1C_479/2023 13.06.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_479/2023
Arrêt du 13 juin 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Merz.
Greffière : Mme Arn.
Participants à la procédure
A.A.________ et B.A.________,
tous les deux représentés par Maîtres Christophe Claude Maillard et Simon Mailler,
recourants,
contre
Préfecture du district de la Glâne,
rue du Château 108, 1680 Romont FR.
Objet
Demande de mise en conformité d'un mur de soutènement,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, IIe Cour administrative, du 2 août 2023
(602 2022 247).
Faits :
A.
A.A.________ et B.A.________ sont copropriétaires de la parcelle n° 5079 du territoire communal de Siviriez, située dans la zone résidentielle à faible densité selon le plan d'aménagement local (PAL) ainsi que dans le secteur du plan d'aménagement de détail (PAD) "Grand Clos".
Le 4 mars 2021, la Commune de Siviriez (ci-après: la commune) a délivré aux précités le permis de construire requis pour la création d'une piscine, mais l'a refusé pour le muret de soutènement. Par décision du 27 mai 2021, le Préfet du district de la Glâne (ci-après: le préfet) a admis le recours déposé par A.A.________ et B.A.________ contre la décision communale et les a autorisés à construire le muret de soutènement.
Les travaux n'ont cependant pas été exécutés conformément au permis de construire, en particulier en ce qui concerne l'implantation et la dimension du mur. Le muret autorisé consistait en la pose d'éléments en L préfabriqués en béton (démontables), sur lesquels une clôture devait être fixée, et devait être implanté au sommet du talus. Or le mur de soutènement réalisé est en béton armé et situé dans le talus.
B.
Les propriétaires ont déposé une demande de mise en conformité du mur de soutènement réalisé. La commune a émis un préavis défavorable, tout comme le Service des constructions et de l'aménagement du canton de Fribourg (SeCA) qui se ralliait à l'avis de la commune. Celle-ci se référait notamment au contenu de la servitude existant en sa faveur pour les conduites et canalisations d'eaux.
Par décision du 20 octobre 2022, le préfet a refusé la demande de mise en conformité. Il a considéré que ce mur ne respectait pas l'art. 18 du règlement du PAD, ni l'art. 60 al. 1 du règlement fribourgeois du 1 er décembre 2009 d'exécution de la loi sur l'aménagement du territoire et les constructions (ReLATeC; RSF 710.11), puisqu'il présentait des hauteurs de 1.45 m en limite avec la parcelle n° 5080 et de 1.6 m en limite avec la parcelle n° 5078, alors qu'il ne devait pas dépasser 1.2 m.
Par arrêt du 2 août 2023, la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté le recours déposé par A.A.________ et B.A.________ contre la décision du 20 octobre 2022. Elle a considéré en substance que le mur de soutènement n'était pas conforme au règlement du PAD et a laissé indécise la question du non-respect de l'art. 60 al. 1 ReLATeC.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.A.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause devant la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils concluent, à titre subsidiaire, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que la demande de légalisation du mur de soutènement est admise.
Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué et conclut au rejet du recours. Les recourants ne répliquent pas.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. Ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué, qui confirme le refus d'autoriser le mur de soutènement réalisé de manière non conforme au permis de construire délivré. Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué; ils ont donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
2.
Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir considéré que l'édification d'un mur de soutènement n'était pas admissible, remettant ainsi en cause la première autorisation de construire entrée en force. Ils font grief à la cour cantonale d'avoir ainsi adopté un comportement contradictoire (art. 5 al. 3 Cst.), d'avoir violé le principe de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) et d'avoir porté atteinte à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.).
2.1. Les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF), la partie recourante devant alors citer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 148 I 127 consid. 4.3). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2).
