1C_182/2023 16.08.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_182/2023
Arrêt 16 août 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Müller et Merz.
Greffier : M. Alvarez.
Participants à la procédure
Groupement A.________,
représenté par Me David Ecoffey,
recourant,
contre
B.B.________ et C.B.________,
D.D.________ et E.D.________,
F.F.________ et G.F.________,
H.________,
I.________,
J.________,
tous représentés par Me David Ecoffey, avocat,
intimés,
Ville de Bulle,
Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l'environnement de l'État de Fribourg,
Objet
Remise en état hors de la zone à bâtir,
recours contre l'arrêt de la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg du 27 février 2023 (602 2022 113).
Faits :
A.
La parcelle no 1515 du Registre foncier de la Commune de Bulle est affectée en zone agricole selon le plan d'affectation des zones (PAZ). Entouré de terrains agricoles et d'aire forestière, ce bien-fonds se situe, aux points les plus proches, à 470 m d'un quartier d'habitation.
Depuis le début des années 1970, le Groupement A.________ y pratique des activités d'aéromodélisme.
B.
Le 12 avril 1976, la Préfecture de la Gruyère a délivré un permis de construire au Groupement A.________ portant sur l'agrandissement d'une cabane existante par la construction d'une annexe avec réduit et WC. Aucune autorisation spéciale cantonale n'a été délivrée. Le 2 mars 1982, la préfecture a délivré un permis de construire tendant à un nouvel agrandissement de cette cabane. Aucune autorisation cantonale n'a là non plus été délivrée. Le 3 décembre 1990, la préfecture a procédé à une inspection des lieux et constaté la présence d'une piste de décollage de 60 m sur 5 m, d'une cantine-abri, d'un barbecue et d'un treillis de protection, installations réalisées sans autorisation. Le Groupement A.________ a été invité à déposer un dossier en vue de la mise en conformité de ces aménagements. En 1991, le Groupement A.________ a requis l'autorisation de construire un complexe pour modèles réduits; cette procédure n'a pas formellement abouti. Le 16 mars 2010, le Conseil communal de Bulle a délivré un permis pour la construction d'un pavillon; ce projet n'a pas non plus fait l'objet d'une autorisation cantonale spéciale. Par décision du 24 octobre 2011, la préfecture a autorisé la démolition de la cabane mentionnée ci-dessus. Le 18 décembre 2012, la commune a indiqué au Groupement A.________ que l'exécution du pavillon n'était pas conforme aux plans approuvés en mars 2010; sa mise en conformité devait suivre la procédure ordinaire.
La mise en conformité des installations a fait l'objet d'une enquête publique ouverte le 11 septembre 2015. Trois oppositions ont été formées. Le 12 juillet 2018, la direction cantonale compétente (actuellement la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l'environnement [ci-après: DIME]) a refusé d'octroyer l'autorisation spéciale portant sur la légalisation des aménagements réalisés. Par décision du 31 juillet 2018, le préfet a refusé le permis de construire. Par arrêt du 23 avril 2019, le Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté le recours du Groupement A.________ contre ces décisions considérant que l'activité envisagée - l'aéromodélisme - sur la parcelle no 1515 et, par voie de conséquence, les infrastructures aménagées en lien avec celle-ci, ne répondaient pas aux conditions d'une autorisation dérogatoire au sens de l'art. 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700). Sur recours, le Tribunal fédéral a confirmé cet arrêt le 12 mai 2020; il était conforme au droit fédéral d'avoir refusé d'autoriser a posteriori tant l'activité d'aéromodélisme, que les installations en lien avec celle-ci (arrêt 1C_292/2019 du 12 mai 2020).
C.
Le 29 juillet 2020, la DIME a ouvert une procédure de rétablissement de l'état conforme au droit. Par décision du 8 mars 2022, la DIME a ordonné au Groupement A.________ de procéder, dans un délai au 30 juin 2022, au rétablissement d'un état conforme au droit et à la cessation de toute activité autre qu'agricole sur la parcelle no 1515; une mention y relative serait inscrite au Registre foncier.
Le 8 avril 2022, le Groupement A.________ a recouru contre cette décision devant IIe Cour administrative du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg. Par arrêt du 27 février 2023, la cour cantonale a rejeté le recours, confirmant la décision de remise en état du 8 mars 2022 et fixant le délai pour le rétablissement complet d'un état conforme au droit au 30 juin 2023.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et du recours constitutionnel subsidiaire, le Groupement A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt cantonal, de dire que l'aéromodélisme est toléré sur la parcelle no 1515 et que les aménagements réalisés sans permis valable doivent être remis en état dans un nouveau délai raisonnable. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le Groupement A.________ sollicite également l'octroi de l'effet suspensif.
