1C_138/2023 10.06.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_138/2023
Arrêt du 10 juin 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix, Haag, Müller et Merz,
Greffière : Mme Arn.
Participants à la procédure
1. A.________ SA,
2. Fondation B.________,
toutes les deux représentées par
Me Laurent Strawson, avocat,
recourantes,
contre
Grand Conseil de la République et canton de Genève,
case postale 3970, 1211 Genève 3,
intimé.
Objet
Loi modifiant la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre constitutionnelle, du 16 février 2023
(ACST/4/2023 - A/2919/2022-ABST).
Faits :
A.
La société A.________ SA a pour but statutaire notamment le développement et la réalisation de projets immobiliers et de constructions, ainsi que la détention, la gestion, la location et le courtage de biens immobiliers. Elle est propriétaire de la parcelle n° 4'721 de la commune de Lancy (GE) située en zone de développement (ci-après: ZD) et s'est vu transférer, par C.________ SA, une partie du portefeuille de développement détenu par cette dernière en 2020.
Fondation B.________ (ci-après: la fondation), fondation de droit privé, est notamment propriétaire de la parcelle n° 1'992 de la commune d'Onex (GE), précédemment située en zone de jardins familiaux, qui se trouve à proximité de la parcelle n° 790 de la même commune sur laquelle est érigé un groupement scolaire. Le Grand Conseil genevois a adopté la loi 12'618, qui prévoit notamment le déclassement de la parcelle n° 1'992 en ZD 3 affectée à de l'équipement public pour 5'293 m2 et en ZD 3 pour 13'914 m2; s'agissant de la parcelle n° 790, cette loi prévoit la transformation de la ZD 3 affectée à de l'équipement public en ZD 3 pour 12'826 m2. Les parcelles nos 1'992 et 790 ont fait l'objet, en 2014, respectivement en 2016, d'une promesse de droit distinct et permanent (ci-après: DDP) de superficie consentie par la fondation, respectivement la commune d'Onex, en faveur de C.________ SA.
B.
La loi générale genevoise sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD, RS/GE L 1 35) fixe les conditions applicables à l'aménagement et à l'occupation rationnelle des zones de développement affectées à l'habitat, aux commerces et aux autres activités du secteur tertiaire. Cette loi définit les conditions auxquelles le Conseil d'État genevois peut autoriser l'application des normes d'une telle zone (art. 1 LGZD).
L'ancien art. 4A LGZD, entré en vigueur en juillet 2007 dans le cadre de l'adoption de la loi pour la construction de logements d'utilité publique (Loi 10'008) fixait notamment un taux minimum de logement d'utilité publique (LUP) en ZD; cette disposition s'inscrivait dans la continuité de l'accord sur le logement négocié en 2006 entre les principaux partenaires de la politique du logement afin d'établir les fondements de la politique du logement de Genève. Par la suite, un rapport du 14 octobre 2015 du Conseil d'État genevois sur la mise en oeuvre de la nouvelle politique du logement mettait en exergue que le mécanisme de l'art. 4A LGZD n'avait pas atteint les objectifs attendus dans plusieurs domaines, notamment concernant le socle de 20 % de LUP qui n'avait pas été atteint.
C.
Le 26 août 2020, le Conseil d'État a présenté au Grand Conseil genevois un projet de loi PL 12'762 visant à la modification de l'art. 4A LGZD. Le Conseil d'État précisait que ce projet devait garantir la construction de plus de logements locatifs destinés à la classe moyenne, mais également un socle de logements destinés aux locataires les plus défavorisés du canton, ainsi qu'un socle de logements en propriété par étages (PPE) à prix contrôlés. Il s'agissait d'une avancée significative dans le cadre de la politique du logement, permettant plus de mixité sociale sur l'ensemble du territoire pour répondre aux besoins de logements des habitants du canton dans les années à venir.
