8C_511/2023 08.08.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_511/2023
Arrêt du 8 août 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Wirthlin, Président, Viscione et Métral.
Greffière : Mme von Zwehl.
Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève,
recourant,
contre
A.________,
représentée par Me Charles Piguet, avocat,
intimée.
Objet
Assurance-invalidité (révision; rente d'invalidité),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 15 juin 2023 (A/3619/2022 ATAS/441/2023).
Faits :
A.
A.a. A.________, née en 1966, a travaillé comme femme de chambre dans un hôtel pendant de nombreuses années avant d'être engagée en qualité de femme ménage par l'État de Genève en 2002. Mise en arrêt de travail à 50 % dès le mois d'avril 2016, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité en juillet 2016.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: office AI) a recueilli des informations auprès des médecins traitants de l'assurée, à savoir les docteurs B.________, rhumatologue, C.________, psychiatre, et D.________, généraliste. Ces médecins ont fait état d'un syndrome douloureux somatoforme ainsi que d'un état dépressif d'intensité moyenne. Ultérieurement, ils ont signalé le développement d'une capsulite à l'épaule gauche à la suite d'un accident de la circulation survenu en été 2017, atteinte entraînant une incapacité de travail passagère de 100 %. Répondant à un questionnaire de l'office AI, la psychiatre traitante a déclaré, dans un rapport du 24 juillet 2018, que l'assurée présentait un état d'anxiété et de dépression depuis environ 5 ans et que ses douleurs étaient liées à un passé difficile avec un abus sexuel commis par un membre de la famille et un début d'activité très jeune dans les champs avec ses parents. Malgré l'atteinte à l'épaule gauche qui l'empêchait de lever son bras, l'assurée avait tenu à reprendre le travail en janvier 2018 par crainte de perdre sa place de travail. La journée-type était décrite comme suit: l'assurée se levait tôt pour aller travailler et se reposait sur le canapé à son retour du travail; elle avait beaucoup de difficultés à accomplir ses tâches ménagères en raison de la fatigue et des douleurs et sollicitait l'aide de son mari et de sa fille; elle pleurait beaucoup, manquait de motivation et ne se sentait pas toujours entendue et comprise par ses proches; les sorties et activités plaisantes étaient quasiment inexistantes. La doctoresse E.________, médecin auprès du Service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR), a considéré que l'analyse de la gravité des atteintes psychiques de l'assurée établie par la psychiatre traitante à l'aune des indicateurs pertinents justifiait la reconnaissance d'une incapacité de travail de 50 % dans la profession habituelle. Cela a conduit l'office AI à octroyer à l'assurée une demi-rente d'invalidité dès le 1er avril 2017 (décision du 7 mars 2019).
A.b. Le 25 septembre 2020, A.________ a demandé la révision de son droit à la rente en raison d'une aggravation de son état de santé. L'office AI a derechef requis l'avis des médecins traitants de l'assurée. La doctoresse B.________ a indiqué que sa patiente avait présenté une succession de problèmes somatiques ayant entraîné une décompensation psychique plus sévère, dont notamment une capsulite de l'épaule gauche au décours et nouvellement une capsulite à l'épaule droite d'évolution lente rendant l'activité de nettoyeuse impossible. La doctoresse C.________ a indiqué une péjoration de l'état anxio-dépressif secondairement aux troubles douloureux; sa patiente pleurait beaucoup et souffrait d'anxiété, de fatigue, de troubles de la concentration, d'un sentiment de dévalorisation et avait des difficultés relationnelles. Le docteur D.________ a fait état de douleurs généralisées chroniques impossibles à gérer engendrant une incapacité de travail totale depuis l'été 2020.
L'État de Genève a mis en oeuvre une expertise auprès du docteur F.________, psychiatre. Dans un rapport du 9 janvier 2022, ce médecin a posé les diagnostics d'épisode dépressif moyen (F32.11) et de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.40). Il a fait état de limitations fonctionnelles importantes et durables liés aux douleurs chroniques et à un état d'épuisement physique et psychique avec de la tristesse et de l'anxiété permanentes lesquelles entraînaient une incapacité de travail complète et définitive de l'assurée en tant que nettoyeuse. L'employeur a résilié les rapports de service avec effet au 31 août 2022.
