8C_729/2023 10.07.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_729/2023
Arrêt du 10 juillet 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Viscione et Métral.
Greffière : Mme Betschart.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Marlyse Cordonier, avocate,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 28 septembre 2023 (A/1731/2023 ATAS/723/2023).
Faits :
A.
A.________, né en 1989, travaillait comme menuisier pour l'entreprise B.________ Sàrl. À ce titre, il était assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) contre le risque d'accident. Le 16 mai 2022, alors qu'il portait une fenêtre, il s'est arrêté brutalement et la fenêtre a produit un choc contre la face antérieure de son épaule gauche, ce qui a produit une "sensation de grosse gêne", avec perte de mobilité. Les premiers soins ont été prodigués le 18 mai 2022 à l'Hôpital C.________ à U.________ (F). Les radiographies n'ont pas mis en évidence de fracture ou de luxation, et il a été diagnostiquée une contusion. La CNA a pris en charge le cas. Par courrier du 2 août 2022, elle a informé l'assuré qu'elle suspendait le versement de ses prestations dès le 1er août 2022 et émettait toutes réserves quant à l'éventuel droit aux prestations futures.
Dans un avis du 1er novembre 2022, complété le 13 décembre 2022, le docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie et médecin d'arrondissement de la CNA, a conclu qu'il s'agissait d'un choc direct sur la face antérieure de l'épaule gauche, avec pour diagnostic une contusion de l'épaule. Pour ce diagnostic, l'évènement avait fini de déployer ses effets après un délai de deux mois au maximum. Se fondant sur cet avis, la CNA a, par décision du 22 décembre 2022, confirmée sur opposition le 19 avril 2022, clos le cas au 31 juillet 2022.
B.
Par arrêt du 28 septembre 2023, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision sur opposition.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à la CNA pour complément d'instruction et nouvelle décision. Il demande en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
La CNA conclut au rejet du recours. Le tribunal cantonal et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations de l'assurance-accidents au-delà du 31 juillet 2022 (traitement médical et indemnités journalières).
2.2. Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF). Lorsque sont en jeu des prestations en espèces et en nature, comme c'est le cas en l'espèce, le Tribunal fédéral dispose d'un pouvoir d'examen étendu en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (cf. arrêts 8C_13/2021 du 6 septembre 2021 consid. 1.2, in SVR 2022 UV n° 2 p. 4; 8C_416/2019 du 15 juillet 2020 consid. 2 et les références).
3.
3.1. L'arrêt entrepris expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables en l'espèce, s'agissant notamment du droit aux prestations de l'assurance-accidents (art. 6 et 36 LAA), de l'exigence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'événement dommageable et l'atteinte à la santé (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1; 146 V 51 consid. 5.1; 142 V 435 consid. 1; 129 V 177 consid. 3.1 et 3.2), de l'appréciation des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3; cf. aussi ATF 143 V 124 consid. 2.2.2) et particulièrement de l'appréciation anticipée des preuves (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). On peut y renvoyer.
3.2. On rappellera qu'en vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (cf. arrêts 8C_781/2017 du 21 septembre 2018 consid. 5.1, in SVR 2019 UV n° 18 p. 64; 8C_657/2017 du 14 mai 2018 consid. 3.2 et les références, in SVR 2018 UV n° 39 p. 141).
En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1). Le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (arrêt U 355/98 du 9 septembre 1999 consid. 2 et la référence, in RAMA 2000 n° U 363 p. 45). Pour qu'un fait soit établi au degré de la vraisemblance prépondérante, il ne suffit pas qu'il puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 135 V 39 consid. 6.1).
4.
4.1. Les premiers juges se sont appuyés sur les appréciations du docteur D.________ des 1er novembre et 13 décembre 2022 ainsi que des 24 mars et du 4 juillet 2023, auxquelles ils ont reconnu une pleine valeur probante.
4.2. Dans ses appréciations des 1er novembre et 13 décembre 2022, le docteur D.________ a constaté que la santé du recourant était déjà altérée avant l'accident. En effet, un rapport relatif à une imagerie par résonance magnétique (IRM), réalisée le 12 octobre 2022, faisait mention d'une articulation acromio-claviculaire dégénérative avec empreinte sur le muscle sus-épineux pouvant être responsable d'un conflit sous-acromial expliquant la symptomatologie présentée. L'accident n'avait pas causé de lésions telles que fracture, déchirures tendineuses ou musculaires. L'évènement avait fini de déployer ses effets à deux mois du traumatisme.