À l'issue de sa séance du 28 août 2020, le Grand Conseil a adopté la loi 12'762 qui prévoit que, dans les périmètres sis en ZD, les logements à réaliser comportent, en principe, cumulativement, les proportions minimales suivantes: un tiers de logement d'utilité publique (LUP), dont la moitié doit en principe être constituée de logements d'habitation bon marché (HBM) (cf. art. 4A al. 1 let. a et al. 2 LGZD); un tiers de logements locatifs non subventionnées (ZDLOC) (cf. art. 4A al. 1 let. b LGZD); et 20 % de logements en propriété par étages (cf. art. 4A al. 2 LGZD).
D.
Le 6 avril 2022, plusieurs députés ont déposé au Grand Conseil un PL 13'095 modifiant l'art. 4A al. 2 in fine LGZD en vue de préciser que les logements en PPE du programme le soient "en pleine propriété". A l'issue des débats du 20 mai 2022, le Grand Conseil a adopté cette loi 13'095 modifiant la teneur de l'art. 4A al. 2 in fine ("par ailleurs, le programme doit comporter en principe au minimum un cinquième de logements en PPE en pleine propriété").
Le délai référendaire ayant expiré sans avoir été utilisé, le Conseil d'État a promulgué la loi 13'095 pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de sa publication par arrêté du 17 août 2022, publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 19 août 2022.
E.
Par acte du 14 septembre 2022, la société A.________ SA et la fondation ont interjeté recours auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre constitutionnelle ou Cour de justice) contre la loi 13'095 modifiant la LGZD. Celle-ci a rejeté le recours, par arrêt du 16 février 2023.
F.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la société A.________ SA et la fondation demandent, sous suite de frais et dépens, au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal du 16 février 2023, ainsi que, principalement, la loi 13'095 et, subsidiairement, l'art. 4A al. 2 (nouvelle teneur) de la loi modifiant la LGZD introduit par la loi 13'095.
La Chambre constitutionnelle persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Grand Conseil dépose des déterminations et propose le rejet du recours. Les recourantes ne déposent pas de réplique.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 II 113 consid. 1).
1.1. D'après l'art. 87 al. 1 LTF, le recours en matière de droit public est directement recevable contre les actes normatifs cantonaux ne pouvant faire l'objet d'un recours cantonal. En revanche, selon l'art. 87 al. 2 LTF, lorsque le droit cantonal instaure une voie de recours contre les actes normatifs, l'art. 86 LTF, qui prévoit que le recours est recevable contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance, pour autant que le recours devant le Tribunal administratif fédéral ne soit pas ouvert (al. 1 let. d), est applicable.
La loi contestée est un acte normatif cantonal qui peut, dans le canton de Genève, faire l'objet d'un moyen de droit devant la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 [Cst./GE; RS/GE A 2 00] et art. 130B al. 1 let. a de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 [LOJ/GE; RS/GE E 2 05]), statuant en tant qu'unique instance cantonale. L'arrêt entrepris est une décision finale (art. 90 LTF) et la liste des exceptions de l'art. 83 LTF ne s'appliquant pas aux actes normatifs (cf. ATF 149 I 81 consid. 3.3.4 et les arrêts cités), la voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte, étant précisé qu'il s'agit d'un recours abstrait et non pas concret, la loi cantonale étant attaquée directement et non pas au travers d'un acte d'application.
1.2. L'art. 89 al. 1 LTF confère la qualité pour former un recours en matière de droit public à quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Lorsque l'acte attaqué est un acte normatif, l'intérêt personnel requis peut être simplement virtuel; il suffit qu'il existe un minimum de vraisemblance que la partie recourante puisse se voir un jour appliquer les dispositions contestées (ATF 138 I 435 consid. 1.6; arrêts 2C_664/2016 du 25 mars 2020 consid. 1.7.1, non publié in ATF 147 I 16; 2C_1105/2016 du 20 février 2018 consid. 1.3.1, non publié in ATF 144 I 81; 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 2.3). Quant à l'intérêt digne de protection, il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 141 I 78 consid. 3.1; 136 I 49 consid. 2.1).
En l'espèce, dans la mesure où les recourantes sont propriétaires de parcelles situées en ZD, elles sont toutes deux directement concernées par l'art. 4A al. 2 in fine LGZD qu'elles contestent, si bien qu'elles ont qualité pour recourir.