De son côté, l'office AI a confié une expertise bi-disciplinaire aux docteurs G.________, rhumatologue, et H.________, psychiatre, qui ont rendu leur rapport commun en date 4 juillet 2022. L'experte rhumatologue a retenu des lombalgies communes intermittentes sans substrat organique, des cervico-brachialgies, des troubles dégénératifs mineurs et modérés (discrètes discopathies en C4-C5, C5-C6 et C6-C7), une capsulite rétractile à l'épaule gauche au décours ainsi qu'une capsulite rétractile à épaule droite apparue en septembre 2020 et actuellement refroidie. L'expert psychiatre a repris les diagnostics posés précédemment par le docteur F.________. Selon les conclusions consensuelles des deux experts, l'état de santé de l'assurée ne s'était pas modifié depuis la dernière décision de l'office AI; mis à part un arrêt de travail temporaire de 100 % du 1er septembre 2020 au 1er janvier 2021 dû à la capsulite à l'épaule droite, celle-ci disposait d'une capacité de travail de 50 % dans son activité habituelle. Après avoir sollicité l'avis du SMR, l'office AI a refusé d'augmenter la rente d'invalidité par décision du 3 octobre 2022.
B.
Saisie d'un recours de A.________ contre cette décision, la Chambre des assurances sociales de la Cour de Justice de la République et canton de Genève l'a admis, par arrêt du 15 juin 2023. Elle a annulé la décision du 3 octobre 2022 et reconnu le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité dès le 1er décembre 2020.
C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de la décision du 3 octobre 2022. À titre préalable, il requiert l'effet suspensif à son recours.
Par ordonnance du 6 novembre 2023, le Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif.
A.________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que la cour cantonale a considéré que l'état de santé de l'intimée s'est modifié dans une mesure propre à justifier l'octroi d'une rente entière d'invalidité dès le 1er décembre 2020.
2.2. La décision litigieuse par laquelle le recourant a maintenu le droit de l'intimée à une demi-rente d'invalidité date du 3 octobre 2022. Le 1er janvier 2022 est entrée en vigueur la révision de la LAI (modification de la LAI du 19 juin 2020 [Développement continu de l'AI; RO 2021 705]). Le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 reste toutefois applicable pour l'examen d'une éventuelle révision du droit à la rente dès le 1er décembre 2020 (voir ATF 149 II 320 consid. 3 et 138 V 176 consid. 7.1; cf. également la let. c des dispositions transitoires relatives à la modification de la LAI du 19 juin 2020).
2.3. L'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales (dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021) et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la notion d'invalidité (art. 7 et 8 al. 1 LPGA [RS 830.1] en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI), à son évaluation et au droit à la rente d'invalidité (art. 16 LPGA et art. 28 LAI), en particulier s'agissant du caractère invalidant de troubles psychiques (ATF 148 V 49; 143 V 409; 143 V 418; 141 V 281), ainsi qu'à la révision de la rente d'invalidité (art. 17 LPGA et art. 88a al. 2 RAI [RS 831.201]). Il rappelle également les règles applicables à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA) et à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3). Il suffit d'y renvoyer.
3.
3.1. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 145 V 188 consid. 2 précité; 135 II 313 consid. 5.2.2).
3.2. Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent du fait et peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral uniquement sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 142 V 178 consid. 2.4; 137 V 210 consid. 3.4.2.3; 132 V 393 consid. 3.2). On précisera que pour ce qui concerne l'appréciation du caractère invalidant d'un trouble somatoforme douloureux (ou d'une affection psychosomatique comparable), les constatations que l'instance précédente tire des observations et des conclusions des médecins quant au diagnostic et aux répercussions de celui-ci sont des constatations de fait que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire (cf. consid. 3.1 supra). En revanche, le point de savoir si et dans quelle mesure les constatations médicales permettent de conclure à une incapacité de travail (art. 6 LPGA) à l'aune des indicateurs pertinents est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 141 V 281 consid. 7).
4.