Le Tribunal cantonal, qui n'a pas de remarques particulières à formuler, renvoie aux considérants de son arrêt et conclut au rejet du recours. La DIME en demande également le rejet. La Ville de Bulle n'a pas de remarque supplémentaire à formuler. Les voisins intimés concluent au rejet du recours. Également invité à se prononcer, l'Office fédéral du développement territorial (ARE) estime que l'arrêt attaqué ne prête pas le flanc à la critique et conclut également au rejet du recours. Le Groupement A.________ réplique et persiste dans ses conclusions. Les intimés se sont encore brièvement exprimés, informant le Tribunal de la fin de l'activité de leur mandataire, n'apportant au surplus pas d'élément nouveau en lien avec le fond de la cause.
Par ordonnance du 19 mai 2023, le Président de la I re Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif en tant qu'elle porte sur l'ordre de rétablissement complet de l'état conforme au droit - à l'exclusion des activités d'aéromodélisme dont la cessation a été ordonnée.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de la police des constructions et de l'aménagement du territoire (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. L'association recourante (ci-après: la recourante) a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. En tant que destinataire de l'ordre de remise en état des lieux et de cessation de toute activité autre qu'agricole sur la parcelle no 1515, elle peut se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation du jugement attaqué (cf. ATF 137 II 40 consid. 2.6.4). Elle bénéficie dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière. Il s'ensuit que le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF).
2.
À titre préliminaire, il convient de rappeler que la légalisation a posteriori des installations et de l'activité non agricole exercée sur la parcelle no 1515 a été définitivement écartée par la Cour de céans par arrêt du 12 mai 2020 (cause 1C_292/2019). Ces aspects du litige bénéficient ainsi de la force de chose jugée et ne peuvent être revus (cf. art. 61 LTF; res iudicata; THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, n. 869). Les griefs revenant sur ces questions excèdent ainsi l'objet de la contestation, qui porte uniquement sur le rétablissement d'un état conforme au droit et sur la cessation de toute activité autre qu'agricole sur la parcelle no 1515; à ce titre, ils doivent être déclarés irrecevables (cf. ATF 144 II 359 consid. 4.3 et les arrêts cités; arrêt 1C_593/2022 du 13 septembre 2023 consid. 1). Il en va en particulier ainsi des longs développements en lien avec le prétendu début de l'activité d'aéromodélisme sur la parcelle no 1515 avant le 1er juillet 1972 (établissement inexact des faits, droit d'être entendu), ce dans la mesure où ils tendent in fine à faire reconnaître l'existence d'une situation acquise, au sens de l'art. 24c LAT, à l'exercice de l'"aéromodélisme associatif" - selon les termes de la recourante -, sur la parcelle no 1515. Dès lors qu'il a été définitivement statué sur la contrariété de cette activité à la zone et qu'il a été nié qu'elle puisse être autorisée a posteriori, l'argumentation de la recourante - qu'elle n'a au demeurant pas soulevée au stade de son premier recours au Tribunal fédéral - apparaît tardive et irrecevable. Pour l'examen de la conformité de la décision de remise en état ici querellée, il est suffisant de savoir que l'activité litigieuse a débuté, comme l'a établi le Tribunal cantonal, au début des années 1970, soit il y a plus de 45 ans.
3.
La recourante reproche à l'instance précédente d'avoir nié que le droit d'exiger la remise en état et la cessation d'une activité exercée depuis plus de 45 ans était périmé, en d'autres termes, de n'avoir pas tenu compte du délai de péremption de 30 ans. Elle soutient que l'arrêt du 28 avril 2021 publié aux ATF 147 II 309, dans lequel le Tribunal fédéral a jugé que ce délai ne s'appliquait pas hors de la zone à bâtir, constituerait un revirement de jurisprudence; à ce titre, il ne saurait, selon elle, s'appliquer à la présente procédure de remise en état ouverte antérieurement, le 29 juillet 2020, sauf à consacrer un effet rétroactif contraire à la sécurité du droit.