Il y a lieu dès lors lieu d'entrer en matière.
2.
Dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes cantonales, le Tribunal fédéral examine librement la conformité de l'acte normatif litigieux aux droits fondamentaux, à condition que ceux-ci soient invoqués et motivés conformément aux exigences découlant de l'art. 106 al. 2 LTF. Lors de cet examen, il s'impose toutefois une certaine retenue eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et à la proportionnalité. Dans ce contexte, il est décisif que la norme mise en cause puisse, d'après les principes d'interprétation reconnus, se voir attribuer un sens compatible avec les dispositions du droit supérieur invoquées (cf. ATF 149 I 81 consid. 3.3.6; 148 I 160 consid. 2). Le Tribunal fédéral n'annule dès lors une norme cantonale que lorsque celle-ci ne se prête à aucune interprétation conforme à la Constitution (cf. ATF 145 I 73 consid. 2). Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits fondamentaux en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, ainsi que des circonstances dans lesquelles ladite norme sera appliquée (ATF 149 I 105 consid. 2.2; 148 I 160 consid. 2; arrêt 2C_810/2021 du 31 mars 2023 consid. 3.2, non publié in ATF 149 I 191).
Le juge ne doit pas se borner à traiter le problème de manière purement abstraite, mais il lui incombe de prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme au droit supérieur. Les explications de l'autorité cantonale sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition contestée doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard des droits fondamentaux en cause dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, son application puisse se révéler contraire aux droits fondamentaux ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait des normes (ATF 148 I 160 consid. 2; 145 I 73 consid. 2; cf. aussi arrêt 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4).
3.
Les recourantes soutiennent que la Cour de justice aurait violé le principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.), en relation avec les art. 712 ss et 779 CC.
3.1. Selon l'art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 149 I 25 consid. 4.2.1; 143 I 109 consid. 4.2.2; arrêt 1C_235/2023 du 11 mars 2024 consid. 6.1).
La jurisprudence admet qu'il est interdit aux cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail, réglés exhaustivement par le droit fédéral. Les cantons demeurent cependant libres d'édicter des mesures proportionnées destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif, par exemple en soumettant à autorisation la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation. Le Tribunal fédéral a ainsi rappelé à de multiples reprises que les dispositions cantonales qui soumettent à une autorisation les aliénations de logements offerts à la location ou imposent un contrôle des loyers ne sont en principe pas contraires aux règles du droit civil fédéral qui régissent les rapports entre bailleurs et locataires (ATF 149 I 25 consid. 4.2.2; 146 I 70 consid. 5.2.2 et les arrêts cités; voir aussi arrêt 1C_110/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.1).
3.2. Conformément à l'art. 712d CC, la propriété par étages est constituée par inscription au registre foncier (al. 1); l'inscription peut être requise en vertu d'une déclaration du propriétaire du bien-fonds ou du titulaire d'un droit de superficie distinct et permanent, relative à la création de parts de copropriété selon le régime de la propriété par étages (al. 2 ch. 2).
Par ailleurs, un droit de superficie distinct et permanent peut être immatriculé comme immeuble au registre foncier (art. 779 al. 3 CC).
Enfin, selon l'art. 641 al. 1 CC, le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, dans les limites de la loi.
3.3. La loi 12'762 adoptée par le Grand Conseil a la teneur suivante:
Art. 4A Catégories de logements
Proportions de catégories de logements à réaliser
1 Dans les périmètres sis en zone de développement, les logements à réaliser comportent, en principe, cumulativement, les proportions minimales suivantes :
a) un tiers du programme en logements d'utilité publique, au sens de la loi pour la construction de logements d'utilité publique, du 24 mai 2007, destinés aux personnes à revenus modestes; et
b) un tiers du programme en logements locatifs non subventionnés (ZDLOC), destinés à la classe moyenne de la population genevoise; et
c) le solde du programme de logements est laissé au libre choix de celui qui réalise.