Le 24 mars 2023, le médecin d'arrondissement a répété que le bilan radiologique réalisée ne mettait pas en évidence de fractures ou d'entorse. Il a expliqué que l'imagerie montrait un acromion agressif de type 2. Une échographie de l'épaule gauche parlait d'une petite lame liquidienne dans la gaine du tendon bicipital, lame liquidienne dont le diagnostic différentiel ouvert était soit hémorragique soit inflammatoire. Selon ce médecin, dans la mesure où l'IRM réalisée quelque temps après l'accident (soit cinq mois après l'accident) mettait en évidence une atteinte chronique avec un conflit sous-acromial au niveau de la coiffe des rotateurs, en particulier une souffrance du tendon du sus-épineux, cette présence liquidienne était probablement inflammatoire. De ce fait, l'expert a considéré, qu'en l'absence de lésion structurelle telle que fracture, déchirure tendineuse ou musculaire, l'évènement avait fini de produire ses effets à deux mois du traumatisme, soit au 19 juillet 2022 en tenant compte d'un traitement dans les règles de l'art et en retenant le diagnostic de contusion simple de l'épaule gauche.
Enfin, dans son appréciation du 29 juin 2023, le docteur D.________ a répondu aux arguments que le recourant avait tiré pour l'essentiel d'un article scientifique (ALEXANDRE LAEDERMANN et al., Lésions transfixiantes dégénératives ou traumatiques de la coiffe des rotateurs, Forum médical Suisse, 2019, p. 260 ss). Il a exposé que le diagnostic différentiel du minime épanchement dans la gaine du tendon du long chef du biceps, constatée à l'échographie du 25 mai 2022, était celui d'une atteinte chronique avec inflammation ou d'une atteinte traumatique, ce qui rendait le lien de causalité avec l'évènement du 16 mai 2022 possible. L'atteinte congestive acromio-claviculaire constatée à l'IRM du 12 octobre 2022 ouvrait le diagnostic différentiel d'une congestion chronique liée à l'atteinte dégénérative comme à une atteinte traumatique. De ce fait, le lien de causalité naturelle avec l'évènement du 16 mai 2022 était possible. Toutefois, il n'y avait pas de raison de s'écarter du diagnostic d'arthrose acromio-claviculaire avec exubérance ostéophytique faisant obstacle sur la structure tendineuse du sus-épineux, qui était objectivé sur l'IRM. L'arthrose acromio-claviculaire avec exubérance ostéophytique n'avait aucun lien avec l'évènement du 16 mai 2022, de manière certaine. Le docteur D.________ a précisé que le développement d'une épaule pseudo-paralytique, si elle pouvait être retrouvée après un accident, pouvait également être retrouvée lors d'une contusion simple de l'épaule, d'une capsulite rétractile, d'une fracture de la clavicule ou de l'humérus proximal ou d'une atteinte ligamentaire de l'articulation acromio-claviculaire. Certaines maladies entraînaient également un tel développement. La présence d'une pseudo-paralysie immédiate, si elle n'était pas pathognomique à une atteinte de la coiffe des rotateurs, pouvait suggérer une telle lésion. Selon le médecin d'arrondissement, l'estimation médicale d'une atteinte chronique ou aiguë d'une lésion de la coiffe des rotateurs se basait sur l'évaluation de plusieurs symptômes, signes, et pondération de ceux-ci. L'absence d'antécédent, de symptomatologie ou de traitement au niveau de l'épaule avait peu de valeur pour l'analyse d'un point de vue médical et diagnostic, tant était fréquente l'affirmation du patient de n'avoir jamais eu de problème d'épaule avant un évènement aigu particulier.
4.3. Les juges cantonaux ont considéré qu'aucun des rapports des médecins traitants ne remettait en question l'appréciation du médecin d'arrondissement. Le seul fait que celui-ci n'avait pas examiné personnellement le recourant ne diminuait pas la valeur probante de son avis, dès lors qu'il s'était fondé sur les appréciations médicales de ses confrères qui avaient eux effectué un tel examen (cf. arrêts 8C_469/2020 du 26 mai 2021 consid. 3.2; U 492/00 du 31 juillet 2001 consid. 3d, in RAMA 2001 n° U 438 p. 345). Par ailleurs, la cour cantonale a constaté que le recourant n'avait présenté aucune appréciation médicale divergente de ses médecins traitants. Ses griefs se fondaient plutôt sur sa propre interprétation d'un article scientifique du docteur Laedermann. Or, le docteur D.________ y avait répondu et avait pris position, le 4 juillet 2023, sur cet article. Compte tenu de la spécialisation et de l'expérience professionnelle de cet expert, ses conclusions ne sauraient être supplantées par l'appréciation toute personnelle d'un article scientifique entreprise par le recourant. Les conclusions du docteur D.________ étaient sérieusement motivées et sans contradictions. Il n'existait non plus de doute, même minime, sur leur fiabilité et validité. Partant, et par appréciation anticipée des preuves, les juges cantonaux ont donc conclu qu'il n'était pas nécessaire de procéder à une expertise judiciaire.