Contrairement à ce que soutient la recourante, les principes dégagés par le Tribunal fédéral dans l'ATF 147 II 309 ne relèvent pas d'un revirement de jurisprudence, mais de l'apport d'une précision. Il ressort en effet de l'analyse de la jurisprudence réalisée dans le cadre de cet arrêt que si un délai de péremption de 30 ans a certes été mentionné dans certains précédents non publiés, rendus dans une composition à trois juges, cet aspect n'y était toutefois pas déterminant (cf. ATF 147 II 309 consid. 4.2 et les nombreux arrêts cités). En revanche, cette question de principe a été laissée expressément ouverte dans différents autres arrêts publiés ( ibidem); aussi cette problématique n'avait-elle jamais été analysée de manière fondamentale par le Tribunal fédéral, justifiant son examen dans le cas particulier (cf. ATF 147 II 309 consid. 4.4). Cette jurisprudence doit ainsi s'appliquer immédiatement et valoir pour les cas futurs ainsi que pour les affaires pendantes (arrêt 1C_42/2016 du 14 septembre 2016 consid. 5.5.1; voir également arrêt 1C_566/2022 du 1er décembre 2022 consid. 2). L'interdiction de la rétroactivité ne fait pas obstacle à l'application de cette jurisprudence à des faits ayant pris naissance antérieurement, mais qui déploient encore des effets dans le temps (rétroactivité improprement dite), sous réserve des droits acquis (cf. ATF 140 V 154 consid. 6.3.2; 122 I 57 consid. 3 c/bb; PIERRE MOOR ET AL., Droit administratif, vol. I, 2012, n. 2.1.3.2 p. 87), exception non réalisée en l'espèce (cf. ULRICH HÄFELIN/GEORG MÜLLER/FELIX UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd. 2020, n. 1237 ss, en particulier n. 1244; RUDOLF MUGGLI, in Commentaire pratique LAT: Construire hors de la zone à bâtir, 2017, n. 11). Enfin, le "changement législatif" en matière de péremption dont se prévaut encore la recourante ne lui est d'aucun secours: l'art. 25 al. 5 LAT, adopté le 29 septembre 2023, prévoyant que "le droit au rétablissement de la situation conforme se prescrit après 30 ans [...]", n'est en effet pas encore en vigueur (FF 2023 p. 2488 ss); il ne saurait s'appliquer à titre anticipé (cf. arrêts 1C_667/2023 du 3 juin 2024 consid. 4.5.3; 1C_452/2023 du 31 mai 2024 consid. 8).
Le grief est rejeté.
4.
La recourante estime que l'ordre de remise en état, singulièrement la cessation de toute activité autre qu'agricole sur la parcelle no 1515, consacrerait une atteinte à la garantie de la propriété, sous l'angle du principe de la proportionnalité et de la protection de la bonne foi; elle se prévaut également d'arbitraire.
4.1. Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir ou encore qu'une activité contraire à l'affectation de la zone soumise à autorisation y est exercée sans droit, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit (cf. ATF 119 Ib 222 consid. 3b p. 227 in fine et la référence à l'ATF 114 Ib 314 consid. 2c; arrêt 1C_375/2019 du 26 mars 2021 consid. 3.4.1; pour le cas particulier, arrêt 1C_292/2019 du 12 mai 2020 consid. 4.3-4.3.2; voir également arrêt 1C_477/2014 du 22 décembre 2015 consid. 5.2). Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (ATF 147 II 309 consid 5.5; arrêts 1C_582/2021 du 21 février 2023 consid. 6.1; 1C_533/2021 du 19 janvier 2023 consid. 5; cf. art. 14 al. 2, 16 al. 1, 22 al. 2 let. a et 24 ss LAT). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte. Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (ATF 132 II 21 consid. 6.4) ainsi que le respect du principe de l'égalité de traitement devant la loi (arrêts 1C_189/2022 du 13 janvier 2023 consid. 2.2; 1C_8/2022 du 5 décembre 2022 consid. 4.1).
4.1.1. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 149 I 49 consid. 5.1; 146 I 157 consid. 5.4 et les arrêts cités).
Un ordre de démolir une construction édifiée sans droit et pour laquelle une autorisation ne peut être accordée n'est en soi pas contraire au principe de la proportionnalité. Dans le cadre du principe de la proportionnalité au sens étroit, l'autorité peut renoncer à une telle mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 132 II 21 consid. 6; 123 II 248 consid. 3a/bb). Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a; 111 Ib 213 consid. 6b).
S'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale, qui contrevient au principe fondamental en matière d'aménagement du territoire de la séparation du territoire bâti et non bâti, ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (ATF 147 II 309 consid. 5.5 et 5.6; voir également consid. 3 ci-dessus).