Objectifs complémentaires
2 Dans chaque périmètre, soit, selon les cas, à l'échelle du plan localisé de quartier, du plan de zone ou de la région considérée, la moitié du programme de logements visé à l'alinéa 1, lettre a, doit en principe être constituée de logements HBM au sens de l'article 16 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977; par ailleurs, le programme doit comporter en principe au minimum un cinquième de logements en PPE (ZD PPE).
Dérogations
3 Si les circonstances l'exigent, par exemple lorsque le projet ne comporte qu'une seule allée de logements, le département peut accepter de déroger aux proportions énoncées dans le présent article. En principe, dans de tels cas, celui qui réalise des logements doit offrir des compensations équivalentes, de manière à ce que les proportions soient respectées à l'échelle du plan localisé de quartier, du plan de zone, voire de la région considérée. Dans des cas de peu d'importance ou lorsque le plan localisé de quartier est déjà partiellement réalisé, le département peut exceptionnellement renoncer à cette exigence.
Quant à la loi 13'095 - objet du présent recours - modifiant l'art. 4A al. 2 in fine LGZD, elle précise que les logements en PPE du programme le sont "en pleine propriété" ("par ailleurs, le programme doit comporter en principe au minimum un cinquième de logements en PPE en pleine propriété. ").
3.4. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a constaté que l'art. 4A al. 1 LGZD consacre, en ZD, la réglementation des "trois tiers" qui implique que les logements à réaliser comportent en principe un tiers de logements d'utilité publique (LUP; let. a), un tiers de ZDLoc (let. b) et un tiers laissé à la libre appréciation du promoteur (let. c). L'art. 4A al. 2 in fine LGZD prévoit en outre que le programme doit au moins comporter un cinquième de logements en PPE. La cour cantonale a souligné que ce dernier régime ne peut pas s'appliquer aux deux premiers tiers de l'art. 4A al. 1 LGZD et concerne donc uniquement le dernier tiers, à savoir les logements laissés à l'appréciation des promoteurs (let. c). Il en découle que le tiers du programme au sens de l'art. 4A al. 1 let. c LGZD est composé de 20 % de logements en PPE en pleine propriété, conformément à la disposition entreprise et que le solde de 13 % est laissé au libre choix du promoteur qui peut en particulier y réaliser des logements en PPE en droit de superficie.
Pour la cour cantonale, la disposition litigieuse, en exigeant qu'un cinquième du programme comporte des logements en PPE en pleine propriété, n'intervient pas dans la réglementation de la PPE ni du droit de superficie découlant du code civil, pas plus qu'elle ne modifie ou complète ladite réglementation. En outre, la cour cantonale a ajouté que la jurisprudence a rappelé à plusieurs reprises que des dispositions cantonales destinées à combattre la pénurie de logements soumettant notamment à autorisation les aliénations de logements offerts à la location ou imposant un contrôle des loyers ne sont en principe pas contraires aux règles du droit civil fédéral (arrêt 1C_110/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.1 et les réf. cit.).
3.5. Les recourantes affirment, à l'appui de leur critique tirée d'une violation de l'art. 49 al. 1 Cst., que l'art. 4A al. 2 LGZD élude et contredit le sens des prescriptions de droit fédéral relative à la PPE et au droit de superficie, notamment les art. 712 ss CC et 779 CC. Leur argumentation consiste simplement à affirmer que, d'une part, le titulaire d'un droit de superficie sur un bien-fonds en zone de développement serait privé, en vertu de la disposition cantonale litigieuse, de constituer une PPE sur ledit bien-fonds et que, d'autre part, le propriétaire d'un bien-fonds serait privé du droit de constituer en faveur d'un tiers un droit de superficie distinct et permanent. Les recourantes ajoutent que "la PPE (art. 712a ss CC) et le droit de superficie (art. 779 CC) sont des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive". Elles se limitent sur ce point à cette simple affirmation. Force est de constater que l'argumentation présentée par les recourantes est très sommaire. Ces dernières ne développent pas véritablement leur grief et ne cherchent pas à discuter l'argumentation présentée par l'instance précédente sur ce point. Leur critique tirée de la violation du principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.) apparaît ainsi largement appellatoire et il est douteux qu'elle remplisse les exigences générales de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF.