La cour cantonale a jugé que l'expertise des docteurs G.________ et H.________ ne pouvait pas se voir reconnaître pleine valeur probante car elle contenait plusieurs contradictions et des lacunes. En ce qui concernait l'aspect somatique, les indications de la rhumatologue sur la durée de l'incapacité de travail de l'assurée imputable à la capsulite rétractile à l'épaule droite étaient pour le moins imprécises et d'ordre théorique. La conclusion de l'experte, selon laquelle l'assurée avait recouvré une capacité de travail entière dans l'activité habituelle au décours de cette capsulite, ne convainquait pas non plus dès lors qu'elle avait observé chez celle-ci, qui est droitière, une diminution des amplitudes du bras droit. Sur le plan psychique, la cour cantonale a relevé que le docteur H.________, tout en reprenant à son compte les diagnostics posés par ses confrères (épisode dépressif moyen et syndrome douloureux somatoforme), n'expliquait pas les raisons pour lesquelles il se distançait de leurs avis au sujet de la capacité de travail de l'assurée. De plus, cet expert n'analysait pas en détail les indicateurs développés par la jurisprudence ou ne les appliquait pas correctement.
Cela étant, la cour cantonale a considéré qu'il n'était pas indispensable de mettre en oeuvre une nouvelle expertise. Se fondant sur les avis des médecins traitants - qui avaient signalé une exacerbation des douleurs à la suite notamment des deux atteintes successives aux épaules et le fait que l'assurée avait désormais de la peine à gérer leur intensité -, elle a constaté une aggravation des symptômes douloureux après 2017. Le diagnostic de trouble somatoforme douloureux étant unanimement admis par tous les médecins consultés, la cour cantonale a procédé elle-même à l'appréciation de la situation à l'aune des indicateurs jurisprudentiels, relevant qu'elle disposait des constatations médicales pour ce faire. À l'issue de son analyse, la cour cantonale est parvenue à la conclusion que la recourante ne disposait plus des ressources nécessaires pour surmonter son trouble et qu'elle était incapable de travailler à 100 % dans toute activité depuis le 1er septembre 2020, ce qui lui donnait droit à une rente entière d'invalidité à partir du 1er décembre 2020.
5.
5.1. Dans un premier moyen, le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir opéré une comparaison des états de fait entre le 7 mars 2019, date de la décision initiale, et le 3 octobre 2022, date de la décision sur révision, et d'avoir ainsi violé les exigences jurisprudentielles applicables en matière d'une révision de la rente au sens de l'art. 17 LPGA.
5.2. En l'espèce, la cour cantonale a exposé la situation médicale de l'intimée qui a conduit à l'octroi d'une demi-rente dès le 1er avril 2017 dans la partie "en fait" de son arrêt, relatant en détail le contenu des rapports des médecins traitants recueillis à l'époque par le recourant. Sont ainsi mentionnés dans l'état de fait de l'arrêt attaqué les diagnostics incapacitants retenus (syndrome douloureux somatoforme persistant et état dépressif moyen), l'évaluation de la capacité de travail ainsi que la motivation médicale les justifiant, en particulier celle fournie par la psychiatre traitante dans son rapport du 24 juillet 2018 sur laquelle s'est appuyée la médecin du SMR pour admettre le caractère invalidant des troubles psychiques présentés par l'intimée à raison d'une incapacité de travail de 50 % dans l'activité habituelle. Dans sa partie en droit, la cour cantonale n'a certes pas expressément rappelé ces considérations médicales, mais elle a constaté, sur la base des nouveaux rapports des médecins traitants, une aggravation de la symptomatologie douloureuse après 2017. La cour cantonale a donc bien procédé à une comparaison des circonstances prévalant aux moments déterminants conformément à l'art. 17 LPGA, étant rappelé que les faits retenus peuvent résulter de différentes parties de l'arrêt attaqué, que celui-ci arrêt forme un tout, et qu'on admet que le juge garde à l'esprit l'ensemble des éléments qui y figurent (arrêts 2C_138/2023 consid. 3.2 du 12 décembre 2023 et 6B_1183/2023 du 19 janvier 2024 consid. 3.3.2). Le grief est infondé.
6.
Dans un second moyen, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des faits figurant au dossier pour l'analyse des indicateurs et d'avoir ainsi arbitrairement retenu l'existence d'une incapacité de travail totale dès le mois de septembre 2020.