4.1.2. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de celles-ci. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée et que l'intérêt à l'application correcte du droit n'apparaisse pas prépondérant (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2).
4.1.3. En règle générale, le Tribunal fédéral examine librement si un ordre de remise en état, qui constitue une restriction du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 Cst., est justifié par un intérêt public suffisant et respecte le principe de la proportionnalité (arrêt 1C_622/2021 du 1er juin 2022 consid. 3.1).
4.2. À la lumière des conclusions prises par la recourante, l'objet du litige est cantonné à l'interdiction de pratiquer l'aéromodélisme, plus particulièrement toute activité autre qu'agricole sur la parcelle n o 1515 (cf. Faits, let. D ci-dessus). La non-conformité avec la zone - et son caractère non autorisable - de cette activité sur la parcelle no 1515 n'est en revanche plus litigieuse, cet aspect ayant été définitivement jugé dans l'arrêt du 1C_292/2019 du 12 mai 2020 (cf. en particulier consid. 5.6; voir également consid. 2 ci-dessus).
4.3. Comme le Tribunal fédéral l'a retenu dans ce premier arrêt, l'activité litigieuse compromet en particulier le principe de la séparation du territoire bâti et non bâti, principe de rang constitutionnel essentiel en matière d'aménagement du territoire (cf. arrêt 1C_292/2019 du 12 mai 2020 consid. 5-5.4). Contrairement à ce que semble sous-entendre la recourante, le désassujettissement de la parcelle n o 1515 de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR; RS 211.412.11) n'a nullement pour effet d'attribuer ce bien-fonds à la zone constructible ou encore d'exclure un retour à sa vocation agricole, ce à défaut de mesure de planification au sens de la LAT (cf. art. 33 LAT; FRANÇOIS ZÜRCHER, La coordination entre aménagement du territoire et droit foncier rural: Quand? Pourquoi? Comment?, in: VLP-ASPAN Territoire et Environnement 2004, ch. 1.2 p. 2 s.); cet élément demeure en l'espèce sans influence; aussi le principe cardinal de la séparation entre territoire construit et non construit conserve-t-il ici sa pleine vigueur.
4.4. Quant à la dérogation qu'entraîne l'activité d'aéromodélisme, elle ne saurait être qualifiée de mineure: outre que la recourante exerce sans autorisation valable une activité contraire à l'affectation de la zone, celle-ci se déroule sur une parcelle agricole de plus 3'500 m². De plus, l'activité d'aéromodélisme pratiquée par la recourante - "aéromodélisme associatif" selon ses termes - constitue une activité organisée et régulière, qui à ce titre met non seulement à mal la préservation de la destination agricole de la zone, mais emporte avec elle une série d'atteintes et de nuisances à l'environnement. Il est en effet indéniable qu'une telle activité entraîne des nuisances sonores (cf. décision de la DIME du 8 mars 2022, consid. 5e, p. 12). À cet égard, le fait que les valeurs de planification soient prétendument respectées - ce qui ne ressort cependant pas des constatations cantonales et demeure contesté par les intimés - n'y change rien: celles-ci ne sont pas directement pertinentes, dans la mesure où elles servent à la planification de nouvelles zones à bâtir pour la protection contre de nouvelles installations fixes bruyantes (cf. art. 23 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 [LPE; RS 814.01]); elles ne constituent pas un critère absolu pour l'admissibilité du bruit causé par des utilisations étrangères à la zone. C'est au surplus de manière appellatoire, se référant à ses propres moyens de preuves, sans démontrer l'arbitraire dans leur appréciation au mépris des exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, que la recourante se prévaut des améliorations techniques des modèles réduits pour en inférer une diminution des nuisances. À cela s'ajoute encore notamment, à la lumière des photographies versées au dossier, que les membres, ou certains d'entre eux, se rendent sur le site en voiture, voire en camping-car. On relèvera enfin que le Tribunal cantonal fribourgeois avait, dans son premier jugement, retenu l'existence d'effets sur l'environnement, sur lesquels la recourante n'était alors pas revenue, ce qu'a constaté le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 mai 2020 (cf. arrêt 1C_292/2019 consid. 4.3.2).