2.2. À l'appui de leur critique, les recourants mentionnent les art. 5 al. 3, 9 et 26 Cst., sans toutefois exposer la teneur de ces dispositions, ni motiver précisément en quoi celles-ci auraient été méconnues. N'est à cet égard manifestement pas suffisante la simple affirmation selon laquelle le jugement entrepris remettrait en cause, respectivement serait en contradiction avec la première décision préfectorale du 27 mai 2021, entrée en force, qui aurait légitimé sur le principe l'édification d'un mur de soutènement sur la base de l'art. 18 du règlement du PAD. Les griefs invoqués ne répondent ainsi pas aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF et n'ont pas à être traités.
3.
A titre subsidiaire, les recourants se plaignent d'une application arbitraire du droit communal (art. 9 Cst.), à savoir de l'art. 18 du règlement du PAD. Ils soutiennent que la cour cantonale aurait interprété de manière insoutenable la notion de "bâtiment" en retenant que cette notion devait être comprise dans un sens plus large que celle définie dans l'Accord intercantonal du 22 septembre 2005 harmonisant la terminologie dans le domaine des constructions (AIHC; RSF 710.7), à son chiffre 2.1. Les recourants estiment que ce faisant l'instance précédente aurait violé l'art. 48 al. 5 Cst., lequel fait obligation aux cantons de respecter le droit intercantonal.
3.1.
3.1.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal et communal que sous l'angle de l'arbitraire. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Si l'interprétation faite par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3; arrêt 1C_228/2018 du 18 juillet 2019 consid. 9.1). Dans ce contexte, le recourant est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 145 II 32 consid. 5.1; 134 II 244 consid. 2.2).
Le Tribunal fédéral fait en outre preuve de retenue dans les domaines où les autorités locales disposent d'un large pouvoir d'appréciation et qu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales, dont celles-là ont une meilleure connaissance que lui, ou encore de trancher de pures questions d'appréciation (cf. ATF 147 I 393 consid. 5.3.2; 142 I 162 consid. 3.2.2)
3.1.2. Le PAD "Grand clos" a été approuvé par la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l'environnement du canton de Fribourg (DIME), le 7 mai 2015.
L'art. 18 du règlement du PAD a la teneur suivante: "Un secteur du talus englobant le talus existant est défini sur le plan contraignant à l'échelle 1 : 500. Aucun bâtiment n'y est admis".
S'agissant du secteur du talus, le rapport explicatif du PAD (cf. ch. 4.1) mentionne que, parallèlement à la route de la Glâne, il existe un talus assez escarpé et imposant et que, de ce fait, il n'est pas constructible.
3.2. Par la loi cantonale du 2 septembre 2008, le canton de Fribourg a adhéré à l'AIHC. Même si les dispositions de l'accord se trouvent intégrées au droit cantonal, il s'agit de dispositions de droit intercantonal dont le Tribunal fédéral examine librement l'application - contrairement au droit cantonal, revu sous l'angle de l'arbitraire -, conformément à l'art. 95 let. e LTF (cf. arrêts 1C_495/2022 du 7 novembre 2023 consid. 4.2; 1C_540/2018 du 9 mai 2019 consid. 3.1). Le grief de violation du droit intercantonal est toutefois soumis, comme ceux tirés de la violation de droits fondamentaux, aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 249 c. 1.4.2).
La notion de bâtiment est définie dans l'AIHC. Selon le ch. 2.1 de l'annexe 1 à l'AIHC, un bâtiment est une construction immobilière pourvue d'une toiture fixe et généralement fermée abritant des personnes, des animaux ou des choses. Le commentaire de l'AIHC du 3 septembre 2013 précise, sous ch. 2.1, que des installations comme les piscines de plein air, les murs de soutènement, les terrasses ouvertes, les modifications de terrain, les conduites, etc., ne sont pas des bâtiments au sens de l'accord. Sous ch. 2.0, le commentaire précise que l'accord ne définit que la notion de bâtiment (ch. 2.1) et ne se prononce pas sur les autres installations soumises à autorisation de construire, installations qu'il appartient dès lors au droit cantonal de régir.