6.1. Le recourant fait tout d'abord grief à la cour cantonale d'avoir arbitrairement inféré une résistance au traitement du fait que l'état de santé de l'intimée s'était dégradé malgré une bonne compliance. Il fait valoir que les diagnostics retenus sont les mêmes que lors de la décision initiale d'octroi de rente hormis une capsulite qui n'a pas justifié une incapacité de travail supérieure à six mois, et relève qu'il n'y a eu aucune modification ni dans le traitement médical prescrit ni dans le suivi psychiatrique, qui comprend une ou deux séances par mois. Pour le recourant, ces circonstances plaident en défaveur d'une dégradation significative de l'état de santé de l'intimée depuis 2017 ainsi que d'une résistance au traitement.
Il y a d'emblée lieu de relever - à l'instar de l'intimée dans sa réponse au recours - que le recourant ne critique pas les motifs qui ont conduit la cour cantonale à dénier toute valeur probante aux conclusions des docteurs G.________ et H.________ et à s'en écarter. Le recourant ne critique pas non plus le fait que la cour cantonale n'a pas jugé nécessaire de mettre en oeuvre une nouvelle expertise. En l'occurrence, l'arrêt attaqué constate que la situation médicale de l'intimée s'est aggravée par rapport à 2017 et cette constatation lie le Tribunal fédéral. Par ailleurs, le recourant ne conteste pas que l'intimée se soumet aux recommandations faites par ses médecins traitants. Dans ces conditions, la conclusion qu'en tire la cour cantonale - à savoir celle d'une résistance au traitement - ne prête pas flanc à la critique. Le fait que le traitement médical prodigué n'a pas significativement changé n'est pas déterminant.
6.2. Pour l'indicateur "comorbidités", le recourant soutient que c'est de manière arbitraire que la cour cantonale se limite à se référer aux avis des médecins traitants qui ont déclaré que l'interférence entre les atteintes psychiques et somatiques de l'intimée (notamment les deux capsulites) avait largement entamé les ressources adaptatives de celle-ci. Il souligne que les comorbidités psychiatriques n'ont pas évolué depuis la décision initiale et que les atteintes somatiques constatées chez l'intimée n'entraînent pas d'incapacité de travail durable. À cet égard, la doctoresse G.________ a clairement indiqué que l'état de l'épaule droite de l'intimée s'était stabilisé sans aucune limitation fonctionnelle dans la profession habituelle. Or la cour cantonale n'expliquait pas comment l'influence des atteintes somatiques se serait poursuivie au-delà d'une période de six mois. Par conséquent, l'intimée n'était pas totalement privée de ses ressources personnelles.
La cour cantonale a constaté que les interférences entre le trouble somatoforme et les autres atteintes à la santé de l'intimée, que ce soit au plan psychique ou somatique, avec notamment les capsulites successives, avaient largement entamé les ressources adaptatives de celle-ci, qui n'avait plus été en mesure de faire face à l'augmentation des douleurs comme l'avaient observé ses médecins traitants. On voit mal en quoi le fait d'avoir pris en considération ces comorbidités incontestées, et en particulier la survenance des capsulites rétractiles, permettrait de qualifier d'arbitraires les constatations de la cour cantonale relatives à cet indicateur. Par ailleurs, comme l'a relevé l'instance précédente, le docteur F.________ a confirmé l'avis des médecins traitants relatif à l'épuisement des ressources personnelles de l'intimée face à l'augmentation des douleurs par rapport à la situation de 2017. Enfin, la stabilisation de l'état de l'épaule droite constatée par la doctoresse G.________ n'implique pas nécessairement un retour à la situation qui prévalait auparavant en ce qui concerne l'intensité du trouble somatoforme et ses effets sur la capacité résiduelle de travail. En affirmant que, dans la mesure où les capsulites rétractiles ne sont pas durablement incapacitantes, l'intimée n'est pas privée de toutes ses ressources personnelles, le recourant procède à sa propre appréciation de la situation sans s'appuyer sur un avis médical probant au dossier concluant à une amélioration globale de l'état de santé de l'intimée pour ce motif.