4.5. À cela, la recourante oppose une violation grave de son droit de propriété. On ne saurait cependant la suivre dès lors qu'une utilisation conforme à la zone demeure possible (cf. ATF 140 I 168 consid. 4; arrêt 1C_600/2023 du 26 avril 2024 consid. 5.1, destiné à publication). À la comprendre, elle invoque également une violation du principe de l'égalité de traitement, ancré à l'art. 8 Cst.: elle se contente à cet égard cependant d'affirmer sans réelle explication qu'elle devrait bénéficier d'un traitement similaire à celui de l'association concernée dans l'arrêt 1A.1/2005 du 11 novembre 2005, ce qui est insuffisant, s'agissant d'un grief constitutionnel, sous l'angle des exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. C'est également en vain que la recourante se prévaut de la liberté d'association ancrée à l'art. 23 Cst., arguant que l'interdiction querellée entraînerait sa disparition, son but statutaire étant, selon ses dires, "d'utiliser l'art. 1515 RF Bulle pour l'aéromodélisme": outre que cette critique n'est pas suffisamment motivée (cf. art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 142 III 364 consid. 2.4), il n'apparaît pas que la recourante serait empêchée de poursuivre son activité sur une autre parcelle présentant une affectation compatible à ce type d'activité. Dans le même ordre d'idée, elle fait encore valoir que l'aéromodélisme revêtirait un intérêt important qui ne se limiterait pas à ses seuls membres et présenterait une portée économique certaine. Elle se réfère à cet égard à un "rapport du 2 novembre 2020 relatif à la motion 20.3916 du Conseil national, Ne pas appliquer à l'aéromodélisme la réglementation de l'UE relative aux drones". Il s'agit cependant des développements en lien avec le dépôt de cette motion et de propos d'ordre général (cf. rapport de la Commission des transports et des télécommunications du 2 novembre 2020, ch. 1.2, p. 2) dont on ne peut déduire - la recourante ne fournissant au demeurant aucun élément supplémentaire - que, dans le cas particulier, l'activité d'aéromodélisme sur la parcelle no 1515 dépasserait le simple intérêt privé de ses membres à pratiquer leur hobby, intérêt qui - à l'instar d'un intérêt strictement économique - ne pèse pas lourd face au principe de la séparation du territoire bâti et non bâti (cf. arrêt 1C_131/2019 du 17 juin 2019 consid. 3.4). La recourante avance aussi l'intérêt public à concentrer l'activité d'aéromodélisme en un seul lieu. Si cela est certes défendable, comme l'a reconnu l'instance précédente, cela accroît non seulement l'atteinte au principe de la séparation du territoire bâti et non bâti, mais également, par l'effet de cette concentration et la création de rassemblements d'une certaine importance, les nuisances hors de la zone à bâtir pour l'exercice, sans autorisation, d'un loisir privé.
4.6. La recourante se prévaut encore de l'écoulement du temps et reproche à l'instance précédente d'avoir nié sa bonne foi. Si le Tribunal cantonal a certes émis des doutes quant à la bonne foi de la recourante, il ne l'a pas pour autant exclue - sous réserve de la question du retour à une utilisation identique à celle de 1972 (cf. arrêt attaqué, consid. 4.2 p. 11 s.). Quoi qu'il en soit et indépendamment du temps écoulé, la recourante ne peut ici rien tirer des autorisations qui lui ont été délivrées: celles-ci l'ont été par des autorités incompétentes (cf. arrêt 1C_292/2019 du 12 mai 2020 consid. 4.3.1; art. 25 al. 2 LAT), vice sanctionné par leur nullité (cf. arrêts 1C_537/2011 du 26 avril 2012 consid. 2.2.1 et 2.3.3; 1C_486/2015 du 24 mai 2016 consid. 3.1; 1A_1/2005 consid. 8.3). La recourante ne saurait par ailleurs pas non plus déduire du fait que l'autorité cantonale compétente a tardé à agir une assurance particulière quant à la poursuite d'une activité illégale à long terme en zone agricole; sa bonne foi - fût-elle établie - ne saurait la protéger contre une intervention de l'autorité de surveillance destinée à rétablir une situation conforme au droit (cf. arrêts 1C_53/2022 du 15 mai 2023 consid. 4.2; 1A.2005 du 11 novembre 2005 consid. 8.3). Il est vrai que la jurisprudence commande de tenir compte de ce type de situations et cite l'adoption de solutions spécifiques, à l'instar d'atermoiements permettant par exemple l'amortissement d'installations réalisées de bonne foi ou encore des délais de remise en état plus longs; elle exclut cependant qu'une utilisation illégale, qui contrevient au principe fondamental en matière d'aménagement du territoire de la séparation du territoire bâti et non bâti, se poursuive indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (cf. ATF 147 II 309 consid. 5.5 et 5.6; arrêt 1C_53/2022 du 15 mai 2023 consid. 4.1.2).