Quoi qu'il en soit, à l'instar de la cour cantonale, il y a lieu d'admettre que la disposition légale attaquée - qui exige qu'un cinquième du programme comporte des logements en PPE en pleine propriété - ne constitue pas une intervention directe dans la réglementation de la PPE ou du droit de superficie découlant du code civil. La restriction litigieuse de l'art. 4A LGZD apparaît en effet étrangère à l'institution de la PPE et à celle du droit de superficie en tant que telles, ainsi qu'à leur organisation. La disposition en cause ne relève pas du droit privé, mais du droit public cantonal. Les recourantes affirment d'ailleurs expressément que "la norme cantonale litigieuse relève essentiellement du domaine de la construction de logement et implicitement de la propriété sous toutes ses formes".
Cela étant, en tant que les recourantes se plaignent essentiellement du fait que les propriétaires d'un bien-fonds ainsi que les titulaires d'un DDP de superficie ne pourraient plus disposer librement de leur droit de propriété, respectivement de leur droit de superficie, leur critique se confond en réalité avec leur second grief tiré de la violation de la garantie de la propriété et de la liberté économique, examiné ci-dessous.
4.
Les recourantes dénoncent également une violation de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et de la liberté économique (art. 27 Cst.). Elles ne contestent pas que la restriction en cause repose sur une base légale formelle. Elles affirment en revanche que l'atteinte à leurs droits est grave et que la nouvelle disposition ne poursuit aucun intérêt public autre que celui déjà poursuivi par l'ancienne disposition. Il n'y aurait aux yeux des recourantes aucun intérêt public à limiter les logements en PPE visés par l'art. 4A al. 2 LGZD uniquement aux PPE en pleine propriété. Cette disposition ne respecterait pas le principe de la proportionnalité dès lors que le droit de superficie pourrait être constitué pour cent ans et pourrait être prolongé.
4.1.
4.1.1. Conformément à l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit reposer sur une base légale, plus particulièrement une loi au sens formel si la restriction est grave (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3). Ainsi, la garantie de la propriété est ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst, qui protège les droits patrimoniaux concrets du propriétaire tel que celui de conserver sa propriété, d'en jouir et de l'aliéner (ATF 145 I 73 consid. 6.1; 131 I 333 consid. 3.1), n'est pas absolue. Comme tout droit fondamental, elle peut être restreinte aux conditions rappelées ci-dessus. L'atteinte au droit de propriété est tenue pour particulièrement grave lorsque la propriété foncière est enlevée de force ou lorsque des interdictions ou des prescriptions positives rendent impossible ou beaucoup plus difficile une utilisation du sol actuelle ou future conforme à sa destination (ATF 140 I 168 consid. 4; 135 I 233 consid. 2.1; 131 I 333 consid. 4.2).
De la même manière, la liberté économique (art. 27 Cst.) peut se voir limitée par des mesures restrictives poursuivant des motifs d'ordre public, de politique sociale ou des mesures ne servant pas en premier lieu des intérêts économiques (arrêt 2C_123/2013 du 16 décembre 2023 consid. 2c non publié à l'ATF 140 I 218). Le droit public peut en particulier interdire, ou au contraire imposer la conclusion de contrats entre certaines personnes, sans que cela ne viole en soi le droit fédéral. La liberté contractuelle, énoncée à l'art. 1 CO, bénéficie certes de la protection assurée par le principe de primauté du droit fédéral (ATF 102 Ia 533 consid 10a). Elle n'est toutefois pas illimitée (cf. art. 19 et 20 CO) et certaines dérogations à cette liberté peuvent aussi se justifier, notamment dans le domaine du logement (ATF 145 I 73 consid. 6.1; 135 I 233; 113 Ia 126 consid. 8c; arrêt 1C_529/2015 du 5 avril 2016 consid. 4.1 publié in SJ 2016 I 313).
4.1.2. Le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 149 I 49 consid. 5.1; 146 I 157 consid. 5.4 et les arrêts cités).