4.4. Le recourant soutient en substance qu'aucune valeur probante ne pourrait être accordée a l'appréciation du docteur D.________ et que ce serait à tort que les premiers juges auraient renoncé à des investigations complémentaires.
4.4.1. Il estime d'abord que l'analyse du médecin d'arrondissement ne serait pas convaincante. Ainsi, ses explications ne démontreraient pas de manière suffisante l'origine maladive ou dégénérative de la lésion à l'épaule et ne permettraient aucunement d'exclure une origine traumatique. Le simple constat de l'existence d'une arthrose ne suffirait pas pour étayer de façon concluante que l'accident aurait cessé de déployer des effets à deux mois du traumatisme. Ceci d'autant moins que le médecin d'arrondissement avait lui-même évoqué à plusieurs reprises la possibilité d'une atteinte traumatique.
On ne saurait toutefois suivre cette argumentation. Le médecin d'arrondissement mentionne certes à plusieurs reprises la possibilité d'une lésion traumatique. Or, comme il a été exposé ci-dessus, la simple possibilité ne suffit pas pour que l'on puisse considérer qu'un fait soit établi (cf. supra consid. 3.3). Contrairement à ce que prétend le recourant, le docteur D.________ expose les raisons pour lesquelles il conclut finalement à une origine dégénérative des lésions constatées, notamment l'absence d'une lésion aiguë structurelle (telle que fracture, déchirure tendineuse ou musculaire au niveau de la coiffe des rotateurs) et la présence d'un conflit sous-acromial au niveau de la coiffe des rotateurs (en particulier une souffrance du tendon du sus-épineux) qui rendait probable l'origine inflammatoire de la petite lame liquidienne dans la gaine du tendon bicipital. Par ailleurs, le recourant se borne à nouveau à renvoyer à l'article du docteur Laedermann cité ci-dessus et n'indique aucun élément médical concret - ressortant par exemple d'un avis d'un médecin traitant - qui serait apte à mettre en doute l'appréciation du docteur D.________.
4.4.2. En outre, le recourant ne peut pas non plus être suivi lorsqu'il soutient que l'avis du docteur D.________ ne tiendrait compte ni des antécédents, ni des plaintes, de l'évolution du mécanisme accidentel ou les résultats de l'imagerie médicale et serait donc incomplet. En effet, la cour cantonale a retenu à juste titre que ce médecin avait mentionné dans sa documentation l'ensemble des rapports médicaux et de la documentation radiologique et qu'il avait soigneusement analysé les pièces médicales avant de prendre ses conclusions.
En ce qui concerne le mécanisme accidentel en particulier, le recourant le décrit comme un "mouvement violent de l'épaule vers l'arrière avec risque potentiel de blessure grave", ce qui serait incompatible avec le diagnostic de simple contusion posé par le docteur D.________. Ce médecin avait toutefois parfaitement connaissance du mécanisme accidentel. En effet, dans la procédure administrative et cantonale, le recourant a indiqué avoir subi un "choc de la fenêtre contre la face antérieure de son épaule" (dans la déclaration d'accident), s'être "cogné assez violemment l'épaule" dans le vitrage (dans le formulaire pour le cas de sinistre du 13 juin 2022) ou encore s'être "percuté dans le haut du bras assez violemment" (dans le questionnaire du 17 août 2022). On voit mal en quoi le fait qu'un mouvement ait comporté un "risque potentiel de blessure grave" impliquerait nécessairement qu'une telle blessure soit ensuite constatée, ni en quoi il exclurait, en l'absence d'une telle blessure, un diagnostic de contusion.
4.5. Il résulte de ce qui précède que la cour cantonale était fondée à déterminer le statu quo sine vel ante sur la base de l'avis du médecin d'arrondissement deux mois après l'accident, sans qu'il fût nécessaire d'administrer des preuves supplémentaires sous la forme d'une expertise médicale.
5.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, a demandé à bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l'assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d'emblée dénué de chances de succès et la requête d'assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. Le recourant doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 10 juillet 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Betschart