3.3. En l'espèce, la cour cantonale a retenu, sur la base du ch. 2.1 de l'AIHC et du commentaire y relatif, qu'un mur de soutènement ne constituait pas un bâtiment au sens de l'AIHC. Cela étant, elle a considéré que les circonstances du cas d'espèce montraient que la notion de bâtiment contenue dans l'art. 18 du règlement du PAD devait être comprise dans un sens plus large que celle définie dans l'AIHC et inclure les murs de soutènement. L'instance précédente a en particulier relevé que la parcelle des recourants était grevée de servitudes de passage de conduites d'adduction d'eau et leurs ouvrages annexes et de canalisations d'eaux claires et d'eaux usées, avec chambres, en faveur de la commune et qu'il ressortait des actes authentiques constitutifs de servitude que "le propriétaire ne fera pas et ne laissera pas faire des constructions ou aménagements qui pourraient entraver l'accès aux ouvrages, ou rendre plus onéreux l'exploitation, le contrôle, l'entretien ou le remplacement de la conduite et de ses ouvrages". Ainsi, compte tenu de l'existence des servitudes susmentionnées, de l'emplacement dans le talus des conduites et canalisations concernées et de la volonté exprimée par la commune dans le rapport explicatif du PAD de rendre ce talus inconstructible, la cour cantonale a considéré qu'il devait être clair tant pour les autorités que pour les propriétaires des parcelles situées dans ce secteur que la notion de bâtiment de l'art. 18 du règlement du PAD "Grand Clos" devait être comprise plus largement que celle de l'AIHC. Il existait manifestement une contradiction entre la notion de bâtiment telle que définie dans l'AIHC et la volonté, exprimée de manière constante, par la commune d'interdire toute construction pouvant amener à un remodelage du talus, comme des murs de soutènement, enrochements ou plateforme. Pour la cour cantonale, le préfet avait à juste titre refusé la demande de mise en conformité relative au mur de soutènement. L'instance précédente a par ailleurs expressément invité la commune à modifier et préciser dans ce sens le règlement du PAD "Grand Clos" dans les meilleurs délais.
3.4. Les recourants critiquent l'appréciation de la cour cantonale. Ils relèvent que l'AIHC était déjà en vigueur lorsque le PAD "Grand Clos" et son règlement ont été approuvés par l'autorité cantonale compétente le 7 mai 2015. Ils soutiennent que les cantons "ne peuvent évidemment pas établir des définitions de notions qui seraient en contradiction avec celles qui figurent dans l'AIHC" (cf. message du 15 avril 2008 du Conseil d'État fribourgeois au Grand Conseil accompagnant le projet de loi portant adhésion du canton à l'AIHC).
La critique des recourants doit être rejetée. En effet, la cour cantonale pouvait, sans verser dans l'arbitraire, considérer qu'il existait des raisons objectives permettant d'admettre que la notion de "bâtiment" utilisée à l'art. 18 du règlement du PAD ne correspondait pas à celle de l'AIHC et qu'elle devait être interprétée plus largement pour inclure également les murs de soutènement. Il n'était pas insoutenable de se fonder sur le rapport explicatif du PAD, ainsi que sur le contenu des servitudes pour le passage des conduites et canalisations sur la parcelle des recourants pour considérer en substance que la notion de bâtiment figurant à l'art. 18 du règlement du PAD ne restituait pas le véritable sens voulu par l'auteur de la disposition réglementaire en question, à savoir que le talus demeure libre de toute construction. Le recours à l'AIHC, en ce qui concerne la notion de bâtiment, est dès lors, dans le cas présent, sans pertinence.
La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en confirmant le refus du préfet concernant la demande de mise en conformité relative au mur de soutènement.
3.5. Enfin, les recourants mentionnent toute une série de dispositions de droit cantonal, sans toutefois en exposer la teneur, ni formuler aucun grief recevable au regard de l'art. 106 al. 2 LTF.
4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais de justice, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, à la Préfecture du district de la Glâne et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, IIe Cour administrative.
Lausanne, le 13 juin 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Arn