4.2. En droit suisse, la propriété par étages est une copropriété sur un immeuble, organisée de manière que chaque copropriétaire a le droit exclusif d'utiliser et d'aménager intérieurement des parties déterminées d'un bâtiment (art. 712a al. 1 CC). La propriété par étages est réglée par la loi comme une forme particulière de la copropriété (ATF 142 III 551 consid. 2.2; 141 III 357 consid. 3.2). Le droit du propriétaire d'étage se présente ainsi comme un droit de copropriété sui generis, qui comporte deux éléments indissolublement liés, à savoir: un droit de copropriété, qui porte sur l'immeuble tout entier, et un droit exclusif de jouissance et d'administration sur des parties déterminées de l'immeuble (ATF 132 III 9 consid. 3.1).
Le droit de superficie est la servitude par laquelle le propriétaire d'un fonds confère à un tiers le droit d'avoir ou de faire des constructions soit sur le fonds grevé, soit au-dessous (art. 779 al. 1 CC). Un droit de superficie peut être soumis au régime de la propriété par étages, à condition qu'il soit distinct, permanent et immatriculé au registre foncier. Le droit de superficie sert alors d'immeuble de base à la propriété par étages (art. 712d al. 2 ch. 2 CC; cf. MARYSE PRADERVAND-KERNEN, la propriété par étages et le droit de superficie, in Le droit de superficie. Questions pratiques et d'actualité, Guillaume/Pradervand-Kernen éd., 2016, p. 94). A l'expiration de la durée convenue pour le droit de superficie, le superficiaire perd la propriété des constructions qu'il a acquises ou réalisées, et celles-ci sont à nouveau - ou passent - dans la propriété du propriétaire de l'immeuble qui était grevé (cf. PAUL-HENRI STEINAUER, Fin et prolongation du droit de superficie, in ibidem, p. 124).
4.3. En l'espèce, la disposition attaquée par les recourantes porte certes atteinte à la garantie de la propriété, voire à la liberté économique, puisqu'elle implique non seulement la constitution d'une proportion de 20 % de logements PPE en pleine propriété, mais aussi par voie de conséquence l'aliénation de ces logements.
La question de la gravité de l'atteinte portée aux droits des propriétaires ou des promoteurs par la nouvelle disposition peut toutefois demeurer indécise dès lors que cette dernière constitue une base légale formelle suffisamment claire.
Il reste à examiner si la restriction apportée par la modification législative repose sur un intérêt public et satisfait au principe de la proportionnalité. Sur ces points, l'argumentation présentée par les recourantes - qui se résume à trois ou quatre affirmations - ne satisfait manifestement pas aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF en matière de griefs constitutionnels (ATF 142 III 364 consid. 2.4). Quoi qu'il en soit la critique est mal fondée.
4.4. L'intérêt public poursuivi par l'art. 4A al. 2 LGZD, tel que résultant de la loi 12'762 puis de la loi 13'095, est de redistribuer le foncier et de favoriser l'accession à la propriété du logement, tout en assurant un contrôle des prix en zone de développement et en favorisant une certaine mixité sociale. Il s'agit de permettre à la classe moyenne d'accéder à la propriété. La construction de logements et l'accession à la propriété à des fins d'habitation constituent des objectifs consacrés par la Cst. elle-même (art. 108 Cst.) et par la Cst-GE (art. 178 à 182 Cst-GE).
La jurisprudence constante considère que la lutte contre la pénurie de logements correspond à un intérêt public évident (cf. arrêt 1C_529/2015 du 5 avril 2016 consid. 4.3, publié in SJ 2016 I 313, et les nombreuses références citées). Cette lutte peut notamment être entravée par la vente d'appartement à des prix exagérés (cf. ATF 98 Ia 194 consid 2b). Le Tribunal fédéral a dans cette perspective considéré que l'obligation imposée au propriétaire d'un logement en PPE de l'occuper personnellement (cf. art. 5 al. 1 let. b LGZD) poursuivait un intérêt public visant à lutter contre la spéculation et les abus en zone de développement et n'était pas disproportionnée (cf. arrêt 1C_529/2015 précité). Les autorités genevoises avaient alors constaté des dysfonctionnements de plusieurs ordres dans le cadre d'opérations en PPE en zone de développement: certains appartements n'étaient pas vendus durant la période de contrôle; ils étaient loués au maximum du loyer fixé par l'État, puis vendus au prix du marché à l'issue de la période de contrôle. Des lots entiers étaient ainsi acquis par les mêmes personnes, ce qui privait la classe moyenne de l'accès à la propriété d'un logement. L'obligation en question permettait d'éviter les opérations spéculatives en s'assurant que l'acquéreur d'un logement était bien la personne qui l'utiliserait (arrêt 1C_529/2015 précité).
