prises dans le recours cantonal (cf. supra consid. 5.1), non pas de l'un ou l'autre des griefs soulevés dans le cadre de celui-ci (cf. arrêts 5A_184/2018 du 4 mai 2018 consid. 2; 5A_373/2008 du 7 juillet 2008 consid. 2.2).
6.
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante n'a donc pas droit à des dépens. Compte tenu des circonstances particulières du cas d'espèce, il sera statué sans frais (art. 66 al. 1 in fine LTF). Comme les conclusions étaient d'emblée dénuées de chances de succès, la requête d'assistance judiciaire pour la procédure fédérale doit être rejetée, dans la mesure où elle n'est pas sans objet (art. 64 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée, dans la mesure où elle n'est pas sans objet.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties.
Lausanne, le 18 octobre 2023
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Dolivo