6.3. Le recourant critique également la cour cantonale en tant qu'elle retient chez l'intimée un trait de personnalité rigide qui ne permet pas de présager favorablement des capacités d'adaptation de celle-ci. Il fait remarquer que la présence d'un trouble spécifique de la personnalité au sens d'une classification diagnostique reconnue n'a pas été retenue ni par les médecins traitants ni par les experts.
Il est vrai qu'aucun trouble spécifique de la personnalité n'a été diagnostiqué chez l'intimée. La cour cantonale s'est cependant référée aux considérations du docteur H.________ qui a relevé une rigidité de fonctionnement avec des difficultés à faire des deuils et à mettre en place des stratégies (page 17 de l'expertise). Il n'est pas insoutenable de considérer que ces éléments, bien que non pathologiques, ne laissent pas présager de bonnes capacités d'adaptation. De toute façon, la cour cantonale n'y a pas accordé une portée déterminante dans son analyse globale.
6.4. S'agissant de l'indicateur relatif au contexte social, le recourant reproche ensuite à la cour cantonale de s'être fondé sur des éléments non pertinents comme le parcours de vie difficile de l'intimée pour conclure à un épuisement des ressources de celle-ci alors même qu'il ressort du rapport d'expertise des docteurs G.________ et H.________ qu'elle est bien entourée par sa famille et reçoit des visites d'amis, ce qui devrait être tenu pour un indicateur favorable.
L'indicateur relatif au contexte social a pour fonction d'indiquer si le contexte de vie de la personne assurée peut lui procurer des ressources mobilisables. Sous cet aspect, on doit admettre avec le recourant que la cour cantonale a davantage mis en exergue les conflits émotionnels et les problèmes psycho-sociaux rencontrés par l'intimée - éléments permettant d'asseoir le diagnostic de trouble somatoforme douloureux - que le contexte social actuel de celle-ci. Il résulte cependant d'autres considérants de l'arrêt attaqué que la vie sociale de l'intimée est quasiment inexistante à l'exception de quelques visites. Par ailleurs, si l'intimée peut dans une certaine mesure compter sur l'appui de sa famille, on ne voit pas que cette circonstance viendrait contrebalancer de manière décisive le constat d'un épuisement des ressources personnelles que la cour cantonale a fondé sur les considérations du docteur F.________.
6.5. Finalement, le recourant considère que la cour cantonale a arbitrairement retenu une limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines de la vie de l'intimée justifiant une incapacité de travail totale. S'appuyant sur les conclusions finales des docteurs G.________ et H.________, il relève que les répercussions des atteintes psychiques sur les activités que l'intimée avait l'habitude de faire ne se sont pas modifiées depuis la première décision. La description de la journée type de l'intimée était identique.
Le recourant semble perdre de vue qu'à l'époque de la première décision, l'intimée travaillait encore à 50 %. En tout état de cause, il ne démontre pas le caractère inexact de la description d'une journée-type faite par la cour cantonale sur la base des informations contenues dans l'expertise des docteurs G.________ et H.________. L'arrêt attaqué retient à cet égard que les journées de l'intimée sont uniquement rythmées par ses rendez-vous médicaux et quelques courses occasionnelles; celle-ci ne peut plus assumer la plupart des tâches ménagères et est limitée à de petits travaux; sa vie sociale est quasiment inexistante à l'exception de quelques visites. Ici également, on ne voit pas que la cour cantonale en aurait arbitrairement déduit que les troubles psychiques ont une répercussion importante dans la vie privée de l'intimée, ce que, du reste, le docteur H.________ a également reconnu (voir la page 42 du rapport d'expertise). L'admission du critère de la consistance des troubles n'est donc pas critiquable.
6.6. En définitive, il n'y a pas lieu de remettre en cause l'appréciation de la capacité de travail à laquelle s'est livrée la cour cantonale, étant rappelé que le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychiques procède d'un examen global des éléments susceptibles de fonder une limitation des capacités fonctionnelles de la personne assurée dans l'exercice d'une activité lucrative et ceux pouvant les compenser (ressources). Le recours doit être rejeté.
7.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'assuré (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires arrêtés à 800 fr. sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 8 août 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : von Zwehl