Il faut par ailleurs concéder à l'instance précédente que la prétendue bonne foi de la recourante ne saurait lui permettre de revenir à la situation de 1972. Comme déjà évoqué, les modèles réduits ont considérablement évolué depuis cette époque; les différentes installations réalisées - sans autorisation - sur la parcelle no 1515 ont par ailleurs été régulièrement adaptées aux besoins des utilisateurs, si bien qu'il n'est pas raisonnablement soutenable que l'activité pourrait redevenir telle qu'elle était au début des années 1970 même sans piste bitumée (cf. arrêt 1C_477/2014 du 22 décembre 2015 consid. 5.2). Compte tenu de ces nombreuses modifications de la pratique de l'aéromodélisme et des adaptations des installations liées à cette activité sur la parcelle no 1515 intervenues au fil du temps, l'activité de la recourante n'est à l'évidence plus pratiquée comme dans les années 1970; aussi un retour à cette pratique ancienne - fût-elle possible - ne pourrait se concevoir, comme l'a considéré l'instance précédente, sans la délivrance d'une autorisation. Or, il a déjà été jugé que la pratique de l'aéromodélisme sur la parcelle no 1515 n'était pas autorisable (cf. arrêt 1C_292/2019 du arrêt du 12 mai 2020 consid. 5.6), ce qui scelle le sort de la critique.
4.7. L'interdiction prononcée apparaît enfin apte et nécessaire pour atteindre le but poursuivi, à savoir le respect du principe cardinal de la séparation du territoire bâti et non bâti ainsi que la préservation de la destination agricole de la zone. Pour les motifs évoqués ci-dessus, une activité, même limitée par la seule conservation d'une piste en herbe ne contreviendrait pas seulement à ces principes, mais n'irait pas sans entraîner également une série de nuisances justifiant l'interdiction prononcée (cf. arrêt 1C_477/2014 du 22 décembre 2015 consid. 5.2). Au terme de la pesée des intérêts opérée par l'instance précédente, qui doit être confirmée, on ne décèle à l'opposé pas d'intérêt qui devrait ici avoir le pas sur une application stricte de ces principes d'aménagement du territoire, la poursuite de l'activité défendue par la recourante se limitant en définitive à la pratique d'un loisir dans le seul intérêt de ses membres, qui n'apparaît pas prépondérant.
4.8. Tout bien considéré, l'appréciation de l'instance précédente confirmant l'ordre de cesser toute activité autre qu'agricole sur la parcelle no 1515 apparaît conforme au droit - et échappe partant également au grief d'arbitraire soulevé laconiquement -; elle doit être confirmée et le grief rejeté.
5.
La recourante conclut enfin que les aménagements réalisés sans permis valable doivent être remis en état dans un nouveau délai raisonnable. Elle ne fournit cependant aucune motivation à l'appui de cette conclusion; elle ne prétend en particulier pas que le délai au 30 juin 2022, imparti par la décision du 8 mars 2022 - soit environ quatre mois - et son report par le Tribunal cantonal au 30 juin 2023 violeraient le principe de la proportionnalité, ou seraient d'une autre manière contraires au droit. Il y a partant lieu d'impartir à la recourante un nouveau délai d'une durée analogue, arrêté au 31 décembre 2024, pour procéder à la remise en conformité ordonnée. Il n'y a en revanche pas lieu de fixer de délai s'agissant de l'ordre de cesser toute activité autre qu'agricole sur la parcelle no 1515, l'arrêt attaqué n'ayant sur ce point pas été assorti de l'effet suspensif.
6.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire et au rejet du recours en matière de droit public, dans la mesure de sa recevabilité, au frais de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés, qui obtiennent gain de cause et ont, pour l'essentiel de la procédure, été assistés d'un avocat, ont droit à des dépens (art. 68 al. 3 et 5 LTF). La DIME et la Ville de Bulle n'y ont en revanche pas droit (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
2.
Le recours en matière de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. Le délai au 30 juin 2023 fixé à la recourante pour procéder aux mesures de remise en état ordonnées est reporté au 31 décembre 2024.
3.
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée aux intimés, solidairement entre eux, à titre de dépens, à la charge de la recourante.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Ville de Bulle, à la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l'environnement de l'État de Fribourg, à la II e Cour administrative du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial.
Lausanne, le 16 août 2024
Au nom de la I re Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Alvarez