4.5. En zone de développement, les mesures de contrôle de l'État sur les prix de vente ou les loyers ou les autres conditions posées à l'acquisition d'un appartement apparaissent comme une contrepartie à l'intervention étatique: celle-ci a en effet permis, par le déclassement et l'application des règles spécifiques à ce type de zone, une plus-value foncière, une densification des surfaces et une construction à un coût modéré. Dans ce cas, l'État peut dès lors poser certaines conditions propres à la réalisation d'un intérêt public déterminé (arrêts 1C_529/2015 précité; 1C_223, 225 et 289/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.4.1; ATF 98 Ia 194 consid. 2b).
4.6. En l'occurrence, la disposition attaquée, qui fixe un taux minimal de logements en PPE à l'échelle d'un périmètre de la ZD, est apte à atteindre l'objectif recherché qui est de favoriser l'accession à la propriété foncière d'une partie de la population qui n'y aurait autrement pas accès en zone ordinaire.
Les recourantes ne remettent pas en cause le fait que dans la ZD le programme de logements à réaliser à l'échelle d'un périmètre doit prévoir une proportion minimale de 20 % de logements en PPE. Elles se plaignent exclusivement du fait qu'il doit s'agir de 20 % de PPE en pleine propriété, et non pas en droit de superficie. Quoi qu'en disent les recourantes, l'objectif visant à favoriser l'accès à la propriété n'est qu'imparfaitement réalisée par une PPE constituée sur un droit de superficie distinct et permanent. En effet, comme relevé par la Chambre constitutionnelle, bien que son coût soit moins élevé, la PPE en DDP ne permet au superficiaire que de devenir propriétaire des constructions érigées sur le bien-fonds en cause et, à l'expiration du droit de superficie, il perd la propriété desdites constructions qui deviennent partie intégrante du bien-fonds, le propriétaire de celui-ci devenant alors propriétaire des constructions (art. 779c CC). De plus, quoi qu'en disent les recourantes, le droit de superficie ne peut être constitué que pour une durée limitée, sans garantie de reconduction (art. 779l CC).
On relèvera, en lien avec la proportionnalité au sens étroit, que les recourantes ne critiquent pas le constat de la cour cantonale selon lequel ces dernières conservent néanmoins la possibilité de constituer des logements en PPE sur un immeuble objet d'un droit de superficie pour 13 % des logements situés à l'échelle d'un périmètre de la zone de développement, seuls 20 % des logements en PPE devant l'être en pleine propriété. Les recourantes ne pouvaient dès lors pas affirmer de manière aussi péremptoire que tout titulaire d'un droit de superficie distinct et permanent serait empêché de constituer de la PPE en zone de développement. Comme souligné à juste titre par la cour cantonale, les restrictions imposées aux propriétaires en ZD, qui doivent au demeurant concéder certains sacrifices qui sont la contrepartie du déclassement desdites zones (cf. consid. 4.5 ci-dessus), se trouvent en l'occurrence quantitativement limitées. De surcroît, l'art. 4A LGZD laisse un large pouvoir d'appréciation au département dans son application; en effet, la notion de "périmètre" n'est pas définie et le département peut prévoir des dérogations (utilisation de l'expression "en principe" et norme dérogatoire de l'art. 4A al. 3 LGZD).
4.7. Il s'ensuit que les restrictions portées à la garantie de la propriété et à la liberté économique respectent les conditions de l'art. 36 Cst., notamment le principe de la proportionnalité.
5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge des recourantes qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourantes.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre constitutionnelle.
Lausanne, le 10 juin 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Arn